ECOACS, comme Etudes COllectées sur les Actions Secondaires, est une base de données mise en ligne en 2002 à partir d'un travail initié au début des années 70 et qui se poursuit aujourd'hui. Elle est au service des bonnes pratiques phytosanitaires. La consulter aide à choisir ses produits en connaissant leurs actions secondaires, autrement dit effets non intentionnels.
Un peu d'histoire
Années soixante, la découverte des actions secondaires
C'est à la fin des années soixante que la notion « d'actions secondaires » ou « effets non intentionnels (ENI) » des produits phytosanitaires commence à devenir une préoccupation pour la production viticole et arboricole. On signale notamment la survenue de pullulations d'acariens en dépit d'une utilisation intensive de traitements acaricides, et en lien avec l'usage de certains produits.
Années 70, premiers documents, y compris dans Phytoma
Dès 1971, suite à de nombreuses demandes de producteurs et de particuliers, un premier document sur le « choix des produits pesticides en arboriculture fruitière et en viticulture » est diffusé par la station d'avertissements agricoles Midi-Pyrénées (Besson et Joly). Ce document est orienté sur les inefficacités observées sur les acariens, ainsi que l'oïdium et la pourriture grise de la vigne.
La période correspond aussi au début de la vulgarisation des notions de lutte raisonnée et lutte intégrée. Ces notions font l'objet de premiers développements dans divers documents techniques spécialisés en protection des cultures.
Dès lors, une collaboration entre le Service de la protection des végétaux (SPV) et l'industrie phytosanitaire se met en place fin 1972 sous forme d'un groupe de travail mixte. Objectif : rassembler, collecter, interpréter les actions secondaires des pesticides. Trois répertoires successifs sont publiés dans Phytoma. Ils sont directement utilisables par les agriculteurs et prescripteurs.
Règles strictes de travail pour six éditions successives
Devant l'afflux de nouvelles données et la relative complexité des effets observés, il devient vite nécessaire d'élaborer des règles strictes de travail pour l'analyse et la synthèse des données.
Il faut en effet traiter avec le plus d'objectivité possible chaque document technique relatant des ENI de produits de protection des plantes. Ensuite il faut agréger l'ensemble des résultats obtenus, quels que soient leurs lieux et méthodologies expérimentales d'obtention et leur type de présentation.
De 1978 à 2002, les six éditions successives du recueil des ENI des produits phytosanitaires ont présenté des synthèses avec des résultats fiables. Ils sont obtenus selon des dispositifs expérimentaux adéquats et validés par des tests d'analyses statistiques reconnus, analysés et synthétisés selon des règles transparentes.
Naissance d'ECOACS, base de données sur internet
Suite à la dernière édition papier de 2002 parue à l'ACTA, les données analysées sont actuellement répertoriées au sein de la base informatique ECOACS de la DGAL. Celles synthétisées sont accessibles au public sur la base e-phy (voir « Pour en savoir plus » p. 25).
Que contient cette base d'information ?
Des données sur 5 grands types d'actions
Consultables en ligne à partir d'e-phy, les données de la base ECOACS sont analysées par le groupe de travail du même nom et gérées par Gilbert Chauvel, coordinateur de ce groupe. Pour chaque SA (substance active), elles sont réparties en rubriques recouvrant 5 grands types d'actions :
Actions 01 : Effets non intentionnels des pesticides et produits de biocontrôle sur les organismes utiles (auxiliaires prédateurs et parasitoïdes, organismes antagonistes, insectes pollinisateurs, faune du sol intervenant dans la transformation de la matière organique, mycorhizes, etc.)
Actions 02 : Effets sur les organismes nuisibles, mais autres que ceux pour lesquels sont autorisés des pesticides et produits de biocontrôle ; exemple : herbicide du sol ayant des effets fongicides, insecticide ayant des effets fongicides.
Actions 03 : Phénomènes de résistance pratique observés au champ ou sous serre, résistance détectée au laboratoire sans qu'aucun effet n'ait été détecté au champ, résistance sélectionnée au laboratoire chez des organismes utiles (ex : vis-à-vis de certaines SA pour les phytoséiides ou divers autres auxiliaires).
Actions 04 : Actions sur les plantes (phytotoxicité, russeting sur fruits, action sur la croissance-développement, germination des semences, etc.)
Actions 05 : Actions diverses : qualité des denrées, effets sur les fermentations des moûts, le goût, la photosynthèse, les mycotoxines, la microflore du sol, les cycles de la matière organique (MO), etc.
Qualificatifs donnés
Les divers effets non intentionnels analysés donnés pour chacune des SA se traduisent :
pour les effets sur des organismes utiles, par des qualificatifs de toxicité (très toxique TTO, toxique TOX, moyennement toxique MTO, peu toxique PTO, et Neutre NEU, ou « renseignements contradictoires »),
par des qualificatifs d'état des résistances (résistance pratique, détectée ou créée au laboratoire) pour les résistances,
par des qualificatifs de tendance tels que « favorisant » ou « freinateur » pour les effets non intentionnels correspondant aux types d'actions 02, 04 et 05.
La base de données ECOACS, constituée dans sa forme actuelle depuis une douzaine d'années, regroupe des effets non intentionnels liés à l'usage des pesticides (= produits phytopharmaceutiques définis par l'article L 253-1 du Code rural) y compris les produits de biocontrôle, mais aussi les effets non intentionnels (ENI) liés à l'usage de macroorganismes, actuellement non soumis au même processus d'autorisation de mise sur le marché (AMM).
Sources d'information « post-AMM »
Ces connaissances des ENI résultent le plus souvent de données acquises suite aux utilisations post-autorisation (cultures de plein champ ou sous abris), mais aussi d'expérimentations réalisées en conditions « semi-field » ou de laboratoire. Toutes ces données viennent compléter celles intégrées dans les dossiers de demande d'AMM…
Rappelons que, dans l'état actuel de la réglementation, les données des dossiers de demande d'AMM ne sont pas publiables librement. Elles ne sont ni recueillies, ni analysées dans ECOACS. Un des objectifs de cette base est en effet de rassembler les informations pertinentes publiées sur les ENI des produits phytosanitaires.
Il s'agit d'informer le plus grand nombre d'opérateurs sur des effets non intentionnels qui ne peuvent se trouver dans les dossiers d'AMM ou y sont peu visibles car par nature codifiés, avec des données limitées et compatibles avec les durées et moyens déployés pour la constitution de ces dossiers.
En revanche, des informations sur les ENI sont générées durant toute la vie de post autorisation des préparations.
Le groupe de travail et son fonctionnement méthodique
Pérennité exceptionnelle pour plus de 66 000 ENI analysés
Grâce à un fonctionnement qui s'est renouvelé en s'inscrivant dans une exceptionnelle pérennité, le groupe de travail ECOACS a assuré la permanence de mise à jour de la base. Elle n'a jamais été interrompue. Cela a permis, à ce jour, l'intégration de plus de 66 000 analyses. Une analyse correspond à un ENI pour une substance active, provenant de résultats d'études fournis par une abondante bibliographie. Celle-ci est constituée de 6 620 références, extraites de 900 revues et actes de colloques.
Fonctionnement du groupe de travail
Le groupe de travail ECOACS 2012 se réunit tous les 6 mois. Il est composé de 15 personnes dont des représentants du Ministère chargé de l'agriculture (experts nationaux « cultures » de la DGAL-SDQPV, agents de SRAL), des instituts techniques représentés par l'ACTA et l'ASTREDHOR, de l'industrie phytopharmaceutique (UIPP et UPJ) et de l'ANSES(1). Ce groupe analyse les données préalablement collectées et répertoriées par son coordinateur. Avant leur saisie au sein de la base informatique, les résultats d'analyse font l'objet d'une validation par le coordinateur du groupe, lors d'un contrôle méthodologique de bonne application des règles d'analyse par les personnes les ayant assurées.
Synthèse automatique, si règles respectées
La totalité des données analysées et saisies sont ensuite automatiquement synthétisées grâce à un programme informatique respectant des règles de synthèse.
Celles-ci stipulent en particulier – à l'exception des actions sur les plantes (actions 04) et sur les résistances (actions 03) – qu'aucune synthèse portant sur un ENI d'une substance active donnée ne peut avoir lieu en présence de moins de trois analyses. Ceci vaut pour les synthèses générales (portant sur les groupes agronomiques d'organismes ex. coccinelles…) et les synthèses spécifiques (portant sur des espèces, ex. Coccinella septempunctata...).
Dès que les règles de synthèse sont respectées (nombre minimal d'analyses permettant une synthèse), les données saisies dans ECOACS permettent de fournir des synthèses. Celles-ci sont de puissance variable selon le nombre d'analyses, l'homogénéité des conditions expérimentales entourant l'acquisition des résultats et le degré de sensibilité des stades de développement exposés aux produits (œufs, larves, adultes…)
Un répertoire de données multiples, pour tout acteur de filières phytosanitaires
Multiplicité des données
La base ECOACS fournit, sous une forme synthétique et pratique, une connaissance actualisée la plus complète possible sur les ENI observés en post-autorisation.
Ces informations résultent de l'agrégation de résultats élémentaires obtenus au sein de dispositifs expérimentaux très divers et publiés dans les revues analysées (essais plein champ, sous serre, « semi-field » ou de laboratoire), sur des cultures et sur des stades de développement d'organismes utiles ou nuisibles très divers.
Elles indiquent une tendance sur l'ampleur et la nature des ENI observés pour chaque substance. Et ce, même si ces effets peuvent varier en fonction des conditions liées aux :
produits commerciaux (doses, formulation, mode d'action…),
types d'application (pulvérisation, traitements de sol…),
types et modes de culture (plein air, serre, pleine terre, hors-sol…),
stades phénologiques des plantes,
conditions édapho-climatiques et environnementales entourant et suivant les moments d'application,
organismes éprouvant ces effets (stades de développement lors des applications, sensibilité de ces stades, comportement, etc.)
Des « qualificatifs de synthèse »
Les données de synthèse publiques accessibles sur e-phy permettent de connaître l'ensemble des ENI répertoriés et synthétisés pour chaque substance active. Ces ENI sont traduits par des qualificatifs de synthèse :
de toxicité générale ou résiduelle (de neutre à très toxique, cf. ci-avant) de la substance vis-à-vis des organismes utiles,
des qualificatifs de tendance (neutre, freine ou favorise souvent/parfois) pour les ENI relatifs aux organismes nuisibles et ceux classés dans les actions diverses,
de précisions sur la nature et le niveau de gravité de symptômes pour les ENI sur les plantes,
d'indications sur le type de résistances observées (résistance pratique détectée au champ, détectée au laboratoire, sélectionnée au laboratoire) développées par les organismes nuisibles et utiles.
Utilisations possibles, bonnes pratiques comprises
Les utilisateurs de la base ECOACS ont, pour chaque substance active, des informations sur les effets non intentionnels des produits phytosanitaires. Les données de synthèse de la base mises à la disposition du public peuvent être utilisées à des fins multiples et variées ;
les fabricants complètent par exemple leur dossier d'AMM et adaptent leurs fiches techniques diffusées à leurs distributeurs ;
les prescripteurs améliorent leurs analyses de risques et la précision des préconisations sur les préparations autorisées disponibles pour chaque usage ;
les utilisateurs professionnels et amateurs maîtrisent mieux leurs applications (bonnes pratiques) en opérant des choix appropriés pour mieux sauvegarder les auxiliaires ou réduire le risque d'apparition de résistances ; ils peuvent pratiquer une protection intégrée adaptée à leur propre situation environnementale ;
les organismes officiels chargés de l'évaluation (ANSES ) complètent leurs informations de situation pour affiner leurs évaluations et rendre des avis plus pertinents ;
ceux chargés de la gestion des risques (DGAL/SDQPV du ministère de l'Agriculture) peuvent s'en servir pour éclairer leurs actions techniques ou réglementaires de gestion des risques, et pour consolider leurs informations au travers des notes nationales ;
les formateurs de formation initiale ou continue (ex. pour la délivrance de Certiphyto) trouvent une source d'information ordonnée et à jour pour consolider leurs contenus de formation.
Adéquation avec Ecophyto
Dans l'axe 5
L'axe 5 du plan Ecophyto prévoit de « renforcer les réseaux d'épidémiosurveillance des bioagresseurs et des effets indésirables de l'utilisation des pesticides ».
Cet axe propose notamment la mise en place d'outils nécessaires à la mutualisation des données, notamment celles de surveillance des effets non intentionnels des pratiques agricoles sur l'environnement.
Outre l'établissement de l'état sanitaire des végétaux sur le territoire et la détection des organismes nuisibles, le dispositif d'épidémiosurveillance a aussi pour objet la détection et le suivi des effets non intentionnels des pratiques phytosanitaires. En particulier, il doit détecter l'apparition (émergence) des résistances et suivre leur évolution par culture pour les principaux couples bioagresseurs/substance active, et sur des espèces indicatrices de biodiversité.
Le cas des résistances
Aussi, il apparaît que les experts référents de la DGAL doivent piloter l'analyse des données « résistances » en associant les partenaires du réseau.
Une fois les données analysées par le réseau des experts et personnes ressources de la DGAL, avec l'appui des partenaires impliqués dans le programme de biovigilance, les données du rapport annuel validées seront communiquées aux partenaires du réseau national de surveillance biologique du territoire mais aussi au groupe de travail national ECOACS.
Les données relatives aux résistances pourront naturellement être intégrées dans cette base de données, de même que d'autres données d'ENI pouvant être imputées à l'usage de telle ou telle substance active.
Une base d'information pour la certification phyto
Pour les entreprises de conseil
Les entreprises agréées et certifiées intervenant dans le domaine phytosanitaire doivent être parfaitement informées sur les ENI pour les activités entrant dans leur champ professionnel du fait de leurs nouvelles obligations.
Cela fait partie des obligations des « entreprises agréées et certifiées pour l'activité de conseil indépendant de toute activité de vente ou d'application » (arrêté du 25/11/2011). Le diagnostic cultural préalable à toute préconisation prévoit de « prendre en compte les outils d'aide à la décision disponibles, et des éléments d'analyse comme les risques ».
De même la fiche de préconisation doit « préciser les risques éventuels » liés à l'utilisation des produits. Les préconisations formulées « doivent proposer au client des solutions compatibles avec les principes de la protection intégrée, avec des options proposées qui doivent être de nature à minimiser l'impact des produits phytopharmaceutiques sur l'environnement… »
Enfin, le bilan annuel de fin de campagne formalisé par l'entreprise doit faire état des « éventuels incidents ou imprévus survenus en cours de campagne ».
Pour la distribution
Cela fait partie aussi des obligations des entreprises agréées et certifiées pour l'activité « Distribution de produits phytopharmaceutiques à des utilisateurs professionnels » (arrêté du 25/11/2011).
Outre les exigences pour les activités de conseil et préconisation (mêmes que précédemment), des obligations sont imposées aux entreprises pour leur politique d'achat : « Le responsable de l'achat doit prendre en compte les informations disponibles sur les sites internet (exemple : e-phy) concernant la législation sur les produits phytosanitaires à usage agricole à jour (autorisations, toxicologie, classement, effets non intentionnels, mélanges, etc.). Lors de la vente et de la délivrance du produit, les informations sur le produit délivré concernent entre autres les risques pour la santé et l'environnement. »
Pour les certiphytos individuels
Restent les titulaires du certiphyto. Ce sont les personnes certifiées individuellement pour leurs activités professionnelles définies par les arrêtés du 21 octobre 2011 (mise en vente et vente de produits phytopharmaceutiques dans les catégories « produits professionnels » et « produits grand public » ; conseil à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques ; décideurs et opérateurs en travaux et services ; décideurs et opérateurs en exploitation agricole) et par l'arrêté du 7 février 2012 (applicateurs et applicateurs opérationnels des collectivités). Toutes ces personnes doivent avoir des connaissances sur la dangerosité et les impacts des produits phytopharmaceutiques sur l'environnement, les plantes non cibles, les insectes utiles, la faune sauvage, la biodiversité.
Conclusion
Unique en Europe, ECOACS est le résultat d'un travail collaboratif exemplaire engagé depuis quatre décennies entre tous les acteurs institutionnels œuvrant dans le domaine phytosanitaire.
Fruit d'un fonctionnement ininterrompu du groupe ECOACS, la base peut être considérée comme la plus « complète » à ce jour, une fois analysées et intégrées les données actuellement en stock. Comme déjà évoqué, c'est un outil d'aide à l'évaluateur et au gestionnaire des risques (au sens de l'AMM), au prescripteur et à l'utilisateur. Le travail collectif assuré par les agents du réseau DGALSDQPV participant à ECOACS contribue à la conservation de l'expertise globale des services de l'état et à la permanence des échanges entre acteurs.
La participation des fabricants (firmes, UIPP, UPJ) et des instituts (ACTA, Astredhor…) à ce travail apporte la preuve de son utilité pour que ces données servent en amont et aval de l'homologation.
Dans le contexte du plan écophyto et de la Directive sur l'utilisation durable des pesticides qui en est le cadre, ECOACS constitue une aide appréciable aux opérateurs de la protection intégrée, notamment pour le choix de produits présentant des effets neutres sur les auxiliaires introduits.
Dans le cadre des états généraux du sanitaire et celui de la mise en œuvre du plan écophyto et de la SBT (surveillance biologique du territoire), ECOACS est donc un répertoire de données mises à jour, fiables et validées, consultable et utilisable par tous les acteurs.
<p>1) DGAL-SDQPV : Direction générale de l'alimentation, Sous-Direction de la qualité et de la protection des végétaux (du ministère chargé de l'agriculture).</p> <p>SRAL : Services régionaux de l'alimentation.</p> <p>ACTA : Association de coordination technique agricole.</p> <p>ASTREDHOR : Association nationale des structures d'expérimentation et de démonstration en horticulture.</p> <p>UIPP : Union des industries de la protection des plantes.</p> <p>UPJ : Union des entreprises pour le protection des jardins et des espaces publics.</p> <p>ANSES : Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.</p>