DOSSIER - Bonnes pratiques en ZNA

Produits phyto professionnels : restrictions programmées

MARIANNE DECOIN* - Phytoma - n°687 - octobre 2015 - page 22

La réglementation accélère les interdictions en matière d'utilisation professionnelle de produits phytopharmaceutiques en zones non agricoles. Où en est le calendrier ? Quels effets en pratique et sur les pratiques ?
À gauche, emprise d'un établissement public (SNCF). À droite, voie publique. Les deux zones sont accessibles au public (la clôture s'interrompt...). En 2017, elles seront désherbées avec des produits « verts » (UAB, à faible risque ou de biocontrôle) ou des méthodes alternatives. Ou juste fauchées.  Photo : M.-F. Delannoy

À gauche, emprise d'un établissement public (SNCF). À droite, voie publique. Les deux zones sont accessibles au public (la clôture s'interrompt...). En 2017, elles seront désherbées avec des produits « verts » (UAB, à faible risque ou de biocontrôle) ou des méthodes alternatives. Ou juste fauchées. Photo : M.-F. Delannoy

Cet espace vert appartenant à une société privée n'est pas soumis aux restrictions édictées par la loi de février 2014 et la LTE (loi de transition énergétique) d'août 2015.  Photo : M. Decoin

Cet espace vert appartenant à une société privée n'est pas soumis aux restrictions édictées par la loi de février 2014 et la LTE (loi de transition énergétique) d'août 2015. Photo : M. Decoin

Espace vert public (ici, d'un établissement public) ouvert au public. La LTE y interdit, dès 2017, les produits phyto, sauf « à faible risque » (critères européens), UAB (liste connue) et « de biocontrôle listés » (liste attendue).  Photo : M. Decoin

Espace vert public (ici, d'un établissement public) ouvert au public. La LTE y interdit, dès 2017, les produits phyto, sauf « à faible risque » (critères européens), UAB (liste connue) et « de biocontrôle listés » (liste attendue). Photo : M. Decoin

Tableau 1 : Certiphytos des applicateurs en ZNA, les catégories et le calendrier

Tableau 1 : Certiphytos des applicateurs en ZNA, les catégories et le calendrier

Tableau 2 : Restrictions sur les phytos professionnels en ZNA : quels produits épargnés, quels domaines, quel calendrier ?

Tableau 2 : Restrictions sur les phytos professionnels en ZNA : quels produits épargnés, quels domaines, quel calendrier ?

En août dernier, l'article 68 de la loi de transition énergétique a avancé les dates de prohibition, dans certaines ZNA (zones non agricoles), des produits phyto (phytopharmaceutiques) sauf « verts ».

Voici, après le rappel des restrictions et de l'encadrement des pratiques déjà en vigueur, le nouveau calendrier de prohibition avec les zones touchées et les produits épargnés.

Bonnes pratiques : ce qui existait déjà

L'arrêté de 2006 et les règles d'application des produits

Les applicateurs professionnels en ZNA sont soumis aux mêmes règles de bonnes pratiques que les agriculteurs, plus certaines autres plus exigeantes.

Depuis la publication d'un arrêté de septembre 2006(1), tous ne doivent pas traiter avec un produit phyto - même « bio » :

- par vent dépassant la vitesse d'une petite brise de 19 km/h (« force 3 ») ;

- à moins de 5 mètres de tout cours au point d'eau, sauf autorisation express sur l'étiquette (ex. : produit pour plantes aquatiques), sachant que la ZNT (zone non traitée) de certains produits peut être supérieure (20 m, 50 m, 100 m... Pas de panique, c'est écrit sur l'étiquette).

De par le même arrêté, ils ne doivent pas non plus :

- laisser entrer le public dans une zone traitée avant la fin du « délai de rentrée » (mentionné sur l'étiquette) et qui n'est jamais inférieur à 6 heures ;

- laisser filer leurs effluents (fonds de cuve inutilisés, eaux de lavage des appareils d'application, etc.) à l'état brut dans le milieu.

Ils doivent :

- soit diluer ces effluents et les pulvériser sur les zones traitées ;

- soit les stocker et les faire enlever dans une filière DD (déchets dangereux) ;

- soit les traiter dans un dispositif mettant en oeuvre un procédé reconnu par le ministère chargé de l'Environnement ; à notre connaissance, il y en a seize dont sept reconnus en ZNA.

Phytobac, Phytocat, Evapophyt, Heliosec, Osmofilm et Émeraude/BF Bulles le sont en même temps pour l'agriculture. Le septième (UTP) est reconnu spécifiquement pour les zones non agricoles.

Certiphyto et utilisateurs professionnels en ZNA

Autre règle quasi agricole : de par un décret d'octobre 2011(2), les applicateurs professionnels en ZNA doivent, comme les agriculteurs, avoir leur certiphyto ou certificat individuel phytosanitaire. Pour les utilisateurs professionnels non agricoles, il existe quatre catégories de certiphyto. Elles sont rendues obligatoires à des dates différentes selon l'employeur (Tableau 1).

Pour les applicateurs travaillant dans des entreprises prestataires de services (paysagistes pratiquant des traitements chez leurs clients, etc.), l'obligation existe depuis le 1er octobre 2013.

En revanche, pour les salariés des collectivités territoriales, l'obligation était prévue au 1er octobre 2014 mais, nous l'avions écrit l'an dernier(3), elle a été repoussée pour eux comme pour les agriculteurs.

Il en est de même pour les applicateurs travaillant directement chez un employeur privé : jardiniers professionnels de terrains de golf, hippodromes, sociétés d'autoroute, domaines privés ouverts au public ou non, etc. Mais, comme les agriculteurs, tous devront être phytocertifiés le 26 novembre prochain !

Attention, contrairement aux certiphytos des agriculteurs valables dix ans pour l'instant, ceux des applicateurs en ZNA ne sont valables que cinq ans. Ceux datant de 2010 (certificats expérimentaux reconnus valables en 2011) doivent donc très vite être renouvelés.

Rien que pour les ZNA, l'arrêté « lieux publics » de 2011

Ensuite les pratiques d'application des produits phyto dans les lieux accueillant du public et le choix de ces produits étaient déjà restreints par un arrêté de 2011 dit « arrêté lieux publics » et présenté en son temps dans Phytoma(4).

Il exige un certain nombre de bonnes pratiques, notamment d'information du public, de balisage des lieux à traiter avant et pendant le traitement, mais aussi durant le délai de rentrée des produits (ou délai d'éviction).

Par ailleurs, déjà, il restreint le choix des produits : depuis 2011, seuls sont autorisés dans les lieux accueillant des enfants(5) et d'autres personnes vulnérables(6) :

- les produits exemptés de classement toxicologique (le classement écotoxicologique est toléré, notamment le « dangereux pour les organismes aquatiques » qui affecte la grande majorité des herbicides car ils sont toxiques sur les algues vertes, végétaux ultra-sensibles) ;

- les produits qualifiés « à faible risque », c'est-à-dire à base de substances reconnues comme telles par l'Union européenne.

À noter : cette dernière possibilité est restée théorique jusqu'en février 2015, date de la première reconnaissance officielle d'une substance à faible risque (un micro-organisme utilisé en maraîchage et horticulture sous serre).

Au 15 septembre 2015, cinq substances sont reconnues à faible risque par l'Europe, dont une utilisée en ZNA : le phosphate ferrique, à la base de molluscicides alias antilimaces (par ailleurs UAB et Nodu vert).

Mais cela ne change pas grand-chose car tous ces produits sont déjà dispensés de classement toxicologique.

Nouvelles restrictions prévues

Loi d'avenir agricole de 2014 et traitements « à proximité »

Nouveau, d'autres restrictions au choix des produits sont programmées (Tableau 2).

Tout d'abord, l'article 53 de la loi d'avenir agricole prévoit d'interdire les produits :

- sauf ceux à faible risque et ceux « dont le classement ne présente que certaines phrases de risque déterminées par l'autorité administrative » ; logiquement, ce devrait être les mêmes que ceux visés par l'arrêté de 2011, mais rien n'est jamais sûr ; en tout cas les produits dispensés de tout classement seront forcément utilisables ;

- non seulement dans l'enceinte des lieux accueillant exactement les mêmes publics vulnérables que ceux visés par l'arrêté de 2011, mais encore à proximité de ces lieux.

Les restrictions « à proximité » s'appliqueront, sauf en cas de :

- présence de structures de protection (haies, etc.) ;

- mise en oeuvre de certaines bonnes pratiques : traitement hors des heures de présence des publics vulnérables (ex. : horaires de classe), utilisation d'équipements antidérive...

Nous avions signalé cette mesure l'an dernier(7) mais il faut ajouter qu'elle doit, pour être applicable, être précisée « par voie réglementaire ». Il faut attendre un texte d'application pour savoir comment l'appliquer et quelles pratiques elle impose. En effet, à la lecture de la loi on ne sait pas :

- ce que recouvre la notion de proximité ;

- les phrases de risque autorisant le traitement (celles de l'arrêté de 2011 ou non ?) ;

- les équipements antidérive permettant de traiter.

Quand sortira le texte qui donnera réponse à toutes ces interrogations ? À l'heure où nous mettons sous presse, le ministère de l'Agriculture, sollicité à plusieurs reprises, n'a pas daigné répondre à la question.

LTE et utilisation en espaces verts

En attendant, d'autres restrictions sont programmées pour le 1er janvier 2017. Elles concernent les traitements effectués à titre professionnel dans certaines zones non agricoles (Tableau 2).

Nous avions présenté l'an dernier(8) la version en vigueur fin 2014 car instaurée par la loi du 6 février 2014, dite loi Labbé. Mais, depuis lors, la loi dite de transition énergétique(9), abrégeons-la en LTE, a étendu leur domaine aux voiries « sauf étroites et difficiles d'accès »(10) et accéléré leur calendrier : les prohibitions étaient prévues le 1er janvier 2020, ce sera le 1er janvier 2017.

Le principe est là encore d'interdire, dans des zones non agricoles accessibles au grand public et traitées par des professionnels, tous les produits phyto sauf les « verts ». Mais les lieux concernés ne sont pas les mêmes que ceux cités par l'arrêté « lieux publics » de 2011 et les listes des produits épargnés non plus - même si certains produits figurent sur les deux.

Les lieux concernés ? Il s'agit d'espaces :

- relevant du domaine des personnes publiques définies légalement(11) comme « l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que les établissements publics » - domaine moins large que celui de l'arrêté de 2011, lequel concerne tous les types de propriétaires ;

- de type « espaces verts, forêts, voiries et promenades » ; donc différent des établissements concernés par l'arrêté de 2011, même si certains espaces se recoupent ; par exemple les aires de jeux pour enfants des jardins publics municipaux relèvent à la fois de l'arrêté de 2011 (qui les cite nommément) et des nouvelles lois (elles font partie d'espaces verts relevant du domaine des personnes publiques) ;

- qui sont « accessibles ou ouverts au public », tout le public, ce qui élargit la population concernée par rapport aux seules personnes vulnérables qui étaient visées par l'arrêté de 2011.

Les produits épargnés ? Il y a là ceux « à faible risque » comme pour l'arrêté de 2011, mais aussi :

- les produits UAB, utilisables en agriculture biologique (qu'ils soient ou non classés au plan toxicologique) ; leur liste est connue et publique, on la trouve sur le site de l'Itab, Institut technique de l'agriculture biologique (voir les liens utiles) ; elle est périodiquement réactualisée, sa dernière version date du printemps 2015 ;

- ceux « de biocontrôle figurant sur une liste établie par l'autorité administrative » ; une première version de cette liste est prévue pour la fin de l'année 2015 (elle doit servir à des actions qui devraient démarrer en 2016, voir p. 26) ; elle sera régulièrement réactualisée au fur et à mesure des nouvelles autorisations comme c'est le cas pour la liste UAB.

À noter : l'actuelle liste « Nodu vert biocontrôle 2014 » publiée début 2015 en est une préfiguration ; mais nul ne sait si tous les produits y figurant seront dans la liste officielle

UAB, biocontrôle, deux listes avec des parties communes

Au fait, pourquoi deux listes différentes dans ces nouvelles dispositions ? Elles se recoupent fortement, certes. En effet, elles ont des critères communs : produits d'origine naturelle (végétale, animale, microbienne ou minérale) ou copie conforme de produits naturels et/ou sans activité pesticide (ex. : attractifs, répulsifs).

Mais, par exemple, il existe des herbicides pour ZNA listés Nodu vert (à base d'acide acétique ou d'acide pélargonique alias nonanoïque, notamment) mais qui ne sont pas UAB car, pour cela, il faut avoir ses substances actives reconnues par le règlement bio européen(12). Aucun herbicide n'a obtenu cette reconnaissance.

Autre exemple, la liste des produits UAB mise à jour au 17 février 2015 contient quelques produits à classements toxicologiques assez sévères (certains hydroxydes de cuivre, pas tous), or la liste Nodu vert 2014 refuse ce type de classement. Si la prochaine « liste des produits de biocontrôle... » se base sur les mêmes critères que l'actuelle liste Nodu vert, elle sera enrichie de produits satisfaisant à ces critères et autorisés courant 2015 (il y en a), mais les différences entre elle et la liste UAB perdureront.

Et les « non classés mais non bio » ?

Enfin, les produits non classés au plan toxicologique mais ni UAB ni « de biocontrôle » car issus de synthèse chimique devraient être bannis dès le 1er janvier 2017 des espaces publics ouverts au public.

Ainsi, dans les cours de récréation, aires de jeux et hôpitaux publics, on ne pourrait utiliser à partir de 2017 que des produits :

- non classés au plan toxicologique (si ce critère est maintenu de par la loi d'avenir) ;

- et, en même temps, soit UAB, soit « de biocontrôle listés » soit « à faible risque ».

En revanche, dans les cliniques privées, c'est l'arrêté de 2011 seul qui serait appliqué, et donc tous les produits « non classés tox » resteraient utilisables...

À moins que... la loi n'ait changé entre-temps ! On a bien vu de quelle irrésistible façon le calendrier d'application de la loi Labbé a été raccourci.

(1) Arrêté du 12 septembre 2006, JORF du 21/09/2006. (2) Décret n° 2011-1325 du 18 octobre 2011, JO du 20/10. (3) Réglementation, une année mouvementée. Phytoma n° 678, novembre 2014, p. 26 à 30. (4) Arrêté du 27 juin 2011, JO du 28 juillet 2011. Voir : « Réglementation : l'État met le(s) paquet(s) » dans Phytoma n° 648, novembre 2011, p. 20 à 23. (5) Selon les termes de l'arrêté : « cours de récréation et espaces habituellement fréquentés par les élèves dans l'enceinte des établissements scolaires ; - espaces habituellement fréquentés par les enfants dans l'enceinte des crèches, des haltes-garderies et des centres de loisirs ; - aires de jeux destinées aux enfants dans les parcs, jardins et espaces verts ouverts au public. » (6) Selon les termes de l'arrêté : - Centres hospitaliers et hôpitaux (...) ; - établissements de santé privés (...) ; - maisons de santé (...) ; - maisons de réadaptation fonctionnelle ; - établissements qui accueillent ou hébergent des personnes âgées ; - établissements qui accueillent des personnes adultes handicapées ou atteintes de pathologie grave. » (7) et (8) Phytoma n° 678, novembre 2014, voir note (3). (9) Loi du 17 août 2015, au JORF le 18 août 2015. (10) La loi précise : « telles que bretelles, échangeurs, terre-pleins centraux et ouvrages, dans la mesure où leur interdiction ne peut être envisagée pour des raisons de sécurité des professionnels chargés de l'entretien et de l'exploitation et des usagers de la route, ou entraîne des sujétions disproportionnées sur l'exploitation routière ». (11) Source : Code général de la propriété publique, titre préliminaire, article L1. (12) Règlement 889/2008 du 5 septembre 2008, au JOUE du 18 septembre 2008. Précisément son annexe 2, régulièrement réactualisée.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - L'application de produits phyto par des professionnels en ZNA était déjà soumise à une réglementation encadrant ses pratiques (arrêtés du 12 septembre 2006 et du 27 juin 2011) et restreignant le choix des produits appliqués selon les zones à traiter (arrêté du 27 juin 2011). De nouvelles restrictions sont programmées.

LOI D'AVENIR - La loi d'avenir agricole d'octobre 2014 étend les zones concernées par les restrictions de produits, sauf mesures de protection (équipements et/ou bonnes pratiques). Un texte d'application est attendu.

LTE - La loi de transition énergétique (LTE) d'août 2015 a modifié la loi du 6 février 2014, dite « loi Labbé », qui prohibait dans certains espaces publics, à partir du 1er janvier 2020, l'usage de la plupart des produits phyto. Elle a élargi la définition des espaces concernés (ajout des voiries sauf étroites et difficiles d'accès) et avancé la date d'application au 1er janvier 2017. Elle ne modifie pas les catégories de produits épargnés par cette prohibition, dont celle des produits de biocontrôle qui doit faire l'objet d'une liste espérée pour fin 2015.

MOTS-CLÉS - ZNA (zones non agricoles), bonnes pratiques, réglementation, produits phytopharmaceutiques, produits phyto, restrictions, prohibition, certiphyto, arrêté du 12 septembre 2006, arrêté du 27 juin 2011, loi du 6 février 2014, loi du 13 octobre 2014, LTE (loi du 17 août 2015).

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : *M. DECOIN, Phytoma.

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIENS UTILES :

Réglementation française : www.legifrance.gouv.fr/

www.journal-officiel.gouv.fr

Réglementation européenne : http://eur-lex.europa.eu/oj/direct-access.html?locale=fr

Liste UAB : www.itab.asso.fr

Liste Nodu vert 2014 : http://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/documents/pdf/_projet_actualisation_produits_biocontrole-V13__cle031452.pdf

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