Sur le métier

Bruno Pouteau produit du blé raisonné contrôlé

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°696 - août 2016 - page 44

Près de Sens, dans l'Yonne, Bruno Pouteau produit les deux tiers de son blé en culture raisonnée contrôlée. Une production encadrée par un cahier des charges qui définit une liste positive de produits phytosanitaires autorisés, ce qui complexifie la protection de la culture. Le choix de la parcelle et de la variété est primordial pour limiter les traitements. Des efforts compensés par une prime spécifique.
Bruno Pouteau Photo : C. Urvoy

Bruno Pouteau Photo : C. Urvoy

Sur les 184 ha que cultive Bruno Pouteau à Évry (Yonne), 65 à 70 ha sont consacrés à la production de blé dont les deux tiers en culture raisonnée contrôlée (CRC). Ce cahier des charges est né en 1997 sous l'impulsion de la Caps(1) qui produisait déjà des blés pour l'alimentation infantile. En 2000, un GIE est créé autour de la production de blé CRC. Il regroupe des producteurs et organismes stockeurs, des industriels de la première et deuxième transformation et des distributeurs.

« Le blé CRC correspondait bien à ma stratégie d'agriculture raisonnée », raconte Bruno Pouteau qui en produit depuis le début.

Cinq contrats possibles

Selon le débouché du blé (farine Label Rouge, meunerie industrielle avec du blé BPMF(2), blé biscuitier, blé de force ou alimentation infantile), des exigences supplémentaires des clients s'ajoutent au cahier des charges CRC. Capserval propose ainsi quatre à cinq contrats CRC différents à ses adhérents. Sur 2015-2016, Bruno Pouteau avait un contrat pour la biscuiterie et pour la farine Label Rouge. Il ne produit plus pour l'alimentation infantile, faute de pouvoir remplir toutes ses exigences, plus contraignantes que pour les autres contrats.

« Chacun sait par expérience ce qu'il peut réussir à respecter en fonction notamment de la localisation des parcelles, de leur enherbement potentiel ou encore du risque maladies », explique le céréalier. Étant proche de l'autoroute A5, il doit déjà écarter les parcelles à proximité pour limiter les teneurs en métaux lourds, de même que celles ayant reçu des boues urbaines.

Des urées interdites

En matière de protection des cultures, chaque contrat a sa liste positive d'herbicides, fongicides, insecticides et régulateurs autorisés.

De plus, pour réduire au maximum l'impact sur l'environnement, Capserval note chaque produit autorisé en fonction de son profil écotoxicologique grâce à un logiciel de modélisation, pour limiter l'usage de ceux ayant les profils les moins favorables.

« En herbicides, mes deux contrats de 2015-2016 avaient des listes à peu près identiques », poursuit Bruno Pouteau. Ainsi, les urées substituées (chlortoluron, isoproturon) étaient interdites.

« Ces listes positives entraînent soit un surcoût du poste désherbage par suppression de solutions peu coûteuses ou plus efficaces, soit la réduction de solutions. Par exemple, le chardon doit être traité en préventif avec de l'Allié car je n'ai plus de solution curative, les hormones étant interdites. Pour l'instant, je ne suis pas concerné par les ray-grass et vulpins résistants. Mais si je veux utiliser des urées substituées pour alterner les matières actives, je dois le faire sur escourgeon. »

Les premiers semis de blé étant réalisés vers le 15 octobre, le désherbage à l'automne n'est pas nécessaire. En sortie d'hiver, Bruno Pouteau doit surtout faire face à une grosse problématique véronique à feuilles de lierre. « Cette année, j'ai traité le 11 février avec Picosolo (65 g/ha) associé à Atlantis WG (280 g/ha) et Primus (0,6 l/ha) pour le gaillet sur les parcelles superficielles. » Il n'a pas eu besoin de régulateurs. À noter que le chlorméquat chlorure n'était pas autorisé par le cahier des charges.

Pas de variétés sensibles

Côté maladies, la gestion commence dès le choix des variétés en écartant celles qui sont très sensibles.

« Je n'ai pas eu besoin de traiter contre le piétin-verse. En T2, j'ai utilisé l'association Librax (0,67 l/ha)-Comet 200 (0,22 l/ha) contre la septoriose. Le classement toxicologique de l'époxiconazole s'étant récemment durci, l'Adexar risque de sortir de la liste positive. » Au T3, Prosaro à 0,4 l/ha en début de floraison a maîtrisé la fin de la septoriose et un peu de fusariose.

« Il est assez facile de gérer les maladies car les matières actives efficaces sont généralement autorisées. Mais nous ne pouvons cependant utiliser qu'une seule fois un fongicide avec classement toxicologique CMR un peu délicat comme le Librax. »

Aucun recours aux organophosphorés

Côté ravageurs, le Gaucho 350 peut protéger les semences. En revanche, en végétation, les organophosphorés sont interdits.

« Les semis tardifs m'évitent généralement le recours aux insecticides à l'automne. Mais l'automne dernier, j'ai dû réaliser un Mandarin Pro à 0,125 l/ha début décembre sur les parcelles sans Gaucho semées après le 19 octobre, en raison de la présence inhabituellement longue des pucerons. En revanche, sur épi, je n'ai pas eu à intervenir car la pluie a "nettoyé" les pucerons présents. Sinon, j'aurais utilisé du Mavrik Flo. »

Résidus analysés

Avant la moisson, Capserval prélève au hasard des échantillons de blé pour analyser les résidus phytosanitaires. En juin, elle passe désinsectiser les cellules de stockage de Bruno Pouteau avec du chlorpyriphos-méthyl.

« Pour l'avenir, je n'irai pas au-delà des deux tiers des blés en production CRC car je ne suis pas à l'abri de devoir réaliser un désherbage costaud dans une parcelle donnée. Et là, elle ne pourra pas passer en CRC. Il faut se laisser une marge de manoeuvre », conclut Bruno Pouteau, qui perçoit au final une prime CRC variant de 5 à 10-12 €/t selon les contrats et les variétés.

(1) Coopérative de Sens qui a fusionné en 2005 avec Ponserval pour créer Capserval. (2) Blé panifiable pour la meunerie française. (3) Substances actives des produits cités : - metsulfuron-méthyl dans Allié - picolinafen dans Picosolo - iodosulfuron-méthyl-sodium + mésosulfuron-méthyl dans Atlantis WG - florasulam dans Primus - metconazole + fluxapyroxad dans Librax - pyraclostrobine dans Comet - époxiconazole + fluxapyroxad dans Adexar - prothioconazole + tébuconazole dans Prosaro - imidaclopride dans Gaucho 350 - esfenvalérate dans Mandarin Pro - tau-fluvalinate dans Mavrik Flo.

BIO EXPRESS

BRUNO POUTEAU

1983. BTA au lycée de Saint-Maure (Aube).

Associé d'exploitation sur la ferme familiale à Évry (Yonne).

1990. Installation en Gaec avec sa mère. Démarrage de la production de blé sous cahier des charges.

1994. Installation de son épouse qui reprend les parts de sa mère.

1995. Plantation de 800 m de haie le long de la N6 pour protéger ses terres des effets de la circulation.

2010. Création de la ferme pédagogique « D'où vient notre alimentation ».

L'essentiel de l'offre

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