DESS « Gestion des systèmes agro-sylvo-pastoraux en zones tropicales » en poche, Krotoum Konaté, d'origine malienne, part cinq ans en Côte-d'Ivoire et en Guinée-Conakry. « Je voulais travailler sur le terrain, raconte-t-elle. En Guinée, j'ai apporté très modestement mon savoir-faire mais j'ai surtout beaucoup appris des échanges avec les agriculteurs. En Afrique, le rapport au temps est vraiment différent. Pour apprécier les résultats d'un projet de développement, il faut parfois être très patient. »
Polyvalence
Retour en France. Krotoum intègre l'Institut technique de l'agriculture biologique (Itab), en 2003 en tant que responsable communication, puis prend en 2004 la direction de la structure qui comptait alors 4,5 ETP. En dix ans, l'effectif a été multiplié par plus de quatre avec aujourd'hui vingt collaborateurs répartis entre Paris, Angers, Montpellier et Étoile-sur-Rhône. « Ma fonction, qui a bien évolué en dix ans, couvre les ressources humaines, l'opérationnel, le politique pour les relations avec les partenaires et le conseil d'administration, et l'administratif. J'essaie d'y mettre des valeurs de respect des individus », précise notre directrice, très attachée au management par l'empathie.
Huit commissions
Qualifié en décembre 2012, l'Itab est maintenant pleinement reconnu dans le réseau des instituts techniques comme étant le référent en agriculture bio. « Cela a permis de clarifier les rôles, de renforcer nos financements et les liens avec l'Inra. » La mission principale de l'Itab est de coordonner au niveau national les actions de R&D en agriculture biologique. Ses outils ? Cinq commissions productions (élevage, grandes cultures, maraîchage, viticulture et arboriculture) et quatre plus transversales (semences et plants, agronomie et systèmes de production, qualité et transformation des produits bio, intrants pour la santé des plantes et des animaux). Chacune est animée par un ingénieur Itab entouré d'un bureau avec des représentants d'instituts, de chambres d'agriculture, de la recherche, de l'enseignement et des agriculteurs.
Coordonner les programmes
Les commissions identifient les besoins du terrain, recensent les actions déjà menées, définissent les priorités de recherche pour les soumettre au conseil d'administration. Une fois validées, elles élaborent et mettent en œuvre les programmes de recherche, notamment en déposant des projets avec un ensemble de partenaires, dont les dix stations expérimentales bio du réseau Itab. L'Institut collecte ensuite les résultats et les synthétise pour les valoriser via sa revue Alter-Agri, sa base de données « Qui fait quoi », des documents techniques, des colloques, son site internet...
Une expertise en santé végétale
Si toutes les commissions « productions végétales » abordent, dans leur activité, les questions liées à la protection des cultures, la commission « Intrants pour la santé des plantes et des animaux » traite le sujet de manière transversale. « Jusqu'en 2013, nous avions seulement une expertise en santé végétale pilotée par les salariés de l'Itab, souligne Krotoum Konaté. Une commission est actuellement en phase de création pour se focaliser sur l'aspect “produit”, ce qui n'est pas une entrée habituelle en agriculture biologique. Nous privilégions d'abord l'approche globale (rotation, agronomie...) pour gérer les maladies et les ravageurs, ainsi que les adventices. »
Les travaux actuellement en cours concernent les alternatives au cuivre en vigne, la lutte contre des maladies notamment en céréales (carie) et en fruits et légumes, l'utilisation d'huiles essentielles, la lutte biologique. Mais également l'amélioration de la mise sur le marché des produits naturels de protection, notamment en constituant des dossiers d'approbation avec les filières respectives. « Nous assurons aussi la mise à jour du Guide des produits de protection des cultures utilisables en agriculture biologique en France, ainsi qu'une veille réglementaire, devenue incontournable pour améliorer la reconnaissance des pratiques et la disponibilité des substances utiles. »
Innover
Pour l'avenir, l'innovation en termes d'intrants en santé des plantes est inscrite dans le programme d'action 2014-2020 de l'institut. Objectif ? Mieux connaître les produits naturels, notamment leur efficacité, et identifier des stratégies innovantes (combinaison de pratiques), alternatives aux produits dont l'homologation n'est pas renouvelée. Autres grands chantiers pour l'Itab : répondre aux sollicitations des entreprises agroalimentaires bio, s'organiser entre partenaires français pour parler d'une seule voix et être plus présents sur les programmes européens bio.
Réseautage, efficacité, accessibilité
Autant d'enjeux motivants pour Krotoum Konaté, qui n'a pas vu le temps passer depuis dix ans. « Maintenant que l'Itab est structuré en trois pôles avec un responsable pour chaque pôle, technique, recherche & international et réseau & valorisation, je vais pouvoir me consacrer à la stratégie de l'entreprise, au développement et au renforcement, tout en accompagnant mes collaborateurs. » Une mission qui correspond bien à Krotoum, très à l'aise dans les relations politiques et réseau, même si le terrain peut parfois lui manquer. « Mais notre travail a vraiment du sens car c'est très opérationnel et nous en voyons les résultats », conclut-elle en se remémorant son expérience africaine.