Sur le métier

Régis Drouhin, correspondant observateur en forêt

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°678 - novembre 2014 - page 48

Technicien au CRPF au service des propriétaires forestiers privés, Régis Drouhin consacre depuis vingt-cinq ans une partie de son temps à la fonction de correspondant-observateur pour le Département de la santé des forêts du ministère de l'Agriculture. Ses missions ? Surveiller le territoire des Ardennes pour traquer tous les problèmes sanitaires présents sur les arbres des forêts, en référer au DSF et aider les propriétaires à les gérer.
 Photo : C. Urvoy

Photo : C. Urvoy

Fils d'agriculteur, Régis Drouhin, 60 ans, a réalisé quasiment toute sa carrière au Centre régional de la propriété forestière (CRPF(1)). « J'ai toujours été attiré par la forêt, se souvient-il. Je voulais un métier en liaison avec la nature, mais pas celui d'agriculteur. » Après un BTS dans la très sélective section « production forestière », il entre en 1977 comme technicien au CRPF pour suivre les forêts privées des Ardennes, à savoir 80 000 ha appartenant à pas moins de 30 000 propriétaires ! « La première mission du CRPF est de mettre en place des documents de gestion durable que les propriétaires ont l'obligation d'appliquer », explique Régis Drouhin.

Veille sanitaire, diagnostic et conseil

Depuis 1989, 15 % de son temps est consacré au Département de la santé des forêts (DSF) du ministère de l'Agriculture en tant que correspondant-observateur.

Le DSF étant représenté sur le territoire par cinq pôles interrégionaux, Régis Drouhin dépend du pôle Nord-Est, basé à Metz, pour qui travaillent cinquante correspondants-observateurs, salariés pour la forêt publique ou privée.

« Ma première mission est de signaler au DSF tous les problèmes phytosanitaires rencontrés sur le terrain, ou qui me remontent via les propriétaires, experts et coopérative forestière ou encore la DDT. Le conseil se fait ensuite souvent de façon individuelle, à la demande des propriétaires. »

Suivis spécifiques

En début d'année, le DSF demande à Régis Drouhin de surveiller plus spécifiquement certains ravageurs. C'est le cas des insectes défoliateurs, dont la processionnaire du chêne, au printemps et en été. En 2015, notre correspond-observateur suivra également les dégâts de scolytes sur épicéa en estimant les volumes d'arbres qui ont dû être coupés à cause des attaques de cet insecte sur un massif échantillon. Autre mission : être vigilant sur l'arrivée de nouveaux organismes envahissants ou encore de nouvelles essences qui pourraient véhiculer des problèmes phytosanitaires.

« Si je vois des pins susceptibles d'être atteints par le nématode du pin, j'adresse une fiche au pôle DSF de Metz, qui prévient le Sral(2) afin qu'il fasse un prélève ment pour analyse. »

Concernant le cynips du châtaignier, toute nouvelle plantation de châtaignier doit être déclarée par le propriétaire au Sral qui en informe Régis Drouhin via le pôle DSF. « Je vais alors les visiter. En cas de doute sur la présence de cynips, j'effectue un prélèvement. »

E-mails réguliers et bilan annuel

Régis Drouhin rend compte au DSF par internet au fur et à mesure des constats. S'y ajoute en fin d'année un bilan pour chaque ravageur ou maladie à surveiller. Il doit également suivre cinq jours de formation par an en moyenne pour mettre à niveau ses connaissances en santé des forêts. De plus, en mars, le DSF interrégional réunit tous ses correspondants durant deux jours pour discuter du bilan de l'année écoulée et leur donner leur lettre de mission pour l'année en cours. « 2014 a été plutôt calme, certainement en raison de l'été pluvieux, avec une pression très faible des défoliateurs précoces sur feuillus et des scolytes sur épicéa, et un recul de la processionnaire du chêne qui montait en puissance ces dernières années, affirme Régis Drouhin. En revanche, l'orcheste du hêtre, un coléoptère défoliateur, a été plus présent que d'habitude dans le Sédanais. »

Mais ce qui le préoccupe le plus, c'est la chalarose sur frêne. Cette maladie est présente en France depuis 2008. Elle se développe doucement mais risque d'impacter à terme la forêt ardennaise.

« Cette année, 70 % des semis naturels de frêne sont morts. Les pertes sur jeunes futaies sont un peu moindres ; les arbres adultes résistent mieux. »

Peu de moyens de lutte

Quelles solutions préconise-t-il aux propriétaires forestiers face aux différents problèmes sanitaires évoqués ?

« Hélas, il n'y en a pas contre la chalarose pour les jeunes semis ou les perchis atteints, souligne notre conseiller. Quand des arbres adultes sont concernés, je préconise de ne couper que branches mortes pour préserver les frênes résistants. »

En effet, 10 % des frênes le seraient et les chercheurs espèrent réussir à produire des plants résistants à partir de ceux-ci. Et en attendant ? « En attendant, je conseille de ne plus planter de frênes. » Face aux défoliateurs, aucun traitement, sauf en cas de défoliation importante deux années de suite pour éviter la mort de l'arbre, ou bien lorsqu'il s'agit d'un lieu accueillant le grand public car ces ravageurs peuvent poser problème (chenille urticante). Le traitement à base de Bacillus thuringiensis, orchestré par le DSF, est réalisé par hélicoptère ou ponctuellement avec un canon.

« Contre le scolyte sur épicéa, nous disposons seulement de la lutte préventive : éviter que le scolyte se reproduise en coupant rapidement les arbres piqués par le ravageur et en évitant de les stocker en forêt. Si besoin, les tas de bois peuvent être traités, sur une aire de dépôt en forêt. Au final, nous avons très peu de moyens de lutte. Nous conseillons donc aux propriétaires d'implanter la bonne essence au bon endroit et de mélanger les espèces pour réduire au maximum la pression des ravageurs et des maladies », conclut Régis Drouhin.

<p>(1) Les CRPF sont les délégations régionales du CNPF, Centre national de la propriété forestière. Celui-ci est <i>« un établissement public au service des propriétaires forestiers. Il a pour mission de contribuer aux actions de développement concernant la forêt, par l'animation, la coordination, la recherche, la formation et la diffusion des connaissances ».</i></p> <p>(2) Service régional de l'alimentation.</p>

BIO EXPRESS

REGIS DROUHIN

1975. BTS Production forestière à l'école des Barres, à Nogent-sur-Vernisson (Loiret). Formateur des BEPA forestiers, futurs agents techniques de l'ONF à la MFR, à Montélimar (Drôme).

Depuis 1977. Technicien au Centre régional de la propriété forestière (CRPF), à Villers-Semeuse (Ardennes).

Depuis 1989. Correspondant-observateur pour le pôle Nord-Est du Département de la santé des forêts (DSF) du ministère de l'Agriculture.

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