À 45 ans, Rémy Dorbeau assure la direction du golf de Chantilly (Oise), « l'un des plus beaux d'Europe, plus connu à l'étranger qu'en France en raison des événements internationaux qu'il reçoit », précise-t-il avec fierté.
Entré en tant qu'intendant de parcours (entretien des bâtiments et des terrains), il assure toujours cette mission, en prenant le temps de former un adjoint. Le domaine compte 165 ha dont une centaine engazonnés naturellement ou artificiellement, deux parcours de dix-huit trous, et depuis 2013 un petit parcours de six trous.
Abattage des espèces ligneuses invasives
Il se divise en plusieurs espaces, du moins entretenu au plus entretenu : les bois, les prairies, le rough (partie du parcours longeant les trous et placée sur les côtés, avec de l'herbe tondue à 80 mm de hauteur) et semi-rough (zone de rough tondue à moins d'une hauteur de balle), le fairway (zone herbeuse et bien tondue à 11 mm, entre l'aire de départ du parcours et le green) et le green (gazon tondu à 3 mm) sur lequel se situe le trou. Sur 40 salariés, 14 sont dédiés à l'entretien des espaces verts.
« Dans les bois, nous éliminons par abattage les espèces issues de la regénération naturelle qui ne nous conviennent pas, comme l'ailante, espèce invasive qui risque d'étouffer les autres arbres ou encore certains pins inadaptés à la région et sujets à des problèmes de bactéries. » Pour favoriser une bonne exposition et aération des gazons et ainsi limiter les maladies, des corridors de lumière et de ventilation sont créés dans les bois.
Désherbage localisé
Dans les prairies de fétuques rouge et ovine, l'entretien se focalise aussi sur le contrôle des espèces invasives (chardon, séneçon du cap, solidage glabre), soit par des fauches en hiver, soit par un herbicide en localisé non sélectif (à base de glyphosate ou de glufosinate) ou un débroussaillant pour les plantes ligneuses.
« Nous privilégions cependant l'élimination par les fauches, sauf sur les panicauts champêtres où le traitement chimique est indispensable. » La surface est également scarifiée pour supprimer les plantes bulbeuses ou ayant des collets grossiers (fléole des prés, dactyle, fétuque élevée) et favoriser ainsi la fétuque ovine. « Sur les rough et semi-rough constitués de fétuques rouge et ovine et de ray-grass, on peut supporter les adventices tant que les golfeurs ne perdent pas leurs balles. » Un désherbage localisé avec un pulvérisateur autoporté élimine le trèfle, les pâquerettes et certaines plantes rampantes (véronique, géranium disséqué).
Sursemis et injection d'eau
Sur zone de départ et fairway constitué également de fétuques rouge et ovine, partie la plus importante du parcours en terme de surface, les véroniques et pâquerettes sont gérées en traitement localisé, très rarement en plein.
« Lorsque des morceaux de gazon sont enlevés par le jeu des golfeurs, nous regarnissons tout de suite et en permanence pour éviter que les adventices ne prennent la place. Du sursemis est également effectué dès les premières pluies de fin août-début septembre. Cette technique nous a permis d'éliminer en grande partie le pâturin annuel. »
Côté ravageurs, Rémy Dorbeau doit faire face aux dégâts de corneilles qui retournent le gazon pour y trouver les larves de hanneton commun.
« En l'absence de produits de traitements contre ces larves, nous arrosons copieusement les gazons pour les faire remonter et nous injectons de l'eau à forte pression pour les blesser. » Cela fonctionne mais il faut compter un mois et demi pour traiter 10 ha !
Réduire l'humidité
Sur le green composé d'Agrostis capillaris et de fétuque gazonnante et demi-traçante, l'objectif est de réduire l'humidité à la surface pour diminuer la pression des maladies type dollar-spot, fusariose et fil rouge. Pour ce faire, un travail du sol est réalisé sur 30 cm pour favoriser l'enracinement du gazon et ainsi réduire l'arrosage. Le gazon est également sablé pour réduire le taux de matière organique, donc l'humidité, dans les cinq premiers centimètres du sol. Autre technique : rouler régulièrement et enlever la rosée le matin en balayant le gazon avec une golfette équipée.
« En année pluvieuse et sans gel, nous devons cependant traiter trois ou quatre fois contre la fusariose en hiver et contre le dollar-spot en été. »
Côté ravageurs, en l'absence de solutions efficaces, les greens subissent les dégâts de tipules et de noctuelles. « Nous espérons beaucoup des étourneaux sansonnets qui consomment ces insectes ; nous allons installer des nids sur les zones les plus sensibles. »
En revanche, très peu d'herbicides sur les greens.
« Si besoin, ils sont appliqués en hyperlocalisé avec des cannes munies de tampon imbibé de solution de traitement. »
Le défi du « zéro phyto »
Pour l'avenir, le contexte actuel de réduction des phytos(1) inquiète Rémy Dorbeau : « Je ne vois pas comment passer au "zéro phyto" sur les gazons sportifs. On peut réduire énormément, et nous avons beaucoup travaillé dans ce sens en révisant les seuils de tolérance et en passant d'une douzaine de traitements fongicides en 2001 à deux en moyenne. Mais nous avons encore besoin d'herbicides et de fongicides car les solutions alternatives efficaces en laboratoire n'ont pas pu être transposées au champ avec succès jusqu'à présent. »
(1) La loi Labbé, qui interdit les pesticides chimiques dans les espaces verts publics, ne s'applique en principe pas aux terrains sportifs, mais elle affecte fortement le marché des produits pour espaces verts.