DOSSIER - Bonnes pratiques

Tests complémentaires des panneaux récupérateurs

MATHILDE CARRA, SÉBASTIEN CODIS, XAVIER DELPUECH, ADRIEN VERGÈS, BERNADETTE RUELLE, PATRICK MONTEGANO, XAVIER RIBEYROLLES ET BLANDINE SAVAJOLS, UMT EcotechViti (Irstea-IFV), Montpellier. - Phytoma - n°703 - avril 2017 - page 30

Des essais ont été réalisés au vignoble pour évaluer l'effet de la vitesse d'avancement et du choix des buses, ainsi que sur EvaSprayViti pour les taux de récupération.
Appareil utilisé au domaine du Chapitre (Hérault), ici réalisant un véritable traitement. L'essai rapporté dans cet article s'est déroulé plus tard, sur une végétation encore plus développée. Photo : X. Delpuech - UMT EcotechViti

Appareil utilisé au domaine du Chapitre (Hérault), ici réalisant un véritable traitement. L'essai rapporté dans cet article s'est déroulé plus tard, sur une végétation encore plus développée. Photo : X. Delpuech - UMT EcotechViti

Dans l'article précédent, il a été établi que des pulvérisateurs viticoles à panneaux récupérateurs testés par l'UMT EcotechViti présentent d'excellentes performances en termes de qualité de pulvérisation, même en avançant à une vitesse supérieure à celle habituelle au vignoble... Oui, mais il s'agissait de résultats de tests sur vigne artificielle !

Nécessaire passage dans les vignes

Rappelons la question de base à laquelle notre travail doit répondre : comment optimiser l'utilisation des appareils à panneaux récupérateurs en termes de qualité de pulvérisation, de récupération de produit mais aussi de temps de chantier ?

Ce dernier point est particulièrement important en pratique. En effet, les panneaux récupérateurs devant passer tous les deux rangs, cela peut doubler le temps de chantier par rapport à des appareils traitant tous les trois ou quatre rangs. C'est un frein important à l'adoption par les viticulteurs.

Certes, les essais sur EvaSprayViti semblent concluants, mais il est plus facile de rouler à 9 km/h sur sol plat entre des rangs artificiels réguliers que dans une vraie vigne !

En juillet 2016, des essais complémentaires ont donc été réalisés par Irstea et l'IFV au domaine du Chapitre de Montpellier Sup-Agro, situé à Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault). L'essai avait pour objectif de vérifier et valider l'hypothèse formulée sur la base des résultats du banc d'essai EvaSprayViti de non-dégradation de la qualité de pulvérisation avec l'augmentation de la vitesse. En même temps, nous avons cherché à identifier un éventuel effet des buses utilisées.

Qualité de pulvérisation

Deux buses pour trois vitesses

L'essai a été réalisé avec l'appareil Arcobaleno, du constructeur Bertoni, muni de buses à injection d'air Lechler IDK d'un côté et de buses à turbulence classique Teejet TXA (pression : 5 bars) (équivalent des buses Albuz ATR) de l'autre. L'application a été réalisée au stade fermeture de la grappe sur une parcelle de caladoc palissée et de vigueur forte (hauteur moyenne de végétation : 1,38 m ; largeur moyenne de végétation : 0,67 m). Les essais ont été réalisés à trois vitesses d'avancement distinctes : 5,3 km/h, 7,8 km/h et 10,4 km/h.

La qualité de pulvérisation est mesurée à l'aide d'un traceur, la tartrazine (E102), pulvérisé sur des collecteurs, selon la méthodologie décrite dans Codis et al., 2013. Le protocole consiste à disposer des collecteurs en PVC dans la végétation sur un profil perpendiculaire au rang, à raison d'un collecteur par tranche de 20 cm en hauteur et 10 cm en épaisseur. Lors de cet essai, plus de mille collecteurs ont été déposés et analysés individuellement au laboratoire.

Résultats

L'analyse statistique confirme que la vitesse d'avancement ne modifie pas significativement le niveau de dépôt moyen, quelle que soit la buse utilisée.

D'autre part, les niveaux de dépôt moyen ont tendance à être supérieurs pour les buses à injection d'air par rapport aux buses classiques pour les trois vitesses testées (Figure 1). De plus, les buses à injection d'air présentent des dépôts significativement supérieurs aux buses classiques au centre de la végétation (résultats non présentés ici). Ces tests confirment les résultats préliminaires obtenus sur la vigne artificielle.

Résultats complémentaires : « le dessous des feuilles »

Cet essai au vignoble a également permis d'apporter des éléments de réponse sur la capacité des buses à déposer de la bouillie à la fois sur les faces inférieures et supérieures des feuilles. Une comparaison de la répartition entre face supérieure et inférieure selon le type de buse mis en oeuvre a été effectuée à la vitesse de 5,3 km/h.

Les dépôts sur la face supérieure des feuilles sont toujours supérieurs à ceux sur la face inférieure. Mais l'analyse statistique ne met pas en évidence de différence de dépôt sur la face inférieure selon la buse. Autrement dit, les buses à injection permettent une répartition du produit entre le dessus et le dessous des feuilles équivalente aux buses classiques. La Figure 2 en témoigne.

Optimiser la récupération de produit

Taux de récupération par saison : un grand intérêt a priori

Non seulement les panneaux récupérateurs sont intéressants pour la qualité de pulvérisation, mais ils permettent aussi une réduction des pertes de produits pulvérisés vers les compartiments environnementaux non-cibles de la parcelle (sol et air).

En effet, une partie des embruns pulvérisés qui traversent le rang de vigne (notamment dans le cas de manquants ou de zone de moindre vigueur) heurtent le panneau de récupération qui leur fait face et sont récupérés. La bouillie est ensuite réintroduite dans la cuve principale de l'appareil via un système de reprise et un système de filtration. Le taux de récupération (pourcentage de bouillie recyclée) est un facteur clé de la performance économique et environnementale des appareils à panneaux récupérateurs.

Résultats « à vide » des appareils

Des travaux sur les taux de récupération ont été effectués à la station de l'Irstea par l'IFV et Irstea au travers de la mesure du taux de récupération « à vide ».

La méthode est la suivante : en ayant préalablement fermé le circuit de reprise de la bouillie et réglé l'appareil (distance entre panneaux, orientation des buses, pression) comme pour un traitement en pleine végétation, le pulvérisateur se déplace en ligne droite pendant une minute sans végétation. Ensuite, la quantité de bouillie pulvérisée qui a été récupérée dans les bacs à l'issue du parcours est mesurée. Le rapport entre la quantité récupérée durant 1 minute et la quantité débitée sur le même laps de temps donne le taux de récupération à vide.

Les mesures acquises ainsi ne révèlent pas le taux de récupération de bouillie qui serait obtenu au vignoble puisqu'elles sont réalisées en l'absence de végétation. Dans l'attente de développer une méthode reproduisant mieux la réalité de terrain, cette méthode a l'avantage de pouvoir comparer les pulvérisateurs entre eux sur le critère de récupération. De plus, elle reproduit ce qui se passe en présence de manquants.

De fait, les résultats montrent des différences importantes entre appareils selon la conception des panneaux (Figure 3 page suivante). La récupération est d'autant meilleure que ces panneaux sont larges et peuvent être positionnés à proximité de la végétation. Des études sont en cours pour quantifier les taux de récupération en conditions contrôlées et comparer les appareils sur ce critère.

Une récupération meilleure avec les buses à injection d'air

Par ailleurs, les résultats montrent que les buses à fente à injection d'air améliorent significativement la récupération de la bouillie en plus de favoriser son dépôt sur la végétation (Figure 3). Cela peut s'expliquer par la taille des gouttes qui ont suffisamment d'énergie pour traverser et atteindre le panneau récupérateur, alors que les gouttes des buses à turbulence sont trop fines et soumises aux courants d'air et au vent relatif lors de l'avancement du tracteur.

Souvenir de tests au vignoble

Rappelons que la capacité de deux appareils (Dhugues Koleos et Lipco GSV NV 2) à récupérer la bouillie pulvérisée avait été mesurée au vignoble (Davy, 2013). Les résultats ont montré que le taux de récupération varie en cours de saison. Fort lors des premiers traitements du fait de la porosité de la végétation, il diminue avec la croissance de la vigne.

Avec ces modèles équipés de buses à injection d'air, le taux de récupération avait été estimé à environ 70 % en début de saison et à 40 % en moyenne sur une saison (47 % pour le Dhugues et 38 % pour le Lipco). Autrement dit, grâce à la récupération, 40 % des produits employés sont en moyenne récupérés et réutilisés au lieu d'être perdus.

Les panneaux récupérateurs peuvent donc permettre une réduction importante de l'utilisation des produits phytosanitaires sans prise de risque pour l'efficacité des traitements : pas de réduction du nombre de traitements ou de doses reçues par le végétal.

Impact environnemental et bilan économique

C'est un avantage pour l'environnement mais ce peut l'être aussi du point de vue économique. Les charges de l'exploitation sur le poste « intrants » peuvent être réduites de manière non négligeable.

Par exemple, le domaine de Tariquet, domaine familial de 1 000 ha, a investi en 2015 dans l'achat de 25 appareils à panneaux récupérateurs. Ceci lui permet de diviser par deux son utilisation de produits phytosanitaires par rapport aux pratiques « avant panneaux ». La capitalisation d'expérience permet au domaine de progresser chaque année dans l'utilisation des panneaux.

Toutefois, le bilan économique de l'achat d'un appareil à panneaux récupérateurs dépend des caractéristiques de l'exploitation. Si la machine est utilisée sur des surfaces conséquentes et si la pression de maladie impose de nombreux traitements, l'économie de 40 % de produits phytosanitaires engendrée par la récupération de bouillie compensera à elle seule le surcoût lié à l'achat de matériel et à l'augmentation du temps de chantier. Dans les autres cas, le surcoût lié à l'utilisation de la technique ne sera pas compensé mais le bénéfice environnemental restera.

Panneaux récupérateurs et risque de dérive

Bien entendu, les appareils à panneaux récupérateurs se devaient d'être testés pour leur effet de réduction de dérive ! Rappel : la dérive est la quantité d'embruns qui dépasse les limites de la parcelle sous l'effet des courants d'air naturels lors du traitement.

Des mesures préliminaires de l'IFV 33 (Davy, 2013) réalisées au vignoble ont suggéré que les panneaux récupérateurs permettraient de réduire de quinze à trente fois la quantité de dérive émise par rapport aux techniques de pulvérisation classiques.

De ce fait, plusieurs matériels de technologie jet porté et équipés de buses à injection d'air (dont tous ceux cités dans cet article et celui p. 25 à 28) ont été officiellement reconnus par le ministère de l'Agriculture comme permettant la réduction des ZNT obligatoires en bordure des points d'eau, cours d'eau et zone de captage (voir la liste complète publiée via le Bulletin officiel du ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt mise à jour le 15/02/2017 : note de service DGAL/SDQPV/2017-122).

Conclusion

Sur l'ensemble des évaluations menées, l'association des buses à injection d'air aux pulvérisateurs à panneaux récupérateurs s'est révélée être un bon choix. Il offre simultanément de bonnes performances en termes d'optimisation des profils de dépôt de pulvérisation et d'optimisation de la capacité du matériel à récupérer la bouillie non déposée sur la végétation.

L'augmentation de la vitesse d'avancement (9 km/h au lieu de 5 km/h) afin de réduire le temps de chantier de pulvérisation ne pénalise pas les profils de dépôt dans les conditions où nous l'avons testée au vignoble.

Dans le contexte du plan Écophyto 2 qui vise à limiter les quantités d'intrants phytosanitaires utilisées ainsi que leurs impacts, l'usage de pulvérisateurs à panneaux récupérateurs en viticulture apparaît pertinent pour parvenir de façon pragmatique et rapide à répondre aux enjeux fixés. Ils ont de nombreux atouts pour allier l'efficacité de la protection phytosanitaire au respect de l'environnement et des personnes. Leur utilisation rencontre néanmoins des limites :

- dans l'état actuel de la technologie, elle n'est pas applicable sur vignes étroites (de nouveaux appareils sont attendus) et en terrain pentu ;

- elle s'accompagne d'inconvénients de taille tels que le surcoût et l'allongement du temps de chantier.

Les surcoûts peuvent être partiellement ou totalement compensés par l'économie en produits phytosanitaires. Cela est à calculer d'avance. Quant au temps de chantier, il peut être réduit en augmentant la vitesse d'avancement car cela ne pénalise pas la qualité d'application. C'est au viticulteur d'évaluer si cela est réalisable dans son vignoble.

Fig. 1 : Les dépôts changent selon la buse et non selon la vitesse

Moyenne des dépôts (ng/dm² pour 1 g/ha) de pulvérisation en fonction de la vitesse d'avancement (km/h) et de la buse (intervalles de confiance à 5 %) mesurés au vignoble. Essai mené avec le pulvérisateur Arcobaleno Bertoni.

Fig. 2 : La face supérieure reçoit davantage de produit

Moyenne des dépôts de la face inférieure et de la face supérieure pour les deux types de buses testées sur le pulvérisateur Arcobaleno Bertoni à 5 km/h (intervalles de confiance à 5 %). Sur la face inférieure, les buses à injection d'air permettent un dépôt équivalent à celui des buses classiques.

Fig. 3 : Récupération, performances de pulvérisateurs et de buses

Taux de récupération à vide de trois pulvérisateurs à panneaux récupérateurs avec deux types de buses (réglages « pleine végétation »). Ce taux « à vide » n'est pas celui atteint dans une vigne, mais il permet de comparer entre eux les appareils et les buses.

REMERCIEMENTS

Les essais sur EvaSprayViti ont été réalisés avec l'appui d'Onema/Écophyto Axe 2 et du domaine de Tariquet. Merci également au domaine du Chapitre où ont été réalisés les essais terrain, et aux équipementiers (Bertoni, Friuli, New Holland, Dhugues, Weber, Calvet, Caruelle Thomas et Berthoud) pour la mise à disposition de matériels.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Trois pulvérisateurs viticoles à panneaux récupérateurs testés sur la vigne artificielle Eva-SprayViti s'étant montrés performants pour la précision d'application, il restait des points à vérifier.

VITESSE - Un de ces trois appareils a été testé dans une vigne. Il en ressort qu'augmenter la vitesse d'avancement ne diminue pas la qualité d'application à l'échelle des ceps et même des feuilles (répartition entre faces supérieures et inférieures) et que les buses à injection d'air offrent de meilleurs résultats que les buses classiques.

AUTRES DONNÉES - Des essais préliminaires suggèrent des différences entre appareils sur les taux de récupération de la bouillie. La méthodologie pour évaluer cette donnée est en cours d'élaboration. Des mesures préliminaires au vignoble sur d'autres appareils ont présenté d'excellentes performances pour réduire la dérive. Cela sera évalué.

MOTS-CLÉS - Bonnes pratiques, techniques d'application, vigne, pulvérisateurs, panneaux récupérateurs, qualité d'application, buse, vitesse d'avancement, taux de récupération, dérive.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : sebastien.codis@vignevin.com

LIEN UTILE : https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/historique

BIBLIOGRAPHIE : - Codis S., Bonicel J.-F., Diouloufet G., Douzals J.-P., Hébrard O., Montegano P., Ruelle B., Ribeyrolles X., Vergès A., 2013, EvaSprayViti : a new tool for sprayers agroenvironmental performance assessment, in : 12th Workshop on spray application techniques in fruit growing (SuproFruit 2013), Valencia (Spain).

- Davy A., 2013, Réduire les intrants, que peut-on attendre des panneaux récupérateurs ? Vinopôle Bordeaux Aquitaine.

- UMT EcotechViti, 2014, Une vigne artificielle pour tester la qualité de la pulvérisation, Phytoma n° 673, avril 2014, p. 20 à 25.

L'essentiel de l'offre

Phytoma - GFA 8, cité Paradis, 75493 Paris cedex 10 - Tél : 01 40 22 79 85