Contre le campagnol des champs Microtus arvalis, une zone expérimentale de suivi et de régulation a été créée en Bourgogne-Franche-Comté, précisémment dans le Jura.
Un campagnol qui monte
Un problème européen
Des pullulations de campagnols des champs sont observées en France mais aussi dans plusieurs pays d'Europe (Allemagne, Espagne...) tant dans les zones d'élevage dominées par la prairie permanente que dans les zones de grande culture où elles ont alors un impact sévère.
En Espagne, la conversion de la production céréalière en production de légumineuses fourragères a conduit à des pullulations majeures (Luque Larena et al., 2013, Jareno et al., 2015). En Allemagne, les pertes financières liées aux pullulations de campagnols des champs en grandes cultures sont estimées à plusieurs dizaines de millions d'euros (Jacob et Tkadlec, 2010).
Favorisé par les prairies et les légumineuses en « openfield »
Dans les zones où la SAU (surface agricole utile) couvre une part importante du sol, le seuil de « basculement » vers des dynamiques cycliques engendrant des pullulations se situe à un ratio STH (surface toujours en herbe)/SAU d'au moins environ 50 %. Mais ce seuil peut être notablement abaissé par l'introduction d'une fraction, même faible, de légumineuses (trèfle, luzerne, etc.) dans le système (Delattre et al., 1992).
La structure du paysage a également un rôle important : les grandes parcelles de prairies présentant une faible hétérogénéité paysagère (openfield) favorisent la colonisation par les rongeurs car elles n'offrent pas un habitat optimal pour leurs prédateurs (Delattre et al., 1996, 1999).
Le « non-labour », autre allié de ce campagnol
Les systèmes sans labour (c'est-à-dire techniques culturales simplifiées TCS, semis directs...), dont les surfaces s'accroissent, sont particulièrement exposés aux pullulations de campagnols. Ils consistent à semer au travers d'un couvert végétal intermédiaire, sans aucune intervention mécanique de travail du sol (ni labour, ni hersage) réalisée entre la récolte de la culture précédente et le semis de la suivante.
L'objectif est de préserver l'activité biologique du sol permettant le développement de son potentiel de production. Mais cette absence de perturbation du sol et la couverture végétale permanente sont très favorables au campagnol des champs. Ce dernier peut alors atteindre des densités de plusieurs centaines par hectare avec des pertes pouvant représenter 80 % de la production.
La « zerrac » est arrivée
Divers organismes et huit agriculteurs
Dans le cadre du plan Écophyto 2 et en s'appuyant sur l'expérience acquise lors de la mise en place des zones expérimentales du Massif jurassien pour la gestion du campagnol terrestre (Delattre et Giraudoux, 2009 ; Verilhac et al., 2014), plusieurs partenaires ont créé en 2016 la zone expérimentale de régulation des rongeurs en agriculture de conservation (zerrac), à Saint-Aubin, dans le département du Jura.
Les partenaires créateurs sont la Fredon Franche-Comté, la DRAAF Bourgogne Franche-Comté, la chambre d'agriculture du Jura et le laboratoire Chrono-Environnement de l'Université Bourgogne Franche-Comté. Huit exploitations agricoles engagées en agriculture de conservation constituent la zone expérimentale.
Nécessité de poursuivre l'expérience
Trois objectifs sont maintenus :
- mettre en place un suivi des populations de campagnol des champs sur le long terme afin de mieux appréhender leurs dynamiques spatiales et temporelles dans un paysage de grandes cultures privilégiant les semis directs sous couvert végétal ;
- concevoir et expérimenter, tout en diminuant l'usage des produits phytosanitaires, des méthodes de lutte alternatives et/ou complémentaires (herse dans un premier temps) à l'utilisation de la bromadiolone ; le but est d'évaluer leur efficacité sur les populations de campagnol des champs, leur impact sur les rendements des différentes cultures mais aussi en terme de qualité des récoltes, et enfin leurs effets sur l'activité biologique du sol ;
- si possible, procéder au suivi des autres compartiments du système, notamment les prédateurs de campagnols, réponse numérique, réponse fonctionnelle (variations du régime alimentaire) et écotoxicologie.
Même si des résultats intermédiaires pourront être produits, il sera nécessaire de poursuivre l'expérience sur plus d'une dizaine d'années, temps nécessaire au suivi de plusieurs cycles de pullulations.
*Fredon Franche-Comté. **UMR6249 Chrono-Environnement, Université Bourgogne Franche-Comté/CNRS. ***Institut universitaire de France. ****Chambre d'agriculture du Jura. *****Chambre régionale d'agriculture Bourgogne Franche-Comté.