SPÉCIAL ESCA

Conclusion : une « première » aux deux sens du terme

Phytoma - n°674 - mai 2014 - page 21

Face à la maladie ancestrale, cette étude de l'évolution des symptômes d'esca est une grande première... Mais surtout une première étape de travaux à continuer !
Nécrose interne d'esca présentant de l'amadou associant une nécrose centrale et des nécroses sectorielles. Les ceps présentant ce type de nécrose montrent souvent en été des symptômes foliaires graves associés à un ou plusieurs désordre(s) vasculaire(s), en abrégé « DV ». Photo : P. Lecomte - Inra

Nécrose interne d'esca présentant de l'amadou associant une nécrose centrale et des nécroses sectorielles. Les ceps présentant ce type de nécrose montrent souvent en été des symptômes foliaires graves associés à un ou plusieurs désordre(s) vasculaire(s), en abrégé « DV ». Photo : P. Lecomte - Inra

Ces observations régulières, réalisées en vignoble au cours de la dernière décennie, sont la première étude dans l'histoire de l'esca permettant de restituer, avec le plus de précisions possibles, comment se développent et évoluent ses symptômes foliaires, et notamment le très fameux « symptôme tigré ».

Plusieurs enseignements en découlent, rappelons-les ici.

Rappel des résultats de ce travail descriptif

Les symptômes foliaires évoluent en cours d'été

En premier lieu, ce travail a montré qu'au cours de l'été les ceps symptomatiques sont le siège de symptômes foliaires qui évoluent, incluant des faciès attribués par le passé au BDA (Lecomte et al., 2012).

Les décolorations du limbe ne sont pas les seuls symptômes à se développer en premier. Les dessèchements internervaires du limbe peuvent eux aussi apparaître dès la phase initiale d'expression.

Si le symptôme est sévère, on note des flétrissements ou défoliations. Le stade final est l'apoplexie.

Si les symptômes d'esca se développent bien selon deux vitesses, soit rapidement (apoplexie) soit progressivement (forme lente), ils sont surtout très variables en gravité et quantifiables.

En supposant que ces symptômes aient une même origine ou une même cause, et en acceptant l'idée qu'une décoloration pourrait résulter d'un effet localisé de toxines, il est par contre très difficile d'imaginer une libération soudaine de toxines en quantité suffisante pour expliquer les apoplexies.

Rôle des désordres vasculaires

En second lieu, cette étude confirme la présence et l'association à l'esca d'un ou plusieurs désordres vasculaires dans le bois externe des ceps malades. Ces désordres ont la particularité d'être localisés sur des trajets de sève précis.

Leur importance (nombre, longueur, largeur) semble conditionner la gravité des symptômes foliaires.

Aujourd'hui, l'origine exacte de ce symptôme n'est pas encore connue.

Mais il est d'ores et déjà facile d'imaginer que, dès qu'un trajet de sève sera altéré ou rompu, la partie foliaire lui correspondant présentera des décolorations, des assèchements ou des flétrissements en relation avec l'importance de la perturbation de l'alimentation en sève induite, elle-même étant liée notamment à l'alimentation hydrique.

Perspectives ouvertes

Une nouvelle définition du syndrome de l'esca

Au-delà des débats qui pourront s'ouvrir, cette étude descriptive permet de proposer une nouvelle définition du syndrome de l'esca, dorénavant caractérisé par trois grands types de symptômes :

– des nécroses internes dans le bois (photo) ;

– un désordre vasculaire (DV) sous-cortical ;

– des symptômes foliaires d'aspect et de gravité variables dans le prolongement du ou des désordre(s) vasculaire(s), et qui évoluent en cours d'été.

La relation entre ces trois symptômes reste à définir. En particulier, il conviendra de :

– déterminer l'origine exacte de l'anomalie vasculaire ;

– mieux définir l'influence du climat en lien avec la contrainte hydrique et la qualité des trajets de sève.

Réintroduire le partenaire plante dans le pathosystème esca semble essentiel pour la compréhension de ce dépérissement.

Étudier les facteurs environnementaux et culturaux

Pour compléter l'étiologie de cette maladie de dépérissement, il sera capital de poursuivre l'effort de recherche afin d'élaborer des solutions alternatives.

Il serait notamment utile d'étudier les facteurs environnementaux et culturaux (Lecomte et al., 2008 a, b et 2011). Nous avons par exemple constaté que, à qualité de taille semblable, les formes avec des bras longs dépérissent en général beaucoup moins vite que celles avec des bras courts (Lecomte et al., 2012 a, b). Cela suggère, au moins dans les vignobles concernés, un grand espoir de lutte culturale.

Une échelle utile à adopter

Enfin nous recommandons l'adoption de l'échelle des symptômes utilisée dans cette étude (Lecomte et al., 2006 ; Darrieutort et Lecomte, 2007 ; Lecomte et al., 2012), permettant aux futurs observateurs d'évaluer complètement et précisément l'incidence de l'esca.

Cette échelle peut être particulièrement utile pour l'évaluation des méthodes de lutte, la sélection de cultivars tolérants et/ou pour déterminer le rôle des facteurs culturaux dans l'évolution de la maladie.

Recherche : étudier les pratiques, l'environnement, l'eau

Trois priorités de recherche émergent :

– caractériser et rectifier au plus vite les étapes culturales qui dans l'itinéraire technique vigne favorisent un développement trop rapide des nécroses d'esca ;

– en parallèle, caractériser les conditions environnementales conduisant à des situations de forte pression parasitaire au sein du bois fonctionnel ;

– enfin, étudier la circulation et la gestion de l'eau au sein des ceps malades en lien avec la physiologie de la vigne et, de façon plus générale encore, préciser toutes les sources d'alimentation en eau pour tous les organismes parasites que peut héberger la vigne...

À ce jour, les études en cours concernent l'étude de la dynamique d'expression des symptômes d'esca en cours de saison et l'étude de l'évolution de la microflore dans les tissus du désordre vasculaire associé à ces symptômes.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS : *P. LECOMTE, **G. DARRIEUTORT, *J.-M. LIMIÑANA, *G. COMONT, ***A. MURUAMENDIARAZ, ***F.-J. LEGORBURU, ** **E. CHOUEIRI, ** **F. JREIJIRI, ** **R. EL AMIL, ** ***P. PIERI ET *M. FERMAUD

*Inra, université de Bordeaux, ISVV, UMR 1065 Santé et agroécologie du vignoble, av. E. Bourleaux, Villenave-d'Ornon.

**Vitinnov, Bordeaux Sciences Agro, ISVV, Gradignan.

***Neiker-Tecnalia, Vitoria/Gasteiz, Basque Country, Espagne.

** **Lari, Department of Plant Protection, Tal Amara, Zahlé, Liban.

** ***Inra, ISVV, UMR 1287 Ecophysiologie et Génomique fonctionnelle de la vigne, Villenave-d'Ornon.

CONTACT : lecomte@bordeaux.inra.fr

LIEN UTILE : http://www6.bordeaux-aquitaine.inra.fr/sante-agroecologie-vignoble/

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