DOSSIER - Ravageurs

Impact d'un diamide sur les ennemis des ravageurs du maïs

RAPHAËL ROUZES*, DAVID PINSON** ET LIONEL BARBALONGA**, D'APRÈS LEUR COMMUNICATION À LA 11E CIRAA DE L'AFPP***, À MONTPELLIER, LES 25 ET 26 OCTOBRE 2017 *Entomo-Remedium. **DuPont Solutions. ***Association française de protection des plantes. - Phytoma - n°707 - octobre 2017 - page 21

Le chlorantraniliprole, insecticide de la famille des diamides, est réputé pour avoir peu d'impact sur les ennemis naturels des ravageurs. Ce fait est-il vérifié en culture de maïs ? Réponse.
Les principaux ravageurs du maïs sont des lépidoptères. Mais d'autres ravageurs peuvent parfois pulluler, faute d'ennemis naturels. Photo : DuPont

Les principaux ravageurs du maïs sont des lépidoptères. Mais d'autres ravageurs peuvent parfois pulluler, faute d'ennemis naturels. Photo : DuPont

Tableau 1 : Description des zones expérimentales - Localités, dates de début et de fin d'étude, types d'insecticide large spectre (ILS), nombre de prélèvements et types d'échantillonnages, 2013 à 2016

Tableau 1 : Description des zones expérimentales - Localités, dates de début et de fin d'étude, types d'insecticide large spectre (ILS), nombre de prélèvements et types d'échantillonnages, 2013 à 2016

Tableau 2 : effectifs des différentes catégories d'auxiliaires avant et après traitements selon les différentes modalités

Tableau 2 : effectifs des différentes catégories d'auxiliaires avant et après traitements selon les différentes modalités

Pourquoi cette étude ?

Les ennemis naturels des ravageurs du maïs sont peu étudiés, au contraire de ceux des vignes, vergers et serres. Voici un travail sur l'effet d'un insecticide particulier vis-à-vis de leur abondance et de leur diversité.

Pourquoi cette étude ?

Utiles ennemis naturels

Les ennemis naturels, notamment les prédateurs généralistes tels que les araignées, sont présents dans tous les agrosystèmes et jouent un rôle clé dans la réduction de nombreuses populations de ravageurs (Sunderland et al., 1997 ; Symondson et al., 2002). Les prédateurs incluant les Anthocoridae, les Coccinellidae et les Carabidae ont un impact sur les phytophages (Glen, 1977 ; Andow et Risch, 1985 ; Corey et al., 1988, Sunderland, 2002 ; Symondson et al., 2002 ; Musser et Shelton, 2003) et peuvent maintenir les ravageurs en dessous de leur seuil de nuisibilité économique (Hutchinson et Pitre, 1983 ; Kilpatrick et al., 2005).

Gurr et al. (2012) ont établi qu'une communauté de prédateurs diversifiée était plus efficace dans la réduction de phytophages qu'une communauté uniforme. Dans une communauté riche et diversifiée, différentes cohortes de prédateurs occupent de multiples micro-habitats au sein de la canopée de la plante et/ou à la surface du sol, et consomment diverses espèces de proies de tailles variées et à différents stades.

Insecticides large spectre ou sélectifs

L'application d'insecticides à large spectre fait chuter la richesse spécifique des prédateurs dans les agrosystèmes, notamment dans le maïs (Andow, 1992 ; Musser et Shelton, 2003). Cela peut par la suite contribuer à l'émergence de ravageurs secondaires (Dutcher et al., 2007). En effet, ces insecticides déstabilisent fortement et réduisent drastiquement la communauté des arthropodes.

Lorsque des ravageurs pullulent en fin de rémanence des traitements, les prédateurs subsistants ne sont plus capables de contrôler leur population. Leur relative lenteur à la recolonisation et leur faible taux de reproduction amplifient ce phénomène.

L'utilisation d'insecticides sélectifs qui préservent les communautés d'ennemis naturels dans les agrosystèmes fait désormais partie des programmes de protection biologique intégrée (PBI). Ces molécules permettent non seulement le contrôle des principaux ravageurs mais aussi l'économie de traitements insecticides supplémentaires en évitant l'émergence de ravageurs secondaires (Musser et Shelton, 2003).

Les diamides appartiennent à un groupe relativement récent d'insecticides au mode d'action unique, touchant exclusivement les invertébrés (Cordova et al., 2006). Ils agissent sur les récepteurs à ryanodine (RyR-Goupe Irac 28), perturbant la régulation de la contraction musculaire et entraînent rapidement la paralysie et la mort des insectes sensibles (Lahm et al., 2009).

À propos du chlorantraniliprole

En 2002, DuPont (E. I. du Pont de Nemours & Cie) introduit sur le marché le chlorantraniliprole. Son mode d'action par ingestion et par contact a montré une forte efficacité contre les lépidoptères, notamment la pyrale du maïs Ostrinia nubilalis (Hübner) (Kuhar et Dougthy, 2016), ainsi qu'un impact minime sur les arthropodes prédateurs du soja (Whalen et al., 2016).

Le maïs (Zea mays L.) est attaqué en France par un complexe de ravageurs ; les plus importants appartenant à l'ordre des lépidoptères. Ce sont deux espèces foreuses, la pyrale (O. nubilalis) et la sésamie [Sesamia nonagrioides (Lefebvre)], et une espèce s'attaquant aux soies : l'héliothis [Helicoverpa armigera (Hübner)]. La pyrale et la sésamie sont responsables des plus grandes pertes de rendement (Krattiger, 1997).

En 2016, la lutte contre la pyrale du maïs concerne plus de 400 000 ha en France, soit 12 % des surfaces de maïs. Les principaux moyens utilisés sont : le chlorantraniliprole (46 %), les pyréthrinoïdes (37 %) et les trichogrammes (16 %).

En France, peu ou pas de données existent sur l'impact des insecticides diamides sur les ennemis naturels des ravageurs du maïs. De 2013 à 2016, huit études d'impact insecticide sur maïs ont donc été menées dans le sud-ouest et l'est de la France.

Leurs objectifs principaux étaient de :

- comparer l'effet d'une application de chlorantraniliprole avec celle d'un insecticide large spectre et avec un témoin non traité sur la communauté des ennemis naturels ;

- mettre au point une méthodologie de terrain permettant d'améliorer l'échantillonnage de l'entomofaune du maïs dans les études d'impact de traitements.

Quatre années de travaux

Trois insecticides, trois blocs

Le maïs a été planté selon les méthodes culturales classiques avec fertilisants et herbicides autorisés en prélevée puis en post-levée. L'espacement des rangs était de 75 cm et la densité de 80 000 à 95 000 pieds/ha. Les insecticides foliaires ont été appliqués selon leur dose d'AMM sur le ravageur-cible, la pyrale du maïs (O. nubilalis) :

- chlorantraniliprole, 125 ml/ha de PC (produit commercial) ;

- lambda-cyhalothrine, 0,2 l/ha de PC ;

- deltaméthrine, 0,83 l/ha de PC.

Les applications ont été réalisées avec les pulvérisateurs à rampe des agriculteurs, tractés ou automoteurs, à l'aide de buses à jet plat simple ou double, les volumes de bouillie variant de 150 à 200 l/ha.

Le dispositif a consisté en trois blocs de 30 m de côté séparés par des zones tampon de 10 m. Chaque bloc correspondait à une modalité : bloc 1 = insecticide sélectif (chlorantraniliprole), bloc 2 = Témoin, bloc 3 = insecticide à large spectre (pyréthrinoïde). L'ensemble des prélèvements était effectué à l'intérieur de chaque bloc (Figure 1).

Le choix du placement du dispositif au sein des parcelles de maïs a respecté des règles :

- zone indemne d'autres traitements que les herbicides pour éviter un défaut de captures des populations d'auxiliaires ;

- zone à paysage le plus homogène possible afin de s'affranchir des artefacts de diversité entomologique liés aux bordures paysagères (haie, fossé, bande enherbée...) ;

- blocs recevant les insecticides séparés par la zone témoin et les zones tampons.

Matériel de récolte des arthropodes

Plusieurs types d'échantillonnage ont été réalisés : mise en place de pièges et récolte par filet fauchoir. Selon les années, les types de pièges ont évolué, seul l'échantillonnage au filet fauchoir est resté commun à l'ensemble des études (Tableau 1).

Les pièges utilisés ont été de deux sortes :

- pièges physiques, type pitfall trap (fabriqués à partir d'un pot 1 000 ml, réf. 349008 Dutscher, et d'un filtre à café permanent réf., Ibili n° 2), placés au ras du sol, capturant les arthropodes vivant à la surface du sol ;

- pièges chromatiques jaunes, type cuvette, utilisés pour capturer les méligèthes dans le colza (KIT Flora jaune colza Signe Nature) ou type plaques engluées 25 × 40 cm (BUG Scan jaune Biobest) placés à la hauteur des pieds de maïs pour la capture des insectes volants.

Dans chaque bloc, trois pièges étaient disposés en quinconce, distants entre eux de 20 m (Figure 1). Ils étaient placés une semaine avant les traitements, puis prélevés et retirés quelques heures auparavant, puis replacés ensuite 24 h après sur chaque bloc.

L'autre méthodologie a été de frapper les pieds de maïs à l'aide d'un filet fauchoir (Entomophil réf. 1203). Sur chaque bloc, deux lignes de maïs situées au centre de la zone d'échantillonnage étaient fauchées sur une distance totale approximative de 50 m correspondant à un aller-retour (1 minute).

Dates des prélèvements

Chaque année, les échantillonnages ont été effectués au plus proche des traitements (pas plus de 48 h avant et après traitement) pour évaluer au mieux l'impact de chaque modalité sur l'entomofaune du maïs.

Certaines années, des prélèvements supplémentaires ont été effectués à des périodes allant de 2 à 22 jours après traitements afin de regarder l'évolution de cette biodiversité.

Conservation des arthropodes

Pour les pièges, les arthropodes récupérés étaient conservés dans un flacon à vis contenant une solution d'éthanol à 70 %.

Pour les récoltes par filet fauchoir, à la fin de chaque fauchage, le filet contenant les arthropodes et les quelques débris de culture était détaché de son armature et enfermé dans un sac plastique transparent 40 × 60 cm (réf. SP55A Raja), puis scellé rapidement par un lien rigide (réf. LIM15BLA Raja) pour éviter que certaines espèces ne s'échappent. Puis le sac était placé quelques heures au congélateur pour tuer les arthropodes. Les organismes capturés étaient ensuite récupérés et conservés comme précédemment.

Chaque échantillon a ensuite été identifié au marqueur noir permanent par un code de référence.

Un échantillon correspond ainsi à l'accumulation des tous les prélèvements de même type réalisés sur un bloc donné.

Identification et analyse

Les échantillons de chaque année ont été identifiés en classant les organismes en différents taxons. Chaque taxon a été défini comme une entité conceptuelle censée regrouper tous les organismes vivants possédant en commun certaines caractéristiques taxonomiques définies, telles qu'espèce, famille ou sous-famille. Pour ce travail, sauf exception, c'est le degré taxonomique de la famille qui a été utilisé.

Chaque organisme identifié a été rangé dans un groupe fonctionnel agronomique défini : auxiliaires, ravageurs, autres fonctions (accidentels, saprophages, etc.). Puis le groupe des auxiliaires a été découpé en dix catégories (voir encadré) en faisant apparaître les paramètres d'effectifs et de diversité afin de comparer les modalités entre elles et révéler tout éventuel impact insecticide.

Les évolutions de deux auxiliaires prédateurs (punaises Anthocoridae et coléoptères Coccinellidae) ainsi que celle du puceron ravageur Ropalosiphum padi (Linnaeus) ont été observées en détail en 2015 et 2016.

Résultats

Catégories d'auxiliaires dominantes

Pour plus de clarté, seuls les résultats issus des captures par filet fauchoir sont présentés. Au total, sur les huit études, 3 928 arthropodes auxiliaires ont été identifiés. Les catégories dominantes sont :

- les diptères prédateurs adultes (33,25 %) ;

- les hyménoptères parasitoïdes (26,55 %) ;

- les arachnides (12,98 %) ;

- les hémiptères prédateurs (12,09 %).

Les autres catégories, excepté les Coccinellidae (7,13 %) et Syrphidae (4,53 %), sont représentées par très peu d'individus.

La répartition de la diversité des auxiliaires accumulés au cours des huit études de 2013 à 2016 avant traitement est analogue dans les trois modalités (témoin (T), diamide (D) et insecticide à large spectre (ILS)) (Figure 2A).

La hiérarchie établie plus haut est respectée avec la domination des mêmes catégories (Figure 2A). La différence en termes d'effectifs totaux est minime (T : 790 individus ; D : 632 individus ; ILS : 670 individus).

Impact des traitements sur les effectifs globaux des ennemis naturels

Après traitement (Figure 2B), on observe des évolutions différentes des effectifs des trois modalités :

- pour la modalité diamide, les captures augment (D nb : 822 ↑ 30 %) ;

- pour la modalité témoin, le nombre d'individu reste dans le même ordre de grandeur que les effectifs avant traitement des trois modalités (T nb : 647 ↓ 18 %) ;

- par contre, pour la modalité insecticide large spectre, la perte d'effectif est beaucoup plus marquée (ILS nb : 367 ↓ 45 %).

Impact sur les différentes catégories

Lorsqu'on détaille la répartition des différentes catégories avant et après traitement (Tableau 2), on voit que certains groupes suivent une évolution similaire pour les trois modalités. Ainsi, les hyménoptères parasitoïdes augmentent dans tous les cas (T : ↑ 35 % ; D : ↑ 77 % ; ILS : ↑ 35 %), et les diptères prédateurs adultes, eux, diminuent (T : ↓ 55 % ; D : ↓ 23 % ; ILS : ↓ 75 %).

L'augmentation d'effectif global dans la modalité diamide est en partie liée à une forte hausse des captures de Syrphidae ; la population de cette catégorie est en augmentation moyenne pour le témoin ou en légère baisse pour l'insecticide à large spectre ( T : ↑ 33 % ; D : ↑ 250 % ; ILS : ↓ 7 %).

D'autres catégories semblent réellement impactées par le traitement large spectre. C'est le cas des hémiptères prédateurs, notamment les punaises Anthocoridae. Leur effectif augmente dans les modalités témoin et diamide mais chute sur la modalité insecticide à large spectre (T : ↑ 32 % ; D : ↑ 113 % ; ILS : ↓ 65%). On perçoit ce phénomène aussi chez les Coccinellidae ( T : ↓ 13 % ; D : → 0 % ; ILS : ↓ 77 %) et les arachnides (T : ↓ 23 % ; D : ↑ 8 % ; ILS : ↓ 45 %)

Évolution de trois taxons clés

Sur les quatre études 2015 et 2016, deux prélèvements supplémentaires ont été effectués. Ils ont permis de suivre la dynamique de population de trois taxons clés : celle de deux prédateurs, les punaises Anthocoridae et les Coccinellidae, ainsi que celle du puceron ravageur du maïs R. padi.

Les punaises capturées appartiennent essentiellement à la famille des Anthocoridae et au genre Orius sp. (nb : 442). Ces punaises sont d'actifs prédateurs d'oeufs et de petits arthropodes dont les pucerons. Leur dynamique (Figure 3A) montre des schémas d'évolution distincts. En P1, les populations chutent sur la modalité insecticide large spectre (nb moyen d'individus ILS en P0 : 9,25 → P1 : 3), alors que ces populations augmentent sur les modalités témoin et diamides (nb moyen d'individus T en P0 : 10,75 → P1 : 19,75 ; D en P0 : 10 → P1 : 15). Puis les dynamiques des modalités T et D suivent la même trajectoire et la modalité ILS ne les rejoint qu'au dernier prélèvement P3 après avoir continué à baisser au P2.

Les Coccinellidae prédateurs (nb : 498) capturés appartiennent à quatre espèces principales, toutes aphidiphages : Propylea 14-punctata (Linnaeus), Harmonia axyridis (Pallas), Coccinella 7-punctata (Linnaeus) et Hippodamia variegata (Goeze). Lors de nos études (Figure 3B), leur population était assez faible sur les premiers prélèvements (nombre moyen ne dépassant pas les dix individus). Leur évolution est similaire sur les trois modalités, aucun impact insecticide n'est visible. Lors du dernier prélèvement (fin juin dans le Sud-Ouest et courant juillet en Alsace), on observe une augmentation de leur population. L'effectif en fin d'étude est légèrement plus faible pour la modalité ILS (nb moyen : dix-sept individus).

Le puceron R. padi (nb : 8 677) est un ravageur secondaire du maïs qui peut, dans certains cas, augmenter de façon exponentielle en fin de cycle causant, entre autres, des dégâts de fumagine sur épis. Ces phénomènes sont souvent liés à un déséquilibre de la faune auxiliaire.

La synthèse des quatre études (Figure 3C) permet d'observer un impact de la modalité ILS sur sa population. Elle commence par chuter (nb moyen P0 : 246,75 → P1 : 96), au contraire des modalités T et D. Mais la dynamique moyenne des pucerons sur cette modalité ILS augmente à nouveau progressivement et finit en fin d'étude à un nombre moyen de 161,25 individus.

En revanche, on observe une chute régulière de l'effectif moyen dans la modalité D, effectif qui se retrouve inférieur à celui de la modalité ILS lors du dernier prélèvement (en P3). La modalité T baisse jusqu'au P2 puis augmente à nouveau pour se retrouver en fin d'étude légèrement au-dessus de la modalité ILS (nb moyen T : 161,25 individus).

Ce que l'on peut en déduire

Faible impact du chlorantraniliprole

L'effet des insecticides diamides sur les arthropodes auxiliaires du maïs en France n'avait jamais été reporté auparavant. Le chlorantraniliprole est réputé avoir peu d'impact sur les auxiliaires en étant efficace sur les lépidoptères ravageurs, mais peu de publications en conditions de plein champ existaient à ce sujet, excepté sur soja aux États-Unis (Whalen et al., 2016).

Les données de ces huit études ont montré peu de différences sur la répartition et l'abondance des différentes catégories d'auxiliaires après traitement de l'insecticide sélectif diamide en comparaison avec la modalité non traitée. Ce constat avait également été établi par Whalen et al. (2016) sur les groupes de prédateurs généralistes de plusieurs familles (Anthocoridae, Araneae et Geocorinae).

Au contraire, un impact négatif des pyrétrinoïdes, insecticides à large spectre, a été observé sur l'effectif de nombreux auxiliaires. Certains groupes ont été réellement affectés. Ainsi les punaises prédatrices Anthocoridae ont connu une baisse subite alors que leur population était en plein développement dans les autres modalités.

En 2003, Musser et Shelton (2003) avaient montré sur maïs, en conditions de plein champ, que la lambda-cyhalothrine (pyréthrinoïde) affectait les groupes de prédateurs étudiés (Coccinellidae et Anthocoridae). Ils avaient également observé, une des années expérimentales, une émergence de R. padi dûe à l'élimination du cortège de ses prédateurs.

Ce fait n'a pas été constaté clairement lors de notre étude mais, malgré une certaine efficacité des pyréthrinoïdes sur la population de R. padi, l'abondance de ces derniers avait tendance à revenir à son état d'avant traitement après quelques semaines.

Le triomphe du filet-fauchoir

Ces quatre années de travail ont permis de faire évoluer la méthodologie d'échantillonnage pour ce type d'étude.

Au début, les pièges pitfall trap et pièges chromatiques jaunes étaient systématiquement utilisés en addition du filet fauchoir. Le prélèvement de plantes entières nettoyées au pinceau ou à l'eau vinaigrée puis filtrée a même été testé sans résultat probant. Progressivement, ces formes d'échantillonnage ont été abandonnées au profit du fauchage. En effet, chacune avait sa singularité peu adaptée à ce type d'étude :

- les traitements foliaires n'affectaient pas la biodiversité des auxiliaires piégés au ras du sol par les pièges pitfall trap qui ne donnaient donc aucune information pertinente ;

- les pièges chromatiques étaient trop attractifs, ils capturaient l'entomofaune volante de leur bloc... plus celle des autres blocs, voire des bordures, brouillant les résultats !

Il est à noter la difficulté d'effectuer des comparaisons pluriannuelles via des regroupements issus de mêmes dates de prélèvements. En effet, ceux-ci sont affectés par les conditions climatiques : la pluie perturbe les pucerons et leurs ennemis naturels.

Conclusion

Points acquis

Au total sur les huit études, 3 928 arthropodes auxiliaires ont été identifiés avant et après traitement. Dix catégories d'auxiliaires ont été caractérisées. Certaines espèces, comme les punaises anthocorides Orius spp., ont un rôle clé dans la réduction des ravageurs. Même si ces essais en grande parcelle manquent de robustesse statistique, la synthèse sur quatre ans révèle une tendance : le chlorantraniliprole n'a pas d'effet sur ces auxiliaires alors que les pyréthrinoïdes testés affectent leur abondance et leur répartition.

Par ailleurs, la technique du filet fauchoir semble la plus adaptée pour ce type d'étude de terrain « impact insecticide ».

Questions en suspens

Ces études novatrices d'inventaire d'auxiliaires en milieu agricole sont difficiles à réaliser vu la répartition fragmentaire de l'entomofaune au sein des parcelles et les aléas climatiques pouvant intervenir lors des prélèvements (ex. : forte pluie). Il manque des indices agroécologiques équivalents aux indices de biodiversité Shannon et Simpson adaptés aux agrosystèmes pour pouvoir « noter » rapidement une parcelle.

Il faudrait accumuler d'autres données sur les auxiliaires clés du maïs, comprendre leur rôle et leur bénéfice dans la régulation des populations de ravageurs.

Fig. 1 : Dispositif expérimental

Dispositif respecté pour les huit études. Les pièges n'ont pas été mis en place dans toutes les études (voir Tableau 1) pour des raisons expliquées dans l'article.

Fig. 2 : Évolution de la répartition de la diversité des auxiliaires pour les trois modalités

Spectre (accumulation des captures par filet fauchoir de huit études), de 2013 à 2016. A = avant traitement, B = après traitement.

Fig. 3 : Évolution des populations (moyenne ± SE) des punaises Anthocoridae (A), des Coccinellidae (B) et du puceron Rhopalosiphum padi (C) pour les trois modalités

Accumulation des captures par filet fauchoir des quatre études réalisées en 2015 et 2016. P0 : 1 à 4 jours avant traitement . P1 : 1 à 2 jours après traitement. P2 : 8 à 10 jours après traitement. P3 : 16 à 22 jours après traitement.

Dix catégories d'auxiliaires étudiées

Les ennemis naturels des ravageurs du maïs ont été classés en dix catégories :

- hyménoptères parasitoïdes (incluant de nombreuses familles dont certaines intimement liées aux ravageurs du maïs, comme les Braconidae Aphidiinae spécifiques des pucerons) ;

- hyménoptères prédateurs (essentiellement des guêpes solitaires sphéciformes mais aussi des guêpes vespoides) ;

- hémiptères prédateurs (dont plusieurs familles et sous-familles de punaises : Anthocoridae, Geocorinae, Miridae et Nabidae) ;

- neuroptères (Chrysopidae et Hemerobiidae) ;

- diptères prédateurs adultes (comportant les familles des Asilidae, Dolichopodidae, Empididae, Hybotidae et Muscidae) ;

- diptères prédateurs larvaires (essentiellement les Syrphidae) ;

- Cocinellidae prédateurs (larves et adultes) ;

- autres coléoptères prédateurs (Cantharidae, Carabidae, Melyridae, Staphylinidae, etc.) ;

- thysanoptères prédateurs (Aeolothripidae) ;

- arachnides (araignées et opilions).

REMERCIEMENTS

REMERCIEMENTS à C. Lux, responsable du service technique coopérative comptoir agricole et également agriculteur à Schnersheim (Bas-Rhin) ; É. Gilbert, chef de culture du domaine de Lucate, à Lugos (Gironde) ; O Ménara, agriculteur à Bouglon (Lot-et-Garonne) ; M. Zanitoni, agriculteur à Polastron (Gers) ; A. Morin, chef produit insecticide DuPont (2013-2016) et R. Vanot, resp/technique Ouest (2009-2016).

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Les ennemis naturels participent à la régulation des insectes ravageurs dans les agrosystèmes. L'application d'insecticides à large spectre peut compromettre ce mécanisme. Les stratégies incluant l'utilisation d'insecticides sélectifs sont susceptibles de conserver ces communautés tout en contrôlant les populations de ravageurs.

TRAVAIL - De 2013 à 2016, huit études d'impact de traitements insecticides sur maïs conduites dans le sud-ouest et l'est de la France ont permis d'évaluer l'impact d'un insecticide sélectif, le chlorantraniliprole (famille des diamides) et d'insecticides à large spectre.

RÉSULTATS - Ce travail a permis de prouver le faible impact du diamide sur les ennemis naturels, d'affiner des méthodologies d'échantillonnage et de souligner des auxiliaires clés associés aux ravageurs.

MOTS-CLÉS - Ravageurs, auxiliaires, Anthocoridae, maïs, échantillonnage, chlorantraniliprole, insecticides, diamides.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACTS : contact@entomo-remedium.com

david.pinson@dupont.com

lionel.barbalonga-2@dupont.com

LIEN UTILE : www.afpp.net

BIBLIOGRAPHIE : la bibliographie de cet article (17 références) est disponible auprès de ses auteurs (contacts ci-dessus) et dans les annales de la 11e Ciraa de l'AFPP (lien utile ci-dessus).

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