DOSSIER - Bonnes pratiques phyto

La réglementation autour des traitements « parle le CLP »

MARIANNE DECOIN* - Phytoma - n°693 - avril 2016 - page 20

Les règles encadrant les mélanges extemporanés juste avant le traitement, les délais de rentrée juste après et les interdictions de certains produits dans certains lieux publics sont officiellement traduites en code d'étiquetage CLP. Décryptage.
Sur cette photo prise en 2013, les étiquettes des produits portent leurs classements toxicologiques indiqués dans les codes de la DPD. Aujourd'hui, il y aurait aussi des produits « codés en CLP ».  Photo : M. Decoin

Sur cette photo prise en 2013, les étiquettes des produits portent leurs classements toxicologiques indiqués dans les codes de la DPD. Aujourd'hui, il y aurait aussi des produits « codés en CLP ». Photo : M. Decoin

Tableau 1 : Les exigences « en code DPD » concernant les mélanges

Tableau 1 : Les exigences « en code DPD » concernant les mélanges

Tableau 2 : Les exigences « en code CLP » concernant les mélanges

Tableau 2 : Les exigences « en code CLP » concernant les mélanges

Tableau 3 : Délai de rentrée, les exigences « dans les deux codes »

Tableau 3 : Délai de rentrée, les exigences « dans les deux codes »

Tableau 4 : Règles en lieux d'accueil d'enfants et autres personnes vulnérables

Tableau 4 : Règles en lieux d'accueil d'enfants et autres personnes vulnérables

Certaines évolutions réglementaires récentes sont liées à un texte évoqué dans notre précédent dossier « Bonnes pratiques » d'avril 2015(1) : le règlement européen CLP(2).

Plusieurs exigences existant depuis 2006 persistent dans leur nature même mais sont désormais exprimées dans un nouveau code.

La valse des étiquettes

De la DPD au CLP

Ces évolutions liées au règlement CLP étaient déjà bien programmées l'an dernier, mais un rappel est utile.

Le règlement CLP remplace une directive de 1999, dite DPD (directive préparations dangereuses). Il vise à harmoniser la classification, l'emballage et l'étiquetage des produits chimiques en général (phyto mais pas seulement) en Europe avec les normes mondiales en la matière.

Publié fin 2008, il était déjà appliqué pour les substances actives. Elles sont forcément classées, puis emballées et étiquetées pour leur transport des usines de synthèse à celles de formulation.

Premier juin 2015, date charnière

Étape importante annoncée dans notre dossier de l'an dernier, le nouvel étiquetage est obligatoire pour tous les produits commerciaux sortant d'usine depuis le 1er juin 2015.

Actuellement, des produits avec les deux codes d'étiquetage coexistent chez les distributeurs et les agriculteurs. C'est autorisé juqu'au 1er juin 2017(3).

Mais il se trouve que plusieurs réglementations existantes se basaient sur les classements des produits tels qu'ils étaient exprimés selon la DPD. Deux adaptations de ces règles ont été publiées en juin 2015.

Mélanges encadrés

Rappel, depuis déjà dix ans

Depuis la publication en avril 2006 d'un arrêté ministériel de mars de la même année(4), les mélanges extemporanés (réalisés dans la cuve du pulvérisateur juste avant le traitement) de produits phyto sont réglementés. Les produits affectés des classements les plus sévères ne sont a priori mélangeables avec aucun autre.

D'autres mélanges sont proscrits. Nous avions présenté la règle en mars 2007(5). Elle est rappelée dans le Tableau 1.

Évidemment, cette réglementation se basait sur les classements en vigueur à l'époque. Une nouvelle mouture de l'arrêté, datée du 7 avril 2010, ne changeait pas les principes ni les codes concernés.

Règles confirmées avec les nouveaux codes

La traduction en code CLP a été donnée par un nouvel arrêté publié le 23 juin dernier(6). Elle est rapportée dans le Tableau 2.

Bien entendu, l'arrêté de juin 2015 le précise très logiquement, les dispositions précédentes continuent de rester valables, concomitamment aux nouvelles, tant que des produits étiquetés selon l'ancien code sont en circulation. Cette coexistence va durer jusqu'au 1er juin 2017.

Correspondances

À noter : le nouveau code signale des réalités proches de l'ancien. Certes, les correspondances ne sont pas parfaites : chacune des mentions de danger en code CLP ne correspond pas forcément à 100 % à une ancienne phrase de risque en code DPD.

Mais, par exemple, les mentions H361f, H361d, H361fd et H362 correspondent en gros aux phrases R62, R63 et R64. Leurs significations sont décryptables dans l'Index phytosanitaire 2016 de l'Acta (rubrique « Lire et savoir lire une étiquette », p. 21 à 29). Toutes désignent des produits soupçonnés d'être reprotoxiques, c'est-à-dire toxiques pour la reproduction(7).

Il serait donc de mauvaise foi et totalement contraire aux bonnes pratiques de mélanger, par exemple, un produit R62 avec un H361f au motif que l'arrêté de juin 2015 ne l'interdirait pas absolument explicitement.

Les quatre exceptions

Pour être exhaustif, il faut rappeler qu'il existe quatre exceptions à la règle. Plusieurs mélanges qui étaient interdits a priori ont été autorisés après évaluation poussée. Le 25 mars, on en comptait quatre, tous fongicides :

- Osiris Win avec Sportak EW ;

- Abacus SP avec le même Sportak EW ;

- Bell avec Sportak EW ;

- Swing Gold avec Caramba Star.

Délais de rentrée

Rappel, depuis presque dix ans

L'autre adaptation de règle concerne les délais de rentrée. En effet, une bonne pratique, exigée par la réglementation depuis la publication d'un arrêté en septembre 2006(8), est d'interdire au personnel et au public de rentrer dans une parcelle traitée (agricole ou non) après la fin de tout traitement phytosanitaire. L'interdiction doit perdurer pendant une durée minimum de 6 heures mais qui peut aller jusqu'à 48 heures. Or, cette durée dépend du classement du produit. Les règles ayant été instaurées en 2006, elles étaient, là encore, basées sur le code DPD en vigueur à l'époque (Tableau 3).

Traduction de juin 2015

Un arrêté ministériel publié le 25 juin dernier(9) les a transposées en code CLP (Tableau 3). Là encore, les anciennes règles s'appliquent simultanément aux nouvelles tant que les deux codes coexistent.

Dans tous les cas, le délai est de 24 heures pour les produits classés irritants, de 48 heures pour les sensibilisants et, pour les autres, de 6 heures en plein air et de 8 heures en milieu fermé (serres, tunnels, etc.).

Les produits destinés aux amateurs (mention EAJ) sont dispensés de délai de rentrée.

Choix des produits dans certains lieux publics

Depuis 2011

Un troisième arrêté posant des règles basées sur le classement des produits phyto, daté de juin 2011, prenait en compte les deux codes de classement. Cet « arrêté lieux publics » a été présenté dans Phytoma en novembre 2011(10). Il réglemente les traitements dans deux types de lieux non agricoles :

- ceux recevant des enfants : les « cours de récréation et espaces habituellement fréquentés par les élèves dans l'enceinte des établissements scolaires, espaces habituellement fréquentés par les enfants dans l'enceinte des crèches, des haltes-garderies et des centres de loisirs, aires de jeux destinées aux enfants dans les parcs, jardins et espaces verts ouverts au public ».

- à moins de 50 m des bâtiments, dans la limite de l'enceinte des « centres hospitaliers et hôpitaux, établissements de santé privés, maisons de santé, maisons de réadaptation fonctionnelle, établissements qui accueillent ou hébergent des personnes âgées et établissements qui accueillent des personnes adultes handicapées ou des personnes atteintes de pathologie grave ».

Il interdit dans ces lieux les traitements phyto, sauf ceux « à faible risque ou affectés seulement de certaines mentions de risque ».

Loi d'avenir en 2014, arrêté en 2016

La loi d'avenir agricole d'octobre 2014(11) a confirmé les dispositions de cet arrêté pour les lieux accueillant des enfants. Elle a décidé en même temps de nouvelles mesures pour les traitements à proximité de ces lieux, mais ce dernier point... nécessite un article à lui tout seul, à lire p. 23.

Les dispositions ont donc été confirmées. Mais les catégories de produits utilisables, devaient, elles aussi, être précisées !

C'est fait : un arrêté publié le 19 mars 2016(12) vient de rééditer l'interdiction à l'intérieur des lieux accueillant des enfants, exactement les mêmes lieux que ceux listés par l'arrêté de 2011 et pour les mêmes catégories de produits (voir Tableau 4). C'est applicable dès à présent.

À noter : l'arrêté de 2011 n'est pas abrogé. Il reste donc applicable en l'état à l'intérieur de l'enceinte des hôpitaux et autres lieux abritant des personnes vulnérables.

Il est possible maintenant de lister, et pas seulement de supposer, les catégories de produits qui sont et restent utilisables dans tous ces lieux.

Produits « à faible risque » : des critères européens

Les produits dits « à faible risque » au sens réglementaire sont ceux contenant des substances actives approuvées par l'Union européenne dans la catégorie officielle dite à faible risque. À l'heure où nous mettons sous presse, il en existe cinq :

- le phosphate ferrique, à base de molluscicides, alias antilimaces (produits Ferramol, Ferrimax, Ironmax, Lim'Agro, Neu 1186 M, Neudorff 1181 M, Sluxx HP et Smartbayt) ;

- le micro-organisme Isaria fumusorosea souche Apopka 17, à la base du bio-insecticide PreFeRal (autorisé sous serre sur tomate, concombre et cultures florales... jardin pédagogique ou thérapeutique ?) ;

- le COS-OGA, à la base du SDN (stimulateur des défenses naturelles) Messager, autorisé mais pas encore disponible ce printemps 2016 ;

- la cerevisane et le virus de la mosaïque du pepino, pour l'instant non disponibles dans des produits autorisés en France.

Produits « à phrase de risque » : aucune « phrase tox » tolérée

Quant aux produits ne présentant que certaines phrases ou mention de risque, les seules acceptées sont celles correspondant à un classement écotoxicologique : aucun « classement tox » (classement, donc risque toxicologique) n'est toléré.

Cela comprend :

- forcément, tous les produits dispensés de tout classement, c'est-à-dire dont l'étiquette ne comporte ni phrase R ni mention H ou EUH (ce qui est le cas des huit antilimaces à base de phosphate ferrique, du Messager et du PreFeral ; les catégories de produits acceptés se recoupent !) ;

- et aussi ceux qui, n'ayant que des phrases ou mentions « écotoxicologiques », sont dispensés de toute phrase ou mention de risque toxicologique ; sont permises les mentions R50 à R59 (code DPD) et leurs combinaisons(ex. : R50/53) et H400 à H413 plus EUH059 (leur équivalent dans le nouveau code dit CLP) (Tableau 4).

Ces règles concernent aussi, ou plutôt devront bientôt concerner, les traitements « à proximité » de ces lieux... Pour en savoir plus, lire p. 23 !

(1) « Réglementation : quoi de neuf pour les bonnes pratiques ? », Phytoma n° 683, avril 2015, p. 17 à 20. (2) « Classification, labelling, packaging », soit « Classification, étiquetage, emballage ». Règlement n° 1272/2008 du 16 décembre 2008. (3) En avril 2015, l'auteur de ces lignes a vu tourner dans une usine des chaînes apposant des étiquettes, les unes, conformes au code CLP, ce qui était déjà autorisé, les autres, selon le code DPD, ce qui était encore autorisé. Certains de ces derniers produits peuvent ne pas encore avoir été utilisés. Un produit acheté d'avance pour application en cas de besoin n'est pas utilisé si le besoin ne survient pas (bonne pratique) et le sera l'année suivante. (4) Arrêté du 13 mars 2006, au JORF du 5 avril 2006. (5) « La question des mélanges », Phytoma n° 602, mars 2007, p. 14 à 17. (6) Arrêté du 12 juin 2015, publié au JORF le 23 juin. (7) Ils font partie des produits dits CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques), même ceux d'entre eux qui ne sont pas soupçonnés d'être cancérogènes (aucun produit phyto autorisé n'est cancérogène avéré). (8) Arrêté du 12 septembre 2006, au JORF du 21. (9) Arrêté du 12 juin 2015, au JORF du 25 juin. (10) Arrêté du 27 juin 2011, publié au JORF du 28 juillet 2011. Voir « Réglementation : l'État met le(s) paquet(s) », Phytoma n° 648, novembre 2011, p. 20 à 23. (11) Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, publiée au JORF du 14 octobre 2014. Voir « Loi d'avenir agricole : quel volet végétal ? », Phytoma n° 677, octobre 2014, p. 6-7, et l'article d'avril 2015 cité en note (1). (12) Arrêté du 10 mars 2016, au JORF du 19 mars.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Trois textes réglementaires concernent des règles de pratiques phytosanitaires liées au classement des produits phyto.

MÉLANGES - Ainsi, un arrêté du 12 juin 2015 confirme les règles, instaurées en avril 2006, proscrivant les mélanges extemporanés de produits phyto affectés de certains classements (codés alors selon la DPD), en la traduisant dans le code instauré par le règlement CLP. Les règles coexistent dans les deux codes jusqu'en juin 2017.

DÉLAIS DE RENTRÉE - Un autre arrêté du 12 juin 2015 confirme les règles sur les délais de rentrée instaurées en septembre 2006, en les traduisant selon le règlement CLP et avec coexistence des codes.

USAGE SELON LE LIEU - Un arrêté du 10 mars 2016 a rendu applicable une disposition de la loi d'avenir agricole de 2014, elle-même confirmant une règle instaurée en juillet 2011. Il s'agit de l'interdiction dans les écoles des produits phyto sauf à faible risque ou affectés seulement de certains classements. L'arrêté précise ces classements dans les deux codes.

MOTS-CLÉS - Bonnes pratiques phytosanitaires, réglementation, règlement CLP n° 1272/ 2008 du 16 décembre 2008, CLP (classification labelling packaging), DPD (directive préparation dangereuse) n° 1999/45, étiquetage, classement toxicologique, arrêtés ministériels, produits phyto, produits phytopharmaceutiques, mélanges, délais de rentrée, écoles.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : *M. DECOIN, Phytoma.

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIENS UTILES : www.journal-officiel.gouv.fr

https://ephy.anses.fr, www.acta.asso.fr et http://acta-publications.com/

BIBLIOGRAPHIE : voir notes 1, 5, 10 et 11.

L'essentiel de l'offre

Phytoma - GFA 8, cité Paradis, 75493 Paris cedex 10 - Tél : 01 40 22 79 85