DOSSIER

Les cépages résistants en observation

PROPOS RECUEILLIS PAR MARIANNE DECOIN* AUPRÈS DE SOIZIC GUIMIER** ET ANNE-SOPHIE MICLOT** *Phytoma. **Inra. - Phytoma - n°718 - novembre 2018 - page 22

Comment les cépages résistants à l'oïdium et au mildiou se comportent-ils sur de vraies parcelles grandeur nature ? Bilan 2017 et premiers échos 2018.
 Photo : Inra

Photo : Inra

Fig. 1 : Localisation des trente-cinq sites où sont situées les parcelles suivies par Oscar      Les soixante-neuf parcelles suivies sont réparties dans ces trente-cinq sites situés dans huit bassins viticoles : Alsace, Beaujolais, vallée du Rhône, Provence, Languedoc-Roussillon, Sud-Ouest, Bordeaux et Charentes/Cognac.

Fig. 1 : Localisation des trente-cinq sites où sont situées les parcelles suivies par Oscar Les soixante-neuf parcelles suivies sont réparties dans ces trente-cinq sites situés dans huit bassins viticoles : Alsace, Beaujolais, vallée du Rhône, Provence, Languedoc-Roussillon, Sud-Ouest, Bordeaux et Charentes/Cognac.

 Notations dans une parcelle de floréal, un cépage Inra - Pech Rouge. Photo : Inra

Notations dans une parcelle de floréal, un cépage Inra - Pech Rouge. Photo : Inra

Les cépages de vigne résistants au mildiou et à l'oïdium ont joué les vedettes de la filière viticole avant d'être déployés sur le terrain. Nous les citions il y a quatre ans à propos de tests en plein air et pleine terre(1). Depuis, de tels cépages ont été inscrits et classés(2), et commencent à être implantés dans des vignes commerciales. Mais ils sont sous surveillance !

Le travail d'Oscar

Une veille anticontournement

Toute résistance variétale à un bioagresseur peut, a priori, courir un risque de contournement de résistance. Le bioagresseur se met un jour ou l'autre à se rire de la résistance. L'intensité du risque varie selon le type de résistance ; ainsi les résistances monogéniques (liées à un seul gène), sont réputées plus fragiles que celles polygéniques (pyramidage de gènes). Mais, par principe, le risque de contournement est une loi d'airain de la biologie végétale - et de la biologie en général avec l'évolution du vivant.

Le but des chercheurs et des praticiens lors du lancement d'une résistance variétale est de retarder autant que faire se peut le contournement de cette résistance, afin d'offrir à celle-ci la plus grande longévité possible. Pour assurer cette pérennité, il existe des mesures diverses qui, toutes, doivent s'appuyer sur une surveillance des évolutions sur le terrain.

Concernant la vigne, l'Inra n'a donc pas lancé ses cépages résistants dans la nature sans s'occuper des suites, et les praticiens ne s'en sont pas emparés « chacun dans son coin ». Toute la filière viticole a décidé de surveiller et d'accompagner le déploiement de ces cépages.

Créé en 2017, doublé en 2018

En janvier 2017, l'Inra et l'IFV ont créé Oscar, l'Observatoire national du déploiement des cépages résistants (voir encadré p. 24). Laurent Delière avait évoqué cet observatoire dans Phytoma il y a un an(3).

En 2017, trente-quatre parcelles réparties sur quatorze sites ont ainsi été surveillées. Vingt-trois ont été vendangées, les onze autres étaient trop jeunes.

En 2018, avec l'entrée de trente-cinq nouvelles parcelles dont une déjà en production, le réseau monte à soixante-neuf parcelles sur trente-cinq sites (Figure 1).

Au total, trente-six parcelles ont pu faire l'objet d'un suivi des maladies sur grappes. Les autres ont été plantées dans l'année, l'inscription et le classement des variétés ayant permis cette montée en charge. Elles seront jugées sur grappe à l'issue des vendanges 2019 ou 2020.

Résultats 2017

Bonne tenue face aux maladies

L'année 2017 avait vu, pour ces maladies, une pression moyenne à faible selon les régions. Pour le mildiou, le Bordelais était le vignoble le plus touché. L'oïdium concernait surtout le sud de la France (Languedoc-Roussillon, Provence et vallée du Rhône(4)).

Face à cela, les vingt-trois parcelles à cépages résistants vendangées ont montré :

- une absence d'attaque de mildiou sur grappe, y compris dans les cinq parcelles du Bordelais ;

- une absence d'attaque d'oïdium sur grappe pour les onze parcelles de cépages Inra (ceux de ResDur et d'Alain Bouquet) ;

- un peu d'oïdium sur grappe (inégalement selon les bassins de production) sur cinq des douze parcelles de « cépages étrangers » mais, souligne Soizic Guimier, qui animait le réseau en 2017, « cela est sans comparaison avec ce qui serait observé sur des cépages sensibles avec si peu de traitements ».

Des IFT fortement réduits

Dans les 34 parcelles de cépages résistants, l'IFT moyen est de 2, tous traitements confondus - fongicides, mais aussi insecticides, herbicides, etc., qu'ils soient chimiques ou de biocontrôle.

La principale cible des traitements fongicides est dépendante de la région : il s'agit du mildiou pour les régions atlantiques ainsi que l'Alsace, et de l'oïdium pour les régions de l'arc méditerranéen. Les traitements visant le black-rot arrivent en troisième position, quelle que soit la région.

Dans la majorité des cas, le ou les traitements fongicides ont été déclenchés au stade floraison (stade sensible pour la vigne où de nombreux jeunes organes sont réceptifs aux maladies) ou par souci de contraintes organisationnelles.

Seules trois parcelles ont reçu un traitement au motif d'un seuil important de symptômes atteints. Sur deux de ces trois parcelles, ces traitements visaient l'oïdium et sur la troisième le black-rot. En effet, les cépages résistants au mildiou et à l'oïdium actuellement déployés ne sont pas particulièrement armés contre cette maladie qui est considérée comme secondaire... tant que le mildiou et l'oïdium occupent le devant de la scène.

Premiers échos de 2018

Bonne tenue générale

À l'heure où nous mettons sous presse, les données nationales précisément chiffrées de 2018 ne sont pas encore disponibles. Mais il est déjà connu que ce millésime est une « année à mildiou » sur tout le territoire, et même une grande année à mildiou dans la moitié sud du pays !

Les cépages résistants ont globalement tenu le choc. Aucun décrochage violent suggérant un contournement de résistance n'a été signalé. « On a parfois vu des petites taches sur feuille, mais cela est sans comparaison avec ce qui a pu être observé sur les cépages sensibles », signalent Soizic Guimier et Anne-Sophie Miclot. Quant aux grappes, « selon les cépages, elles étaient intactes ou montraient des dégâts minimes, même dans les zones à forte pression mildiou ». Il s'agit ici de dégâts globaux de maladies.

IFT réduit... mais gare au black-rot

Concernant les IFT, en l'attente de la remontée puis du traitement des données, Soizic Guimier et Anne-Sophie Miclot livrent ici les seuls résultats disponibles, à savoir ceux obtenus sur le site ResIntBio de l'Inra de Bordeaux(5). Dans ce dispositif, la parcelle de cépage résistant affiche un IFT fongicide de 2,5, qui correspond à deux traitements anti-black-rot (ciblant aussi l'oïdium) et un traitement antimildiou en fin de saison dans le but de limiter l'inoculum présent sur la parcelle. Au final, cette parcelle présentait moins de 1 % d'intensité de mildiou sur grappe, et un black-rot relativement présent.

Quant aux cépages sensibles, l'attaque finale de mildiou atteint 15 % d'intensité sur grappe et le black-rot est quasi absent. L'état sanitaire est donc comparable... mais au prix d'un IFT fongicide de 11.

Ce n'est qu'un début

Prochainement, les résultats globaux de 2018 vont être analysés. Il est prévu que de nouvelles parcelles rejoignent le réseau, et l'année 2019 devrait voir davantage de parcelles de l'observatoire vendangées. Oscar est une affaire à suivre !

(1) Delière L. et al., 2014, « Le réseau EcoViti Bordeaux expérimente des systèmes de culture viticoles bas-intrants », Phytoma n° 673, avril 2014, p. 51 à 54.(2) Pour tout savoir sur l'inscription (au catalogue, désormais européen) et le classement (dispositif français), ainsi que sur l'état du travail sur les cépages résistants il y a un an, voir Delière L. et al., « Cépages résistants : la vigne contre-attaque ! », Phytoma n° 708, novembre 2017, p. 34 à 37. (3) Le même article de L. Delière et al., 2017, évoquait l'observatoire Oscar.(4) Martinat L., 2017, « Bilan 2017 : le climat plus redoutable que les bioagresseurs », Phytoma n° 708, novembre 2017, p. 39 à 42.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Les cépages de vigne résistants au mildiou et à l'oïdium sont un bon moyen de réduire les IFT, mais toute résistance variétale est, par nature, vulnérable au risque de son contournement par les pathogènes. Un suivi du déploiement de ces cépages a été lancé début 2017 afin de repérer le plus tôt possible tout début de contournement.

TRAVAIL - Ce suivi est réalisé par Oscar, observatoire de suivi de parcelles, créé par l'Inra et l'IFV, qui ont mis au point la méthodologie, et qui fait appel à des volontaires réalisant les suivis terrain et/ou acceptant le suivi de leurs vignes résistantes. Le réseau comportait 34 parcelles en 2017 et 69 parcelles en 2018.

RÉSULTATS - En 2017, les cépages résistants ont maintenu un bon état sanitaire alors que leur IFT fongicide était très réduit par rapport à celui des cépages sensibles (-80 %). En 2018, les premiers échos sont d'une bonne tenue des résistances malgré la très forte pression de mildiou, toujours avec un IFT réduit.

MOTS-CLÉS - Vigne, filière viticole, résistance variétale, surveillance, cépages résistants, mildiou, oïdium, parcelle, contournement, Oscar (Observatoire national du déploiement des cépages résistants), IFT (indice de fréquence de traitements).

Oscar, une plateforme informative et interactive

Créé en janvier 2017, le réseau Oscar se veut participatif, basé sur le volontariat et ouvert à tous les viticulteurs acceptant sa charte. Seuls les cépages Inra classés temporairement (cépages Bouquet pour l'instant) intègrent obligatoirement l'observatoire.

Les parcelles de vigne enregistrées dans le réseau doivent être plantées par des viticulteurs volontaires, avec des variétés résistantes classées, sur une surface minimale de 0,2 ha. Ce réseau est piloté par l'Inra et l'IFV, avec leurs « spécialistes venus d'horizons divers : phytopathologistes (Inra UMR Save, IFV UMT Seven - Santé des écosystèmes viticoles économes en intrants), généticiens (Inra UMR SVQV, IFV GénoVigne), agronomes (unités expérimentales viticoles Inra) et sociologues (Inra Sadapt) », d'après le site internet de l'observatoire. Les spécialistes ont mis au point la méthodologie de suivi (organisation de la surveillance, choix des données à recueillir, etc.), analysent les résultats et vont créer une base de données. L'animation du réseau est assurée par Laurent Delière, Soizic Guimier et Anne-Sophie Miclot, tous trois de l'Inra.

L'implication des relais locaux est précieuse pour la tenue de route de cet observatoire. Ces relais sont notamment les techniciens de chambres d'agriculture, organisations de producteurs et lycées agricoles, qui réalisent concrètement le suivi de terrain. Ce sont aussi des viticulteurs (cinquante-deux(1) parcelles implantées sur trente exploitations) qui participent au suivi et/ou accueillent les notateurs dans leurs vignes.

(1) Les dix-sept autres sont implantées dans des stations expérimentales.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACTS : m.decoin@gfa.fr

soizic.guimier@inra.fr

anne-sophie.miclot@inra.fr

LIEN UTILE : http://observatoire-cepages-resistants.fr

BIBLIOGRAPHIE : voir notes (1) et (2).

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