Fig. 1 : Synthèse sur l'efficacité du désherbage chimique Appréciation globale (satisfaisant ou non) pour chacune des dix-sept cultures ou groupes de cultures enquêtés, pour les désherbage de pré et de post-levée.
Fig. 2 : Efficacité de trois méthodes alternatives pour le désherbage de dix-sept cultures légumières Chacune des trois méthodes alternatives est efficace et utilisable sur au moins deux cultures. 0. Technique non adaptée. 1. Efficacité partielle. 2. Technique possible mais onéreuse et compléments de désherbage nécessaires. 3. Technique efficace et utilisable.
Fig. 3 : Efficacité de quatre autres méthodes alternatives pour le désherbage de mêmes cultures légumières Trois des quatre autres méthodes alternatives sont efficaces et utilisables sur au moins une culture. Le désherbage thermique exige toujours des compléments. 0. Technique non adaptée. 1. Efficacité partielle. 2. Technique possible mais onéreuse et compléments de désherbage nécessaires. 3. Technique efficace et utilisable.
Le désherbage des cultures légumières fait appel à des herbicides chimiques et des méthodes alternatives. Les premiers sont confrontés à des interdictions de substances et les secondes se développent. Comment cela évolue-t-il ?
Désherbage chimique : les outils
Spécialités disponibles : situations variables selon les cultures
Selon les statistiques officielles les plus récentes sur neuf légumes cultivés sur sol en France, leur IFT(1) herbicide va de 0,5 par an sur salade (46 % des surfaces sont traitées chimiquement, en général une seule fois) à 5,8 sur carotte (95 % des surfaces traitées chimiquement, 5 ou 6 fois par culture). L'IFT moyen de quatre autres cultures (chou-fleur, autres choux, fraisier, melon) ne dépasse pas 1, tandis que la pomme de terre mobilise en moyenne 4,4 doses pleines d'herbicides (dont défanants) par an. Le poireau a un IFT de 2,1 et la tomate 1,4 (Tableau 1).
Le nombre de substances disponibles est lui aussi très variable. Pour les neuf cultures déjà citées, il va de onze pour la pomme de terre à seulement deux pour la fraise et le melon (Tableau 1).
Si l'on élargit l'investigation, cela va même de douze pour les pois écossés frais (pour les « petits pois » en boîte ou surgelés) à une seule et unique pour le poivron. Les cultures relativement bien pourvues sont, outre le pois et la pomme de terre, la carotte et le maïs doux (dix substances chacun) ainsi que la betterave potagère et l'oignon (sept substances, comme la tomate). À l'inverse, l'artichaut, le céleri branche et le navet n'ont droit qu'à deux herbicides différents chacun, comme la fraise et le melon, et le poireau à trois substances... Or on sait que, pour que le désherbage d'une culture ne soit pas considéré comme « mal pourvu », il lui faut disposer d'au moins trois modes d'action différents. Si non, le risque de sélection de résistance est notable.
Produits retirés ou risquant de l'être
Récemment, plusieurs substances herbicides utilisées sur diverses cultures légumières ont été retirées du marché français.
Pour l'ioxynil et le linuron, c'était lié à leur retrait du marché européen pour cause de « non-renouvellement » de leur approbation européenne. Rappelons que, pour qu'un herbicide soit autorisé en France, il faut que sa ou ses substances actives soient approuvées par l'Union européenne, condition pour que la spécialité commerciale puisse recevoir une AMM(2) en France de la part de l'Anses.
Pour le glufosinate, utilisé pour le défanage de la pomme de terre et avant mise en culture de toutes les cultures, légumières compris, l'interdiction en 2017 est une décision franco-française de l'Anses. Mais elle ne fait qu'anticiper une décision européenne. En effet, il s'agit d'une substance affectée de « critères d'exclusion ». Ces critères (en anglais « cutt off criteria ») sont basés sur le classement toxicologique. En clair, son classement le fera exclure automatiquement du marché européen à la fin de son approbation - à moins que ses fabricants n'arrivent à prouver qu'il a été classé à tort, ce qui est mission, disons... difficile.
Par ailleurs, onze substances autorisées sur une ou plusieurs cultures légumières en France doivent passer leur « réexamen européen » avant le 1er octobre prochain. Certaines sont, elles aussi, affectées de « critères d'exclusion ». Ces deux substances en sursis sont le bromoxynil et la métribuzine.
Trois autres substances sont « candidates à la substitution ». Autrement dit, elles ne seront réapprouvées qu'en l'absence de remplaçantes promettant des efficacités équivalentes sur les mauvaises herbes avec des risques réduits sur les organismes non-cibles (homme, auxiliaires et autres animaux) et l'environnement. Ce sont :
- le diquat (pomme de terre, pour le défanage), dont l'approbation expire le 30 juin prochain ;
- l'imazamox (haricot et pois écossé), dont l'approbation expire le 31 juillet ;
- le flufenacet (pomme de terre), dont l'approbation expire le 31 octobre.
À noter : la pendiméthaline, autre candidate à la substitution autorisée sur de nombreuses cultures légumières, a été réapprouvée en 2017 pour sept ans, jusqu'au 31 août 2024.
Six autres substances voient leur approbation expirer en 2018. Ce sont la bentazone, le desmédiphame, le diméthénamide-P, la mésotrione, le phenmédiphame et le S-métolachlore.
Désherbage chimique : quelle efficacité sur le terrain ?
Évolutions de flore : espèces posant des problèmes sanitaires
Avec les évolutions de la gamme herbicide déjà réalisées, on constate l'installation d'une flore nouvelle difficile à contrôler avec les solutions actuelles. Les sept taxons végétaux les plus problématiques sont les daturas, le galinsoga cilié, le pourpier maraîcher, les séneçons, la morelle noire, les matricaires et le souchet comestible.
Les daturas (plusieurs espèces de ce genre, la principale étant Datura stramonium) se trouvent dans de nombreuses régions et sur de nombreuses cultures. Ils posent des problèmes de sécurité sanitaire car leurs fleurs, fruits, tiges et même feuilles contiennent des alcaloïdes toxiques, notamment l'atropine et la scopolamine.
Ces deux substances sont réglementées au niveau européen(3) dans les préparations à base de céréales et aliments pour nourrissons et enfants en bas âge contenant du millet, du sorgho, du sarrasin ou des produits qui en sont dérivés : il ne faut pas dépasser 1 microgramme de chacune des substances par kg d'aliment (1µg/kg). Il n'y a pas de normes sur les légumes alors que leur contamination par la présence de graines ou de parties vertes peut être facilitée par les récoltes mécaniques (notamment nocturnes). Par ailleurs, les opérations de triage sont souvent insuffisantes pour éliminer les fragments de datura. Or ces derniers, par leur stabilité à la chaleur, ne seront pas détruits par le blanchiment ou l'appertisation.
Autres adventices pouvant poser des problèmes sanitaires, les séneçons, très présents en Bretagne et Normandie, contiennent eux aussi des substances toxiques : des alcaloïdes pyrrolizidiniques. Ces alacaloïdes sont présents en faible quantité dans le séneçon commun Senecio vulgaris, mais en plus grande dans le séneçon du Cap Senecio inaequidens et surtout le séneçon jacobée Senecio jacobaea.
Autres plantes problématiques
Le galinsoga, présent lui aussi un peu partout, et le pourpier, présent surtout en régions Centre et Provence-Alpes-Côte d'Azur, sont comestibles, mais très peu de substances actives présentent une action suffisante face à eux.
Les souchets, présents dans de nombreuses régions, sont eux aussi comestibles... mais très envahissants et concurrentiels avec les cultures. Ils peuvent faire fortement chuter les rendements. Sans compter des atteintes à la qualité des légumes.
Par exemple, François Villeneuve, du Ctifl, souligne dans son intervention aux entretiens techniques du 17 janvier que les rhizomes de souchet peuvent perforer les tubercules de pomme de terre, dégrader les paillages en les perforant, compliquer la récolte mécanique de la carotte...
Bien entendu, ces mauvaises herbes ne sont pas les seules à poser problèmes aux diverses cultures légumières. Lors de son intervention, Sophie Szilvasi a présenté la complexité du problème sur vingt-deux cultures (figure disponible auprès d'elle).
Efficacité globale
Une évaluation de l'efficacité du désherbage a été effectuée sur dix-sept cultures ou groupes de cultures légumières, en distinguant le désherbage de post-levée et celui de prélevée (Figure 1). Il en ressort que :
- le désherbage de prélevée est globalement efficace sur dix cultures et inefficace sur six autres (il n'est pas pratiqué sur fraisier) ;
- le désherbage de post-levée n'est efficace que sur trois cultures, la betterave potagère, le melon (qui s'en sort aussi grâce au paillage) et les légumineuses (haricot, pois...), et insuffisant sur les autres ;
- globalement, le désherbage chimique n'est pas satisfaisant, tant en pré qu'en post-levée, sur sept cultures (les astéracées, l'asperge, le chou rave, le navet/radis, la mâche, la courgette et le fraisier).
Méthodes alternatives
Sept possibilités
Devant ce constat, le recours aux méthodes alternatives semble indispensable. Sept possibilités semblent utilisables dès aujourd'hui : la diversification des cultures, le faux semis, l'utilisation de mottes en remplacement du semis direct, le binage, la solarisation, la vapeur et le désherbage dit thermique (autre que via la vapeur).
Leur évaluation, sur dix-sept cultures (Figures 2 et 3), montre que neuf de ces cultures peuvent être désherbées correctement avec des méthodes alternatives. Ce sont :
- trois légumes méditerranéens (aubergine, poivron et courgette) pour lesquels la solarisation est efficace, de même que pour la courgette la désinfection vapeur, ainsi que, pour l'aubergine et le poivron, l'utilisation de mottes (mais qui présente aussi des limites comme être attractif à la mouche des semis) ;
- les choux, sur lesquels le faux semis, le binage et l'utilisation de mottes donnent satisfaction ;
- l'ail avec la diversification des cultures ;
- le melon, la mâche et la laitue sous abri avec l'utilisation de mottes ;
- la laitue plein champ avec l'utilisation de mottes et le faux semis.
Pour les huit autres cultures, il existe des techniques possibles mais onéreuses, et des compléments chimiques restent, à ce jour, nécessaires. Ces cultures sont l'artichaut, la carotte, l'endive, le fenouil, le fraisier, le navet, le radis et la roquette (cette analyse n'a pas pu être faite pour la tomate).
Conclusion
Pour compléter le tableau, il faut préciser qu'aucune nouvelle substance herbicide utilisable en cultures légumières n'est dans les cartons - ni chimique ni de biocontrôle. Avec le faible nombre d'herbicides de nouvelle génération disponible et les menaces de retrait de plusieurs d'entre eux, la situation est fragile, notamment pour le désherbage de post-levée à cause de problèmes importants de sélectivité.
La problématique des adventices sans solution de protection (souchets...) commence à entraîner des abandons de parcelles. Celle des adventices à enjeu sanitaire (datura, séneçon), et elle aussi sans solution de protection, commence à entraîner des refus de récolte. Actuellement, les techniques alternatives disponibles sont insuffisantes seules sur de nombreuses cultures légumières... Le désherbage robotisé est très attendu par la profession. Mais quand sera-t-il réellement opérationnel, et à quel prix ?
RÉSUMÉ
Le désherbage chimique se complique à cause des interdictions et restrictions d'emploi de plusieurs substances herbicides. Des interdictions supplémentaires s'annoncent.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACT : m.decoin@gfa.fr
sophie.szilvasi@agriculture.gouv.fr
LIENS UTILES : texte
BIBLIOGRAPHIE : - texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte, texte