Comment traiter du colza en fleur sans toucher les fleurs ? En passant dessous ! L'idée est séduisante, mais cela fonctionne-t-il ? Réponses.

Le traitement du colza contre le sclérotinia nécessite traditionnellement de pulvériser pendant la floraison de la culture. Si les fleurs reçoivent pleinement l'application, la contamination des abeilles visitant la parcelle est difficile à éviter. Est-il possible d'envisager une pratique de traitement ne déposant pas de fongicide sur les fleurs ?

Le principe du pendillard

Le but : traiter sous les fleurs

Une méthode permettant de traiter les pieds de colza sans toucher leurs fleurs interroge sur les éventuels effets concernant la culture (notation de maladie, rendement) et le transfert de produits chimiques par les abeilles dans les ruches.

La société Lechler, impliquée en Allemagne dans le programme Fit Bee, a participé à plusieurs essais dans lesquels ont été faites des comparaisons entre des traitements classiques « en plein » à partir d'une rampe horizontale et des traitements avec des pendillards (photo 1).

Montés sur des rampes de pulvérisateurs céréaliers, ces derniers passent à travers l'étage floral du colza. Ils permettent donc d'appliquer le fongicide directement sur les tiges et feuilles des plantes sous le niveau des fleurs.

Description du matériel

Les pendillards Lechler (droplegs) se fixent sur le cadre des rampes de pulvérisateurs grâce à des étriers pouvant rester sur la machine de façon définitive, à l'intervalle choisi par l'opérateur. Dans le cadre des essais colza, l'intervalle est de 50 cm. Le dropleg s'accroche sur l'étrier avec une goupille pour un montage/démontage rapide. D'une longueur de 1 m, il possède un porte-jet avec antigoutte à son extrémité pour éviter les pertes de produit hors phases de traitement. Sur ce porte-jet se fixe un écrou avec deux buses miroir permettant une pulvérisation à 180 ° sous les fleurs. L'alimentation se fait grâce un tuyau souple relié au porte-jet de la rampe le plus proche (photos 1 et 2).

Comparaison de la répartition de la pulvérisation

Traitements appliqués

Nous avons comparé des applications classiques avec celles réalisées avec le dropleg (Förster, 2011). Le produit est à base d'azoxystrobine (Ortiva), le volume de bouillie de 300 l/ha d'eau, et la vitesse de 7 km/h.

Pour le traitement classique, des buses Lechler IDK 120 04 ont été utilisées à 3,7 bar. Avec le dropleg, des buses Lechler 684 406 30 (équivalent calibre 03) à 1,6 bar ont été orientées pour obtenir une pulvérisation de 180 ° vers le sol à la hauteur de 75 cm.

Méthodes de mesure

Des capteurs en coton sont enfilés sur des tubes et disposés horizontalement sur des racks pour mesurer les dépôts verticalement tous les 10 cm (photos 3 et 4). L'extraction des dépôts est faite par dilution pour chaque capteur en laboratoire (photo 5).

Résultats

La Figure 1 montre que le traitement « dropleg » apporte une quantité extrêmement faible de dépôt dans la zone de floraison, contrairement au traitement classique qui dépose davantage de produit dans cette zone. Dans la zone inférieure, le dropleg améliore les dépôts d'un facteur d'environ 3 par rapport au traitement classique.

Autres comparaisons

Efficacité biologique du traitement et effet sur le rendement

La Figure 2 donne les résultats d'un essai réalisé en 2016 à Petterweil (exploitation Kopp) (D. Dicke). C'est un essai de plein champ à quatre répétitions, à 300 l/ha de bouillie, 7 km/h, traitement classique avec des buses Lechler IDKN 120 04 à 3,6 bar et traitement dropleg avec deux buses miroir Lechler 684 406 30 (équivalent calibre 03). Le fongicide utilisé est Symetra, à base d'azoxystrobine + isopyrazam.

Les comparaisons entre les deux techniques d'application et le témoin non traité montrent une efficacité légèrement moindre du dropleg sur la plante entière, mais en revanche une possible amélioration de l'état des pieds de colza.

Concernant le rendement (Figure 3), le traitement fongicide a une efficacité mesurable pour les deux techniques d'applications, sans différence significative entre elles.

Mesure de la dérive : une réduction considérable

Des mesures de dérive ont été réalisées suivant les règles allemandes utilisées par le JKI (Frießleben 2017). Elles ont été effectuées à 3, 5, 10 et 20 mètres du bord de la parcelle. À l'extrémité de la rampe de pulvérisation, les deux derniers dropleg ont été fermés et les buses utilisées sont des buses miroir Lechler FT 90 03.

La pulvérisation à l'intérieur de la végétation permet de réduire la dérive de plus de 90 %, comme le montre la courbe du dropleg comparée aux courbes limites qui sont appliquées en Allemagne (Figure 4). Cette technique a obtenu une homologation de réduction de dérive en Allemagne au niveau de 75 %.

Mesure de la contamination du nectar transporté dans les ruches

Des ruches ont été placées devant des parcelles suffisamment grandes et espacées pour s'assurer que les abeilles butinent essentiellement les applications testées. Les parcelles ont été traitées au boscalid.

Des butineuses ont été capturées à l'entrée des ruches pendant plusieurs jours, de quatre jours avant l'application jusqu'à 17 jours après. Des mesures sur le nectar qu'elles transportaient ont été réalisées (Klaus Wallner, 2016). Les résultats montrent que la technique d''application « dropleg » réduit de façon importante le transfert de la molécule (en l'occurrence le boscalid) dans les ruches (Figure 5).

Mesure de la contamination du pollen récolté à l'entrée des ruches

Un échantillonnage journalier du pollen récupéré dans les trappes à pollen des ruches a permis de connaître le niveau de concentration de la molécule azoxystrobine (Leopold, 2011).

Les courbes de la Figure 6 sont concordantes avec celles de la Figure 5 : le traitement avec une rampe classique entraîne une contamination des fleurs (ici, du pollen) dans les heures qui suivent le traitement, et ce phénomène est totalement évité grâce à l'application en dessous des fleurs.

Bilan

Matériel fonctionnel

Traiter le colza avec des droplegs sous le niveau des fleurs est techniquement possible. Le montage sur les pulvérisateurs est facile. Il peut se faire sur des machines en parc chez les agriculteurs. Il utilise des étriers sur la structure de la rampe, ce qui libère ainsi les porte-jets des contraintes de traction.

Les droplegs sont mobiles latéralement mais résistent à l'avancement dans la végétation. Ils sont flexibles pour éviter toute rupture et possèdent un ski de protection à leur extrémité en cas de contact avec le sol.

Ils sont rapidement démontables de leurs étriers. Ces derniers peuvent rester sur la machine pendant d'autres applications, sans gêne particulière. Pour replier la rampe, l'agriculteur peut également les faire pivoter à l'horizontale en les calant dans la structure de rampe.

Efficacité fongicide préservée

Sur le plan agronomique, ne pouvoir traiter qu'une partie de la végétation sans toucher l'autre ouvre des perspectives intéressantes. Dans le cas du colza en fleur, les essais montrent que l'on peut concentrer les dépôts dans la zone inférieure, alors qu'un traitement classique, depuis une rampe passant par-dessus la végétation, arrose l'ensemble de la végétation et n'offre pas toujours une pénétration importante dans la masse végétale vers les cibles basses.

De plus, dans le cas de l'utilisation du dropleg, la trajectoire majoritairement horizontale des gouttes permet une couverture plus importante des tiges végétales et des deux faces des feuilles. Ceci reste à mesurer mais pourrait être un avantage avec des fongicides de contact.

Avantage pour les abeilles

Produire du colza et protéger les abeilles est possible. Les techniques actuelles des agriculteurs montrent que les mesures de transfert de fongicide sont importantes et durables. Même un traitement en fin de journée n'empêchera pas les abeilles d'être en contact le lendemain avec le produit déposé sur les fleurs. L'utilisation des pendillards droplegs diminue grandement ce problème. Et cet avantage subsiste même plusieurs jours après l'application.<25A0>