De nouveaux protocoles d'observation rapide adaptés au suivi phytosanitaire des cultures de pélargonium et gerbera en pot ont été conçus et intégrés à la plateforme S@M.
Cet outil de suivi sur support numérique et mobile a été testé en entreprise durant trois ans pour évaluer les stratégies de biocontrôle en place et éventuellement les réajuster.
À propos de lutte biologique
Un moyen de baisser les IFT
Le but du plan Écophyto est de réduire l'usage des produits phytosanitaires dans toutes les filières. L'indicateur de cette évolution est l'IFT (indicateur de fréquence de traitement). Or, celui-ci est touché à 65 % par les insecticides en cultures de plantes en pot dans les fermes « Dephy » du Sud-Ouest (Astredhor, 2016, Figure 1). Les leviers d'actions se concentrent donc sur la lutte biologique contre les insectes et, surtout, sur son optimisation.
Une efficacité à analyser
En effet, nombreux sont les horticulteurs qui pratiquent déjà la technique dans leur exploitation. Comment faire diminuer encore leur IFT insecticide ? Succès, difficultés, échecs : leurs analyses nécessitent un outil afin de caractériser les suivis de population aussi bien en recherche qu'en production. C'est dans ce but que l'outil S@M a été conçu.
S@M au service des cultures de plantes en pot
Les NTIC entrent sous serre
Le mot « télématique » désigne l'ensemble des techniques associant les télécommunications et l'informatique. Les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) intègrent ces techniques au sein des systèmes existants.
Avec d'un côté la miniaturisation des composants permettant de produire des appareils « multifonctions » à prix accessibles, et de l'autre le développement d'internet, les usages des NTIC se sont développés et sont très utilisés pour accéder à l'information. L'objectif de ces outils est d'être un support au traitement de l'information, la technologie n'étant que le moyen d'y parvenir. Ils se développent pour répondre aux besoins d'une agriculture de précision.
Dans une serre de production, la prise de décision d'intervention est de plus en plus complexe, du fait des impasses phytosanitaires, du cortège de bioagresseurs, de l'émergence de nouveaux ravageurs et de la mise en oeuvre de la lutte biologique.
En horticulture ornementale, le critère de qualité esthétique prime. L'exigence « zéro défaut » est la règle de vente. Les pertes sont liées surtout aux dégâts de ravageurs. Se pose inexorablement la question du seuil d'intervention pour prévenir l'apparition de symptômes, sachant que chaque culture a un seuil de tolérance par ravageur.
Le suivi épidémiologique dans les systèmes « plantes en pot » est donc particulièrement crucial de par la diversité des cultures dans une même serre et les rotations de plusieurs séries d'une même espèce. C'est pourquoi une méthode adaptée, rapide et utilisable en serre avec les moyens modernes (tablette) va permettre la réactivité des interventions et leur traçabilité, par conséquent une meilleure compréhension des mécanismes épidémiologiques.
Facile et utile
Les outils télématiques doivent être développés avec le souci de simplicité et de facilité d'accès en conditions réelles de production. Ils ont vocation à une multiplicité d'usages profitables à l'ensemble de la profession horticole : recueil épidémiosurveillance BSV, traçabilité conseil, transfert des résultats d'expérimentation et échanges de pratiques. Il faut donc adapter les méthodes et les outils par phases de prototypages successifs sur le terrain.
C'est un des objets des travaux conduits dans le projet Otelho (outil télématique pour l'horticulture ornementale), à Astredhor Sud-Ouest, qui adapte une méthode d'observation rapide aux cultures de plantes en pot et teste l'outil numérique S@M en conditions réelles de production.
Adapter les protocoles d'observation rapide aux plantes en pot
Observation visuelle obligatoire
Tous les prescripteurs en lutte biologique s'accordent à dire que pour réussir la protection, il faut contrôler régulièrement ses cultures par observations visuelles des plantes. Le monitoring sur panneau englué, s'il permet de valider la présence d'insectes ailés dans la serre, ne permet pas de mesurer leur pression sur la culture. Il est difficile d'établir des corrélations entre les relevés des pièges et les observations.
Il est donc fondamental de caractériser les niveaux de populations sur la culture, et ce, bien avant l'apparition de symptômes. En plus de l'habilité visuelle de l'observateur, cela exige une certaine expérience à la reconnaissance de l'entomofaune présente dans les serres.
Concevoir son plan d'observation
Initié en cultures de rose fleur coupée, le protocole d'observation rapide a dû être adapté dans sa composante « plan d'observation » aux cultures de plantes en pot. En effet, celles-ci ont la particularité d'être déplacées en cours de culture (« distançage »).
Première contrainte dans la gestion spatio-temporelle : savoir traduire le distançage ou faire face aux modulations de l'espace avec les tablettes de subirrigation mobiles. Deux options se présentent :
- le point reste fixe dans la serre durant tout le cycle de culture même si les plantes sont déplacées ; c'est, comme pour des coordonnées GPS, un emplacement spatial ; il est alors facile d'identifier les zones, mais il sera délicat de suivre l'évolution de la pression sanitaire de la plante ;
- le point d'observation est une plante identifiée et le suivi se fait sur cette plante même si elle est déplacée en cours de culture ; la dynamique de population est plus facile à interpréter mais le plan spatial de la culture se trouve modifié au cours du distançage.
Nous avons choisi de nous placer du point de vue de la plante dans le cadre de ces suivis pour faciliter l'analyse des stratégies.
La deuxième contrainte consiste à déterminer, dès la création du masque de saisie, le nombre de points à échantillonner : ni trop peu pour être représentatif, ni trop pour que la mesure hebdomadaire reste réalisable. En effet, un des freins les plus évoqués par les producteurs au transfert de la technique en exploitation est lié au temps que cela va prendre. L'objectif est donc d'améliorer la prise de décision en optimisant le temps passé à réaliser l'observation.
Trente points observés hebdomadairement semblent être un bon compromis, éprouvé dans les suivis réalisés en comparaison d'itinéraire de culture dans le programme « Dephy Expé Hortipot ». Néanmoins, c'est un choix à faire par l'observateur en fonction du niveau de précision qu'il recherche et de la surface de culture à couvrir.
Comme mentionné dans le guide d'épidémiosurveillance de la filière (Astredhor, 2012), en fonction de la situation de l'observateur et de sa préoccupation, le suivi peut se faire spécifiquement à l'échelle d'une culture, d'un bioagresseur ou d'un groupe agronomique de plantes (Tableau 1).
Quant à l'outil, il ne limite pas le nombre de points et de paramètres à choisir. Si une approche plus fine doit être testée dans le cadre d'une expérimentation, la souplesse de l'outil le permet également.
Standardiser les observations sur les plantes
À la création du masque de saisie qui servira de support à la notation, le choix des variables observées est déterminant. L'OAD met à disposition un panel de variables éprouvé, mais une nouvelle variable peut être créée au besoin.
Dans le cadre du programme Otelho, des modes opératoires stipulant la méthodologie d'échantillonnage pour chaque culture ont été produits et consultables dans le module « Formation et support » de l'outil. Entre autres, l'échelle de notation est établie pour les principaux ravageurs, le stade phénologique de la plante, les classes commerciales ou les dégâts afin d'appréhender différents aspects de la culture.
Une fois devant sa culture, que faut-il observer ? Le plus souvent, la plante est examinée dans sa globalité (collet, face supérieure et inférieure du feuillage, fleurs) sans excéder une minute par point. Les contraintes de temps d'observation et de non destructivité amènent à la réalisation de frappage léger afin de collecter rapidement d'éventuels insectes présents dans les fleurs.
Néanmoins, les traits morphologiques de la plante amènent à modifier les protocoles en fonction des espèces. Par exemple, le frappage fonctionne bien sur une fleur ouverte type gerbera, a contrario l'observateur devra décortiquer entièrement la fleur du cyclamen pour y compter les thrips.
Beaucoup d'OAD fonctionnent comme des outils de modélisation d'une épidémie sur une culture donnée en fonction du climat. S@M permet de travailler sur l'évolution des dynamiques de populations dans son outil « suivi ». Il tend également à s'équiper de modèle de prévision épidémiologique à prédicateurs climatiques.
Utilisation de S@M pour analyser les leviers mis en place
Systèmes de cultures étudiés
Dans le cadre du programme Otelho, deux cultures de référence ont été suivies avec S@M de 2013 à 2015, sur deux sites :
- site 1, station d'expérimentation GIE Fleurs et Plantes sur pélargonium (serre verre de 600 m², culture sur tablette mobile, arrosage en subirrigation) ;
- site 2, entreprise de production de plantes en pots de gerbera (serre verre de 1 300 m², culture sur tablette mobile, arrosage en subirrigation) et pélargonium (serre verre de 4 000 m², culture au sol, irrigation par ruissellement).
La stratégie prévisionnelle de protection des cultures était basée sur des lâchers inondatifs d'auxiliaires.
Par ailleurs, une réponse était initialement envisagée pour chaque organisme susceptible de parasiter la culture. Par exemple, application de Bacillus thuringiensis en cas d'observation de chenilles quel qu'en soit le nombre. Cependant, le planning d'apport établi en amont de la mise en production était surtout calé sur les ravageurs principaux de la culture.
A minima, avant la mise en production, des actions de prophylaxie étaient réalisées : nettoyage de débris végétaux et désinfection du support de culture. Des panneaux englués (certains bleus et d'autres jaunes) étaient posés au sein des cultures pour dénombrement et piégeage massif. En fonction des situations, des kairomones pouvaient être utilisées pour accentuer l'effet de ce piégeage chromatique.
Les stratégies testées en PBI (Tableau 2) étaient essentiellement basées sur des apports d'acariens auxiliaires, Neoseiulus cucumeris et Amblyseius swirskii.
Ces prédateurs généralistes sont largement utilisés en production : le premier contre les thrips (surtout Frankliniella occidentalis) en conditions tempérées depuis vingt ans, le second contre sa double cible larves de thrips et d'aleurodes, avec sa capacité à résister aux conditions climatiques estivales du Sud-Ouest.
Les lâchers démarraient dès que les températures le permettaient. Ils étaient répétés tous les quinze jours, en vrac sur support vermiculite et non en sachets d'élevage (ces derniers sont chronophages en temps de mise en place et consommés par les souris). Les doses variaient entre 100 et 200 individus/m² selon la pression. De plus, des mélanges de parasitoïdes du genre Aphidius étaient lâchés, parfois complétés par des apports du prédateur Chrysoperla carnea sur foyer de puceron.
La stratégie a évolué de 2013 à 2014 dans le but d'améliorer l'installation des acariens auxiliaires et de réduire les coûts des lâchers. Un complément alimentaire à base de typha, vendu sous le nom de Nutrimite, a été apporté tous les quinze jours : en même temps que les lâchers d'auxiliaires les deux premières fois, puis seul pour entretenir la population d'auxiliaires si les observations le permettaient. Les apports cessaient dès le début de la floraison, ou auparavant si la pression thrips devenait trop forte.
En parallèle, un itinéraire de référence « chimique » a été identifié parmi les pratiques réalisées par l'entreprise avant modification de son itinéraire. Il sert de point de référence à l'analyse des résultats obtenus.
Échantillonnages et mesurées
De la mise en culture à la commercialisation, il était réalisé une observation hebdomadaire d'environ quarante points de mesures par itinéraire technique.
Sur gerbera, une variété (400 pots), puis une série (2 000 pots) et enfin la totalité de la culture (4 200 pots) étaient suivies par observation générale de la plante et léger frappage des fleurs afin d'en extraire thrips et phytoséides présents. En effet, le suivi du feuillage est insuffisant pour obtenir un résultat qualitatif.
Sur pélargonium, le choix s'est porté sur les variétés de lierre simple et lierre double, bien plus sensibles aux thrips que les zonales. Les notations étaient réalisées sur une planche de culture (450 pots) puis sur l'ensemble de l'itinéraire, soit une succession de huit séries (11 500 pots). Les notations commençaient par une observation générale de la plante puis un frappage aux premières fleurs.
Règles de décisions : le thrips, ennemi numéro 1
En sus du planning prévisionnel d'apport d'auxiliaires, des règles de décisions étaient établies avec le producteur pour décider des interventions, que ce soit un nouveau lâcher d'auxiliaires ou une intervention chimique. Par exemple, face au thrips, les questions suivantes étaient posées :
- la population de thrips a-t-elle augmenté d'une semaine sur l'autre ?
- quelle est la quantité d'auxiliaires présents ? Et le ratio prédateur/ravageur ?
- quelle est la date du dernier et du prochain lâcher d'auxiliaire ?
Exemple : un traitement peut être réalisé si plus de trois points de niveau 3 pour la variable thrips sont observés sur la culture, si la population de thrips a augmenté depuis la semaine passée sur l'ensemble des points, s'il n'y a aucun auxiliaire et que le dernier lâcher date de plus de quinze jours. Que ce soit en culture de gerbera ou de pélargonium, le thrips F. occidentalis reste le principal ravageur à gérer. Sa capacité à s'adapter, s'installer et se développer dans les serres ne fait que croître au cours des ans. Le nettoyage et la désinfection des structures ne sont pas suffisants pour l'éradiquer. L'absence de vide sanitaire en interculture est une des raisons des difficultés rencontrées par les producteurs.
Résultats sur gerbera
En 2013 : des auxiliaires mal répartis dans l'espace et le temps
Sur gerbera, l'essai mené sur site de production en première année a permis de constater que malgré une bonne installation des acariens phytoséides dans le feuillage, les fleurs étaient rapidement marquées par les piqûres de thrips. Les adultes, provenant de cultures adjacentes, sont irrémédiablement attirés par la fleur. Le seuil de nuisibilité est inférieur à 1 individu/fleur.
De plus, les résultats tendent à montrer que les auxiliaires sont surtout retrouvés en bordure de tablette de culture. Ceci témoigne d'une répartition non homogène du vrac de vermiculite.
En effet, le matériel était distribué de l'allée centrale à la main par le personnel de l'entreprise qui a des difficultés à circuler dans cette serre entre les tablettes (barres de guidage des tables et tuyaux de chauffage). Cette technique ne permet pas de recouvrir les 4,5 mètres de longueur de la table. Des foyers se sont donc développés dans ses endroits moins protégés.
En 2013, il a été proposé au producteur de s'équiper d'un Mini Bug, appareil permettant de faciliter l'épandage des auxiliaires sur les cultures. Dès les premières observations, les résultats étaient concluants avec un passage de 5 % à 50 % des plantes colonisées par Amblyseius swirskii.
En 2014 : le pollen à la rescousse
L'année suivante, un des leviers utilisés est l'emploi du pollen Nutrimite, qui répondait à la fois à cet aspect de répartition spatiale des auxiliaires et à leur maintien en absence de proies. Il pouvait également contribuer à diminuer le nombre d'apports et donc le coût de la stratégie de biocontrôle.
Dès la première application de pollen, une bonne colonisation de la culture par les auxiliaires est observée (Figure 2). L'application est répétée deux fois puis arrêtée pour laisser les acariens chercher le pollen de la plante. Dans ces conditions, les phytoséides sont montés au niveau des fleurs.
D'autre part, la quantité de phytoséides retrouvée est bien plus importante après l'application de pollen qu'après un apport d'auxiliaire seul. Sur les deux dernières semaines de culture, plus de dix phytoséides par plante sont retrouvés sur quasiment l'ensemble des points observés.
L'outil S@M nous a permis de montrer que l'apport de pollen en culture de gerbera pouvait améliorer la répartition spatiale de l'acarien A. swirskii, mais aussi sa présence temporelle dans la culture, permettant ainsi de contrôler le ravageur, aussi bien sur le feuillage que dans les fleurs (Figure non montrée, disponible auprès des auteurs), avec le même nombre de lâchers qu'en 2013.
En 2015, la question du coût
Pour réduire le coût de la protection biologique, peu compétitif par rapport à l'itinéraire chimique conventionnel, le nombre de lâchers a été réduit en 2015.
En effet, la bonne installation de l'acarien auxiliaire en amont de la floraison permet de couvrir le passage délicat de la montée du bouton floral. Si l'acarien s'installe dans le bouton alors que ce dernier est encore dans la rosette de feuille, le principal stade critique est couvert. L'acarien se développe dans la structure duveteuse située à la base du pétiole de la fleur (Figure 3).
Ce constat rejoint les travaux menés par Cécile Bresch et Pia Parolin, de l'Inra de Sophia Antipolis, sur certains traits morphologiques des plantes. Ainsi, des structures comme les domaties de Viburnum tinus peuvent servir de micro-habitats de substitution, fournissant un refuge physique et des conditions microclimatiques favorables à la reproduction de l'acarien auxiliaire (Parolin et al., 2013). Sur gerbera, les poils présents à la base de la fleur permettent une telle installation.
Au final, un succès
La stratégie de nourrissage en conditions de production a donné de bons résultats en culture de gerbera pour gérer les thrips (ainsi que les aleurodes, moins problématiques actuellement sur cette culture). En parallèle, la gestion du puceron Aulacorthum solani n'est pas totalement maîtrisée par le parasitisme d'Aphidius spp. Ceci occasionne souvent un à deux traitements au stade vente chez le producteur.
En comparaison, l'itinéraire conventionnel mené en lutte chimique génère souvent deux à trois traitements contre les aleurodes, un traitement contre les mouches mineuses, trois traitements pucerons, et trois ou quatre traitements thrips. L'IFT moyen est ainsi de 8,5. La gestion en protection biologique à l'aide d'acariens auxiliaires de protection et de pollen permet de diviser par quatre l'IFT final (Figure 4).
Économiquement, avec l'utilisation de pollen, le nombre de lâchers de prédateurs est ici divisé par deux. Ceci permet de passer le coût de la protection de la culture de gerbera de 1 €/m² à moins de 0, 25 €/m², approvisionnement et main-d'oeuvre compris (Figure 5).
Résultat sur le pélargonium
En 2013 : pas de thrips à la station et des dégâts chez le producteur
Une stratégie similaire a été adoptée en culture de pélargonium avec des résultats plus mitigés.
La première année, l'essai de la station d'expérimentation est mené en abri froid. Le thrips ne se développe pas à basse température et les phytoséides sont difficilement retrouvés. En effet, Neoseiulus cucumeris ne se maintient pas en absence de proies.
Sur le site producteur, le ravageur est présent dès la mise en culture sur jeunes plants et les lâchers bimensuels d'acariens auxiliaires ne permettent pas de contrôler la population de F. occidentalis.
Même si le seuil biologique de nuisibilité est plus élevé que sur gerbera avec quatre thrips par fleur, des dégâts sont observés dès la floraison. L'installation initiale n'a pas été bonne car la dose de lâcher (100 individus/m²) était trop basse et les conditions de cultures froides.
En 2014 : des aléas en production et en station
L'année suivante, chez le producteur, la stratégie avec apport de pollen prévue a dû être reportée car F. occidentalis était présent dès le rempotage du jeune plant, or l'apport du complément alimentaire n'est pas conseillé en présence du ravageur.
Le ravageur n'est pas contrôlé par les trois lâchers de N. cucumeris ni par les deux traitements insecticides. De plus, le comptage des thrips sur panneau englué reflète peu la pression sur plante. Jusqu'à mi-avril, moins de quarante individus par semaine sont piégés alors que la situation de la culture est critique. Quand la température est inférieure à 20 °C, le vol des adultes est limité. Des kairomones sont appliquées sur les panneaux englués pour augmenter leur attractivité et faire sortir les individus des fleurs avant de réaliser les traitements.
Les phytoséides ne se sont pas installés avant le troisième lâcher, alors que ni les proies ni la température n'étaient limitantes. L'hypothèse de rémanence d'un produit à large spectre appliqué sur les boutures avant réception est envisagée.
À la station d'expérimentation, l'itinéraire testé en serre chaude, combiné à un bouturage successif des séries les unes sur les autres, accentue la problématique par rapport à 2013. Des apports répétés et massifs d'Amblyseius swirskii ont permis de maintenir le ravageur à un niveau acceptable, mais sans parvenir à un résultat qualitatif suffisant pour la commercialisation.
En 2015 : satisfaisant chez le producteur, moins en station
La troisième année, à situation sanitaire initiale équivalente, les résultats sont meilleurs chez le producteur, mais au prix des mesures prophylactiques très importantes. Les jeunes plants sont traités dès réception sur le roll avec un insecticide adapté à faible rémanence. Une installation précoce et massive d'acariens auxiliaires est réalisée.
Peu de thrips sont observés en culture, et une bonne installation des phytoséides est constatée en parallèle, même si ces derniers sont beaucoup moins visibles que sur gerbera. Le chef de culture est satisfait du résultat obtenu. Selon lui, les éléments clés de la réussite sont :
- une bonne réactivité à réception du plant grâce au diagnostic précoce ;
- le pollen qui a permis une installation très réussie des N. cucumeris ;
- les observations régulières pour le suivi de culture.
À la station, les résultats sont plus nuancés, un foyer de F. occidentalis à proximité ayant mis à mal l'ensemble de la culture malgré l'adoption d'une stratégie de lâcher similaire. Ceci témoigne que la gestion du thrips ravageur ne peut pas être effectuée seulement par l'apport d'acariens.
En effet, ces derniers ne ciblent que le stade larvaire du thrips. Une approche combinée avec des mesures prophylactiques pour casser le cycle du ravageur est essentielle. D'autre part, l'hygrométrie est un paramètre important à vérifier, trop souvent sous-évalué comme une condition sine qua non à l'installation des macro-organismes.
Résultats globalement mitigés
Pour conclure, quand l'environnement est suffisamment propre en début de saison, la stratégie de lâchers d'auxiliaires combinés avec l'apport de pollen permet de contrôler le thrips en culture de pélargonium.
Sur le site de production, elle a permis d'abaisser l'IFT d'environ 25 % (Figure 6). Le pollen permet d'économiser sur les lâchers d'auxiliaires avec un coût de revient de 0,83 €/m² en 2015 (Figure 7).
Ce chiffre est à nuancer car, en fonction du contexte épidémiologique, la stratégie devra être complétée par des apports d'auxiliaires du sol comme Hypoaspis ou Atheta et le piégeage sémiochimique à base de kairomone.
Conclusion et perspectives
Une aide numérique précieuse
Le programme Otelho montre l'intérêt d'utiliser un outil numérique comme S@M pour améliorer l'efficacité de la prise de décision grâce à une meilleure connaissance de l'environnement de la culture et une réactivité plus forte. Il permet une bonne gestion sur le plan organisationnel de la phase d'observation en assurant un cadre à l'opérateur. En matière de biocontrôle, son développement permet de répondre aux besoins des producteurs en termes de stratégies innovantes en donnant un support à leur analyse.
Néanmoins, la rentabilité de ce type d'outil est difficilement quantifiable. Au-delà de la mise au point et de la maintenance de l'outil, il n'est pas nécessaire de suréquiper les professionnels par rapport à leurs besoins, au risque de sous-utiliser le logiciel. D'autre part, il faut former les observateurs à son utilisation avec les résistances aux changements qui peuvent s'en suivre.
Une stratégie de nourrissage prometteuse
L'utilisation de la cartographie spatio-temporelle nous a permis de montrer l'intérêt du pollen comme complément alimentaire pour les acariens phytoséides en culture de gerbera et de pélargonium.
L'utilisation de la PBI depuis plusieurs années par les producteurs du Sud-Ouest en plantes en pots avait montré des limites. Les acariens de protection ne suffisaient pas dans certaines situations, notamment contre le thrips : des lâchers plus massifs auraient augmenté le coût d'une stratégie de protection déjà perçue comme trop onéreuse. L'apport de pollen permet d'améliorer la diffusion dans l'espace de l'auxiliaire et son maintien dans le temps et d'améliorer la rentabilité économique.
Comme toujours, la stratégie n'est pas si facilement transposable d'une culture à l'autre. Des paramètres de la culture de gerbera comme sa courte durée (douze semaines), sa place dans la rotation (moins de co-culture plantes fleuries/jeunes plants), et les températures font que la pression thrips subie est souvent moins forte que celle des cultures d'été.
En 2016, le programme Otelho s'est intéressé à d'autres cultures pour enrichir les références sur la stratégie de protection mais aussi le protocole d'observation, afin de trouver le juste milieu entre faisabilité et représentativité de mesure.
Fig. 1 : Répartition de l'IFT en horticulture ornementale moyenne 2009-2014
Le poids des insecticides est conséquent dans l'indice de fréquence de traitement. Source : Dephy Ferme Plantes en pot Sud-Ouest.
Fig. 2 : Résultats en entreprise en 2014 : une bonne installation de « swirskii » sur gerbera grâce au pollen
Représentation spatiale, grâce à S@M, de la présence de l'auxiliaire Amblyseius swirskii en culture de gerbera dans l'entreprise suivie. Noter la meilleure installation, avant la floraison, si du pollen est apporté au moment des lâchers.
Fig. 3 : Effet du pollen
Installation d'Amblyseius swirskii en culture de gerbera en 2015.
Fig. 4 : Interventions techniques sur gerbera
IFT et lâchers d'auxiliaires en culture de gerbera en entreprise chaque année sous PBI, comparés à la moyenne annuelle en culture conventionnelle.
Fig. 5 : Coût de la protection pour 1 000 m2 sur gerbera (intrants + main-d'oeuvre)
Noter la baisse du coût de la protection biologique permise par la diminution du nombre de lâchers (deux au lieu de quatre, voir Figure 4), elle-même sécurisée par l'apport de pollen.
Fig. 6 : Interventions sur pélargonium
IFT et lâchers d'auxiliaires en culture de pélargonium en entreprise chaque année sous PBI, comparés à la moyenne annuelle en culture conventionnelle. À noter : en PBI, l'état sanitaire de la culture a été satisfaisant en 2015, pas en 2013 ni en 2014.
Fig. 7 : Coût de la protection pour 1 000 m2 sur pélargonium (intrants + main-d'oeuvre)
Chez le producteur, la baisse du coût de la fraction « protection chimique » de la PBI a permis de réduire le coût global de la PBI en 2015. Par ailleurs, en 2015, l'apport de pollen n'a pas renchéri le coût de la PBI et a amélioré son efficacité.