CARACTÉRISTIQUES TOXICOLOGIQUES ET ÉCOTOXICOLOGIQUES
Toxicologie et résidus
Le granulovirus d'Adoxophyes orana (GvAo) appartient à la famille des baculovirus.
Ceux-ci apparaissent naturellement dans les populations des arthropodes (principalement lépidoptères). Chaque virus est extrêmement spécifique de son hôte.
Les baculovirus figurent sur la liste QPS (qualified presumption safety) de l'Efsa. Ils ne présentent ni toxicité, ni risque d'infectiosité ou de pathogénicité envers les vertébrés.
Il n'y a pas de définition de résidu ni d'exposition à des résidus qui présenteraient un risque pour la santé du consommateur. Les produits concernés sont donc dispensés de LMR (limites maximales de résidus autorisés).
Écotoxicologie : devenir et comportement dans l'environnement
De nombreuses études de persistance et dispersion dans le sol, l'eau et l'air (OECD Consensus Document, 2002) montrent qu'en l'absence de son hôte (les larves d'Adoxophes orana), le GvAo ne peut pas survivre.
Dans le sol, ce virus peut persister sous forme « immobile » et ne s'accumule pas. Il est inactivé puis minéralisé sous l'action conjuguée de nombreux facteurs : UV (ultraviolets), pH, bactéries du sol.
Dans l'eau de surface , le GvAo ne persiste que peu de temps car il est rapidement désactivé par les ultraviolets.
Par ailleurs, la contamination des eaux souterraines apparaît improbable car les particules virales sont adsorbées sur les sables ou les matières organiques.
Vu les propriétés physico-chimique et la nature du GvAo, la possibilité de contamination aérienne est exclue.
Le nouveau produit n'a aucune influence sur les abeilles et autres insectes utiles, et aucun effet toxique sur l'homme et les mammifères. En résumé, le GvAo est totalement inféodé aux larves d'Adoxophyes orana et n'a pas d'effet néfaste sur d'autres organismes.
L'utilisation comme produit phytosanitaire de ce virus naturellement présent dans l'environnement ne modifie que temporairement sa concentration dans le biotope du ravageur.
MENTIONS LÉGALES
Substance active
Classement : non classé
Pas de résidus chimiques.
LMR non applicable pour un micro-organisme
Produit formulé
UAB (utilisable en agriculture biologique) conformément au règlement (CE) n° 834/2007 et en PFI. Listé Nodu vert 2014.
Classement : non classé
ZNT : 5 m
DAR : quatre jours
Nombre d'applications maximales par an : quatre.
CONTEXTE : FAIRE FACE À LA CAPUA
Nuisible surtout sur pomme
La capua (Adoxophyes orana), espèce polyphage, peut s'alimenter des feuilles et fruits de diverses espèces. Sur pommier, elle sévit souvent en production intensive. Cela s'accentue en cas d'abondance de jeunes feuilles et de diminution d'Ichneumon (parasitoïde naturel). En France, elle est nuisible surtout sur pommes dans le Sud-Ouest.
Deux générations par an
Les larves hibernent au stade L2 ou L3 cachées dans un cocon sur les grosses branches et le tronc. Juste après le débourrement, elles quittent leur quartier d'hiver pour manger les bourgeons, puis les noeuds floraux, puis les feuilles des jeunes tiges. La nymphose a lieu à la chute des pétales dans des feuilles repliées.
Fin mai, les papillons de première génération (G1) effectuent un vol d'environ trois semaines et pondent leurs oeufs sur la face supérieure de feuilles âgées. Les larves (génération d'été, G2) éclosent environ dix jours après.
Elles mangent les jeunes pousses, fabriquent un filage et enroulent les nouvelles feuilles. Souvent la feuille est attachée à un fruit en croissance et la larve se nourrit en attaquant la feuille et le fruit.
Les larves âgées font des dégâts en surface des fruits.
Il y a cinq stades larvaires. Après une nymphose de dix à quinze jours, le vol de deuxième génération (G2) a lieu de mi-juillet à fin août.
Les oeufs sont déposés sur les feuilles et fruits. Après éclosion, les larves d'automne provoquent de fines morsures à la surface des feuilles, parfois au niveau des fruits, avant d'entrer en hibernation. En cas d'été frais, des larves de la génération d'été hivernent directement (Agroscope Suisse).
PROPRIÉTÉS BIOLOGIQUES
Description du virus
Naturellement présents chez les lépidoptères, les baculovirus sont caractérisés par leur forme en baguette. La particule virale (granule ou occlusion body, env. 400 nm de long) est visible au microscope électronique.
Ces virus sont dits « enveloppés » (péplos). Leur génome est sous forme d'ADN bicaténaire protégé par une capside (nucléocapside) : c'est le virion, lui-même recouvert d'une membrane, la matrice glycoprotéinique.
Il existe deux genres de baculovirus : nucleopolyhedrovirus (NPv) et granulovirus (Gv). La matrice protétique enveloppant les nucléocapsides est à base de granuline chez les Gv et de polyhedrine chez les NPv (OECD, 2002) ; ces protéines sont essentielles pour la reconnaissance et l'infection des cellules-hôtes.
Mode d'action par ingestion
Il suffit à une jeune larve (L1, L2) de consommer une à deux granules pour être mortellement infectée. Les capsides sont dissoutes en dessous de pH 5 mais aussi au-dessus de pH 8,5 (cas du système digestif des chenilles). L'ADN est libéré dans les cellules hôtes pour se dupliquer et infecter de nouvelles cellules-hôtes jusqu'à la mort de la larve. Avant d'être disséminés dans l'environnement, les virions s'entourent d'une matrice protéique et forment de nouveaux granules capables d'infester de nouvelles larves d'A. orana.
Effet à court terme : mort des larves infectées jeunes
Le virus se multipliant dans la larve, celle-ci meurt en quelques jours, se liquéfie et largue une forte quantité de particules virales que la pluie ou le vent vont disperser vers d'autres larves.
Les larves infectées par le granulovirus d'A. orana au stade jeune meurent aux derniers stades larvaires (L5) sur les feuilles exposées de l'arbre (Figure 2). Ces larves étant grosses, les nouveaux virus sont dispersés en grande quantité dans le verger et pourront infecter les larves de la même génération.
Effet à long terme via les larves âgées
Les larves contaminées lors de ce dernier stade larvaire peuvent survivre. La dose absorbée est sublétale et l'infection latente : virus présent sans se répliquer. En cas de stress (sécheresse, disette, insecticide), le virus est activé, la réplication redémarre et conduit à la mort de la larve.
Dans le cas d'une transmission dite « verticale », la larve infectée de façon sublétale continue son cycle mais l'adulte qui en est issu présente une fertilité réduite. De plus il peut transmettre le virus via les oeufs (transmission transovariale). Les larves issues de ces oeufs seront infectées avant même d'éclore.
Il existe un autre mode de transmission (transovum) après l'oviposition : les adultes déposent des particules virales sur les oeufs déposés. L'infection a alors lieu lors de l'éclosion.
La transmission du virus à la génération suivante peut être supérieure à 50 % (Cory and Myers 2003, Kukan et al., 1999, Cabodevilla 2011). Cela peut réduire considérablement la population de capua l'année suivante.
RÉSULTATS ET RECOMMANDATIONS
Efficacité au verger
Le GvAo peut être aussi efficace qu'un insecticide conventionnel et supérieur à d'autres bio-insecticides.
Le Tableau 1 présente un essai sur pommier réalisé en Grèce (Corinthe Hellafarm sa) en 2006. Le nouveau produit, appliqué deux fois à 100 ml/ha au printemps sur L3, est comparé à un Btk et un témoin.
La Figure 3 rapporte les résultats : le produit s'est montré plus efficace que le Btk.
Le Tableau 2 rapporte les conditions d'un essai CEB sur pommier en Allemagne (KOB, Ravensburg) en 2010. Trois applications du nouveau produit à 100 ml/ha sont comparées à Coragen à 0,18 l/ha. Les deux modalités ont le même niveau d'efficacité (Figure 4).
Positionnement : trois périodes possibles
Capex peut être utilisé sur plusieurs générations, quatre fois maximum par saison.
La première période est le printemps : deux applications sur larves au stade C3-D avec un intervalle maximal de dix jours (recommandé huit à dix jours). Pour un effet maximum, il faut appliquer le produit dès la sortie de diapause des larves, puis sur les toutes jeunes larves de G1 dès l'éclosion des oeufs.
L'été est la deuxième période : une à deux applications en début d'éclosion des larves.
La troisième période est l'automne : une ou deux applications au début d'éclosion des larves, intervalle maximal dix jours (recommandé huit à dix jours).
Au printemps, empêcher les dégâts
Le traitement de printemps doit avoir lieu lors de l'apparition des premières larves. Lors de l'apparition des premières pointes vertes, on trouve de petites larves logées dans du coton au niveau des boutons floraux.
La seconde application (huit à dix jours plus tard) interviendra avant la floraison.
Le bio-insecticide s'utilise donc dix à quatorze jours avant les insecticides conventionnels type régulateurs de croissance.
En été, diminuer la future population
Après un premier vol important en été, il est possible d'utiliser ce virus pour diminuer la population de capua. Les dégâts estivaux seront à peine atténués mais la population d'automne sera réduite.
La première application aura lieu dès l'apparition des larves sur les pousses, la seconde huit à dix jours plus tard. En programme PFI, un insecticide à plus large spectre peut être préféré pour ce dernier passage d'été.
En automne
On peut enfin appliquer le nouveau produit après le deuxième vol (G2) en début d'éclosion des larves. Si nécessaire, effectuer une deuxième application huit à dix jours plus tard. En programme PFI, un insecticide à plus large spectre peut être préféré pour ce dernier passage.
CONCLUSION
Le granulovirus d'Adoxophyes orana (capua) proposé dans Capex, est destiné aux traitements préventifs, par pulvérisation des parties aériennes.
Encore localisée surtout dans le sud-ouest, la tordeuse capua est devenue un problème majeur dans certains vergers où les dégâts peuvent toucher jusqu'à 30 % des fruits. L'activité du nouveau produit, supérieure au Bt en conditions fraîches, ainsi que ses modes de transmission horizontaux et verticaux en font une solution inédite et efficace contre ce ravageur.
Inscrit sur la liste Nodu vert 2014, le produit est exempt de classement. Comme tout insecticide à base de granulovirus, il agit sur le problème immédiat s'il est appliqué au printemps et régule la population pour l'année suivante grâce aux applications d'été et d'automne.
*Andermatt France Cré@ticité Bat A Technopole Izarbel 64210 Bidart.**Andermatt Biocontrol Andermatt Biocontrol, présentation Andermatt Biocontrol est une société familiale suisse créée par Martin et Isabel Andermatt en 1987 à l'occasion d'une première mondiale, l'homologation (en Suisse) d'un virus pour lutter contre un ravageur de plante : Madex (virus de la granulose) contre le carpocapse de la pomme. Depuis lors, Andermatt Biocontrol se consacre au développement de solutions alternatives aux produits de synthèse. Elle développe en particulier des baculovirus contre des lépidoptères ravageurs de cultures (notamment Madex, Madex Pro, Madex Twin et Helicovex qui sont autorisés en France) et participe à des projets internationaux comme Biocomes. Capex a déjà reçu des autorisations de vente en Europe et particulièrement en Allemagne, Italie, Belgique, Slovénie et Angleterre. La société Andermatt France a, pour sa part, été créée en janvier 2014.
Fig. 1 : Cycle de capua
Il est utile à connaître pour comprendre comment fonctionne le virus, donc savoir comment l'utiliser au mieux.
Fig. 3 : Efficacité sur larves de printemps, essai 2006
Niveau supérieur à celui de la référence biologique.
Summary
Adoxophyes orana Granulovirus (AoGv) is the active ingredient of Capex, a newly authorized bio insecticide. The preparation was developed by the Swiss-based company Andermatt Biocontrol. It is aimed at controlling summer fruit tortrix moths (now a major pest in apple production in the great South Western part of France) on apple trees.
Increased efficacy over Bt under cool climatic conditions combined with horizontal and vertical transmission make the new bio-insecticide a unique and distinctive solution for French producers.
A sound tox and ecotox profile enabled its inclusion in the 2014 Nodu vert list. This bio-insecticide not only controls the pest during the season, it also helps limiting the pest population level, mid term.