Réglementation

Où en est le biocontrôle sur le plan réglementaire ?

CLAUDE ALABOUVETTE* D'APRÈS UN EXPOSÉ DE XAVIER LANGLET - Phytoma - n°699 - décembre 2016 - page 8

Lors du congrès « biocontrôle » de Perpignan en septembre dernier, Xavier Langlet de la DGAL/SDQSPV a présenté une communication remarquable. Depuis lors, une liste est sortie. Récapitulatif.
Tableau 1 : Biocontrôle « article L. 235-5 », micro-organismes

Tableau 1 : Biocontrôle « article L. 235-5 », micro-organismes

Tableau 2 : Biocontrôle « article L. 235-5 », médiateurs chimiques

Tableau 2 : Biocontrôle « article L. 235-5 », médiateurs chimiques

Tableau 3 : Biocontrôle « article L. 235-5 » : substances naturelles

Tableau 3 : Biocontrôle « article L. 235-5 » : substances naturelles

La communication de Xavier Langlet(1) « Les produits de biocontrôle, aspects réglementaires et cadre réglementaire - développer et favoriser le biocontrôle » lors du congrès de Perpignan (voir p. 11 à 14) mérite un article spécifique.

Cadre européen

Un règlement et une directive

Cette communication rappelait les principes d'autorisation de mise sur le marché des produits phyto(2) en y replaçant les produits de biocontrôle et précisant les définitions de ces produits, des substances naturelles peu préoccupantes, substances à faible risque, substances de base, etc., en référence aux réglementations française et européenne.

D'abord, X. Langlet a cité le contexte réglementaire européen, à savoir :

- le règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 entré en application le 14 juin 2011 (art. 83) ;

- la directive 2009/128/CE du 21 octobre 2009, qui cadre l'utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.

Du côté du règlement

Le règlement 1107/2009 qui a remplacé la « célèbre » directive 91/414 sur la mise en marché :

- a maintenu le principe de l'examen européen des substances actives phyto, le feu vert européen se nommant désormais « approbation » ;

- a maintenu le principe de l'AMM(3) nationale pour tout produit phyto après approbation de ses substances actives par l'Europe ;

- a créé la notion de substance de base ; ces substances utilisées par ailleurs (denrées alimentaires, etc.), non préoccupantes, sans effet toxique ou perturbateur endocrinien, bénéficient d'une procédure simplifiée et d'une approbation de durée illimitée ;

- a créé la notion de substance active (et de produit phyto) à faibles risques. Une telle substance est, après soumission à une procédure d'approbation complète, reconnue comme non classée, non persistante et sans effet perturbateur endocrinien ; elle est approuvée pour quinze ans.

Directive sur l'utilisation

La directive 2009/128 fait la promotion des méthodes non chimiques dont l'agriculture biologique. Elle établit des principes généraux en matière de lutte intégrée contre les ennemis des cultures :

- promotion des moyens de prévention des organismes nuisibles ;

- mise en place de méthodes biologiques, physiques et autres méthodes non chimiques pour le contrôle des ennemis des cultures.

Après avoir illustré par un schéma les étapes aboutissant à l'approbation des substances actives au niveau communautaire puis à l'autorisation de vente au niveau national des préparations phytosanitaires, X. Langlet a précisé les dispositifs s'appliquant en France aux produits de biocontrôle.

Place des produits de biocontrôle dans les méthodes alternatives

Il existe des méthodes sans produits phyto

X. Langlet situe les produits de biocontrôle au sein des méthodes dites alternatives, lesquelles ne bénéficient pas toutes du même statut réglementaire.

D'abord, par exemple, les méthodes physiques et mécaniques sont hors-champ réglementaire.

Ensuite, le statut réglementaire des produits de biocontrôle n'est pas homogène : les macro-organismes de biocontrôle ne sont pas des produits phyto.

Ainsi, ils ne sont pas régulés au niveau européen. Mais, en France, depuis juillet 2012, les ministères en charge de l'Agriculture et de l'Écologie régulent par autorisation (ou non...) l'entrée sur le territoire national et l'introduction dans l'environnement (donc l'usage) des macro-organismes utiles aux végétaux (auxiliaires et pollinisateurs) non indigènes.

En revanche, les autres produits de biocontrôle sont classés comme des produits phyto selon le règlement 1107/2009 ; ils sont donc soumis à approbation au niveau européen puis AMM en France.

Produits de biocontrôle en France

Loi d'avenir et article L. 253-6

En France, la loi d'avenir du 13 octobre 2014(4) définit le biocontrôle. Ou plutôt, c'est à souligner, elle liste et définit les catégories de produits considérés comme de biocontrôle ; ce n'est pas la même chose. Selon cette loi, les produits de biocontrôle au sens de l'article L. 253-6 du CRPM(5) sont des « agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ».

Ils « comprennent en particulier :

- les macro-organismes ;

- [les produits phyto] comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones et des substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale. »

Produits phyto de biocontrôle

X. Langlet a décortiqué ces définitions telles que transposées en France.

Les micro-organismes sont définis dans le règlement 1107/2009 comme « toute entité microbiologique, y compris les champignons inférieurs et les virus, cellulaire ou non, capable de se répliquer ou de transférer du matériel génétique ». Il s'agit en vocabulaire courant des champignons, bactéries et virus. Leur définition ne pose pas de problème.

Il n'en est pas de même pour les substances naturelles. « Est une substance naturelle toute substance naturellement présente et identifiée en l'état dans la nature. » Pour le législateur français, ces substances sont :

- soit issues d'une source naturelle (animale, végétale, minérale), c'est-à-dire extraites d'un « matériau source » naturel ;

- soit issues d'êtres vivants indépendamment de leur appartenance au règne végétal ou animal (procaryotes, eucaryotes unicellulaires, champignons).

- soit obtenues par synthèse chimique mais strictement identiques (structure moléculaire identique) à des substances que l'on trouve dans la nature ;

Le vocable de médiateurs chimiques regroupe les phéromones sexuelles, d'agrégation ou d'alarme, les kairomones et allomones (utilisées pour le piégeage, la confusion ou le suivi de populations).

En France, les produits phyto de biocontrôle (devant obtenir une AMM au même titre que n'importe quel produit phyto et dont la ou les substances actives doivent être approuvées au niveau communautaire comme n'importe quelle substance active) bénéficient d'une procédure accélérée d'évaluation et d'AMM en référence à l'article R. 253-11 du code rural.

L'Anses dispose d'un délai pour statuer sur un produit de biocontrôle : six mois, ramené à 120 jours ou au contraire porté à huit mois dans certains cas.

Produits « article L. 253-5 » : les avantages

De plus, selon la loi du 6 février 2014(6), les produits phyto de biocontrôle « au sens de l'article L. 253-5 du code rural » resteront autorisés après le 31 décembre 2016 dans les espaces ouverts au public et après le 31 décembre 2018 chez les amateurs, alors que les produits phyto de synthèse y seront interdits.

Plusieurs autres avantages législatifs ont été donnés à ces produits « article L. 253-5 ». Leur publicité est autorisée partout, leur application en prestation de service ne requiert pas d'agrément, ils bénéficient de réduction de taxe, les CEPP(7) les épargnent et ceux qui sont autorisés chez les amateurs resteront en vente libre après le 31 décembre 2016.

Le ministère de l'Agriculture a établi une liste de ces produits « L. 253-5 ». Sa version du 3 novembre(8) cite environ 300 spécialités (voir tableaux).

Parlons PNPP et Écophyto

La réglementation française a, de plus, introduit la notion de PNPP pour « préparation naturelle peu préoccupante » (loi d'avenir, article 50, modification article L. 253-1) : « Une préparation naturelle peu préoccupante est composée exclusivement :

- soit de substances de base telles que définies en référence au règlement 1107/2009 ;

- soit de substances naturelles à usage biostimulant.

Elle est obtenue par un procédé accessible à tout utilisateur final. Les substances naturelles à usage biostimulant sont autorisées selon une procédure fixée par voie réglementaire. »

Le purin d'ortie a bénéficié du statut de PNPP (arrêté du 18 avril 2011) au titre d'un précédent dispositif(9). Aujourd'hui, sont utilisables les substances de base et, depuis avril 2016(10), les plantes ou extraits de plantes à usage biostimulant vendus librement en pharmacopée humaine (tisanes, etc.).

X. Langlet a terminé en présentant les volets du plan Écophyto 2 en faveur du biocontrôle, notamment dans le cadre du CEPP, et le plan « Agriculture innovation 2015 » qui prévoit de soutenir et structurer la recherche en faveur du biocontrôle, et de simplifier les procédures d'évaluation.

Qu'en dit l'Académie ?

Ce panorama des catégories de produits de biocontrôle et de leur réglementation montre une situation complexe. Ceci freine l'adoption de ces produits par les professionnels et les amateurs.

Comme déjà signalé, la loi d'avenir agricole ne définit pas le biocontrôle mais les produits de biocontrôle. C'est pourquoi je ne veux pas conclure sans évoquer la définition du biocontrôle récemment proposée par l'Académie d'agriculture de France. Un groupe de travail présidé par J.-L. Bernard a travaillé en 2015 puis proposé début 2016 la définition suivante, approuvée par l'Académie :

« Le biocontrôle peut être défini comme le regroupement de méthodes de protection des cultures utilisables par l'agriculteur ayant en commun :

- de résulter de la connaissance des interactions entre plante cultivée, bioagresseurs et autres organismes vivants du milieu naturel ;

- d'utiliser la capacité de régulation des agents vivants présents dans le milieu agricole local, quitte à les favoriser par une action volontaire de l'agriculteur ;

- de faire appel pour la protection des cultures à des agents vivants ou issus du vivant, à la fois pour la mise en place des mesures indirectes qui s'imposent pour une culture donnée et pour l'intervention directe rendue nécessaire par l'observation des cultures en saison. »

Cette définition a le mérite d'être basée sur les connaissances scientifiques actuelles, indépendamment des préoccupations politiques ou commerciales pouvant entacher d'autres définitions. Le rapport qui la contient va bientôt être publié.

La définition des substances naturelles incluant celles d'origine minérale dans la réglementation française n'est pas sans poser question. En effet, les substances minérales, constituant l'essentiel de la pharmacopée avant la Seconde Guerre mondiale, incluaient des substances toxiques aujourd'hui interdites.

Les progrès des connaissances scientifiques et techniques en particulier sur les interactions plantes/bioagresseurs pourront donner naissance dans l'avenir à de nouvelles méthodes de lutte et de nouveaux produits de biocontrôle : voir p. 11 à 14 !

*Agrène.

REMERCIEMENTS

REMERCIEMENTS à Xavier Langlet pour avoir transmis sa communication et à Marianne Decoin pour les tableaux.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Lors du congrès sur les produits de biocontrôle à Perpignan en septembre 2016, Xavier Langlet, du ministère chargé de l'Agriculture, a fait un point sur la réglementation.

RÈGLES - Il a expliqué l'encadrement réglementaire européen (règlement 1107/2009 sur l'autorisation des produits et directive 2009/128 sur leur utilisation), puis la déclinaison française de ces réglementations, avec les nuances entre le biocontrôle en général, les produits de biocontrôle au sens de l'article L. 253-6 du code rural (auxiliaires et tous produits phyto de biocontrôle) et les produits phyto de biocontrôle au sens de l'article L. 253-5 du code rural (liste publiée le 10 novembre 2016).

MOTS-CLÉS - Réglementation, biocontrôle, produits de biocontrôle, produits phytopharmaceutiques, produits phyto.

POUR EN SAVOIR PLUS

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