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Utiliser le sorgho pour lutter contre les nématodes à galles

CLAIRE GOILLON*, THIERRY MATEILLE**, JOHANNES TAVOILLOT**, NATHALIE MARTEU***, ARIANNE FAZARI*** ET CAROLINE DJIAN-CAPORALINO*** - Phytoma - n°698 - novembre 2016 - page 39

Le sorgho fourrager est couramment utilisé comme engrais vert en cultures maraîchères. Peut-il avoir, en plus, un effet contre les nématodes à galles des racines ?
1. Sorgho sous abri maraîcher entre deux cultures de rente. Il est apprécié comme engrais vert, vu sa croissance rapide et son adaptation aux conditions de chaleur estivales sous abri.  Photo : Aprel

1. Sorgho sous abri maraîcher entre deux cultures de rente. Il est apprécié comme engrais vert, vu sa croissance rapide et son adaptation aux conditions de chaleur estivales sous abri. Photo : Aprel

2. Dégâts de Meloidogyne sur racine de tomates. Photo : Inra

2. Dégâts de Meloidogyne sur racine de tomates. Photo : Inra

3. Dégâts de Meloidogyne sur racine de melon. Photo : Inra Sopha Antipolis

3. Dégâts de Meloidogyne sur racine de melon. Photo : Inra Sopha Antipolis

Dans Phytoma, en 2009 puis 2010, nous avions présenté les résultats d'une enquête réalisée par l'équipe IPN (interaction plantes nématodes) de l'Inra de Sophia Antipolis pour évaluer les problèmes dus aux nématodes à galles des racines, redoutables bioagresseurs sur cultures maraîchères en France. Nous avions répertorié des méthodes de protection pour tenter de gérer ces nématodes.

Aujourd'hui, nous présentons une technique de lutte basée sur un engrais vert assainissant testée par l'Inra en conditions contrôlées et par l'Aprel en parcelles agricoles.

Pourquoi cette étude ?

Les nématodes à galles, graves ravageurs des cultures légumières

Les nématodes à galles (root-knot nematodes = RKN) posent un problème majeur dans les systèmes de cultures maraîchers en France, en plein champ mais surtout sous abri. L'enquête publiée dans Phytoma n° 638 a révélé que plus de 40 % des exploitations du sud-est de la France étaient concernées (Djian-Caporalino, 2010). Ces ravageurs telluriques très polyphages touchent des cultures essentielles dans les rotations des systèmes maraîchers : salade, tomate, melon, poivron, carotte... (Villeneuve et al., 2013a).

Bien que les rotations avec des cultures de diversification moins sensibles puissent constituer une pratique efficace pour la réduction des populations, la pression sur la rentabilité économique des exploitations limite la mise en oeuvre de cette pratique au profit de cultures à plus forte valeur ajoutée mais sensibles.

L'interdiction de fumigants chimiques pousse à la recherche de méthodes alternatives

Jusqu'à récemment, la lutte contre les RKN était principalement basée sur la désinfection des sols à l'aide de fumigants chimiques tel le bromure de méthyle ou le 1-3-dichloropropène (Villeneuve et al., 2013b). L'évolution vers une agriculture moins consommatrice de produits phytosanitaires a entraîné le retrait de nombreuses matières actives, notamment pour la désinfection des sols, avec de fortes répercussions techniques sur les exploitations agricoles. Il est essentiel de rechercher des solutions alternatives afin de préserver le potentiel de production des exploitations maraîchères aux sols contaminés par des RKN.

Plusieurs méthodes sont disponibles : solarisation, lutte biologique, plantes-pièges, amendements organiques, engrais verts... (Djian-Caporalino et al., 2009). Malgré des résultats intéressants en conditions contrôlées, leur efficacité sur le terrain est souvent partielle et les résultats sont assez variables, voire décevants (Collange et al., 2011).

Des engrais verts testés contre les nématodes à galles

L'utilisation d'amendements organiques et d'engrais verts pour entretenir la vie du sol et améliorer ses propriétés physiques et chimiques est une pratique largement répandue chez les maraîchers. Ces amendements peuvent également réduire le développement des bioagresseurs, notamment les RKN (Akhtar & Malik, 2000).

La biofumigation est une pratique qui consiste à enfouir la biomasse végétale fraîche d'une culture, dont la décomposition libère des molécules biocides pouvant détruire les bioagresseurs présents dans le sol. Des plantes de la famille des alliacées et des brassicacées ont été étudiées, mais leur culture en engrais verts n'est pas forcément adaptée aux systèmes de production.

Le sorgho fourrager, connu comme un engrais vert « classique »

L'engrais vert le plus pratiqué dans les systèmes maraîchers sous abris en Provence est de loin le sorgho fourrager. Peu exigeant en eau et en engrais, il a un développement adapté aux conditions chaudes estivales. De plus, sa croissance rapide et sa bonne capacité de repousse en cas de broyages multiples lui permettent de produire une quantité de matière fraîche intéressante. Il est utilisé pour entretenir les sols maraîchers entre deux cycles culturaux en été sur une durée d'environ deux mois.

Un effet assainissant à étudier

Des études bibliographiques nous ont conduits à analyser le sorgho sous un autre angle, celui de la biodésinfection, pour deux raisons.

Tout d'abord, de par son appartenance à une espèce botanique de la famille des Poaceae qui n'entre pas dans les rotations des systèmes maraîchers, l'implantation du sorgho crée un frein aux pathogènes du sol spécifiques des cultures maraîchères.

Ensuite, le sorgho est aussi connu pour contenir de la dhurrine, précurseur du cyanure d'hydrogène (HCN), composé biocide actif sur les pathogènes du sol (De Nicola et al., 2011 ; Curto et al., 2012). Cette toxicité est connue des éleveurs puisque le sorgho fourrager donné en pâture aux troupeaux présente un risque de mortalité des animaux si quelques précautions ne sont pas prises.

Cette propriété du sorgho, redoutée des éleveurs, pourrait avoir un intérêt pour les maraîchers : et si l'enfouissement du sorgho dans les sols permettait de lutter contre les pathogènes telluriques, notamment les RKN ?

Quatre ans d'essais

Comparaison de plusieurs variétés de sorgho

Depuis 2012, plusieurs expérimentations ont été menées pour tenter de valider cette hypothèse. À l'Aprel, au Grab et au Ctifl, des essais ont été conduits pour comparer différentes variétés de sorgho sur le plan agronomique (croissance, production de biomasse) et sur leur teneur en dhurrine. Les résultats, publiés dans Info Ctifl (Gard et al., 2014) ont montré que :

- les sorghos se développent rapidement et peuvent pousser de 6 cm/jour en période chaude et atteindre environ 1,50 m de haut en 5-6 semaines ;

- la biomasse produite par le sorgho est plus variable d'un site à l'autre selon la durée et les conditions de culture qu'entre variétés : pour une dose de semis de 50 kg/ha, elle atteint 30 à 45 t/ha pour une culture de 1 à 2 mois ;

- les teneurs en dhurrine sont variables selon les variétés (certains hybrides sont plus riches) et le stade de culture (les concentrations sont plus élevées dans les tiges, feuilles et racines des jeunes plants).

Étude des modes d'action

À l'Inra de Sophia Antipolis, des études ont été menées pour évaluer les modes d'action de divers sorghos sur les RKN en conditions contrôlées. En effet, des résultats variables et controversés sont reportés dans la littérature concernant l'efficacité des engrais verts sorgho, vis-à-vis de ces nématodes. Ces derniers sont parfois considérés comme des plante-hôtes, parfois comme des plantes non-hôtes, avec effet biocide ou non, protégeant ou pas les cultures sensibles suivantes (Viaene et Abawi, 1998 ; McSorley et al., 1994 ; Wang et al., 2004). Il nous est donc apparu important de déterminer l'efficacité réelle en conditions contrôlées et les modes d'action de ces sorghos afin d'établir l'itinéraire technique le plus adapté à leur utilisation.

Deux programmes de recherche pluriannuels, « Gedunem » (Inra SMaCH 2012-2016) et « Gedubat » (Dephy Écophyto 2012-2017) labellisés par le GIS PICLég(1), ont permis de valider ces résultats sur le terrain et de tester l'introduction des intercultures de sorgho pour gérer les RKN en systèmes maraîchers.

Tests en conditions contrôlées

Variétés de sorgho comparées à la tomate et d'autres engrais verts

La première expérimentation en enceinte confinée climatisée (24 °C) a consisté à étudier la sensibilité, vis-à-vis du nématode à galles Meloidogyne incognita, d'une douzaine de variétés de sorghos (Sudan grass et hybrides [Sorghum x Sudan grass]) comparées à la tomate sensible et à d'autres Poaceae (avoine, millet perlé, orge, triticale) ou Polygonaceae (sarrasin).

Les résultats obtenus (Figure 1) ont permis de les caractériser comme plantes non-hôtes, mauvais hôtes, ou plantes sensibles multiplicatrices.

Résultat : chez le sorgho, un effet variétal

À part une variété de sorgho véritablement non-hôte de M. incognita (0 galle et ponte), les autres variétés de sorghos, le triticale, le sarrasin, le millet perlé et l'avoine permettent la multiplication des nématodes mais sont mauvais hôtes (3,5 à 40 pontes par plant en moyenne pour 600 larves inoculées) par rapport à la tomate (plus de 140 pontes par plant).

Trois variétés de sorgho ainsi que l'orge sont cependant des hôtes relativement sensibles (60 à 70 pontes en moyenne par plant).

L'effet variétal est donc très important. Il est à prendre en considération pour l'utilisation de ces engrais verts sur des parcelles infestées de nématodes.

Élucidation du mode d'action

Pour mieux comprendre le mode d'action des différents sorghos sur les nématodes, les réactions histologiques dans les racines après inoculation avec M. incognita ont été observées (Figure 2).

Dans les racines de sorgho « Piper », peu de nématodes et beaucoup de nécroses de réactions hypersensibles (HR) indiquent que la plante réagit à l'infestation et que le piégeage dans les racines est efficace.

Le sorgho « biofumigant » (sorgho 5) a été sélectionné pour ses teneurs élevées en dhurrine. L'observation de ses racines montre beaucoup de nématodes à tous les stades, des pontes cachées dans les racines et peu de HR ; le piégeage des nématodes est donc moins efficace que dans « Piper ».

Dans les racines du sorgho non-hôte (sorgho 1), seules quelques larves de second stade (L2) éparses ont été observées, sans développement ultérieur ; le mode d'action de ce sorgho est encore inconnu.

Pour les sorghos « sensibles », comme pour la tomate, on observe beaucoup de femelles et de pontes à l'extérieur des racines, sans réaction de nécrose.

Suivre l'évolution des populations de nématodes sous serre en containers

En vue de l'utilisation au champ de ces sorghos dans la lutte contre les nématodes à galles, un test en containers sous serre a été conduit pour étudier la diminution du potentiel infectieux du sol.

Les sorghos ont été cultivés dans différents types de sol (sableux, argileux et sablo-argileux) et enfouis après différents temps de culture (trois-quatre semaines ou sept-huit semaines) pour déterminer leur efficacité comme plante-piège (avant enfouissement) ou par biofumigation (après enfouissement et bâchage plastique pendant dix ou trente jours).

Un effet nématicide... dans certains cas

Les résultats montrent une réduction intéressante du nombre de nématodes dans le sol de RKN dans le sol avec les sorghos « Piper » et « biofumigant » s'ils sont enfouis trois-quatre semaines après semis, mais pas d'efficacité, voire une multiplication des nématodes s'ils sont enfouis six-sept semaines après semis (Figure 3 page précédente).

Enfoui à trois-quatre semaines, le sorgho « biofumigant » est globalement aussi efficace que « Piper » car l'action biofumigante est plus importante pour le sorgho « biofumigant », mais le piégeage des nématodes dans les racines est moins important.

Il est donc primordial d'enfouir les sorghos (en particulier les sorghos mauvais hôtes ou sensibles) quatre semaines après semis, soit au stade 4 feuilles, pour éviter que le cycle du nématode ne s'accomplisse (cinq à six semaines à 25 °C). Ce délai, mesuré en conditions contrôlées, doit être ajusté aux conditions de culture.

Un seul sorgho utilisable sans souci, d'autres à enfouir précocement

En conclusion, seule une variété de sorgho testée est véritablement non-hôte de M. incognita et peut donc être cultivée plus de quatre semaines avant enfouissement. Les autres variétés et plantes utilisables en engrais verts doivent être enfouies précocement pour stopper le cycle de développement des nématodes et éviter leur multiplication.

Dans les conditions provençales sous abri, on estime un enfouissement nécessaire à quatre semaines au printemps et trois semaines en été. Ainsi :

- les nématodes seront piégés dans les racines, ce qui permettra de diminuer les taux d'infestation du sol ;

- l'effet biofumigant sera optimal dans la mesure où les quantités de dhurrine sont plus importantes dans les plantes jeunes.

Effet nématicide du sorgho : étude en conditions de production

Des essais pluriannuels inscrits dans un ensemble de travaux

Au sein des programmes Gedunem et Gedubat, des expérimentations ont été menées en conditions de production chez des maraîchers du sud de la France en suivant les parcelles durant quatre ans.

Des solutions alternatives aux produits chimiques ont été testées, avec une réflexion sur le système de culture, pour aboutir à des solutions acceptables par les producteurs sur les plans agronomique, technique et économique. L'effet des techniques sur la pression des nématodes dans la parcelle était évalué sur la base d'une observation des dégâts en culture, de l'indice de galles racinaire à chaque fin de culture et d'une quantification des nématodes dans le sol.

Le projet Gedunem était financé par le métaprogramme Inra Smach (gestion durable de la santé des cultures), conduit par l'Inra de Sophia Antipolis, avec pour objectif de trouver des solutions pour gérer durablement les RKN dans les systèmes maraîchers tout en préservant la durabilité des résistances des cultures. Les stations de recherche et d'expérimentation Aprel, Grab, Inra d'Alenya, Sophia Antipolis et IRD ont travaillé conjointement sur le sujet de 2012 à 2015.

Deux sorghos comparés

Une des parcelles suivies dans ce projet par l'Aprel, située à Lambesc (Bouches-du-Rhône) et conduite en agriculture biologique, a permis d'évaluer l'effet des intercultures de sorgho et des rotations avec des cultures résistantes (porte-greffe solanacées résistants aux nématodes Meloidogyne) (Figure 4).

Les intercultures de sorgho étaient menées pendant quatre à cinq semaines après les cultures de melon un an sur deux, en comparant au sein du même tunnel les sorghos « biofumigant » et « Piper ». Après enfouissement, le sol a été roulé mais non bâché.

Pour évaluer l'impact de ce système de culture sur la durabilité des résistances, des cultures de solanacées (poivron ou tomate) résistantes aux nématodes mais avec des gènes de résistance contournables (tomate-Mi, poivron-Me3) étaient également introduites, un an sur deux.

Résultats visibles encore insuffisants

Les analyses n'ont pas montré de différence significative entre les deux parcelles « sorgho Piper » et « sorgho biofumigant ». Les indices de galle particulièrement élevés sur les melons n'ont été que très peu réduits. Aucune galle n'a été observée sur les racines des engrais verts sorghos « Piper » ou « biofumigant ». Les cultures d'été de poivron ou tomate à résistance contournable ont été très peu attaquées. Les cultures d'hiver (blette et salade) ont été attaquées surtout lorsqu'elles étaient précoces (Figure 5). Sur les quatre ans de suivi, l'effet du système sur les dégâts de nématodes ne semblait pas suffisant.

Une évolution favorable notable

Cependant, en considérant l'évolution des populations de tous les nématodes phytoparasites dans le sol (Figure 6), cette conclusion est à nuancer : les analyses montrent d'une part une grande diversité nématologique dans cette parcelle et d'autre part les évolutions importantes des populations selon les cultures en place. Les cultures maraîchères d'été favorisent les Meloidogyne alors que des Telotylenchidae semblent se développer avec le sorgho. Plus de 95 % de réduction des populations de Meloidogyne sont obtenues après chaque engrais vert.

La tendance au bout de quatre ans avec ce système de culture est une réduction importante des espèces de Meloidogyne en faveur d'une augmentation des nématodes non phytoparasites.

Cette évolution est favorable aux cultures mais l'équilibre dépend de leur sensibilité aux nématodes Meloidogynes sp. et de l'importance des communautés de nématodes présentes.

Essai comparant le sorgho « biofumigant » avec une alternance d'autres engrais verts

Le projet Gedubat quant à lui est toujours en cours. Il s'inscrit dans le programme Écophyto pour la réduction des traitements phytosanitaires vis-à-vis des bioagresseurs telluriques. Cette étude menée de 2012 à 2017 est conduite par le Ctifl et regroupe également les stations Aprel, Grab, Invenio et Inra d'Alenya. Une des parcelles suivies dans ce projet par l'Aprel a permis d'évaluer l'effet des intercultures de sorgho dans un système melon/salade.

Un dispositif expérimental comparant deux systèmes a été mis en place sur deux chapelles de 352 m² dans une serre située à Cheval-Blanc (Vaucluse) (Figure 7).

Le système « sorgho biofumigant » est basé sur l'utilisation du même « sorgho biofumigant » que celui utilisé pour le projet Gedunem, mais tous les ans, en interculture après le melon. Le système « engrais vert diversifié » est basé sur l'alternance de ce sorgho avec des crucifères (radis fourrager, moutarde brune) ou du millet perlé, en jouant sur les différents intérêts de chacun : structure du sol, production de biomasse, rupture de cycles des bioagresseurs, capacités biofumigantes, intérêt nutritionnel... Une solarisation pouvait être pratiquée si nécessaire pour baisser le niveau de population des nématodes.

Résultats : le sorgho peut égaler la solarisation, sous certaines conditions

La première interculture réalisée en 2012 a permis de bien faire baisser le niveau de pression initial en RKN, dans les deux systèmes, notamment grâce à la solarisation. Deux ans plus tard, les attaques de RKN reviennent à un niveau élevé. Jusqu'en 2015, les deux systèmes évoluent de façon similaire : le sorgho « biofumigant » cultivé en interculture de 28 à 35 jours ne suffit pas à enrayer seul les nématodes, ce qui confirme qu'il faut l'enfouir avant 28 jours. La solarisation est plus efficace mais dépend des conditions de réalisation (Figure 8).

En revanche, après la culture de melon 2015, il est mis en évidence dans le système « sorgho biofumigant » un effet intéressant de la succession de deux cultures courtes de sorgho (23 jours). La contamination des salades suivantes est réduite par rapport au système à interculture de millet perlé (système « engrais vert diversifié »).

En dernière année, un semis de sorgho « biofumigant » a été testé avant la culture de melon sur une durée de 17 jours fin mars. À cette période, le sol n'étant pas assez réchauffé, la germination et le développement du sorgho a été plus lent et la matière fraîche produite insuffisante pour espérer un effet biofumigant.

Les résultats de l'évolution des populations de larves de RKN dans le sol de Meloidogyne dans le sol sur la dernière période d'essai montrent que le système « sorgho biofumigant » avec le double semis de sorgho permet de maintenir les populations de nématodes au même niveau qu'une solarisation alors que le système « engrais vert diversifié » avec un engrais vert plus long a favorisé leur développement.

Perspectives

Le sorgho utilisable contre les nématodes, à condition d'adapter les pratiques

Au point de vue cultural, l'introduction du sorgho fourrager comme interculture tel que pratiqué actuellement (plus de trente jours) n'a pas d'effet de réduction des populations de RKN. Cependant, nos données acquises depuis 2012 montrent un potentiel intéressant de cette culture pour gérer les RKN sous certaines conditions grâce à deux principaux modes d'action : le piégeage et la biofumigation. Mais il faut adapter les itinéraires techniques pour obtenir des résultats au champ et optimiser ce potentiel.

Les sorghos doivent être en effet enfouis dans l'horizon 0-20 cm du sol avant quatre semaines au printemps et trois semaines en été, pour stopper le cycle de développement des nématodes et éviter leur multiplication. De plus, les quantités de dhurrine sont plus importantes dans les plantes jeunes et l'effet biofumigant sera donc supérieur.

Les étapes de broyage et d'enfouissement doivent être les plus rapprochées possibles. L'arrosage immédiatement après l'enfouissement (à capacité au champ) est recommandé ainsi que la fermeture du sol durant au moins dix jours pour maintenir les principes actifs dans le sol (bâche, arrosage, rouleau lisseur) ; augmenter cette durée pourrait permettre d'optimiser l'efficacité de la biofumigation.

Encore des inconnues

Des études sont encore en cours pour mieux caractériser les variétés de sorgho par rapport à leur action plante-piège et/ou biofumigation et choisir les variétés les plus efficaces. D'autres essais permettront de définir le meilleur itinéraire cultural pour maximiser l'effet de l'acide cyanhydrique dans le sol : densité de semis, double semis, irrigation, bachage, roulage. Il sera nécessaire d'évaluer l'impact de la biofumigation sur l'ensemble de la vie microbienne du sol.

En attendant, n'oublions pas que le sorgho fourrager est un excellent engrais vert et limite le développement des adventices. Par sa simple introduction dans les rotations, il permet aussi de freiner de nombreux pathogènes des cultures maraîchères.

(1) Groupement d'intérêt scientifique pour la protection intégrée en cultures légumières, parrainé par le ministère de l'Agriculture, à l'initiative des producteurs de Légumes de France, de l'Inra et du Ctifl.

Fig. 1 : Face aux nématodes, tous les sorghos ne se valent pas

Nombre moyen de galles et pontes six semaines après inoculation par 600 larves de Meloidogyne incognita. Test en conditions contrôlées. La sensibilité des douze variétés de sorgho testées va de « non-hôte » à « sensible ».

Fig. 2 : Réactions aux nématodes de quatre sorghos

 Photos : Inra Sophia Antipolis

Photos : Inra Sophia Antipolis

Larves, femelles, oeufs et réactions de nécroses (HR = réaction hypersensible, forme de résistance en réaction à l'infestation, peut piéger le ravageur) dans les racines de sorghos après inoculation de nématodes. Coloration à la fuschine acide.

Fig. 3 : Évolution du potentiel infectieux d'un sol très infesté en M. incognita après différents temps de culture des sorghos et différents temps de biofumigation

Essai en containers sous abri, sur sols argileux et semi-argileux. À noter, l'effet plante-piège n'a lieu que si le broyage est assez précoce.

Fig. 4 : Dispositif testé sur la parcelle de Lambesc dans le projet Gedunem

P : sorgho Piper ; S : sorgho biofumigant (chaque sorgho couvrant la moitié de la parcelle). R : résistant ; Me3 DLL : gène de R Me3 introgressé dans un poivron sensible doux long des Landes ; Mi-1 : gène de résistance Mi-1 introgressé dans une tomate sensible.

Fig. 5 : Évolution des indices de galles observées sur les cultures du système S1 de Gedunem, à Lambesc

Le sorgho Piper semble plus actif que l'autre. IG = indice de galle (de 0 à 10).

Fig. 6 : Évolution des populations de nématodes dans le sol d'une parcelle avec sorgho biofumigant

Analyse effectuée sur site S1 de Gedunem, à Lambesc. L'évolution semble favorable.

Fig. 7 : Dispositif testé sur la parcelle de Cheval-Blanc dans le projet Gedubat

Deux systèmes comparés sur plus de quatre ans. EV : engrais vert diversifié ; S : sorgho biofumigant ; Sol : solarisation.

Fig. 8 : Évolution des indices de galles observées sur les cultures de deux systèmes de Gedubat, à Cheval-Blanc

À partir de 2015, les deux systèmes n'évoluent plus de façon similaire.

REMERCIEMENTS

Ces recherches ont bénéficié du soutien financier de la société UPL France pour les expérimentations en conditions contrôlées (2014-2015), du métaprogramme Inra SMaCH-Sustainable Management of Crop Health (action Presume) pour le projet « Gedunem » (2012-2016), de l'Onema-Office national de l'eau et des milieux aquatiques (plan Dephy-Écophyto) pour le projet « Gedubat » (2012-2017), et des labels du GIS PICLeg.

Pour en savoir plus : https://www.picleg.fr/Les-Projets-en-cours/Les-Bioagresseurs-Telluriques

RÉSUMÉ

CONTEXTE - L'interdiction de fumigants chimiques utilisés auparavant contre les nématodes à galles des racines en cultures maraîchères pousse à la recherche de méthodes alternatives. Parmi celles-ci figure l'utilisation d'engrais verts à effet assainissant.

TRAVAIL - L'étude a consisté à tester une méthode de lutte contre les nématodes à galles basée sur une interculture de sorgho fourrager comme engrais vert à effet assainissant. Les expérimentations sont conduites depuis 2012 par l'Inra en conditions contrôlées au laboratoire et sous abri par l'Aprel, l'Inra et l'IRD chez des producteurs maraîchers.

RÉSULTATS - Les résultats démontrent un potentiel intéressant de cette interculture pour gérer les nématodes à galles grâce à deux principaux modes d'action : le piégeage et la biofumigation. Mais il reste à adapter les itinéraires techniques pour parvenir à des résultats au champ et optimiser ce potentiel.

MOTS-CLÉS - Nématodes à galle des racines, root-knot nematodes, RKN, Meloidogyne sp., Meloidogyne incognita, maraîchage, cultures légumières, sorgho, interculture, engrais vert, plantes pièges, plantes non-hôtes, plantes mauvais hôtes, biofumigation, expérimentation en conditions contrôlées, expérimentation sous abri.

SUMMARY

FORAGE SORGHUM : GREEN MANURE WITH SANITIZING EFFECT. PROTECTION AGAINST ROOT-KNOT NEMATODES IN VEGETABLE CROPPING SYSTEMS

ABSTRACT - The study deals with the development of a method to control root-knot nematodes based on the intercropping use of a forage sorghum with sanitizing effects. The experiments were conducted since 2012 by Inra in laboratory and greenhouse controlled conditions and in vegetable shelters by Aprel, Inra and IRD. The results demonstrate significant potential of this intercrop to manage root-knot nematodes with two main modes of action : trapping and biofumigation. But appropriate technical practices are required to achieve field results and to maximize their optimal potential.

KEYWORDS - Root-knot nematodes, RKN, Meloidogyne sp., M. incognita, gardening, sorghum, Sudangrass, cover cropping, green manure, trap plants, non-host plants, bad-host plants, biofumigation, experiments in controlled conditions, field experiments.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS : *C. GOILLON, Aprel (Association provençale de recherche et d'expérimentation légumière), route de Mollégès 13210 Saint-Rémy-de-Provence.

**T. MATEILLE, J. TAVOILLOT, IRD, UMR CBGP (Centre de biologie pour la gestion des populations) 34988 Montferrier-sur-Lez.

***N. MARTEU, A. FAZARI, C. DJIAN-CAPORALINO, Inra, Centre PACA, UMR ISA (Institut Sophia Agrobiotech) 400, route des Chappes, BP 167 - 06903 Sophia Antipolis Cedex.

CONTACTS : goillon@aprel.fr

thierry.mateille@ird.fr

caroline.caporalino@inra.fr

LIEN UTILE : www.picleg.fr/Les-projets-en-cours/Gedunem

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