DOSSIER - Jardins, espaces végétalisés et infrastructures

Semer du gazon, une solution pour éviter de désherber

ISABELLE FERRIÈRE, consultante. - Phytoma - n°705 - juin 2017 - page 26

En espaces verts et jardins, un beau gazon dense permet d'entretenir un sol qui ne peut plus être désherbé chimiquement, y compris dans les allées. Encore faut-il choisir des variétés de qualité adaptées. Avis d'experts.
Les surfaces enherbées rafraîchissent l'air en saison chaude. Toute l'année, elles dépolluent et amortissent le bruit...  Photo : I. Ferrière

Les surfaces enherbées rafraîchissent l'air en saison chaude. Toute l'année, elles dépolluent et amortissent le bruit... Photo : I. Ferrière

Jean-Marc Lecourt, président de la SFG : « Chaque année, de nouvelles variétés de gazon plus performantes sont inscrites au catalogue officiel. »  Photo : Gnis

Jean-Marc Lecourt, président de la SFG : « Chaque année, de nouvelles variétés de gazon plus performantes sont inscrites au catalogue officiel. » Photo : Gnis

Vincent Gensollen, membre du CTPS et du Geves : « Une variété dense et saine n'a pas besoin d'être désherbée. »  Photo : V. Gensollen

Vincent Gensollen, membre du CTPS et du Geves : « Une variété dense et saine n'a pas besoin d'être désherbée. » Photo : V. Gensollen

Nombre de variétés inscrites en liste A sur le catalogue officiel français

Nombre de variétés inscrites en liste A sur le catalogue officiel français

Avec les interdictions de produits phytosanitaires de synthèse en espaces publics depuis le 1er janvier 2017, les collectivités doivent entretenir différemment les espaces verts.

Deux spécialistes interrogés

Désormais, une approche préventive plutôt que curative s'impose. Une solution simple et écologique pour éviter l'envahissement par des mauvaises herbes est l'implantation de pelouses avec des variétés de qualité qui s'installent rapidement.

Le point avec Jean-Marc Lecourt, président de la Société française des gazons(1), puis avec Vincent Gensollen, secrétaire technique de la Section plantes fourragères et gazons du CTPS(2) et gestionnaire du réseau Vate(3) gazon au Geves(4).

L'avis de Jean-Marc Lecourt

Vous prônez l'implantation de gazons comme solution contre les mauvaises herbes. Est-ce vraiment si efficace ?

J.-M. L. : Oui ! Plutôt que de désherber mécaniquement ou manuellement ou laisser se développer une flore sauvage, il vaut mieux engazonner, préventivement aux infestations de mauvaises herbes. C'est une solution efficace à condition de réussir l'implantation : bien préparer le sol et surtout choisir des variétés sélectionnées pour leur rapidité d'installation, leur densité, leur résistance aux maladies, leur pousse lente pour limiter les tontes. Parmi les variétés inscrites au catalogue officiel, les notations effectuées par le Geves, organisme officiel indépendant, permettent de choisir la variété adaptée à chaque situation.

Les communes ne vont-elles pas préférer des solutions artificielles, a priori plus simples pour garder des espaces propres ?

Le recours aux gazons s'intègre dans une approche paysagère et écologique. Le choix relève d'une volonté politique des conseils municipaux. Voici un exemple : bien que les cimetières ne soient pas touchés par l'interdiction des produits phytosanitaires, plusieurs communes de Seine-et-Marne ont engazonné les allées secondaires de leurs cimetières pour les agrémenter tout en maîtrisant les adventices. Avec un sol bien préparé et des variétés à implantation rapide, le gazon augmente la portance et facilite l'accès aux personnes à mobilité réduite, pour trois tontes maximum par an. La démarche s'accompagne d'une information du public pour le rassurer lorsqu'il voit l'herbe moins verte l'été.

Les municipalités raisonnent-elles « qualité des variétés » dans leurs appels d'offres ?

Les cahiers des charges sont souvent assez précis pour les terrains de sport, moins pour les autres usages. Nous communiquons pour informer, voire former les acheteurs.

Les avantages des pelouses sont réels en milieu urbain. Outre les atouts environnementaux, elles apportent une qualité au cadre de vie en ville. L'amélioration des variétés à gazon est un processus continu. Chaque année, de nouvelles variétés plus performantes sont inscrites au catalogue - après quinze années de sélection par les entreprises ! Les progrès sont au rendez-vous. On dispose de variétés différenciées adaptées à des usages variés, qui s'entretiennent avec peu de tontes et sur lesquelles une scarification suffit pour enlever les herbes indésirables.

Pelouses décoratives, terrains de détente ou terrains de sport, gazons résistants au piétinement : les associations d'espèces sont étudiées pour répondre à ces différents besoins, résister aux maladies et être cultivées sans avoir à désherber. Le gazon de qualité contribue à ramener la nature en ville.

L'avis de Vincent Gensollen

Les critères d'inscription des variétés tiennent-ils compte de la disparition des produits phytosanitaires ?

V. G. : Depuis plus de vingt ans, le protocole d'essais interdit les fongicides et insecticides. On ne peut pas mieux évaluer la résistance aux maladies ! De plus, la diversité des implantations du réseau d'inscription, européen, offre une information précise sur un très large spectre de maladies.

La capacité d'une variété à se passer de désherbage s'évalue à travers ses notes d'installation, de densité et d'aspect esthétique global : une variété dense et saine n'a pas besoin d'être désherbée.

Existe-t-il de si grandes différences entre variétés selon les usages ?

Oui. Ainsi, certaines variétés ont la capacité à mieux résister au piétinement ou à l'arrachement, critère primordial pour les terrains de football par exemple.

Depuis 2015, nous prenons en compte un nouveau critère qui estime la pousse de l'herbe, déterminant pour le nombre de tontes. Ce critère résulte d'une étude menée en 2011 et 2012 au cours de laquelle nous avons mesuré un écart de volume de déchets de tonte du simple au double entre les anciennes et nouvelles variétés : de 6,1 t/ha à 3,7 t/ha en fétuque élevée, du même ordre en ray-grass anglais - les deux principales espèces de graminées à gazon.

Les critères de l'inscription sont-ils utilisés par les jardiniers communaux ?

Les notations du Geves permettent de se faire une idée juste. L'information sur les variétés est disponible sur le net (voir « Pour en savoir plus »). Face à la disparition des produits phytosanitaires, il est encore plus capital de choisir des variétés de haute valeur. Un gazon bas de gamme sera clairsemé et sensible aux maladies.

Pour quelles raisons ?

La productivité grainière de la plante, qui détermine le prix des semences, est corrélée négativement avec la qualité du gazon. Il y a antagonisme entre le développement du système végétatif de la plante et celui de sa partie reproductrice, les semences. De même, choisir une association d'espèces d'après son prix n'est pas un bon calcul : on ne fait pas de bons mélanges avec de mauvais constituants.

Qualité de vie

Température et bruit

La végétation a un rôle de régulateur thermique très important. On pense aux arbres mais la pelouse, elle aussi, rafraîchit l'air : par forte chaleur, à 1,20 m du sol, il fait 7 à 10 °C de moins au-dessus d'un gazon qu'au-dessus du bitume. Une étude réalisée par l'Ibea (Institut de biologie et d'écologie appliquée) d'Angers en 2012 a montré que lorsque la température dépasse 24 °C, la différence moyenne de température entre un gazon naturel et d'autres substrats est de :

- 30 °C par rapport à un gazon synthétique (température moyenne de 58 °C) ;

- 20 °C par rapport au béton ;

- 5 °C par rapport au gazon extensif.

La pelouse amortit les bruits. Selon l'étude Ibea, le gazon atténue globalement le bruit produit par un tramway de 7,31 dB : le bruit perçu est cinq fois moins important qu'en présence d'un revêtement béton.

Assainissement de l'air, l'eau, le sol...

La pelouse capture le gaz carbonique et rejette l'oxygène. À surface de sol égale, un gazon séquestre deux fois plus de CO2 qu'une forêt de feuillus âgée de 120 ans. Une pelouse de 230 m² produit en net l'équivalent du besoin en oxygène de quatre personnes.

Enfin, c'est un filtre antipollution ! Elle capture trois à six fois plus de poussière qu'un sol nu : les feuilles retiennent des particules et ralentissent l'air, donc les particules plus lourdes se déposent entre les brins. Elle épure l'eau du sol : la microfaune autour des racines décompose les polluants.

(1) La Société française des gazons (SFG), association loi 1901, regroupe les corps de métier participant à la conception, la création et l'entretien des jardins publics et particuliers, terrains de tous les sports, talus routiers... (2) Comité technique permanent de la sélection. (3) Explications dans l'encadré ci-contre. (4) Groupe d'étude et de contrôle des variétés et semences. C'est un GIP, groupement d'intérêt public.

Inscription des variétés : un levier pour la qualité

Il existe 222 variétés de treize espèces de graminées à gazon inscrites au catalogue officiel français (voir tableau).

Pour être inscrite, une variété doit apporter un plus par rapport aux variétés témoins connues, sur des critères précis. Elle est cultivée et notée pendant trois ans dans le réseau national d'essais du CTPS, géré par le Geves. Ce réseau comporte treize lieux en France et dans d'autres pays européens représentatifs de six climats dont quatre concernent la France.

Pour évaluer la « vate » (valeur agronomique, technique et environnementale), les critères notés sont : l'installation, le comportement vis-à-vis du piétinement et des maladies, la couleur du feuillage et sa finesse, la densité du gazon, la croissance lente, la pérennité, et enfin l'aspect esthétique global.

Tous les résultats des évaluations sont publiés sur le site web choixdugazon.org, et sa version anglaise turfgrass-list.org pour les autres pays européens.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Avec l'interdiction des produits phytosanitaires de synthèse en espaces verts publics, se pose le problème du désherbage pour maintenir les espaces propres et sécurisés. Implanter un gazon avec des variétés de qualité est une solution.

PLAIDOYER - Deux spécialistes expliquent comment les mairies ont recours aux gazons et les avantages en qui en découlent, parfois méconnus ou perdus de vue, et pourquoi faire l'impasse de la qualité dans le choix de ses semences de gazon serait un mauvais calcul.

MOTS-CLÉS - Jevi (jardins, espaces végétalisés et infrastructures), ZNA (zones non agricoles), enherbement, gazon, pelouses, variétés, sélection variétale, inscription des variétés, désherbage, environnement, climat, nature en ville, SFG, Geves, CTPS.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : isabelleferriere1@gmail.com

LIENS UTILES : pelouses-net.com (choisir, implanter, entretenir, rénover les pelouses) ; progazon.org (sur les semences) ; choixdugazon.org (notes du catalogue officiel) ; gnis-pedagogie.org/gazon (tout sur les espèces, la sélection, les mélanges, la production de semences) ; gnis.fr/images/documents/gazon_catalogue_officiel_francais.pdf.

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