Suivi de terrain

Oïdium de la vigne en France les coopératives d'InVivo mènent l'enquête

CLAIRE COTTET*, DELPHINE TAILLIEZ-LEFEBVRE**, THIERRY EDELINE*** - Phytoma - n°664 - mai 2013 - page 39

Face à la recrudescence de l'oïdium dans certains vignobles et à des échecs de traitement, le pool vigne d'InVivo AgroSolutions a enquêté en 2012 pour pouvoir détecter des axes de progrès.

Depuis trois ans, le vignoble doit faire face à une recrudescence de l'oïdium notamment en Champagne et Saône-et-Loire. Pour mieux comprendre le phénomène, le pool vigne d'InVIvo a réalisé une enquête terrain en 2012.

Quatorze coopératives du Réseau, mobilisées sur la plupart des régions viticoles, ont rassemblé un panel de 594 viticulteurs enquêtés (Figure 1). Objectifs : dresser l'état des lieux de la pression oïdium, identifier les pratiques habituelles face à la maladie et cerner le besoin d'accompagnement des viticulteurs.

Pression très forte en 2012

Millésime historique

Les résultats par grande région (Est, Sud-Est, Sud-Ouest, Ouest) ont été présentés lors du pool vigne du 12 décembre dernier. L'enquête, comme le « tour de table » annuel InVivo (Figure 2 p. 40), montre que 2012 a été un millésime « historique » en terme de pression oïdium, estimée forte à exceptionnellement forte par la majorité des répondants.

Certaines zones géographiques sont plus favorables au développement de la maladie, notamment le Sud de la France en raison de facteurs culturaux (cépages, mode de conduite...) et du climat. Mais l'Est enregistre en 2012 un nombre inhabituel de cas d'échecs de protection, au contraire des autres régions.

Cible prioritaire et critères de gestion

Quel que soit le vignoble, l'oïdium fait partie des cibles prioritaires dans les programmes de protection (soit 80 % des réponses). Les viticulteurs estiment que cette maladie est préjudiciable à la qualité de la récolte à partir d'un faible degré d'infestation des grappes (inférieur à 10 %).

Parmi les critères de gestion de la protection, certains sont déterminants : historique parcellaire (fréquence pluriannuelle des symptômes), conditions climatiques de l'année, stade phénologique lors des interventions et qualité d'application des produits. Vient ensuite l'expérience individuelle, propre au viticulteur, facteur non négligeable notamment concernant la réactivité des interventions.

Causes des défauts, trois principales

Sur le sujet des défauts de protection, les viticulteurs enquêtés mettent en exergue trois principales causes : la qualité de la pulvérisation, le mode de protection et enfin une méconnaissance de la biologie de la maladie.

Qualité de pulvérisation

Deux tiers des viticulteurs enquêtés, toutes régions confondues, s'accordent à dire que la qualité de pulvérisation est un des facteurs majeurs à l'origine d'un défaut de protection.

Le type d'application (application face par face ou non), le nombre de rangs traités par passage sont des premiers éléments de compréhension.

Pour autant, reste à identifier les paramètres déterminants liés au réglage du matériel (volume bouillie, vitesse d'avancement...) pouvant conduire à un échec de protection (Figure 3).

Mode de protection

Date de démarrage

Les viticulteurs enquêtés clament aussi leur insatisfaction des programmes de protection, insatisfaction significative en 2012 avec une pression maladie importante (Figure 4).

En toutes régions, le premier facteur intervenant dans l'insatisfaction est le démarrage tardif de la protection : sept viticulteurs sur dix estiment ce facteur très important. Le démarrage est certainement à relier à une meilleure connaissance de la biologie de la maladie : inoculum présent (historique parcellaire), facteurs climatiques favorables, etc. (Figure 5).

Produits et cadence

Le choix des produits et le respect de la cadence de renouvellement sont aussi jugés très importants dans les défauts de protection : plus d'un viticulteur sur deux estime qu'il y aurait des axes de progrès. Les soufres et les IBS1/IDM1 constituent près de 50 % des programmes recensés : l'alternance de l'utilisation des familles chimiques sur l'année, voire sur plusieurs années, pourrait être un des leviers d'action (Figure 6).

Biologie de l'oïdium

Parmi les sources de conseil privilégiées des viticulteurs viennent en premier les distributeurs, puis les chambres d'agriculture, voire l'interprofession (CIVC Champagne). Mais la faible connaissance de la biologie de l'oïdium rend difficile l'anticipation du risque épidémique ; cela se traduit par des interventions précoces parfois systématiques.

Conseils et plan d'action

Les résultats de cette enquête terrain ouvrent pour les coopératives viticoles du Réseau InVivo une nouvelle opportunité pour renforcer le conseil. Un plan d'actions complémentaire leur est proposé en 2013 : monitoring national oïdium, veille bibliographique et deuxième enquête terrain.

Le monitoring national permettra d'effectuer un état des lieux du niveau de résistance de l'oïdium à certaines familles chimiques (QoI notamment) pour ensuite bâtir des programmes adaptés en région. L'action se fera en lien avec le groupe de travail AFPP Maladies du feuillage de la vigne.

L'acquisition de connaissances sur la biologie de l'oïdium, s'appuyant sur la bibliographie, est nécessaire afin de mieux appréhender le risque parcellaire.

La seconde enquête terrain, axée sur les parcelles présentant des échecs de protection oïdium en 2013, aura pour but de renforcer les connaissances sur les pratiques mises en œuvre par les viticulteurs.

Fig. 1 : Localisation des parcelles de l'enquête oïdium en 2012.

Fig. 2 : Oïdium de la vigne, montée en puissance.

Évolution de la pression oïdium selon le « Tour de table des coopératives du réseau InVivo » (23 coopératives participantes en 2012).

Fig. 3 : Applications face par face.

Fréquence avouée des méthodes de pulvérisation face par face avec un antioïdium de la vigne.

Fig. 4 : L'insatisfaction se lève à l'est.

Degré avoué d'insatisfaction par les agriculteurs vis-à-vis du programme anti-oïdium conseillé par les coopératives.

Fig. 5 : Quand traiter la première fois ?

Phénologie de la vigne et date moyenne avouée de la première intervention anti-oïdium par région.

Quelles évolutions lors du conseil dans leur coopérative

Thierry Favier, technicien, CAPL 84

« L'enquête nationale nous a confortés dans l'idée que le problème n°1 sur le vignoble méditerranéen est bien l'oïdium. Ceci a validé le lancement en 2012 de notre concept PSO « Programme sécurité oïdium ». « L'enquête a confirmé que les viticulteurs démarrent un peu trop tard la lutte contre cette maladie et que la règle d'alternance des familles chimiques vis-à-vis de la résistance n'est pas toujours respectée. En 2013, il va falloir approfondir les cas d'échec : d'abord par échantillonnages puis par un travail d'enquête dès lors qu'il y a suspicion de résistance. Il faudra aussi se pencher sur les problèmes liés à la pulvérisation.

« Nous n'allons pas modifier nos conseils puisqu'à travers l'enquête nous avons vu que notre approche PSO est adaptée. Nous allons travailler la date de 1re intervention, davantage communiquer sur l'alternance des familles chimiques en fonction du risque et du stade de sensibilité de la vigne, et vulgariser les techniques de pulvérisation.

« Nous sommes en permanence sur l'acquisition de références nationales et régionales sur les nouvelles familles chimiques qui seront intégrées dans nos programmes et positionnées aux stades les plus opportuns. »

Jean-Claude Laugère, technicien, Ecovigne Beaujolais-Mâconnais

« Dans le Mâconnais, l'oïdium pose problème sur Chardonnay. Les viticulteurs qui ont connu des échecs de traitement souhaitent qu'on aille audelà de l'enquête en réalisant une étude pour comprendre ce qui s'est passé. Il faut vérifier si la maladie a modifié son comportement afin d'adapter la protection.

« Aujourd'hui, les vendanges sont plus précoces qu'avant donc on arrête les traitements plus tôt. Or la date du premier traitement n'a pas bougé. Il va falloir l'avancer, mais aussi gérer quand arrêter les traitements car l'oïdium se développe bien plus tardivement que les années précédentes.

« Autre facteur à prendre en compte dans le conseil : les résistances à certains fongicides. « L'accent va aussi être mis sur la qualité de la pulvérisation, indispensable pour un traitement efficace. »

Fig. 6 : Alternance des produits.

Utilisation de soufre et des autres familles de produits antioïdium avec leur fréquence et leur alternance avouée.

RÉSUMÉ

- CONTEXTE : Face à une recrudescence de l'oïdium ressentie sur le terrain, l'union de coopératives InVivo a mené une enquête en 2012 sur le phénomène.

- ENQUÊTE : 594 agriculteurs de 14 coopératives ont renseigné les enquêteurs sur leurs pratiques de protection (choix des produits, mode et dates d'application notamment) et leur degré de satisfaction vis-à-vis du programme anti-oïdium appliqué sur conseil des coopératives.

- RÉSULTATS : Il en ressort une montée de l'insatisfaction, notamment dans l'Est. Les facteurs explicatifs principaux sont la qualité de pulvérisation (entre autres, le face par face n'est pas systématique), le mode de protection (date de démarrage, choix des produits et difficultés d'alternance, respect des cadences), enfin la méconnaissance de la biologie de la maladie (d'où difficulté à déterminer la bonne date de démarrage par exemple).

- ACTIONS : En 2013, suite à cette enquête, les coopératives viticoles d'InVivo renforcent leurs conseils (alternance, qualité de pulvérisation) avec un plan d'action comprenant monitoring (état des lieux des résistances), veille bibliographique et nouvelle enquête terrain.

- MOTS-CLÉS : vigne, oïdium, InVivo, enquête, pression de maladie, défauts de protection, qualité de pulvérisation, date de démarrage, produits, carence, biologie.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS : *C. COTTET, Expert technique vigne InVivo AgroSolutions.

**D. TAILLIEZ-LEFEBVRE, Responsable santé végétale et agronomie, InVivo AgroSolutions.

***T. EDELINE, Agronome Traitement de données InVivo AgroSolutions. CONTACTS : ccottet@invivo-group.com

dtailliez@invivo-group.com

tedeline@invo-group.com

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