Fig. 1 : Les différentes nécroses rencontrées sur les plantes en voie de dépérissement Les nécroses olivâtres sont de loin les plus fréquentes, et le greffon, le porte-greffe et le point de soudure en sont affectés quasiment à égalité.
Fig. 2 : Microflore rencontrée sur les 37 ceps en voie de dépérissement La prédominance de Verticillium longisporum est manifeste.
Fig. 3 : Localisation de Verticillium longisporum sur les ceps en voie de dépérissement C'est dans les nécroses olivâtres que V. longisporum est présent.
8. Coupe transversale d'une nécrose olivâtre montrant l'occlusion des vaisseaux par des thylles et des gommes.
Fig. 4 : Évolution de l'expression de la verticilliose La gravité de la maladie (nombre de ceps touchés) diminue avec le temps.
En France, les maladies cryptogamiques touchant les jeunes plantations de vigne sont peu connues. Une étude a été réalisée sur des dépérissements de ceps : symptômes, microbiologie et suivi de l'évolution durant plusieurs années.
Dépérissement des jeunes plants
Les deux maladies les plus communes
Jusqu'à récemment, seules les maladies dites du pied noir et du black dead arm avaient été observées en France sur jeunes plants. La première, qui sévit essentiellement dans les vignobles champenois et cognaçais, est due au champignon Ilyonectria liriodendri (Malutta et Larignon, 1991).
La seconde est rencontrée dans le vignoble des côtes de Provence Sainte-Victoire ou des côteaux d'Aix-en-Provence (Larignon, 2010). Elle est associée à un autre champignon, Neofusicoccum parvum.
Une inconnue dans le Chablis
En 2009 et en 2010, dans le vignoble de Chablis (Bourgogne), des dépérissements ont été observés sur de jeunes plantations de chardonnay/41B (date de plantation : 2006).
Notre objectif a été d'identifier les causes de ce phénomène, mais aussi de connaître son évolution et son impact sur la vigueur de la vigne et son développement ultérieur.
Symptomatologie
Des racines aux rameaux
Les photos 1 à 4 montrent ces dépérissements. Ils sont caractérisés par une apoplexie de certains rameaux, qui ne portent ni feuilles, ni fruits (photo 1).
Pour les rameaux moins atteints, les feuilles peuvent montrer de grands secteurs nécrotiques délimités par un liseré jaune ou seulement des taches jaunâtres ou nécrotiques délimitées par un liseré jaune (photos 2 et 3). Les inflorescences ou grappes sont elles aussi desséchées (photo 4).
Nous avons réalisé des coupes de bois de ces vignes au niveau des porte-greffes, des points de greffe et des greffons (photos 5 et 6 page suivante). Les symptômes observés sont surtout des nécroses olivâtres. Elles sont rencontrées sur toute la longueur de la plante, du porte-greffe au greffon (Figure 1). Le système racinaire du porte-greffe est touché, les racines présentent des nécroses grisâtres (photo 7).
Enfin, l'observation microscopique montre que le bois est caractérisé par des vaisseaux bouchés par des gommes (photo 8).
Analyses microbiologiques
Forte présence de V. longisporum
Les analyses microbiologiques réalisées selon la méthode de Larignon et Dubos (1997) ont été conduites sur 37 plantes prélevées en 2009 ou 2010 sur trois parcelles (chardonnay/41B). Ces analyses montrent surtout la présence de Verticillium longisporum (identification réalisée par le CBS) (photo 9).
Il est isolé dans 91,9 % des plantes analysées (34 ceps sur 37) (Figure 2), principalement dans les nécroses olivâtres, au niveau du porte-greffe, de la soudure ou du greffon (Figure 3). Il est également rencontré dans les racines (résultats non montrés).
Autres espèces rencontrées
D'autres champignons sont trouvés mais à des fréquences bien plus faibles (Figure 2) : Alternaria sp. (37,8 %), Diaporthe spp. (27 %), Pochonia bulbillosa (24,3 %), Neofusicoccum parvum (21,6 %), Cladosporium sp. (21,6 %), Aureobasidium pullulans (21,6 %), Trichoderma spp. (21,6 %), Fusarium sp. (18,9 %), Penicillium spp. (16,2 %), Botryosphaeria sp. (10,8 %), Phaeoacremonium minimum (5,4 %), Phaeomoniella chlamydospora (2,7 %) et 47 espèces non identifiées (entre 2,7 % et 13,5 % chacune).
Évolution de la maladie
Une atténuation au fil du temps
Nous avons réalisé le suivi d'une de ces parcelles atteintes par cette maladie (Figure 4) pendant quatre années consécutives. Nos observations montrent que son expression s'affaiblit au fur et à mesure que les plantes vieillissent. Elle passe de 6,3 % en 2009 à 0,3 % en 2012. Aucune mortalité n'a été constatée.
Sur une autre parcelle aux plantations échelonnées sur dix années depuis 2002, nous avons suivi chaque plantation postérieure à 2005 pendant deux années de suite (Figure 5). Les résultats indiquent que les symptômes n'apparaissent pas avant la troisième feuille, c'est-à-dire l'année d'entrée en production. La troisième feuille est aussi l'année du pic d'expression, celle-ci étant nettement moins importante en quatrième et cinquième feuilles.
Impact sur la vigueur des ceps
Nous avons aussi mesuré la vigueur estimée par le poids des bois de taille entre des plantes malades en 2009, 2010 et 2011, et asymptomatiques depuis 2009. Nous constatons qu'elle est réduite les premières années chez les plantes atteintes, puis elle redevient comparable à celle des ceps asymptomatiques (Figure 6).
Conclusion
Évolution des techniques d'identification
De ces études, nous pouvons dire que Verticillium longisporum (C. Stark) Karapapa, Bainbr. & Heale, 1997 (synonyme : Verticillium dahliae var. longisporum C. Stark 1961) est fortement associé au dépérissement observé dans le vignoble du Chablis. La verticilliose a été décrite dans de nombreux pays : Allemagne (Böning et al., 1960 ; Thate, 1960), Californie (Schnathorst et Goheen, 1977), Chine (Zhang et al., 2009), Grèce (Zachos et Panagopoulos, 1963), Italie (D'Ercole, 1970 ; Minervini, 1989), Nouvelle-Zélande (Canter-Visscher, 1970), mais attribuée à deux autres espèces : Verticillium dahliae Kleb., 1913 et Verticillium albo-atrum Reinke & Berth., 1879.
Le fait de trouver des espèces différentes entre nos travaux et ceux effectués auparavant serait essentiellement dû à l'évolution des techniques d'identification de leurs espèces (Inderbitzin et Subbarao, 2014). Une révision des Verticillium associés à la vigne serait nécessaire.
Ne pas arracher !
Cette maladie apparaît sur de nouvelles terres de plantations ayant porté, dans le passé, des cultures de colza. Cette plante est connue comme étant une plante-hôte de V. longisporum. Sur vigne, la maladie s'exprime surtout en troisième feuille, n'entraîne pas de mortalité et réduit la vigueur des vignes pendant quelques années seulement.
Il est important de bien diagnostiquer la maladie afin d'éviter l'arrachage de ces vignes qui n'est pas justifié. Sans connaître l'impact réel de l'inoculum présent chez les plantes malades sur les plantations ultérieures, il est conseillé, au moment de la taille hivernale, de sortir de la parcelle les sarments symptomatiques et de les détruire.
REMERCIEMENTS Cette étude a été réalisée grâce à la participation financière de FranceAgriMer, du CasDAR, du Conseil régional de Bourgogne et du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne.
RÉSUMÉ
CONTEXTE - Des dépérissements de jeunes vignes dont les causes semblaient inconnues ont été observés en Bourgogne. Ils ont été étudiés puis suivis sur plusieurs années.
TRAVAIL - Après examen des symptômes visibles, l'analyse des bois dépérissants montre la présence très majoritaire de Verticillium longisporum dans des nécroses du bois du greffon et du porte-greffe. Le suivi des ceps atteints au cours des ans montre une baisse des symptômes, une hausse de la vigueur et pas de mortalité. La culture de colza avant la plantation de la vigne semble favoriser la maladie.
MOTS-CLÉS - Vigne, jeunes plants, dépérissements, verticilliose, Verticillium longisporum.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACT :
philippe.larignon@vignevin.com
BIBLIOGRAPHIE : - Böning K., Mallach N., Spraw F. & Wagner F., 1960, 33 Deutsche Pflanzenschultz Tagung in Freiburg/Br., Planzenschutz, 12, 11-12.
- Canter-Visscher T. W., 1970, Verticillium wilt of grapevine, a new record in the New Zealand, New Zealand Agriculture Research, 13, 359-361.
- D'Ercole N., 1970, Una tracheomicosi della vite provocata da Verticillium dahliae, Informatore fitopatologico, XIX, 3-5.
- Inderbitzin P. & Subbarao K.V., 2014, Verticillium systematics and evolution: how confusion impedes Verticillium wilt management and how to resolve it, Phytopathology, 104, 564-574.
- Larignon P., 2010, Dépérissement sur jeunes plantes : des symptômes liés au champignon Neofusicoccum parvum déjà connu comme lié au black dead arm sur vigne adulte, Phytoma, 635, 44-46.
- Maluta D. R. & Larignon P., 1991, Pied-noir : mieux vaut prévenir, Viti., 159, 71-72.
- Minervini G., 1989, Deperimento da funghi, Terra e Vita, 14, 95-97.
- Schnathorst W. C. & Goheen A. C., 1977, A wilt disease of grapevines (Vitis vinifera) in California caused by Verticillium dahliae, Plant Disease Reporter, 61, 909-913.
- Thate R., 1960, Die Apoplexie der rebe: eine Verticilliose, 33, Deutsche Pflanzenschultz-Tagung der Biologischen Bundesanstadt fur Land-und Forstwirshaft in Freiburg./Br.
- Zachos D. G. & Panagopoulos C. G., 1963, Une hydromycose de la vigne due au Verticillium albo-atrum Reinke et Berth. Ann. Inst. Phyto. Benaki, 5, 303-305.
- Zhang L., Zhang G. L., Qian X. & Li G. Y. 2009, First Report of Verticillium Wilt of Grapevine (Vitis vinifera) Caused by Verticillium dahliae in China, Plant Disease, 93, 841.