dossier - Bonnes pratiques phytos

Cadre réglementaire : nouveaux conseils sur les ÉPI

MARIANNE DECOIN* - Phytoma - n°673 - avril 2014 - page 12

Quoi de neuf du côté de la réglementation encadrant les pratiques phytos ? Des recommandations officielles à propos des ÉPI, équipements de protection individuelle, plus détaillées qu'avant dans e-phy et sur les FDS et étiquettes.
Les conseils « pendant le mélange/chargement » sont de porter toujours un tablier « catégorie III type 3 » et des gants nitrile, et parfois un écran facial, des lunettes ou bien un masque. Photo : Axe Environnement

Les conseils « pendant le mélange/chargement » sont de porter toujours un tablier « catégorie III type 3 » et des gants nitrile, et parfois un écran facial, des lunettes ou bien un masque. Photo : Axe Environnement

Les conseils pour traiter depuis un tracteur avec cabine sont de porter une combinaison de travail coton-polyester déperlante.      Il faut avoir enlevé le tablier et les gants que l'on avait portés pour préparer le traitement.      On aura d'autres gants, à usage unique, stockés dans une boîte hors de la cabine.      On les utilisera à l'extérieur pour gérer les incidents. Photo : Bayer

Les conseils pour traiter depuis un tracteur avec cabine sont de porter une combinaison de travail coton-polyester déperlante. Il faut avoir enlevé le tablier et les gants que l'on avait portés pour préparer le traitement. On aura d'autres gants, à usage unique, stockés dans une boîte hors de la cabine. On les utilisera à l'extérieur pour gérer les incidents. Photo : Bayer

Avez-vous récemment consulté la fiche d'un produit phytopharmaceutique fraîchement autorisé sur la base e-phy du ministère de l'Agriculture(1), ou encore sa FDS, fiche de données de sécurité ? Avez-vous eu entre les mains un tel produit et lu son étiquette ? Si oui, vous avez noté que le chapitre « Conditions d'emploi »(2) est bien plus long que pour les produits plus anciens. Pourquoi ? Réponses.

Pourquoi ces nouvelles conditions

Rappel sur les anciennes

L'Anses et le ministère de l'Agriculture ont souhaité préciser les recommandations concernant le port des ÉPI, équipements de protection individuelle.

Auparavant, il y en avait de trois sortes :

– L'une était de « porter les équipements de protection appropriés ».

– L'autre, maximaliste, préconisait de se protéger quel que soit le moment (avant, pendant ou après la réalisation du traitement) et les circonstances (en plein air ou sous serre, d'un tracteur avec ou sans cabine ou d'un pulvérisateur à dos, sur culture haute ou basse...), avec des protections maximalistes adaptées aux moments et circonstances d'exposition maximale. Or les protections censées être les plus efficaces (combinaisons intégrales de catégorie III et type 3, masques à cartouche filtrante...) sont souvent les moins confortables et les plus difficiles à porter longtemps.

– Ou encore des recommandations selon les cas, mais en ordre dispersé.

Les connaissances ont évolué

Il y a eu des évolutions dans la connaissance des expositions ainsi que des performances et faiblesses des ÉPI. Par exemple :

– On savait déjà que la préparation de la bouillie est une phase courte mais à risque (voir Phytoma de mai 2003(3)) vu les risques de projection du produit concentré notamment pendant le chargement. Cette exposition a été quantifiée dans des études terrain qui ont fondé des modèles d'exposition européens(4) et a été étudiée par des ergonomes (Irstea).

– On s'en doutait déjà, mais on a désormais établi que le nettoyage de l'extérieur du matériel (pulvérisateur et tracteur) après la pulvérisation est lui aussi une phase d'exposition potentielle(5).

– On a redéfini les types de gants conseillés ; en 2003, on parlait de gants « nitrile ou néoprène »(6) ; en 2010, de « nitrile ou fluoroélastomère »(7). Actuellement on s'accorde autour des gants nitrile conformes à la norme EN 374, soit « des gants certifiés pour la protection chimique selon la norme de référence EN 374-3 de type nitrile ».

– Des chercheurs ont publié, en 2008, que parmi les combinaisons censées protéger des produits, certaines n'avaient pas les performances annoncées(8) ; elles ont été retirées du marché.

– De plus, il a été montré que porter durant tout un traitement un vêtement de protection préalablement souillé de produit lors de la préparation était souvent plus contaminant que de ne pas porter cet ÉPI(9)...

L'offre d'équipements aussi

D'où la recommandation du port de tablier ou blouse à manches pour :

– effectuer la préparation du traitement, (à ôter dès la fin de celle-ci pour éviter les contaminations durant la pulvérisation),

– puis nettoyer le matériel.

Deux modèles ont été lancés en 2010(10). L'an dernier, trois modèles étaient officiellement certifiés « catégorie III type PB3 »(11). Actuellement, quatre modèles sont annoncés comme certifiés : le S-protec de Syngenta fabriqué par Manulatex (photo), la blouse de préparation phytosanitaire de DuPont, le Microchem 4 000 de Microgard promu par Bayer (en couverture) et enfin le Phytosur de Pulvécenter.

De quoi s'agit-il ?

Conditions par phase de travail

Les mentions « conditions d'emploi » ont donc changé, après une réflexion menée en 2013. Pour les nouvelles spécialités (et les anciennes lors d'extensions d'autorisation), elles comportent désormais plusieurs paragraphes (Tableau 1). Chacun concerne une phase de travail

Il y a la préparation de la bouillie (« pendant le mélange chargement »), l'application avec des conseils différents selon le type de pulvérisation car cela influence l'exposition, et enfin le nettoyage du matériel. Ce chapitre « Conditions » se termine par un intrigant paragraphe « Pour protéger le travailleur ». Quel travailleur ? Pas celui du chargement, de l'application, du nettoyage ?

En fait, les paragraphes précédents concernaient « l'opérateur » qui prépare le traitement, l'applique ou nettoie le matériel. Le « travailleur » à protéger évoqué par ce paragraphe est celui qui rentre dans la culture traitée après le traitement, une fois écoulé le délai de rentrée du produit appliqué.

Combinaison de travail

Le Tableau 1 récapitule les phases de travail et recommandations. On peut noter les tendances.

D'abord, un vêtement qui n'est pas un ÉPI est néanmoins conseillé. C'est la combinaison de travail déperlante (à ne pas confondre avec une combinaison de protection chimique de catégorie III). On la trouve en vêtement de base de toutes les « conditions d'emploi », à de rares exceptions : celles qui préconisent une combinaison de protection chimique de catégorie III.

Gants et tabliers, ÉPI très souhaités

Voyons les ÉPI, maintenant. Les gants nitriles certifiés (EN 374-3) sont ceux les plus largement recommandés.

Le tablier ou blouse à manches longues, vêtement de protection partielle « catégorie III type 3 » (voir Encadré 1 et Tableau 2) très performant (résistance à la perméation par les produits chimiques), est recommandé quasiment pour tous les produits mais pas toutes les circonstances.

Il doit se porter par-dessus la combinaison pour deux phases précises : préparation de la bouillie et nettoyage du matériel.

Important : si on l'a mis pour préparer la bouillie, il faut impérativement l'enlever pour aller traiter.

Autres ÉPI, du sur-mesure

Pour les lunettes, écrans faciaux, masques, combinaisons de protection, demi-masques et bottes, cela dépend des circonstances. En effet, la nécessité d'utiliser ces ÉPI varie beaucoup selon le risque.

Cela peut être lié au danger (classement du produit et sa formulation) mais aussi à l'exposition : phase concernée et, pour l'application, type d'appareil (Tableau 1) et type de culture. Globalement, il faut renforcer les protections pour traiter les cultures hautes et celles sous abris.

Par exemple, la combinaison de protection chimique « catégorie III type 4 » (traduction Tableau 2) à capuche est exigée pour traiter des cultures hautes (vergers, etc.) depuis un appareil sans cabine.

Point important, il y a des conditions particulières pour traiter les semences et plants et pour les traitements post-récolte. En effet, ce sont des opérations à fort risque d'exposition.

Il y en a d'autres pour préparer et réaliser le semis des semences traitées. Ou encore pour les produits de traitement des sols, ceux à poser, badigeonner, etc.

Mais ces conseils utilisent toujours une combinaison des équipements du Tableau 1.

Pourquoi il faut les lire

Alors, certes, la présentation de ces lignes dans e-phy et sur les FDS est monotone, et sur les étiquettes, ce n'est pas écrit très gros. Mais il ne s'agit pas de phrases passepartout. Elles représentent un conseil réel, adapté aux circonstances : utile.

Et voilà pourquoi on peut lire ces conseils avant d'acheter ses produits. Après tout, ce peut être un critère de choix.

Et, si l'on est fixé sur un produit précis déjà présent dans son local phyto, on peut les lire sur e-phy avant de rejoindre le local ou sur l'étiquette du produit une fois devant lui... mais AVANT d'ouvrir l'emballage.

Au fait, ce sont là les conseils officiels. Mais il y en d'autres. Voir Encadrés 2 et 3.

<p>(1) MAAF : ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt.</p> <p>(2) Sur e-phy, le chapitre « conditions d'emploi » suit les premières lignes (nom du produit/société/numéro d'autorisation/famille/type de formulation) et précède la composition de la spécialité.</p> <p>(3) Cietap de l'AFPP, 2003 – Préparation et application des bouillies phytosanitaires, moyens de protection de l'applicateur, <i>Phytoma</i> n° 560, mai 2003, p. 31 à 33 (dossier « Bonnes pratiques »). P. 31, le tableau <i>« À chaque phase du traitement correspond un type de vêtement de protection »</i> insiste sur la préparation de la bouillie.</p> <p>(4) et (5) Claudia Großkopf, Hans Mielke, Dieter Westphal, Martina Erdtmann-Vourliotis, Paul Hamey, Françoise Bouneb, Dirk Rautmann, Franz Stauber, Heinrich Wicke, Wolfgang Maasfeld, Jose Domingo Salazar, Graham Chester, Sabine Martin (2013) – A new model for the prediction of agricultural operator exposure during professional application of plant protection products in outdoor crops. <i>J. Verbr. Lebensm.</i> 8 : 143–153.</p> <p>(6) Article référencé en note (3).</p> <p>(7) Traiter en sécurité, les ÉPI en question. <i>Phytoma</i> n° 634, mai 2010, p. 32 à 36.</p> <p>(8) et (9) Garrigou A., Baldi I. et Dubuc P., 2008 – Apports de l'ergotoxicologie à l'évaluation de l'efficacité réelle des ÉPI devant protéger du risque phytosanitaire : de l'analyse de contamination au processus d'alerte. Pistes, 1/05/2008. http://pistes.revues.org/2137</p> <p>(10) Article référencé en note (7).</p> <p>(11) Outils des bonnes pratiques, des matériels mobiles. <i>Phytoma</i> n° 663, avril 2013, p. 32 à 37.</p>

1 - Combinaisons de protection, les normes se croisent

En matière de combinaison de protection chimique, la catégorie III protège davantage que la catégorie I... et le type 3 davantage que le type 4 !

Le Tableau 2 explicite les normes. Il est repris du dossier « Bonnes pratiques », Phytoma n° 634, mai 2010, p. 35. Pour ceux qui ne l'ont pas lu ou ne l'ont ni gardé ni mémorisé...

2 - Combinaison de travail... dédiée, c'est mieux

Il manque un mot dans les mentions officielles, selon les industriels fabricants. Ce mot est : « dédiée » dans les conseils officiels d'emploi des combinaisons de travail coton-polyester déperlantes. Les fabricants et leur union, l'UIPP(1), conseillent aux applicateurs de dédier cette combinaison de travail aux travaux en contact avec des produits phytos.

Leur conseil est de ne la porter que pour ces travaux, de la préparation de la bouillie au lavage de l'appareil (sous un tablier catégorie III type 3 dans les deux cas) en passant par l'application (sauf cas particulier où l'étiquette et e-phy demandent une combinaison de protection catégorie III type 4)... Puis l'enlever dès ces travaux finis... Puis la ranger à part des autres vêtements de travail (combinaison non déperlante) et autres... Et, par ailleurs, la laver à part des vêtements familiaux.

(1) Cf. l'interview d'E. Pommaret, directrice de l'UIPP, Union des industries de la protection des plantes, dans Phytoma de mars dernier (n° 672), p. 10-11.

3 - L'ÉPI n'est pas tout !

En annexe à cette présentation réglementaire, on n'insistera jamais assez sur un point essentiel : les ÉPI ne doivent intervenir qu'en dernier recours, en « rempart ultime ». Il faut d'abord :

– minimiser l'exposition : protection dite collective en aménageant le poste de remplissage, en traitant avec du matériel adapté (d'accord, c'est cher d'en changer...) et entretenu (faisable de suite !), des accessoires et réglages choisis...

– jouer l'hygiène : lavage des mains avant de se ganter, des gants avant de les ôter, puis de nouveau des mains... ensuite, citons un spécialiste de l'Anses : « Une douche en fin de traitement », et aussi : « Respecter les modalités de nettoyage et stockage des ÉPI réutilisables conformément à leur notice d'utilisation. »

RÉSUMÉ

CONTEXTE - La formulation des conseils officiels de ports d'ÉPI lors de travaux exposant aux produits phytos (signalés sur leurs AMM, dans e-phy et sur leurs étiquettes et FDS) a été modifiée en 2013.

EXPLICATION - Cet article explique la logique du nouveau système : donner des recommandations adaptées selon les risques encourus, lesquels diffèrent selon les produits mais aussi les circonstances d'exposition.

PRÉSENTATION - Ainsi, les recommandations sont désormais différenciées selon :

– les phases d'exposition (la préparation des traitements, leur réalisation, le nettoyage du matériel et le cas des travailleurs arrivant après le traitement) ;

– pour la réalisation du traitement, le matériel d'application et la culture (vu les usages sur lesquels le produit est autorisé) ;– le produit (classement, forme physique de formulation).

ÉPI - Les équipements conseillés (ou non) selon les circonstances sont un type précis de combinaison de travail ainsi que des ÉPI normalisés (gants nitrile, combinaisons de protection, tabliers et blouses, lunettes, écrans faciaux, demi-masques, masques, bottes).

MOTS-CLÉS - Bonnes pratiques phytos, réglementation, produits phytopharmaceutiques, conditions d'emploi, exposition, ÉPI (équipements de protection individuelle).

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : *M. DECOIN, Phytoma.

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIEN UTILE : http://e-phy.agriculture.gouv.fr/

BIBLIOGRAPHIE : Voir les notes 3, 4, 7, 8 et 11.

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