La fumigation des sols est une pratique phytosanitaire fréquente en agriculture pour des productions à haute valeur ajoutée de type maraîchage et horticulture. Face aux bioagresseurs telluriques, elle permet d'éviter de passer au hors-sol.
Notions basiques
Une désinfection des sols
La fumigation des sols permet de désinfecter un volume de terre afin d'abaisser les populations d'organismes pathogènes en dessous des seuils de nuisibilité et de préserver le bon fonctionnement des systèmes racinaires nécessaire à des productions abondantes et de qualité.
Les fumigants sont actifs sous une forme gazeuse apte à diffuser dans le sol et ainsi à atteindre à différentes profondeurs les bioagresseurs présents dans le volume de sol à protéger. Ces traitements sont majoritairement injectés par des applicateurs professionnels dûment formés à la manipulation de cette catégorie de produits.
La conception du matériel d'application doit permettre un positionnement précis et homogène du produit tout en sécurisant l'exposition potentielle des opérateurs. Depuis 2011, elle fait l'objet de nombreux développements réalisés par la société italienne Forigo (brevet DEEPER-ino TO 2014 A 000640 et brevet socs DEEPER-ino NR 147839096) en partenariat avec les sociétés Certis Europe et Arkema, en prévision de l'utilisation du DMDS (voir encadré ci-contre) comme nouveau fumigant (Fargier et al., 2013).
Le principe de l'intervention consiste donc à localiser le fumigant liquide à une profondeur choisie en fonction des organismes ciblés. L'injection est effectuée à l'extrémité de coutres relevables. Le fumigant, en se vaporisant, remonte progressivement vers la surface.
Améliorations récentes
Faciliter le travail de l'applicateur
Les améliorations apportées à ces notions basiques permettent aujourd'hui de proposer aux professionnels des matériels hautement performants et présentant de nombreux avantages sur le plan de l'ergonomie et de la sécurité.
Positionnés au niveau de la cabine du tracteur, l'ordinateur de bord et le système de GPS offrent à l'opérateur un plus grand confort de pilotage de la machine et un contrôle permanent des dispositifs de sécurité par le recours à de multiples capteurs électroniques.
L'injection en toute sécurité
Toute la réussite de l'étape d'injection consiste à éviter le contact entre le produit et l'air ambiant. Cette stratégie repose sur l'emploi de différents systèmes tels que :
- le couplage de la machine d'injection avec une dérouleuse de film plastique barrière (Fouillet et al., 2014) ;
- l'utilisation d'équipements « antigoutte » positionnés au plus près des buses de sortie pour éviter tout risque d'écoulement à la sortie des buses ;
- la présence d'une cuve spécifique remplie d'un agent neutralisant l'odeur à utiliser ponctuellement en cas d'erreur de manipulation ou d'incident.
Risques d'exposition
Les opérateurs sont potentiellement sujets à une exposition aux produits du fait de la forte volatilité de ces derniers. Leur formation professionnelle adaptée à cette catégorie de substances ainsi que l'utilisation des équipements de protection individuelle (EPI) adéquats permettent de réduire ce risque. Les nouvelles adaptations indiquées ci-dessous viennent renforcer la sécurité des applicateurs :
- une pompe multi-voie couplée à une canne d'aspiration positionnée directement à l'intérieur du fût de produit permet d'éviter tout contact avec le produit lors des phases de remplissage, injection, rinçage et vidange de la cuve ; la simple manipulation d'un levier autorise l'activation de l'une des quatre opérations ;
- le recours à des matériaux chimiquement compatibles avec les différents fumigants pour éviter toute usure prématurée pouvant conduire à des anomalies de fonctionnement.
Optimiser les doses appliquées
Pour garantir la parfaite maîtrise des quantités réellement appliquées à l'hectare, ces nouvelles machines sont équipées d'un système de débit proportionnel à l'avancement piloté par GPS. Ce système permet un niveau de précision bien supérieur aux systèmes mécaniques dont la fiabilité est très limitée sur certains types de sols, notamment en cas de patinage du tracteur pendant l'application.
Le recours à des capteurs capables d'identifier un problème de bouchage au niveau de chaque coutre est aussi une avancée notable dans la maîtrise de la dose réellement appliquée. Les alarmes visuelles et sonores couplées à ces dispositifs permettent de réagir en temps réel afin de résoudre le problème rencontré.
Des performances améliorées
La performance des traitements est étroitement liée à la qualité de l'application. Ainsi, les nouvelles machines ne proposent plus d'épandage par gravité. Celui-ci est avantageusement remplacé par un système de pulvérisation à pression entretenue. La dispersion du principe actif est alors beaucoup plus homogène.
La forme du coutre est essentielle pour optimiser la surface traitée et permettre un contact étroit entre le produit et les particules de sol au point d'injection.
Aujourd'hui, les équipements proposés intègrent des coutres en forme de « patte d'oie », inclinés vers l'avant de la machine pour réaliser une légère surélévation de la terre et créer ainsi l'espace nécessaire pour réaliser une pulvérisation souterraine au moyen d'une buse à 120 ° située sous la semelle du coutre.
La disposition spatiale des coutres entre eux participe à renforcer l'efficacité du traitement. Leur positionnement sur deux rangs, en quinconce, permet une répartition profonde du produit sur toute la surface travaillée. Ce dispositif améliore considérablement les performances des fumigants. Le gain obtenu est particulièrement visible sur la maîtrise des mauvaises herbes (Pitrel et al., 2017).
Un rouleau dynamique
En second lieu, la « fermeture » du sol doit être réalisée très rapidement pour colmater les cheminées créées par le passage des coutres dans le sol.
Cette opération nécessaire est généralement réalisée en plombant le sol au moyen d'un rouleau. La technique se trouve renforcée lorsque le rouleau est animé d'un mouvement rotatif plus rapide que celui créé par le simple avancement du tracteur.
En plus du tassement gravitationnel, ce rouleau dynamique va réaliser une sorte de glaçage par formation d'une fine croûte superficielle lissée. Cette technique est complétée par la dépose d'un film barrière qui va optimiser l'action du fumigant.
Conclusion
Les nouvelles technologies au service des différentes filières
Le développement du DMDS comme nouveau fumigant est à l'origine de l'accélération des innovations proposées aux applicateurs professionnels pour leurs équipements d'injection dans le sol.
Ces nouvelles technologies facilitent le travail des opérateurs, augmentent leur sécurité et optimisent la qualité de l'application pour une meilleure efficacité des solutions disponibles. Les progrès accomplis sont manifestes pour le bénéfice des filières utilisatrices de ces produits de protection des cultures.
RÉSUMÉ
SUMMARY
EVOLUTION OF INJECTION EQUIPMENT FOR SOIL FUMIGATION EFFICIENCY AND A BETTER PROTECTION OF OPERATORS
Le DMDS : définition et précisions
Le diméthyldisulfure (DMDS) est une substance utilisée dans l'industrie et l'agriculture comme fumigant du sol dans différents pays (États-Unis, Israël, Turquie, Maroc, Liban, Jordanie [Fouillet et al., 2013] ainsi que Corée du Sud, Mexique et Égypte). En Europe, son approbation en tant que substance phyto (phytopharmaceutique) a été demandée.
Cette approbation permettra de réenrichir la gamme des fumigants du sol. En effet, actuellement, seuls le dazomet et le métam-sodium sont approuvés par l'Union européenne (le bromure de méthyle est interdit ; la chloropicrine est interdite comme substance phyto ; le 1,3 dichloropropène n'est pas approuvé comme substance phyto mais a bénéficié d'autorisations dérogatoires en 2017(2)).
Le DMDS existe dans la nature. On le trouve dans certains aliments. Produit par la décomposition de certaines plantes alliacées, il est responsable d'une bonne part de l'efficacité des « biofumigations » par enfouissement d'alliacées.
Pour des raisons techniques (notamment la qualité de purification) et de coût, la substance proposée à l'approbation européenne est fabriquée de façon industrielle.
La rédaction de Phytoma
(1) Fouillet T. et al., 2013, « Contre les nématodes phytophages telluriques, les solutions évoluent », Phytoma n° 668, novembre 2013, p. 43 à 47.
(2) Voir Phytoma n° 706, décembre 2017, p. 9.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACTS : sunder@certiseurope.com
alberto.forigo@forigo.it
thierry.fouillet@arkema.com
- Fouillet T., Rebizak R., Descamps S., Ciesla Y. and Guery B., 2014, Development of a New Gastight Film Containing EVOH 301, Proceedings of the VIIIth international symposium and non-chemical soil and substrate disinfestation.
- Pitrel B., Van de Griend P., Santori A., Sunder P., Hendriks E., de Tommaso N., Myrta A., 2017, Dimethyl disulfide (DMDS) to control nutsedge (Cyperus spp.) in Europe. 3rd International strawberry congress, Antwerp, Belgium.