La pourriture grise due à Botrytis cinerea est la pourriture du fruit la plus commune sur fraise, limitant souvent la durée de conservation.
L'infection intervient principalement durant la floraison, la maladie pouvant ensuite rester latente et causer des dégâts aussi bien avant qu'après la récolte des fruits.
De ce fait, la protection des fleurs est considérée comme un facteur clé de la réussite de la lutte contre la pourriture grise.
Un principe original
Une technologie de transport
Depuis plusieurs années, Biobest a développé la technologie Flying Doctors. Le système consiste en une ruche de bourdons équipée d'un distributeur de produit (voir photo 1). Les bourdons sortant de la ruche marchent dans le distributeur préalablement rempli du produit. Celui-ci adhère à leurs pattes et leur abdomen (photo 2).
Lorsque ces bourdons visitent les fleurs pour collecter le pollen, ils déposent le produit de façon ciblée. Un fongicide antibotrytis sera ainsi placé exactement là où il doit être pour protéger les fleurs de fraisiers contre l'infection (photo 3).
Un champignon bénéfique
Cette méthode de protection est aujourd'hui proposée avec Prestop 4B. Ce produit, développé par Lallemand Plant Care, contient le même principe actif que Prestop utilisé en pulvérisation, trempage ou irrigation, mais dans une formulation spécialement adaptée à l'application par les bourdons.
Le principe actif est un champignon bénéfique, Gliocladium catenulatum souche J1446. Celui-ci, occupant la surface des fleurs avant B. cinerea, le prive d'espace et de nourriture. De plus, le champignon bénéfique produit des enzymes qui détruisent les parois cellulaires de l'agent pathogène.
L'application de Prestop 4B par les bourdons pollinisateurs (produit placé dans le distributeur des ruches) est autorisée pour lutter contre la pourriture grise en cultures de fraise et de framboise depuis 2013 en Belgique, depuis 2015 aux Pays-Bas et depuis 2016 en France (autorisation de mise sur le marché n° 2150847, sous serres et tunnels).
Historique de l'« entomo-vection »
Des travaux pionniers
Ce sont Hokkanen et Menzler-Hokkanen (2007), pionniers du concept en Europe depuis les années 1990, qui ont inventé le terme « entomo-vection » (certains disent « entomo-phorèse »).
Aux États-Unis, Peng, Sutton & Kevan (1992) ont été les premiers à décrire l'idée d'utiliser les abeilles pour la distribution de micro-organismes aux fleurs afin de protéger ces dernières des maladies.
Plus tard, ce même groupe commence à travailler avec des bourdons (Yu & Sutton, 1997). Les deux espèces avaient alors l'avantage d'être commercialement disponibles pour la pollinisation des cultures. En Europe, les premières tentatives d'utilisation des bourdons comme « entomo-vecteurs » ont été réalisées par Biobest en 2005. Elles ont révélé que les systèmes de distribution jusque-là décrits dans la littérature étaient inappropriés. Certains étaient trop complexes pour permettre aux bourdons de naviguer, d'autres ne permettaient pas une bonne charge des bourdons en produit.
Travail sur l'efficacité du dispositif distributeur
Plus tard, en partenariat avec Biobest et son superviseur Guy Smagghe, Veerle Mommaerts oriente son doctorat sur les paramètres fondamentaux que sont la charge en produit et sa dissémination, améliorant ainsi l'efficacité du distributeur.
Une fois les recherches de V. Mommaerts terminées, le distributeur a été amélioré par le département R&D de Biobest. Celui-ci, après avoir imaginé et testé de nombreux prototypes, arrive à une solution efficace commercialisable en 2012. Le premier distributeur pour ruche de bourdons est lancé par Biobest sous le nom de « Flying Doctors » en 2013.
Sept ans d'essais de 2010 à 2016
Trois fonctions essentielles à tester
Lors du développement de ce concept, Biobest a testé le système de façon intensive à travers de nombreux essais en conditions contrôlées ainsi qu'en serres de production. Ces essais conduits par le département R&D de la société, souvent en collaboration avec des stations d'expérimentation, ont porté sur des cultures de fraise et de framboise.
Ne pas perturber la pollinisation
Les bourdons étant avant tout utilisés pour la pollinisation, une priorité a été de s'assurer que la présence du système ne compromette pas l'activité de vol de la colonie. L'activité de vol des ruches standard Biobest a donc été comparée à l'activité de vol des ruches Flying Doctors contenant le biofongicide. Pour ce faire, l'activité des bourdons a été suivie (entrées et sorties des individus) pendant plusieurs semaines et sur différents sites.
La Figure 1 décrit l'activité de vol, exprimée en nombre de bourdons entrant ou sortant de la ruche par minute. Une activité d'un bourdon par minute est considérée comme suffisante pour obtenir une bonne pollinisation. Sur la base de ces essais, nous pouvons conclure que la ruche Flying Doctors contenant le micro-organisme n'a pas d'impact négatif sur le comportement de pollinisation des bourdons.
Bien transporter le produit
Afin de tester ensuite l'efficacité du transport du produit par les bourdons, des fleurs ont été collectées à différents intervalles de temps dans les serres. Ces fleurs ont été analysées au laboratoire pour la présence de G. catenulatum.
Ces analyses ont mis en évidence un taux de 73 % à 90 % de fleurs contenant le champignon bénéfique. Ceci montre que les bourdons distribuent bien le produit à travers toute la serre (Figure 1).
Être efficace contre le botrytis
Enfin, l'objectif étant de protéger les fleurs et/ou les fruits de l'infection, plusieurs essais d'efficacité ont été conduits durant ces six dernières années en cultures de fraise et de framboise. Ils ont démontré que Prestop 4B appliqué par le système Flying Doctors contrôle de manière significative la pourriture grise, aussi bien à la récolte qu'en post-récolte. Un résumé de cinq essais d'efficacité est présenté ici (voir tableau).
Essai 1 (2010)
Conditions contrôlées sous serre verre à Westerlo
Une étude sous serre en conditions contrôlées a été conduite pour étudier la capacité de Bombus terrestris à remplir le double rôle de pollinisateur et de vecteur d'agents de biocontrôle dans des fleurs de fraisier inoculées avec Botrytis cinerea.
Le biofongicide était chargé dans un prototype de distributeur pour bourdons à deux voies. L'essai a été conduit à Westerlo, en Belgique, dans un compartiment de serre contenant quatre tentes en filet (environ 100 m2, cent plantes) correspondant aux différents traitements. Deux cents fleurs par traitement ont été observées après inoculation individuelle avec Botrytis cinerea.
Résultats comparés avec le témoin
Il a été établi que la charge en G. catenulatum n'a pas causé d'effets néfastes sur les ouvrières, ni en terme de mortalité, ni en terme d'activité de vol durant les quatre semaines de floraison de l'essai.
L'apport du produit par les bourdons a entraîné une production supérieure : 71 % des fleurs se sont développées en fruits rouges sains contre 54 % dans les témoins non protégés.
De plus, les fruits produits étaient mieux protégés : 79 % des fruits cueillis étaient encore sains après deux jours d'incubation contre seulement 43 % dans le témoin. Globalement, le rendement total dans les compartiments traités a été de 2 à 2,5 fois supérieur à celui du témoin (qui avait seulement 24 % de fruits sains après deux jours d'incubation).
Essai 2 (2011)
Sous serre plastique à Hoogstraten
Un essai a été conduit à l'automne 2011 dans une culture de fraises sous serre plastique, à la station de recherche de Hoogstraten (Belgique). L'objectif était d'évaluer le potentiel de G. catenulatum et d'autres agents de biocontrôle à contrôler B. cinerea sur fraise via l'entomo-vection par les bourdons (utilisant le distributeur amélioré par Biobest).
Du fait que les micro-organismes étaient dispersés par les bourdons volant librement dans la serre pour polliniser, il était impossible de les mettre dans le même compartiment. Pour régler ce problème, la serre a été divisée en cinq compartiments adjacents séparés par des filets insecte-proof, chaque compartiment accueillant un traitement.
Trois micro-organismes ont été testés. Ils ont été comparés avec un produit conventionnel (pulvérisé de la façon classique pour les produits chimiques) et un témoin non traité.
Dans chaque compartiment, huit parcelles d'échantillonnage (vingt-quatre plants par parcelle) ont été définies (192 plantes par traitement). Quatre parcelles sur huit ont été inoculées artificiellement pour chaque traitement. L'infection de Botrytis à la récolte et post-récolte sur les parcelles inoculées et non inoculées a été évaluée à plusieurs dates de cueillette.
Résultats comparés au témoin, au traitement conventionnel et à deux autres micro-organismes
À la récolte, Prestop 4B a présenté une efficacité comparable au traitement conventionnel. Les autres micro-organismes ont été moins efficaces.
Après récolte, pour les dates de récoltes correspondant à une pression faible à moyenne, notre micro-organisme a exercé un contrôle du Botrytis équivalent à celui du traitement conventionnel et statistiquement supérieur à celui des autres micro-organismes.
En revanche, si la pression de l'agent pathogène était forte, l'efficacité était équivalente entre les trois micro-organismes et significativement moindre que celle du traitement conventionnel.
Essai 3 (2011)
Plein sol sous tunnel plastique à Westerlo
Un autre essai a été conduit à l'automne 2011 en culture de fraise, mais celle-ci sur sol, sous tunnel plastique à Westerlo.
Quatre agents de biocontrôle ont été testés pour leur capacité à contrôler Botrytis cinerea en culture de fraise par le biais de l'entomo-vection par les bourdons (utilisant le distributeur amélioré). Les quatre micro-organismes ont été comparés à un témoin non traité et un témoin conventionnel.
Deux tunnels plastique ont chacun été divisés en trois compartiments de 50 m2, séparés par des filets insecte-proof, chaque compartiment de 180 plants de fraisiers (trois doubles-rangs de soixante plants) correspondant à un traitement. Dans chaque traitement, le rang du milieu a été inoculé artificiellement chaque semaine avec B. cinerea. Les fraises ont été récoltées des semaines 5 à 9.
Au début de l'essai (semaine 5), des fruits ont été prélevés dans chaque compartiment pour vérifier l'homogénéité de la pression de l'agent pathogène. Ensuite, les évaluations hebdomadaires ont été considérées comme des répétitions dans le temps.
Les fruits infectés ont été comptabilisés à chaque récolte puis jetés, tandis que les fruits sains ont été incubés durant quatre jours à 20 °C (> 85 % RH) pour une évaluation post-récolte.
Résultats comparés au témoin, au traitement conventionnel et à trois autres micro-organismes
À la récolte, le contrôle de Botrytis obtenu avec G. catenulatum J1446 distribué par les bourdons était significativement supérieur à celui du témoin non traité, et sans différence significative avec le témoin conventionnel ni avec les autres micro-organismes. Après récolte, notre biofongicide, un des autres micro-organismes et le témoin conventionnel montrent une réduction significative du Botrytis sans différence significative entre eux. Les autres micro-organismes étaient significativement moins efficaces.
Essai 4 (2013)
Sous serre plastique
Un nouvel essai a été conduit en 2013 dans une culture de fraises sous serre plastique, à la station de recherche de Hoogstraten. Prestop 4B a été comparé à un témoin non traité et un témoin conventionnel (pulvérisation de produits chimique).
Pour chaque traitement, quatre répétitions de quatre micro-parcelles de soixante plants ont été mises en place (240 plants/traitement). Les parcelles ont été réparties dans trois compartiments adjacents d'une serre multichapelle, dont un compartiment contenant le témoin conventionnel, et deux compartiments accueillant le biofongicide et le témoin non traité, ce dernier étant rendu inaccessible aux bourdons Flying Doctors.
Le taux d'infection de Botrytis à la récolte et post-récolte ainsi que le rendement ont été évalués, sur des plants de fraisier inoculés artificiellement et non inoculés. Au total, 250 fraises par répétition (1 000 fraises par traitement) ont été cueillies et évaluées à sept dates de récolte différentes.
Résultats comparés au témoin et au traitement conventionnel
Les conditions climatiques chaudes ont conduit à une faible pression de l'agent pathogène. À la récolte, trop peu de fraises infectées ont pu être dénombrées pour que les résultats soient significatifs.
En revanche, après quatorze jours à 4 °C, les résultats ont été similaires entre le biofongicide et le témoin conventionnel, avec un nombre de fruits présentant des symptômes de Botrytis significativement inférieur à celui du témoin non traité.
Essai 5 (2016)
Sur framboise sous tunnel plastique
L'essai a été conduit en culture commerciale de framboise sous tunnel plastique, à Etten-Leur (Pays-Bas). Les deux traitements, contrôle et Prestop 4B, ont reçu le même calendrier de traitements chimiques. Il a été étudié si l'application du biofongicide par les bourdons peut améliorer les programmes de lutte conventionnels.
Deux tunnels à deux localisations différentes ont été sélectionnés, contenant le même cultivar de framboise cultivé dans les mêmes conditions. Face au tunnel 1, une ruche multi-hive contenant trois ruches Flying Doctors a été positionnée. Dans le second tunnel, la pollinisation a été assurée par des abeilles. Durant l'essai, toutes les plantes, dans les deux traitements, ont reçu les traitements antibotrytis suivants : captane, captane, boscalid et pyraclostrobine.
Résultats : une association possible avec des produits conventionnels
Notre souche de Gliocladium catenulatum a été retrouvée dans 90 % des fleurs prélevées. Après stockage des fruits à 4 °C jusqu'à quatorze jours, l'essai s'est traduit par 79 % de réduction de la pourriture grise post-récolte comparé au traitement qui avait reçu uniquement les traitements chimiques.
Cela suggère que l'application du biofongicide peut améliorer le contrôle de la pourriture grise obtenu par les traitements conventionnels.
Un système prêt à l'emploi
Un pack avec deux formulations du même micro-organisme
Pour contrôler Botrytis cinerea en culture de fraise, Biobest France propose donc un « Combi Pack Prestop » spécial fraise.
Ce pack contient une solution complète de biocontrôle pour 5 000 m2 (à raison d'une ruche Flying Doctors/1 000 m2), soit :
- 6 kilos de Prestop, quantité pour deux applications du produit en pulvérisation ; la première (6 kg/ha, soit 3 kg/5 000 m2) est conseillée au stade bouton pour réduire la pression de Botrytis ; la seconde est à réaliser en pleine floraison, soit deux à trois semaines après la première application selon les conditions climatiques ;
- 400 grammes de Prestop 4B pour application exclusivement avec les ruches Flying Doctors ; durant toute la période de floraison, il faut apporter 8 g du produit par ruche tous les trois/quatre jours.
Avantages de l'utilisation des Flying Doctors avec Prestop 4B
Les bourdons étant actifs tous les jours et durant toute la journée, ils garantissent une application, donc une protection continue. Ils permettent de réduire le temps de travail alloué à la protection des plantes. Enfin ils appliquent le produit de façon ciblée, ce qui assure une utilisation optimale.
L'application de Prestop 4B par le système Flying Doctors constitue une solution totalement biologique, sans résidus ni risque d'apparition de résistance, et réduisant l'usage de produits chimiques.
Fig. 1 : Vol des bourdons et transport du produit
Barres jaunes = activité de vol moyenne, exprimée en nombre de bourdons par minute (entrées + sorties), de la ruche standard Biobest et de la ruche Flying Doctors chargée en Prestop 4B.
Chiffres dans les cercles = pourcentage moyen de fleurs contenant le produit.
Ligne verte = seuil minimal pour une bonne pollinisation.
Ertvelde, Meer et Melsele sont les localisations des trois essais, réalisés en mars-avril 2015 en serres de production chauffées.