La réglementation européenne cherche à garantir la qualité sanitaire des grains contre les déprédations liées à des bioagresseurs. Pour cela, elle déploie différents moyens (Tableau 1). Faisons le point sur le sujet.
Côté toxines
Mycotoxines : T2 et HT2 à la traîne
On sait que, parmi les fusariotoxines, mycotoxines produites par des champignons du genre Fusarium, les toxines T2 et HT2 ne sont pas encore réglementées au contraire du DON (déoxynivalénol), de la zéaralénone et des fumonisines.
Certes, une recommandation européenne du 27 mars 2013 a été publiée le 3 avril 2013. Nous avions évoqué ce texte(1) qui :
- impose de surveiller et analyser les toxines T2 et HT2 dans les grains destinés à l'alimentation humaine et animale ;
- liste les « niveaux indicatifs [...] au-dessus desquels il convient d'effectuer des enquêtes, surtout en cas de découvertes répétées ».
Un règlement du 16 mai 2014 cite les règles d'échantillonnage. Depuis... on attend.
Phytotoxines : alcaloïdes de datura
En revanche, il est sorti une recommandation européenne du 19 juin 2015 sur le « suivi de la présence des alcaloïdes tropaniques dans les denrées alimentaires ». Ces alcaloïdes sont présents dans les graines des plantes du genre Datura (photo en haut de page), dont Datura stramonium, la stramoine ou herbe du diable. Or, dixit le texte européen, on a trouvé récemment des graines de stramoine dans des lots de graines de lin, soja, sorgho, millet, tournesol et sarrasin.
Le texte recommande la surveillance des lots de ces graines, ainsi que de ceux des céréales notamment, et des analyses de ces alcaloïdes (atropine, scopolamine, etc.). En revanche, il ne cite aucun niveau au-delà duquel il convient d'être plus vigilant.
Côté bioagresseurs
L'ergot davantage cadré... bientôt
La réglementation peut aussi limiter les taux de présence de bioagresseurs eux-mêmes. C'est le cas des sclérotes d'ergot (Claviceps purpurea), connus eux aussi pour produire des alcaloïdes (ergotamine, etc.).
Ils étaient déjà réglementés en alimentation animale. Le 14 avril dernier, la Commission européenne a décidé de fixer un taux maximum de 0,5 g d'ergot par kg de céréales brutes (pas le maïs et le riz) destinées à l'alimentation humaine. Le règlement 1881/2006, qui fixe les taux maximaux de contaminants (DON, etc.) sera enrichi en ce sens par un nouveau règlement. Celui-ci a été notifié par la Commission au Parlement et au Conseil le 10 juillet dernier. Sa publication est espérée pour cet automne.
Carie : seuil de dérogation modifié
Autre bioagresseur, la carie. Les spores des champignons responsables (Tilletia spp.), très malodorantes, sont perceptibles avant que leurs taux n'entraînent de risque sanitaire. Les lots sont alors retirés du marché sans besoin de réglementer à ce stade. En revanche, une norme sur les semences certifiées de blé tendre permet d'éviter que les blés issus de ces semences ne soient cariés.
Cette norme est « zéro spores de Tilletia sp. », mais un taux de présence est toléré par dérogation pour les semences non traitées en agriculture biologique. Ce taux, de 20 spores/g de semences pour la dernière campagne, est abaissé à 10 spores/g de semences pour les prochains semis.
Côté insecticides de stockage
Du neuf depuis un an
Passons maintenant à la protection des grains contre les insectes de stockage. Elle avait été bouleversée par l'interdiction du dichlorvos alias DDVP, officielle en 2008 mais effective en pratique dès 2007(2), puis celle du malathion et de la bifenthrine. Une seule nouvelle substance avait été lancée : la cyperméthrine(3) en 2010. Depuis un an, trois nouveautés l'ont rejointe : une barrière physique donc non réglementée (voir p. 30) et deux insecticides (Tableau 2).
Classique et alternatif
Néorel UL, autorisé fin 2014, associe la cyperméthrine et le chlorpyriphos-méthyl. Cette alliance inédite combine deux modes d'action différents pour une belle efficacité sur les lots de grains.
Silicosec vient d'être autorisé. Il est à base de diatomées (dioxyde de silice naturel). Selon des travaux cités en 2013(4), il a un nouveau mode d'action (abrasion de la cuticule) efficace pour la « sanitation » des locaux vides mais moins pour traiter les lots de grains.
Étant de type alternatif, il pourrait figurer sur la liste Nodu vert biocontrôle des produits épargnés par le plan Ecophyto, qui touche aussi la protection post-récolte.