Coquelicots et matricaires dans un champ de colza en 2009. Une telle densité d'adventices était courante avant 1950, dans le blé notamment. Photo : M. Délos
Bleuets (Centaurea cyanus). Au début du siècle dernier, cette espèce était une des adventices annuelles les plus nuisibles dans les blés. Photo : Pixabay
Depuis des siècles, les agriculteurs luttent dans leurs parcelles contre les adventices afin d'installer et de faire croître leurs cultures. Aujourd'hui, ils utilisent en majorité des herbicides. Pour savoir pourquoi, un historique s'impose.
Grandes lignes de l'évolution
Des bras, des mains et peu de machines
Jusqu'au début du XXe siècle, les successions de cultures et la plupart des interventions en agriculture visaient à améliorer la gestion des adventices. Ces interventions étaient très consommatrices de main-d'oeuvre : conduite de la jachère et de la rotation, sarclage des cultures le supportant, désherbages manuels des céréales et du lin qui mobilisaient une main-d'oeuvre en partie familiale.
À partir du milieu du XIXe siècle, les bras disponibles ont diminué. En parallèle, la demande de blé s'est accrue. Vers 1920, la France importait environ 1 million de tonnes de blé par an(1).
La mécanisation (semis en ligne et sarclage mécanique) pratiquée en Angleterre a tardé à s'introduire en France. En 1896, la découverte fortuite, par Louis Bonnet, de l'effet sélectif de la bouillie bordelaise efficace sur les crucifères, a déclenché en France et à travers l'Europe un fort engouement pour explorer cette nouvelle méthode de gestion des adventices à l'aide de la chimie de synthèse balbutiante.
Le rôle des herbicides sélectifs des cultures
En un siècle, grâce à une recherche systématique de substances herbicides, le contrôle des adventices s'est trouvé révolutionné par le recours à des molécules de plus en plus élaborées. Cela a rendu la production agricole dépendante d'herbicides de mieux en mieux adaptés à la culture et aux espèces à détruire. Cela a entraîné une forte réduction des populations d'adventices, permettant la simplification des itinéraires techniques et des rotations et l'abandon partiel ou total du labour.
Cette situation, en particulier la propreté des parcelles, fait naître aujourd'hui l'idée qu'il est possible d'évoluer vers des agricultures délaissant la chimie grâce à des combinaisons de moyens à effets partiels. Ceux-ci augmentent le temps de travail et les coûts de production, et leurs externalités, positives comme négatives, sont mal connues.
Dans ce premier article, nous ferons appel à des témoignages historiques précis d'époques précédant l'invention du désherbage chimique. Ils sont à mettre en regard de l'enthousiasme actuel pour un surcroît d'intervention manuelle ou mécanique.
Jusqu'au début du XXe siècle
Le travail des hommes, mais aussi des femmes et des enfants
Avant l'avènement du désherbage moderne, les cultures étaient si envahies par les adventices que, avant de semer un blé d'hiver, il fallait plusieurs années afin de réduire leurs peuplements (jachère ou luzerne, cultures sarclées...). Certaines années, « les blés sont mangés par les mauvaises herbes » (Schribaux 1923), réduisant parfois le rendement à zéro et obligeant le fauchage en vert.
Après cinq ou six ans de préparation, une jachère avec jusqu'à cinq labours, une parcelle bien préparée, au blé hersé, désherbé au moins deux fois à la main, échardonné et essanvé manuellement par les femmes et enfants, produisait 12 q/ha en moyenne.
Après chaque blé, la parcelle était à nouveau envahie par des annuelles dont le stock avait été approvisionné, et surtout par les vivaces qu'on n'arrivait pas à éliminer malgré le travail du sol répété et l'utilisation de matériel spécifique pour détruire les rhizomes. Les chardons étaient réputés si nuisibles que les propriétaires du sol devaient procéder ou faire procéder à leur destruction sous peine d'amende.
Ne pouvant être sarclé car semé à la volée, le blé exigeait un très gros travail pour être suffisamment débarrassé des adventices et assurer une production suffisante. Le désherbage d'un hectare de blé exigeait quatre à six journées-femme d'au moins 10 heures. Souvent il fallait recommencer peu de temps après. Le lin exigeait au moins quatre semaines par passage.
Adventices : les vivaces dominantes
De Duhamel du Monceau en 1762 à Rabaté en 1927, les agronomes citent les mêmes mauvaises herbes. Les plus problématiques étaient les vivaces.
Les graminées (chiendent [Elymus europaeus], cynodon [Cynodon dactylon], avoine à chapelet [Arrhenatherum bulbosum], agrostis rampant [Agrostis stolonifera], brachypode [Brachypodium pinnatum]) résistaient au travail du sol car le fractionnement multipliait leurs systèmes souterrains.
Les dicotylédones (liseron [Convolvulus arvensis], vesces [Vicia spp.] et gesses [Lathyrus spp.]), avec un enracinement très profond, étaient incontrôlables. Le chardon roland (Eryngium campestre), plusieurs chardons (Cirsium spp.) et le laiteron des champs (Sonchus arvensis) se développaient malgré le sarclage.
Des espèces oubliées aujourd'hui (la grande berce [Heracleum sphondylium], le pissenlit [Taraxacum officinale], le sureau yèble [Sambucus ebulus], le tussilage [Tussilago farfara], la prêle [Equisetum arvense], la fougère aigle [Pteridium aquilinum], la bardane [Arctium lappa], l'ail [Allium oleraceum], l'arrête-boeuf [Ononis spinosa]) rendaient quasi impossible la culture de céréales sans travaux importants à l'interculture.
Du côté des annuelles
Dans les céréales d'hiver, si on avait réduit les vivaces, les annuelles occupaient la place. Les plus dommageables étaient la nielle (Agrostemma githago), la nigelle (Nigella arvensis), le coquelicot (Papaver rhoeas), le bleuet (Centaurea cyanus), le peigne de venus (Scandix pecten veneris), le pied-d'alouette (Delphinium consolida), les matricaires (Matricaria spp.), les ivraies (Lolium spp.) et le semi-parasite mélampyre (Melampyrum arvense), souvent complétées par des moutardes (Sinapis arvensis), ou de la ravenelle (Raphanus raphanistrum) et de la folle avoine (Avena fatua), plus fréquentes en céréales de printemps.
Les parasites, les envahissantes...
Il existait aussi des plantes semi-parasites ou parasites. Les cuscutes (Cuscuta spp.) pouvaient abonder et passer des légumineuses vers le lin et le houblon, voire le blé, non-hôte mais envahi d'adventices acueillant cette terrible plante parasite. L'orobanche rameuse(2) (Orobanche ramosa) qui parasitait le chanvre pouvait croître sur les adventices présentes dans le blé.
De plus, le développement du commerce a introduit des espèces devenues envahissantes : l'érigéron du Canada (Conyza canadensis) arrivé en 1800, la crépide soyeuse (Crepis setosa) en 1828, la crépide à feuille de pissenlit (Crepis taraxacifolia) et des amaranthes (Amaranthus spp.) au début du XXe siècle.
L'ambroisie (Ambrosia artemisiifolia), introduite à la même période, s'est développée récemment en lien avec l'extension de la culture de tournesol (où sa destruction n'était que partielle) et le mauvais entretien de certaines jachères. Rumex obtusifolius et R. crispus, aujourd'hui fréquents, étaient essentiellement cités en prairies naturelles.
Chaque parcelle contenait plusieurs dizaines d'espèces, dont souvent une ou plusieurs vivaces dominantes. Périodiquement, une annuelle (crucifère, coquelicot ou matricaire) devenait envahissante et étouffait la culture (Duhamel du Monceau, 1762).
Des espèces directement toxiques
La forte densité des adventices leur faisait concurrencer la culture et réduire le rendement et, comme on ne pouvait pas totalement les séparer de la récolte, leurs semences réapprovisionnaient le stock semencier du sol mais aussi polluaient les farines avec des risques de toxicité parfois mortelle.
Plusieurs espèces annuelles ont des graines toxiques et certaines étaient difficiles à séparer du blé avant les trieurs mécaniques. Pour Duhamel du Monceau, Nigella arvensis était la nielle car ses graines noires, difficiles à trier, polluaient la farine qui ressemblait à celle du blé niellé(3). Mais la nielle Agrostemma githago était dans le même cas. Toutes deux rendaient le pain plus ou moins dangereux, voire mortel, selon le taux de contamination de la farine. Le mélampyre était aussi difficile à trier, et ses graines rendaient violet et très amer, avec une odeur désagréable, le pain quotidien de bien des paysans.
Enfin le grain de l'ivraie enivrante (Lolium temulentum), aujourd'hui quasi disparue, lui aussi difficile à séparer surtout du seigle, était dangereux à cause d'un champignon endophyte, Neotyphodium coenophialum producteur d'alcaloïdes toxiques.
Certaines adventices étaient très toxiques pour les animaux qui les consommaient dans les jachères, ou les volailles auxquelles on donnait les balayures de greniers. Outre les adventices des prairies et l'ivraie enivrante, ils consommaient la mercuriale annuelle (Mercurialis annua), des adonis, des renoncules (Ranunculus spp.), le coquelicot, l'anthrisque (Anthriscus caucalis) et l'aethuse (Aethusa cynapium)... (Cornevin 1887). Aujourd'hui, si les plus toxiques de ces espèces ont disparu, les nouvelles toxiques ou allergènes sont le datura (Datura stramonium), l'ambroisie (A. artemisiifolia), la berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum) et les séneçons.
La toxicité de ces derniers est connue de longue date. Le séneçon du cap (Senecio inaequidens), introduit avant 1940, et le séneçon de Jacob (Senecio Jacobaea), introduit a priori après 1940, ont causé des mortalités de chevaux qui les consommaient. D'autres espèces animales sont sensibles aux alcaloïdes contenus dans les parties vertes, le nectar et le pollen. Les productions animales (lait, oeufs, produits de la ruche) issues d'animaux ayant ingéré ces végétaux sont source de ces alcaloïdes dangereux pour l'homme.
Le séneçon commun (Senecio vulgaris) est moins riche en alcaloïdes dans les parties vertes mais pose un problème sanitaire pour le mesclun dans lequel il peut être trouvé.
Des espèces relais de pathogènes : entre autres, le cas de l'ergot
Plusieurs adventices sont des relais de pathogènes. C'est le cas du vulpin et d'autres graminées pour le piétin échaudage, le piétin verse et les virus de la jaunisse nanisante de l'orge. D'autres peuvent héberger des virus sans présenter de symptôme, c'est le cas de la stellaire (Stellaria media) et d'autres espèces adventices pour certaines viroses des jaunisses de la betterave ou du colza.
Ce rôle de relais de pathogènes peut être important. Il en est ainsi des graminées adventices qui, dans les céréales et les cultures en rotation, hébergent l'ergot du seigle (Claviceps purpurea)(4). Celui-ci, qui contamine l'épi de plusieurs céréales à paille, rend dangereux les pains trop chargés en alcaloïdes. En France, l'ergotisme gangréneux (mal des ardents) a tué des dizaines de milliers de personnes jusqu'au XVIe siècle, et épisodiquement jusqu'au XIXe en périodes de disettes ou famines (quinze documentées au XVIIIe siècle [AE 2009, Braudel 1986]).
Une telle toxicité vaut à l'ergot du seigle de faire l'objet de normes de teneur maximale pour la consommation humaine et l'aliment du bétail. Le Codex alimentarius de la FAO admet une teneur maximale de 0,5 g de sclérotes par kilo de grain destiné à la consommation humaine. De futures normes seront basées sur la teneur en alcaloïdes de la farine et des produits transformés (collectif Codex, 2016). Cette évolution exigera de tenir encore plus compte de ce champignon dans la production de céréales. L'ergot peut bloquer des échanges internationaux avec des importateurs de céréales européennes(5).
Des graminées adventices du blé (vulpin surtout) ou de bords de parcelle (fétuques, bromes, chiendent...) sont des hôtes relais du pathogène. Leurs épis peuvent porter des sclérotes et contaminer la récolte. Le ray-grass, hôte intermédiaire moins efficace que le vulpin, devient redoutable avec ce type de contamination (Romer et al., 2013 ; Orlando et al., 2013).
Ces graminées adventices peuvent aussi entraver l'efficacité de la rotation contre l'ergot. Selon des études récentes, une culture de colza précédant un blé peut expliquer la forte teneur en ergot de la céréale récoltée (Orlando et al., 2015). Des observations anglaises signalent la présence fréquente d'ergot dans les récoltes de colza. Ils l'attribuent à des graminées (vulpin, ray-grass...), non détruites dans le colza (Farmer Weekly, 2016, Robert & al., 2008).
Enfin, l'ergot a provoqué de graves accidents sanitaires dans des troupeaux d'ovins consommant du fourrage récolté en 2012 (Anderbourg et al., 2013).
Toxicité indirecte sur culture affaiblie
Les instituts de recherche agronomique américains et italiens citent la destruction des adventices comme un moyen de gérer certains champignons toxinogènes du maïs ou de l'arachide (Burns, 2003 ; Leslie et Logrieco ,2014 ; Ferrigo et al., 2014). Le désherbage est ainsi un outil de gestion des aflatoxines sur maïs ou arachide (Cobb, 1979). L'explication ? Les adventices créent des stress hydriques et alimentaires. Or le développement des Aspergillus spp. toxinogènes est proportionnel au stress hydrique durant la floraison (Jones, 1986). Les fumonisines (fusariotoxines du maïs) sont citées comme favorisées par des échecs de désherbage en conditions sèches.
Une étude récente sur plusieurs années (Reboud et al., 2016) montre que le contrôle des adventices permet de réduire fortement les teneurs en trichotécènes B. L'efficacité dépasse 90 % pour le nivalénol dans la récolte de maïs. Parmi les causes possibles de ce fait figure l'effet sur le stress alimentaire ou hydrique.
Gestion historique
« Échardonnette » et « avronneurs »
Duhamel du Monceau au milieu du XVIIIe siècle décrivait deux façons de sarcler les blés. Des femmes de front avec un sarcloir (échardonnette) coupent les herbes visibles (chardons, nielles, coquelicots, bleuets, moutardes, nigelles...). Si les plantes sont menues, les sarcleuses ne les voient pas ou risquent de couper le blé. Ces plantes restent donc au champ, et les chardons poussent de leurs racines deux, trois ou quatre tiges au lieu d'une. L'autre manière consistait à arracher les mauvaises herbes, mais c'était peu pratiqué car coûteux : « Il peut falloir vingt personnes pour sarcler un hectare en un jour. »
Il ajoutait qu'en pays de vignoble, les femmes ayant des vaches à nourrir ne demandent pas mieux que d'arracher les mauvaises herbes, mais... arrachent aussi du blé et y font un tort considérable en le foulant de leurs pieds et en traînant les sacs à emplir d'herbes (Duhamel du Monceau, 1763). Ces pratiques disparues en pays développés ont 250 ans sous nos climats. Sont-elles si loin du labeur actuel des paysans des pays en voie de développement ?
D'autres travaux, tout aussi durs, intervenaient à l'épiaison. Des échardonneurs passaient couper les chardons en fleurs et les enlever. Dans le nord de la France, la folle avoine (dite « avron ») était si fréquente et abondante que des « avronneurs » l'arrachaient à la main et l'emportaient hors du champ. Les rumex étaient retirés à la main par des hommes vigoureux quand le sol était humide.
Au XIXe siècle : l'école, l'industrie et... les importations
Malgré les avancées agronomiques (amendements, engrais, outils...) du XIXe siècle, les agriculteurs n'arrivaient toujours pas à contrôler suffisamment les adventices qui profitaient de la fertilisation du sol au détriment de la culture. De surcroît, l'école devint petit à petit obligatoire (nul ne s'en plaint !), détournant les bras des enfants de l'arrachage des adventices. Les villes et leur besoin de main-d'oeuvre éloignaient les ouvriers agricoles. Tout cela aggravait la gestion des adventices, une des principales causes de la stagnation des rendements...
Or les besoins en grain s'accroissaient ! Avec une moyenne de six ou sept grains de blé récoltés pour un semé (à peine 9 ou 10 q/ha), l'importation de blé était indispensable. D'où l'augmentation des importations de blé américain. Cela coûtait cher. Encore vers 1920, environ 1 million de tonnes par an de blé était importé, américain surtout, pour environ 1,5 × 106 francs or (Rabaté 1927).
La bouillie bordelaise, premier herbicide sélectif
Au XVIIIe siècle, par analogie avec le chaulage qui avait permis la culture du blé dans les sols acides réservés au seigle, Duhamel du Monceau rêvait : « Ne serait-il pas possible de trouver des engrais qui en faisant périr les mauvaises herbes fissent profiter le froment ? »
Le 12 décembre 1896, au Comice de Reims, Louis Bonnet présente ses essais de désherbage des moutardes dans une avoine. Ils étaient fondés sur des observations fortuites de l'effet de la bouillie bordelaise sur les crucifères dans les vignes(voir tableau). Dans ses conclusions, il imaginait que si l'on appliquait le produit sur des adventices jeunes et non pas en fleur, on pourrait réduire le volume et la concentration en sulfate de cuivre. Il terminait en suggérant aux chercheurs de tester ce produit sur d'autres adventices dans d'autres cultures (in Bain et al., 1995).
Dès 1897 et pendant plusieurs décennies, on a testé de nombreux produits minéraux ou organiques existants qui « agissent comme des poisons des plantes (acides, bases, sels, produits organiques, gaz, vapeurs, fumées et poussières) » (Rabaté, 1927). Sur céréales, le sulfate et le nitrate de cuivre, le sulfate de fer (testé aussi sur colza), le bisulfate de sodium et le sel commun (NaCl) ont manifesté une action herbicide contre les crucifères.
De l'acide sulfurique au 2,4-D
Au début du XXe siècle, seul l'acide sulfurique, vu son action corrosive, avait un spectre d'activité plus large et était utilisé dans les régions dites avancées (méthode Rabaté, 1927). C'est le seul de ces produits utilisés avant-guerre qui a été homologué en 1944 comme herbicide. À condition de moduler la dose, il était actif sur la quasi-totalité des dicotylédones sans effet notable sur les graminées. Il détruisait les vieilles feuilles du blé, le protégeant ainsi, en relatif, de « la rouille » et du piétin. Il a aussi été utilisé sur lin, oignons, luzerne...
À partir de 1932, Truffaut et Pastac (1943) ont découvert la sélectivité sur les céréales de colorants organiques phénoliques (colorants nitrés) actifs sur beaucoup de dicotylédones annuelles. Ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale que sont apparus les produits dits de synthèse avec les « désherbants hormonés » : le premier, le 2,4-D, a été homologué en France en 1946 (voir tableau).
La période est caractérisée par le passage des tentatives anarchiques de destruction d'adventices par des produits corrosifs existants vers une recherche plus méthodique et systématique de molécules qui, en interférant spécifiquement sur un ou plusieurs points du métabolisme des plantes, vont perturber la croissance des adventices et les éliminer. Elles ont abouti à la situation actuelle. Celle-ci sera analysée dans le prochain numéro de Phytoma.
(1) Il est difficile de mesurer l'importance de la recherche de l'autosuffisance alimentaire dans les décennies et siècles qui ont précédé les Trente Glorieuses. Réduire les risques de voir la population sombrer dans la famine était alors une priorité des gouvernements. Pour F. Braudel, jusqu'au milieu du XXe siècle : « Le blé était le souci constant des autorités, une obsession, un ensorcellement ! » (2) Après avoir quasiment disparu des cultures durant plusieurs décennies, l'orobanche rameuse, accidentellement réintroduite avec des semences de chanvre, colonise plusieurs cultures, dont le colza. Avec le développement du tournesol, une forme de O. cernua, O. cumana se répand dans cette culture. Ces deux plantes posent désormais de graves problèmes dans les grandes cultures en France. (3) Le nématode Anguina tritici, très fréquent à cette époque mais disparu depuis quarante ans en agriculture conventionnelle, se développait avec la semence fermière. Il détruisait l'intérieur du grain qui était rempli d'anguillules et qualifié de blé niellé. (4) Un article précurseur dans Phytoma en 2010 avait particulièrement bien décrit ce risque et définit le cadre d'expérimentation qui aura permis de bien le caractériser : Jacquin et al., L'ergot dépasse le seigle, Phytoma n° 633, avril, 2010, p. 38 à 42. (5) L'Inde exige des lots indemnes du champignon (Reuters, 2016). L'Égypte, qui avait fixé la même exigence, est revenue depuis septembre 2016 aux valeurs admises par le Codex : la nécessité d'un approvisionnement régulier en blé l'a emporté sur une valeur-seuil impossible à tenir.