Pourquoi la lecture des étiquettes des produits phytopharmaceutiques est-elle la première des bonnes pratiques phytosanitaires ? Parce que les mentions de ces étiquettes donnent des conseils sur le stockage et la manipulation. Or elles sont en train d'évoluer. Un point s'impose !
Tox, écotox, physique : pourquoi les étiquettes évoluent
En 2007, un accord mondial pour les produits phytos, désinfectants, etc.
Les raisons de ce changement viennent de loin : hors de la France mais aussi de la protection des plantes.
En effet, il s'agit d'appliquer une harmonisation mondiale – pas moins – de l'étiquetage de tous les produits chimiques et assimilés. Les produits phytos (= phytopharmaceutiques), même ceux d'origine naturelle, en font partie. Mais ils ne sont pas seuls ! Il en est de même pour les produits réglementés comme « biocides » (désinfectants, insecticides ménagers et urbains types antirampants ou antimoustiques, etc.), les carburants, lubrifiants, peintures, etc. Certains de nos lecteurs s'en souviennent sûrement (article de 2011, voir « Pour en savoir plus », p. 38), cette harmonisation a été décidée par un accord global signé sous l'égide de l'ONU en 2007.
Il a instauré le SGH (système global harmonisé), alias GHS (global harmonized system) de classification, emballage et étiquetage des produits chimiques.
À l'époque, chaque région du monde avait son propre système. En France comme dans toute l'Union européenne, la réglementation appliquait une directive de 1999 dite « DPD » (directive préparations dangereuses) et numérotée 99/45. Il fallait du temps pour réaliser l'harmonisation décidée en 2007.
En 2008, le règlement européen CLP applique l'accord mondial
Dans l'Union européenne, un règlement a été publié pour cela en 2008. Numéroté 1272/2008, il est dit « règlement CLP » comme « classification, labelling, packaging » (en français : « classification, étiquetage, emballage »). Depuis le 1er décembre 2010, l'étiquette de toutes les substances actives doit être conforme à ce règlement. C'est le cas, par exemple, des fûts sortant d'une usine de synthèse pour être transportés vers une unité de formulation.
Mais pour les produits formulés (dits « mélanges » dans la réglementation), il reste encore un peu de temps.
Échéance au 1er juin 2015
Pour l'ensemble des produits commerciaux, le nouvel étiquetage sera obligatoire au 1er juin 2015. Dès ce jour-là, aucun produit prêt à la vente ne pourra sortir d'une usine sans que son étiquette ne soit conforme au nouveau règlement.
Mais on ne change pas toutes ses étiquettes du jour au lendemain : de nombreuses sociétés ont déjà commencé à adopter les nouvelles règles d'étiquetage. Actuellement, l'étiquetage est dans une période transitoire. Dans les rayons de la distribution, les locaux phytos de collectivités locales, golfs, prestataires de services, etc., cohabitent des produits aux étiquettes respectant les exigences du règlement CLP et d'autres conformes à la réglementation précédente.
Cohabitation jusqu'en 2017
Et cette cohabitation va durer au-delà du 1er juin 2015. Après cette date, il sera encore possible de trouver dans des jardineries ou d'autres distributeurs des produits sortis d'usine avant le 1er juin avec l'ancien étiquetage. Ceci jusqu'au 1er juin 2017. Ce qui donne deux ans pour écouler les stocks. Si un utilisateur possède un produit acheté d'avance(1) mais que le climat fait qu'il n'a pas besoin(2) de l'appliquer, il serait idiot qu'il se force à s'en servir juste parce qu'un délai va expirer ! pourra attendre la saison suivante – non sans tenir compte de la durée de vie des produits (deux ans sauf mention contraire(3)).
En quoi cela change
Sur les trois types d'avertissement
Le règlement CLP a fait modifier les avertissements sur les dangers liés aux produits : dangers toxicologiques (= pour la santé humaine), dangers écotoxicologiques ou environnementaux sur les organismes aquatiques, et dangers physiques. Dans les deux cas, ces dangers sont symbolisés par trois types d'avertissement :
– des pictogrammes, qui changent ;
– des précisions synthétiques ; on passe des (T+, T, Xn et Xi de l'ancien système à des mots en clair dans le système CLP ;
– des phrases explicatives synthétisées par un code puis données en clair.
Parlons pictogrammes
Nous avions déjà évoqué les anciens et nouveaux pictogrammes dans notre dossier d'avril dernier sur les bonnes pratiques (voir « Pour en savoir plus », p. 38). Revoici le tableau récapitulatif (Tableau 1).
Point important : une première évaluation du degré de danger toxicologique était possible à partir d'un coup d'œil sur les pictogrammes. Les produits à tête de mort étaient les plus dangereux, ceux à croix de Saint-André présentaient des dangers intermédiaires, et ceux dispensés de pictogrammes étaient les moins dangereux. C'était simple... Mais relativement insuffisant, pour deux raisons :
– la catégorie « croix de Saint-André » regroupait une très large gamme de degrés de dangers, en particulier au sein des produits classés nocifs (abréviation : « Xn », voir Figure 1) ;
– cela ne différenciait pas deux types différents de danger, ceux liés à la toxicité aiguë et ceux relevant de la toxicité chronique.
Le nouvel étiquetage fait cette différenciation : la tête de mort est réservée aux fortes toxicités aiguës, la silhouette rongée désigne la toxicité chronique et le point d'exclamation les autres formes de toxicité.
Mais attention ! La silhouette peut indiquer des degrés de dangers encore plus variés que l'ancienne « croix de Saint-André » ! Alors, comment s'y retrouver ?
Passer de la forme abrégée au mot associé
C'est la présence (ou l'absence) d'un mot associé, en principe bien lisible sur l'étiquette, qui le permet. Elle est le complément indispensable du pictogramme (Figure 1).
Le mot « danger » signale un degré de danger plus grave que le mot « attention », et l'absence de mot un moindre degré.
Ces mots se substituent d'une certaine façon aux mentions synthétiques T et T+ pour les produits toxiques (le + désignant la toxicité la plus forte) et Xn et Xi pour les autres produits classés (Xn abrégé de nocif, signalant un produit plus dangereux que ceux classés Xi, abrégé de irritant, voir Figure 1).
Mention de danger : du « R » au « H »
Arrivent ensuite les indications sur le type de danger associé au produit.
Dans l'ancien système, il s'agit de « phrases de risque », mentionnées par un code (R suivi de chiffres), puis données en clair. Dans le CLP, il s'agit de « mentions de danger » abrégées en H (hazard en anglais), elles aussi suivies de chiffres puis données en clair.
Le code permet une lecture rapide – et aussi un rangement rapide, on y reviendra. La mention en clair permet de retrouver la signification : nul n'est tenu de savoir par cœur la signification des 67 codes de l'ancien système et des 88 du nouveau !
Il existe aussi des conseils de prudence, codés en phrases S dans l'ancien système et en phrase P (prudence ou précaution) dans le nouveau. On y reviendra.
Attention, toutes les équivalences ne sont pas parfaites
On l'a vu, les nouveaux pictogrammes désignant la toxicité ne sont pas équivalents aux anciens. De plus, certains critères changent, deux produits ayant le même classement dans l'ancien système peuvent en avoir de différents dans le nouveau. Pour les dangers écotoxicologiques et physiques, le nouveau système suit mieux le précédent.
Quant aux mentions de danger, certaines phrases du système CLP ont leur équivalent dans l'ancien système. Mais pas toutes ! Alors, où trouver les « traductions » des phrases et mentions, avec les équivalences possibles ou non ? Plusieurs solutions :
– l'Index phytosanitaire publié annuellement par l'Acta. Dans les éditions 2014 et 2015, le sujet occupe les pages 21 à 33.
– le texte (en français) du règlement CLP, précisément ses annexes II et IV.
Effet sur les bonnes pratiques de stockage
L'étiquette indique où ranger les produits
En tout cas, savoir lire ces « pictos » permet de respecter les bonnes pratiques de stockage. En effet, pour stocker des produits phytos, non seulement il faut avoir un local phytosanitaire dédié et fermant à clé, mais également respecter des règles de sécurité en matière de rangement. Or c'est sur les étiquettes qu'on trouve les mentions permettant de savoir ranger les produits. Avec, actuellement, deux versions possibles de chaque mention... Il existe des documents à punaiser dans le local ou à proximité. Nous avions reproduit l'affichette de BASF en avril dernier. Rappelons ici deux points importants.
Dangers physiques : séparer les inflammables et les comburants
Un danger physique notable en matière de stockage de produits, quels qu'ils soient, du reste, est celui d'incendie. La règle est de séparer les produits inflammables, qui flambent facilement, de produits comburants. Ces derniers ne flambent pas aisément seuls, mais font flamber les inflammables s'ils sont trop proches... Or leurs « pictos » se ressemblent, dans l'ancien système comme dans le nouveau ! Le Tableau 2 peut aider à ne pas les confondre...
Dangers toxicologiques : placer les pires à part
Par ailleurs, il faut ranger les produits les plus dangereux à part des autres (Tableau 3). Ils sont absents des gammes de produits EAJ (emploi autorisé en jardins d'amateur). Mais il en reste dans les gammes espaces verts et les produits pour arbres fruitiers et légumes utilisés en espaces verts (ex. : vignes et arbres fruitiers de parcs ; de rarissimes produits UAB sont classés toxiques).
Conseils de prudence : ce qui change
Première raison européenne : passage au règlement CLP, des phrases S aux mentions P
Concernant le passage au CLP, les conseils de prudence de l'ancien système (phrases S) sont remplacés par des phrases P avec leurs équivalents en clair. Il faut se limiter à six phrases maximum, sauf cas particulier.
Dans le système DPD, ces conseils allaient de « S1 – conserver sous clé » à « S64 – en cas d'ingestion, rincer la bouche avec de l'eau (seulement si la personne est consciente) ». Dans le nouveau, ils vont de « P101 – en cas de consultation d'un médecin, garder à disposition le récipient ou l'étiquette » à « P501 – éliminer le récipient dans ... (précision au choix) », en passant par « P405 – garder sous clé » et « P301-P330 – en cas d'ingestion, rincer la bouche »...
Parmi ces conseils, il y a ceux du port d'ÉPI, équipements de protection individuelle. Dans l'ancien système, il s'agit de porter un vêtement de protection (S36), des gants (S37) ou un appareil respiratoire (S38 et S39) « approprié ». Mais quand ? Quels types de vêtement, de gant ou d'appareil ? Et que signifie « approprié » ?
Dans le CLP, on a « P280 – porter des gants de protection/ des vêtements de protection/des équipements de protection/des yeux/du visage », « P281 – utiliser l'équipement de protection individuel requis », ou encore « P284 – porter un équipement de protection respiratoire ». Mais que signifie « requis » ? Quand et quel modèle d'équipement ?
Deuxième raison française : les ÉPI
À propos des ÉPI, des changements franco-français concernent certains produits qui ont, sur leurs étiquettes, des mentions bien plus détaillées que d'autres.
Une nouvelle règle s'applique aux étiquettes éditées à partir de septembre 2013. Elle concerne donc les nouveaux produits sortis depuis lors, ainsi que les anciens au fur et à mesure de leur réétiquetage.
La nouveauté tient en deux points :
– elle précise le type d'ÉPI demandé, avec l'éventuelle norme à respecter ;
– elle précise à quel moment il faut le porter. C'est important ! En effet, il s'agit là d'une gestion du risque. Ce dernier résulte du danger lié au produit, mais aussi de l'exposition à laquelle l'utilisateur est soumis. Or, il peut être exposé aux produits de différentes façons selon le moment :
– avant l'application, la préparation du traitement : sauf si c'est un produit prêt à l'emploi, il est encore concentré ;
– pendant l'application ;
– après, en nettoyant le matériel (éclaboussures...).
De plus, pendant l'application, les besoins en ÉPI diffèrent selon que le produit est appliqué :
– sur végétaux de plein air depuis un appareil à cabine filtrante ;
– sur végétaux de plein air depuis un appareil sans cabine, ou à cabine non filtrante ;
– en plein air depuis un appareil à dos ;
– sous serre car l'atmosphère y est confinée.
...Sans compter les cas particuliers types traitements de post-récolte, traitement des semences et des plants. Mais ils concernent peu les zones non agricoles.
Le Tableau 4, page 37, qui est une version actualisée de celui publié dans notre numéro 673, récapitule les recommandations les plus courantes.
Pour un prestataire de service comme pour un applicateur salarié d'une collectivité territoriale ou d'un gestionnaire privé (golf, terrain de sport privé, société d'autoroute, etc.), le port d'un ÉPI approprié au moment approprié est une bonne pratique. Par exemple, il faut porter un tablier de protection pour préparer le traitement, mais ensuite l'enlever pour aller traiter.
Ou encore, il est nécessaire de porter une combinaison de protection chimique de catégorie III type 4 à capuche ainsi que de bottes de protection chimique certifiées EN13 832-3 pendant un traitement avec un pulvérisateur à dos, quel que soit le produit phyto appliqué. Mais, si on traite depuis un tracteur ou motoculteur, les bottes et la combinaison ne sont nécessaires que pour certains produits... Quels produits ? Pour le savoir, il faudra... lire l'étiquette !
<p>(1) Souvent, on se munit d'un produit en prévention, pour ne pas avoir à l'acheter en catastrophe, et prendre le risque qu'il ne soit pas disponible à temps.</p> <p>(2) Par exemple, un fongicide ou un herbicide quand il fait sec et que les champignons et les mauvaises herbes ne se développent pas, ou encore un insecticide quand il fait frais et que les insectes visés restent inactifs.</p> <p>(3) Certains produits à base de micro-organismes vivants ne peuvent se conserver au-delà de quelques mois, voire quelques semaines (et dans de bonnes conditions de température, mais c'est une autre histoire). Dans ce cas, l'étiquette le signale !</p>
1 – On peut lire ces pages quelle que soit l'évolution des lois
Ces étiquettes concernent aussi les produits UAB et ceux listés « Nodu vert biocontrôle », qui vont rester utilisables dans les espaces verts publics qui sont ouverts au public – et à plus longue échéance dans les jardins amateurs s'ils ont par ailleurs la mention EAJ (emploi autorisé en jardins d'amateurs).
En effet, tous les produits sont concernés par le changement d'étiquetage imposé par le CLP et par les conseils de port d'ÉPI. Si certains produits n'ont pas de pictogramme dans l'ancien système ni dans le nouveau, c'est qu'ils sont suffisamment « doux » pour être classés... « sans classement ».
À noter : aucun produit EAJ (cas de 121 produits UAB) ni Nodu vert (pouvant être par ailleurs EAJ et/ou UAB !) n'a sur son étiquette l'une des mentions visibles dans le Tableau 3.
En effet, tous ces produits doivent présenter des garanties d'innocuité qui les dispensent de ces mentions.
Enfin, les produits ni Nodu vert ni UAB restent utilisables au moins pendant deux ans dans les lieux ouverts au public... Et ils le resteront ensuite dans les autres ZNA (ex. : serres de production municipales, voirie, zones industrielles, emprises ferroviaires, aéroports, golfs et autres clubs sportifs privés...).