1. Contrôle qualité au laboratoire Koppert, Berkel en Rodenrijs, aux Pays-Bas. 2. Unité de production de nématodes Koppert.
Nématodes infectant une larve de Nesidiocoris tenuis. Photo : Dr M. Galeano - Koppert Biological Systems
Fig. 1 : Cycle de développement des nématodes entomopathogènes Le troisième stade larvaire (L3) est le seul moment du cycle durant lequel les nématodes peuvent sortir de leur hôte (en tant que « juvénile infectueux »). D'après le cycle de S. feltiae, p. 115 de l'ouvrage Connaître et reconnaître, 2018, Koppert Biological Systems
Une nouvelle formulation hydrogel, proposée par Koppert pour sa gamme de solutions de biocontrôle à base de nématodes entomopathogènes, a ouvert le champ des possibles de ces auxiliaires : facilité d'application et conservation améliorées, possibilité de toucher de nouvelles cibles.
Les avancées sont réelles sur le terrain. Les nématodes deviennent des candidats plus que sérieux à la substitution des produits phytosanitaires retirés du marché, et apportent des solutions aux impasses techniques.
De quoi est-il fait ?
Le « principe actif » : des nématodes
Les nématodes peuvent être saprophytes, parasites de plantes (phytoparasites) ou parasites obligatoires d'insectes (entomopathogènes), ce qui est le cas des principales espèces commercialisées.
Les nématodes entomopathogènes sont des macro-organismes auxiliaires. Ils sont étudiés scientifiquement depuis le XIXe siècle, mais leur production industrielle n'a réellement pris son essor qu'à partir des années 1980. Aujourd'hui, on dénombre sept espèces commercialisées au niveau mondial. Quatre espèces majoritaires issues de deux familles (Steinernematidae et Heterorhabditidae) sont utilisées en Europe.
La formulation
En 2017, Koppert a lancé une nouvelle formulation basée sur un hydrogel, améliorant notamment les caractéristiques de stockage. Elles sont étendues à quatre mois de conservation entre 2 et 6 °C. Cette formulation ne présente pas de toxicité pour l'utilisateur et l'environnement. Tous les détails sont précisés dans la fiche d'identité ci-dessous.
Comment agit-il ?
« En embuscade » ou « en maraude »
Les nématodes entomopathogènes sont des vers microscopiques, appartenant à l'embranchement des Nematoda. Il existe deux types de comportement chez ces animaux : l'embuscade et la maraude. Les nématodes pratiquant l'embuscade (tel Steinernema carpocapsae) attendent le passage de leur proie pour la pénétrer. Les nématodes agissant en maraude (ex. : Heterorhabditis bacteriophora) recherchent activement leur hôte car ils sont attirés par ses composés volatiles. Quant à S. feltiae, il a un comportement intermédiaire.
Un unique stade libre, les autres dans l'hôte
Les nématodes sont commercialisés au troisième stade larvaire dit juvénile infectieux. Il s'agit en effet du seul stade libre dans le sol.
Ces larves pénètrent leurs proies. Elles y vivent en symbiose avec des bactéries du genre Photorhabdus (Heterorhabditis) ou Xenorhabdus (Steinernema). Celles-ci, libérées dans le corps de l'hôte, entraînent la mort de ce dernier en 48 h mais sont totalement inoffensives pour les mammifères. Le cycle biologique du nématode se poursuit dans le corps de l'insecte mort. De nouvelles larves juvéniles infectieuses sont libérées en fin de cycle et partent à la recherche d'une nouvelle cible. (voir Figure 1 : cycle de S. feltiae dans une larve d'otiorhynque).
Pour être efficaces, les nématodes doivent d'abord pouvoir être conservés sans perdre leur vitalité, puis être « réveillés » facilement, enfin trouver leur proie rapidement. La qualité de l'application, et auparavant la qualité de la formulation, jouent donc un rôle essentiel dans l'efficacité du produit.
Quelles sont ses performances ?
Polyvalence des cibles
Les marchés historiques des nématodes auxiliaires sont les champignonnières et les serres de production horticoles, pour des applications sur sols et substrats. Leurs cibles principales sont les larves de mouches sciarides (pour le produit commercial Entonem). L'otiorhynque est aussi une cible historique des nématodes en horticulture et fraises (pour le produit Larvanem).
Les espaces verts ont vu, au début des années 2000, les développements les plus significatifs ; les nématodes permettent de contrôler biologiquement les larves de tipules et hannetons en gazon sportif (Sportnem), ainsi que le tigre du platane (Tigranem) et les ravageurs du palmier (Palmanem). Ces deux derniers exemples ont ouvert la voie pour un usage de ces auxiliaires en pulvérisation foliaire. D'autres développements concernent les ravageurs hivernants (lépidoptères) en fruitiers ainsi que le criocère de l'asperge.
Aujourd'hui, l'équipe R&D de Koppert se concentre sur de nouvelles cibles telles que les punaises phytophages (genres Nesidiocoris, Lygus, Liocoris et Nezara) contre lesquelles il n'existe pas de solution chimique compatible avec la protection biologique intégrée (projet IMPULsE(1)). Il y a de bons espoirs de développer des solutions efficaces à court terme. Le retrait des néonicotinoïdes engendre des impasses techniques et les nématodes figurent en bonne place parmi les solutions potentielles.
Mobilité et infectivité
Deux caractéristiques sont essentielles pour évaluer la qualité des nématodes entomopathogènes : la mobilité et l'infectivité. Koppert contrôle ces deux aspects chaque semaine sur tous les lots de nématodes, grâce à des protocoles très stricts réalisés dans le laboratoire de contrôle qualité jouxtant l'usine de production à Rotterdam, aux Pays-Bas.
L'infectivité effective (capacité de parasiter et tuer un hôte) est vérifiée grâce une espèce d'insecte témoin, le ténébrion meunier Tenebrio molitor.
Nouvelle formulation : facilité d'application
Les produits à base de nématodes cités précédemment sont désormais proposés dans la nouvelle formulation gel. Celle-ci, très concentrée (plus de 90 % de nématodes), est exempte d'argile et ne laisse aucun résidu visible sur le feuillage ou les fruits. Sa dilution très facile limite le phénomène de sédimentation. L'application est facilitée. Les nématodes, très robustes, peuvent subir des pressions atteignant les 20 bars selon le type de buses utilisé.
Il faut être vigilant vis-à-vis de la température de la bouillie ; en effet, certaines pompes de recirculation peuvent faire monter cette température au-delà de 30 °C, maximum recommandé pour maintenir l'efficacité des nématodes.
Des économies d'échelle sont réalisées progressivement dans le cadre de leur production. On observe une augmentation progressive de leur utilisation dans les cultures cibles, liée entre autres à la diminution du prix des produits à base de nématodes.
Synergie, compatibilité et développement
La liste de produits compatibles, en usage séparé et en mélange direct dans la cuve du pulvérisateur, est longue, aussi bien pour les adjuvants que les insecticides, fongicides ou herbicides. L'application web Koppert permet de connaître les effets secondaires des produits phytosanitaires sur les auxiliaires (voir « Liens utiles »). Les nématodes n'ont aucun impact sur les pollinisateurs, les acariens et les parasitoïdes. Il faut être vigilant sur les espèces d'auxiliaires de l'ordre des hémiptères et ceux de l'ordre des coléoptères.
Les nématodes sont des candidats potentiels pour la substitution de plusieurs insecticides. Ils sont testés dans certains projets menés par le ministère de l'Agriculture dans le cadre des usages orphelins. Ils représentent aussi une solution très concrète contre plusieurs punaises mirides, telles que Nesidiocoris sp. Le projet IMPULsE a notamment inclus les nématodes dans une opération de screening visant les punaises cette année.
Comment les utiliser ?
L'exemple des pommiers
Les usages sont divers et variés. Appuyons-nous sur l'exemple du développement récent en usage foliaire du produit Capirel (S. feltiae). L'idée est de traiter les populations hivernantes de carpocapse et tordeuse des pommes, qui sont des proies captives car immobiles de l'automne au printemps suivant.
La stratégie est de pulvériser les nématodes à l'automne sur les sites d'hivernage (troncs, base des charpentières et sol). Les conditions requises sont une humidité continue durant au moins 8 heures après traitement ainsi qu'une température de l'air d'au moins 10 °C (optimum 15-25 °C). Pour maintenir l'humidité, il est possible de s'appuyer sur les systèmes d'irrigation (sur frondaison ou micro-aspersion). Un adjuvant est recommandé pour faciliter le travail des nématodes en tant que produit de contact. Cela permet de traiter les parcelles très infestées dans lesquelles la confusion peut montrer ses limites, ou des portions de parcelles à très forte pression (bordures). Le produit est aussi préconisé dans les systèmes sous filets.
La technique des bandes-pièges (bandes cartonnées positionnées autour du tronc) permet de s'assurer de la présence des ravageurs. Elle sert également de témoin vis-à-vis des bonnes conditions d'humidité pour appliquer les nématodes. Des vidéos existent pour bien comprendre le mode d'action des nématodes et les techniques de pulvérisation (voir « Liens utiles »).
Une méthode ancienne qui innove sans cesse
Les nématodes sont un moyen qui s'intègre dans une méthode de protection des plantes efficace et naturelle. Déjà ancien car employé depuis les années 1980, ce moyen est paradoxalement très novateur actuellement car les recherches s'intensifient et de nouvelles cibles sont identifiées en travaillant les stratégies d'apport. L'application se faisant par pulvérisation comme un traitement phytopharmaceutique classique, les nématodes entomopathogènes sont peut-être la clé d'entrée pour passer en douceur au biocontrôle : un changement progressif et efficace des modes de protection.
(1) Développement et intégration de méthodes innovantes pour la maîtrise des punaises en cultures légumières. Projet 2017/2020, soutenu par l'AFB (Agence française pour la biodiversité) dans le cadre du plan Écophyto 2 et du CasDAR. Organisme coordinateur : Ctifl ; partenaires : Inra Sophia-Antipolis, CBGP, Inra Montpellier, Grab, Aprel, Invenio, chambres d'agriculture du Lot-et-Garonne et des Bouches-du-Rhône, lycées agricoles d'Avignon et de Sainte-Livrade, Koppert.
Fiche d'identité
Noms de marque : Entonem, Larvanem, Capsanem, Sportnem, Palmanem, Capirel, Tigranem
Composition : Steinernema feltiae, Steinernema carpocapsae ou Heterorhabditis bacteriophora
Formulation/hydrogel : gel à capacité de rétention d'eau générant l'anhydrobiose des nématodes (quiescence liée au manque d'eau disponible)
Autorisés en tant que macro-organismes indigènes, non soumis à homologation. De ce fait, délais (de ré-entrée DRE et avant récolte DAR) et ZNT (zone non traitée aquatique) : non applicables
Classement : sans classement tox ni écotox (environnemental)
Principales cultures utilisatrices actuelles : cultures maraîchères et ornementales, arboriculture, jardins, espaces végétalisés et infrastructures
Utilisation : divers groupes d'insectes ravageurs (coléoptères, diptères, hémiptères, lépidoptères)
Application : arrosoir (jardins), pulvérisation (à dos, à rampe, atomiseur) ou par système d'irrigation
Compatibilité PBI : les nématodes entomopathogènes ont un impact très faible sur la plupart des espèces d'acariens et d'insectes utilisés en PBI. Toutefois, certaines précautions sont à prendre vis-à-vis de Macrolophus pygmaeus (utilisé contre les aleurodes en serres de tomates) dans le cadre d'une lutte Nesidiocoris.
Adjuvant préconisé : Squad (dont l'adaptation aux produits de biocontrôle a été vérifiée)
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACTS : cplantive@koppert.fr
cverdun@koppert.fr
tverfaille@koppert.fr
LIENS UTILES : https://effets-secondaires.koppert.fr/
Chaîne Youtube Koppert France.