Le buis est un arbuste très répandu dans les sous-bois et les aménagements urbains. Avec 1,925 million de plants vendus chaque année, pour un chiffre de vente de 16,136 millions d'euros (FranceAgriMer 2012), il est néanmoins menacé par de nouveaux bioagresseurs (voir Encadré 1), dont la pyrale du buis.
Un papillon invasif ravageur du buis
Présentation de l'espèce
La pyrale du buis Cydalima perspectalis (Walker, 1859) est un papillon de la famille des Crambidae originaire de l'est de l'Asie (Mally and Nuss, 2010).
Cette espèce a été accidentellement introduite en Europe où elle est considérée comme invasive. Elle a été référencée pour la première fois en Allemagne en 2007 (Krüger, 2008).
Elle s'est répandue dans les pays avoisinants (Bella, 2013), colonisant la France en 2008 (Feldtrauer et al., 2009), atteignant Bucarest en 2011 (Székely et al., 2011) et Istanbul en 2012 (Hizal et al., 2012).
En l'espace de quelques années, elle a colonisé une partie de l'Europe et elle pourrait potentiellement continuer son expansion (Nacambo et al., 2013). En 2014, elle est présente en France dans au moins 71 départements dont 28 nouveaux (Brua, 2014). C'est un ravageur spécifique du buis (Buxus spp.) (Marumayama and Shinkaji, 1987), qui peut causer des dégâts importants du fait de sa pullulation.
Le buis étant très répandu dans les espaces verts et les aménagements urbains, les ravages que les chenilles causent à ce végétal ont une répercussion financière importante (Lopez-Vaamonde et al., 2010).
Ce ravageur a aussi un impact écologique non négligeable ; pour exemple, en 2013, la pyrale a totalement anéanti plus de 100 ha de buis sauvage dans le sous-bois de la forêt de Tagolsheim, en Alsace (Brua, 2013).
Comment lutter de manière durable
Vu la tendance actuelle de réduction d'usage des insecticides conventionnels, une protection biologique intégrée serait plus adaptée. Des méthodes de contrôle à l'aide de nématodes (Göttig et al., 2012) ou de parasitoïdes larvaires (Braconidae) (Zimmermann and Wührer, 2010) sont en cours d'étude.
Actuellement, la stratégie la plus efficace est l'application de traitements à base de Bacillus thuringiensis (Bt) (Brua, 2013 ; Oelhafen, 2012 in Lefort et al., 2014). Mais il est risqué de se cantonner à une seule méthode de lutte. De nouvelles stratégies devant être trouvées, un programme de recherche nommé SaveBuxus a été monté par plusieurs partenaires (voir Encadré 2).
Étude de la biologie de Cydalima perspectalis
Principe
Afin d'améliorer les connaissances sur le ravageur Cydalima perspectalis, nous avons étudié sa biologie. Pour cela, nous avons mesuré différentes caractéristiques biologiques : développement, longévité, sexe-ratio, fécondité, pattern de ponte. Toutes nos expérimentations ont été menées sur la forme blanche de la pyrale.
Dispositif expérimental
Des larves de tout âge ont été prélevées sur le terrain, en région PACA. Ces larves ont été placées en présence de buis frais renouvelé régulièrement pour obtenir des adultes.
Des adultes mâles et femelles ont été placés dans 21 cages de ponte en présence de petits bouquets de buis et de cotons imbibés d'eau et de miel.
L'élevage a été effectué dans les conditions du laboratoire : T 25 °C ± 1, HR 75 % ± 5 et une photopériode 16L:8D.
Résultat : un cycle mieux connu
La durée totale du cycle est de 45 jours en moyenne (Figure 1). Les femelles adultes reproductrices vivent en moyenne 12 jours (23 jours maximum) contre une moyenne de 17 jours pour les femelles sans activité de reproduction. Les mâles ont une longévité de 15 jours en moyenne.
Le sexe-ratio dans notre élevage est de 50 % (test de Wilcoxon, p = 0,3).
Courbe de ponte
La ponte commence très tôt après l'émergence des adultes (Figure 2). Le pic de ponte est atteint le septième jour. Plus de 50 % des pontes sont réalisées entre le quatrième et le dixième jour et près de 80 % des pontes entre le quatrième et le quatorzième jour. L'étude de fécondité montre que les femelles pondent tout au long de leur vie. Une femelle pond en moyenne un total de 800 oeufs (± 300 oeufs) au cours de sa vie.
Spécificité de C. perspectalis au genre Buxus spp. : test sur Ilex crenata
Dans le but d'identifier des plantes de substitution au genre Buxus spp., des papillons ont été mis en contact avec Ilex crenata dans des cages.
De rares pontes ont été observées mais, à l'éclosion, les larves ne se sont pas alimentées sur I. crenata et sont mortes.
Parallèlement, différents stades larvaires ont été directement mis en contact avec la plante, mais aucune larve ne s'est alimentée. Il est donc possible de conclure qu'I. crenata n'est pas une plante-hôte potentielle de C. perspectalis.
Meilleure connaissance du ravageur
La mise au point de l'élevage de Cydalima perspectalis au sein de notre laboratoire permet une production fiable et en quantité suffisante pour le maintien de l'élevage et les expérimentations. Les données des caractéristiques biologiques obtenues sont assez similaires à celles obtenues au Japon par Maruyama (Maruyama and Shinkanji, 1987 ; 1991 ; 1993). Toutefois les différences de temps observées pour le développement des larves et la survie des adultes (respectivement 25 jours et 10 jours contre 31 et 13 jours pour nos expériences) peuvent s'expliquer par plusieurs hypothèses.
Les souches de pyrale du buis sont peut-être différentes d'un point de vue génétique ; de plus, il est difficile de connaître avec précision les conditions d'élevage des précédentes études et de savoir si les évaluations de températures, d'humidité et les conditions de nutrition sont les mêmes.
L'étude de la courbe de ponte a permis, en plus d'apporter des éléments sur la biologie de la pyrale, d'optimiser son élevage. Notamment, il a été décidé, pour rentabiliser le nombre de cages en fonctionnement, d'utiliser uniquement les femelles âgées de 4 à 10 jours car c'est le moment où le nombre d'oeufs pondus est le plus important (50 %, voir Figure 2). De plus, travailler avec des oeufs d'âges regroupés permettait de fiabiliser nos expérimentations.
La quantité d'oeufs produite est suffisante pour assurer à la fois nos expérimentations et la pérennité de l'élevage. Toutefois, l'élevage peut être encore optimisé pour améliorer le travail et réduire les coûts induits.
Optimisation de l'élevage
Afin d'obtenir un grand nombre d'insectes à coût réduit, nous réalisons des expérimentations. Elles visent plusieurs objectifs :
- rechercher la meilleure taille et forme des cages ;
- trouver le ratio de couples par cage offrant la meilleure fécondité par femelle ;
- évaluer le rendement de la production en conditions d'élevage ;
- tester le stockage des chrysalides.
Le but est de mettre en place un élevage durable donnant suffisamment d'oeufs pour les expérimentations et d'adultes pour renouveler les cages d'élevage.
Différentes tailles de cages et plusieurs combinaisons d'adultes par cage sont testées. Les oeufs sont récoltés tous les jours en retirant la feuille ou branche sur laquelle ils se trouvent. Toutes les cages sont stockées dans des pièces confinées (T 25°C ± 1, HR 75 % ± 5, 16L:8D). Le buis utilisé pour l'élevage ne doit pas avoir été traité au préalable.
Conclusion et perspectives
Nos travaux ont permis d'améliorer les connaissances sur la biologie de C. perspectalis, notamment la détermination de son cycle biologique en laboratoire à 25 °C. Ils ont abouti à la mise au point de son élevage permettant de réaliser les tests de lutte biologique, objet de l'article suivant.
1 - Les bioagresseurs émergents sur buis
Depuis quelques années en France, des bioagresseurs émergents s'attaquent aux buis : les maladies du dépérissement du buis, dues à des champignons tel que Cylindrocladium buxicola (Henricot and Culham, 2002) ou Volutella buxi (Dodge, 1944) et la pyrale du buis Cydalima perspectalis, objet de cet article.
Les chenilles de ce papillon peuvent rapidement défolier ces plants, provoquant leur mort.
2 - SaveBuxus : la lutte par la coopération
Associant le centre technique Plante & Cité, l'institut technique de l'horticulture Astredhor, l'Institut national de la recherche agronomique et la société Koppert France, le projet SaveBuxus a pour but d'améliorer les connaissances sur les maladies du dépérissement et la pyrale Cydalima perspectalis du buis, d'évaluer et de mettre au point des solutions de biocontrôle pour lutter efficacement et le plus écologiquement possible contre ces bioagresseurs.
Concernant la pyrale du buis, en complément des travaux sur l'efficacité des agents de biocontrôle, l'Inra traite plus particulièrement des questions liées au piégeage phéromonal et à la recherche des parasitoïdes oophages. La société Koppert France, spécialiste des produits de biocontrôle, se chargera plus particulièrement de diffuser les solutions qui seront mises au point.
SaveBuxus est financé par Val'hor, FranceAgriMer, l'Onema dans le cadre d'Ecophyto, la Fondation de France et Koppert France.
Fig. 1 : Cycle biologique en laboratoire à 25 °C de la pyrale du buis
En été, moins de deux mois suffisent pour une génération. Sachant que la ponte commence deux à trois jours après l'émergence des adultes, le cycle complet est bouclé en 40 à 50 jours (moyenne : 45 jours).
Fig. 2 : Courbe (« pattern ») de ponte de la pyrale
Ligne verticale bleue : moment où la moitié de la somme cumulée des pontes est atteinte.
REMERCIEMENTS
Travail réalisé grâce au concours financier et technique de Plante & Cité, Astredhor, Val'hor, FranceAgriMer, l'Onema dans le cadre d'Ecophyto, la Fondation de France et Koppert France.