Plantules de blé tendre d'hiver au stade 2 feuilles, sur lesquelles le produit a été testé. Photo : Watier
Fig. 1 : Biomasse du blé en l'absence de pathogène Effets des traitements Vibrance Gold et Redigo sur la biomasse sèche des parties racinaires (A) et aériennes (B) à trois stades de développement du blé. T1 : stade 3-4 talles ; T2 : stade épi 1 cm ; T3 : stade 1-2 noeuds. Le symbole signale que les masses sèches des deux modalités sont significativement différentes au seuil a = 0,05.
Fig. 2 : Les racines selon leur longueur et leur diamètre Comparaison des effets des traitements de semences Vibrance Gold et Redigo sur les longueurs de racines de diamètre inférieurs (A, racines fines) et supérieurs (B) à 2 mm. T1 : stade 3-4 talles ; T2 : stade épi 1 cm ; T3 : stade 1-2 noeuds. Le symbole signale que les longueurs de racines des deux modalités sont significativement différentes au seuil a = 0,05.
Fig. 3 : La photosynthèse, évaluée par l'assimilation du CO2 Comparaison des effets des traitements de semences Vibrance Gold et Redigo sur l'assimilation nette de gaz carbonique (CO2) au cours de la croissance du blé. T1 : stade 3-4 talles ; T2 : stade épi 1 cm ; T3 : stade 1-2 noeuds. Le symbole signale que les valeurs d'assimilation nette de CO2 des deux modalités sont significativement différentes au seuil a = 0,05.
Fig. 4 : Assimilation de l'azote Comparaison des effets des traitements de semences Vibrance Gold et Redigo sur les teneurs en azote total des parties racinaires (A) et aériennes (B) du blé. T1 : stade 3-4 talles ; T2 : stade épi 1 cm ; T3 : stade 1-2 noeuds. Le symbole signale qu'à un stade de développement donné, les longueurs de racines sont significativement différentes au seuil a = 0,05.
Le traitement de semences permet, dès le semis, de protéger les cultures de certains bioagresseurs et ainsi de préserver le potentiel de rendement. En France, près de 100 % des semences de blé sont actuellement traitées, qu'il s'agisse de semences certifiées ou de ferme. Le marché des fongicides utilisés en traitement de semences est dominé par le produit Vibrance Gold, commercialisé par Syngenta, suivi du produit Redigo, commercialisé par Bayer.
Connaissances initiales
Trois substances dans un produit
Le premier produit est un fongicide à base de difénoconazole, fludioxonil et sédaxane. Cette dernière matière active appartient à la famille des pyrazole-carboxamides (SDHI, groupe C2, Complexe II, Succinate Deshydrogenase. FRAC). Elle est particulièrement active contre des agents pathogènes des semences et du sol tels que Microdochium nivale et Rhizoctonia sp. notamment sur céréales (Zeun et al., 2012).
Des résultats préliminaires existaient sur une substance
En plus de son efficacité sur un large spectre d'agents pathogènes, une étude préliminaire a montré que le sédaxane avait également des effets biostimulants de la croissance du blé (Triticum aestivum) dans les premiers stades de développement (Barchietto et al., 2012). D'après cette étude réalisée en conditions contrôlées et sans exposition à des maladies, l'application en traitement de semences de sédaxane à un équivalent de 10 g de substance active/q (dose correspondant à celle du produit autorisé Vibrance Gold) sur les variétés de blé Inoui (C. C. Benoist) et Isengrain (Florimond Desprez), comparée à un témoin non traité, a permis d'augmenter :
- le taux d'émergence des plantules de blé de plus de 10 %, dans les trois premiers jours après semis ;
- la biomasse fraîche des parties aériennes, à 30 jours (variété Inoui, 12 %) ou 60 jours (variété Isengrain, 6 %) après semis ;
- la biomasse fraîche des parties racinaires, 60 jours après semis, aussi bien pour la variété Inoui (87 %) que pour la variété Isengrain (39 %).
Ces effets biostimulants, favorables à une levée rapide et à une bonne implantation du blé, peuvent potentialiser l'action fongicide du traitement de semences proprement dit. Il est cependant nécessaire de mieux comprendre les mécanismes d'action de ce produit sur le développement du système racinaire et sur la physiologie du blé, dans les premiers stades de développement de la culture.
Le laboratoire agronomie et environnement de l'université de Lorraine a donc étudié, en conditions contrôlées, l'effet du traitement des semences de Syngenta contenant du sedaxane sur la croissance et l'architecture du système racinaire, la fixation de C (carbone) et l'allocation de C et N (azote) jusqu'au stade 1-2 noeuds du blé, le tout comparé aux effets du traitement des semences à base de prothioconazole.
Du blé en tubes de culture
Traitements des semences puis culture en tube
La variété de blé Moisson (Syngenta) a été utilisée dans cette étude. Les semences ont été traitées soit avec le témoin de référence Redigo (prothioconazole, 10 g/q, Bayer), soit avec du Vibrance Gold (fludioxonil 5 g/q, difénoconazole 5 g/q et sedaxane 10 g/q), avec quatre répétitions par modalité.
Après vernalisation durant 28 jours à 4 °C et à l'obscurité, le taux de germination (%) a été estimé. Chaque semence germée a été transplantée dans un tube de culture (45 cm de long et 8 cm de diamètre) contenant 1,6 kg d'un mélange d'un sol agricole limono-argileux (pH 6,2) et de sable (ratio 70 : 30 p/p). Les tubes ont alors été disposés de façon aléatoire dans une chambre de croissance. Les conditions de culture étaient les suivantes :
- 16 °C jour/10 °C nuit avec une photopériode de 16 h de jour/8h de nuit, une intensité lumineuse de 360 µmol/m-2/s et une hygrométrie de 70 % jusqu'à début montaison ;
- 20 °C jour/16 °C nuit avec les mêmes conditions de photopériode, intensité lumineuse et hygrométrie à partir de la montaison.
Le substrat de culture a été maintenu à 80 % de sa capacité de rétention en eau par pesée des tubes de culture tous les deux à trois jours, durant toute la durée de l'expérimentation. Deux apports d'azote sous forme d'ammonitrate 33,5 % ont été réalisés à fin tallage (équivalent de 64 unités/ha) et entre les stades épi 1 cm et 1 noeud (équivalent de 90 unités/ha).
Les plantes ont été récoltées en trois lots : le premier aux stades 3-4 talles (T1), le second au stade épi 1 cm (T2) et le troisième au stade 1-2 noeuds (T3).
Mesures effectuées
Juste avant récolte, l'assimilation nette de CO2 (µmol CO2/m2/s) a été mesurée sur la dernière feuille étalée à l'aide d'un analyseur Li-Cor (Lincoln, NE, USA).
Au moment du prélèvement, les parties aériennes et racinaires sont séparées.
Les racines sont collectées dans la colonne de sol à l'aide d'une pince à épiler, lavées afin d'éliminer les particules de sol puis séchées rapidement à l'aide d'un papier absorbant. La morphologie des racines est analysée à l'aide du logiciel WinRHIZO (Regent, Canada) (Romillac et al., 2015). Les variables d'architecture racinaire suivantes sont déterminées :
- selon la longueur totale (cm) ;
- selon la surface totale (cm2) ;
- selon la longueur et la surface des racines de diamètre supérieur ou inférieur à 2 mm.
Les racines ainsi que les parties aériennes sont ensuite lyophilisées puis pesées pour estimer la masse sèche (g). La teneur en N total des parties aériennes et racinaires est déterminée à l'aide d'un auto-analyseur C/N (Carlo Erba) comme décrit dans Romillac et al. (2015). Une comparaison de moyennes (Anova, au seuil 0,05) a été réalisée pour les variables mesurées à l'aide du logiciel R, afin d'évaluer les deux traitements comparativement l'un à l'autre.
Des effets physiologiques mis en évidence
Association sedaxane/fludioxonil/difénoconazole et croissance du blé
Comparativement au traitement de référence au prothioconazole (Redigo), l'association des trois substances sedaxane, fludioxonil et difénoconazole (Vibrance Gold) n'affecte pas le taux de germination des semences de blé de la variété Moisson (données non présentées). En revanche, cette association influence significativement la croissance du blé, avec une augmentation globale de la masse sèche totale des plantes de 38 % au stade 3-4 talles et de 31 % au stade 1-2 noeuds du blé.
Ces effets sont observables au niveau des parties racinaires de la plante et dans une moindre mesure au niveau des parties aériennes. Ainsi, concernant la masse sèche des parties racinaires, un effet significatif est observé dès le stade 3-4 talles (44,5 %). Cet effet positif du traitement sur la masse sèche racinaire est également observable au stade 1-2 noeuds (26 %), même s'il est moindre qu'à un stade plus précoce du développement de la céréale (Figure 1A).
Au niveau de la masse sèche des parties aériennes, si elle est similaire dans les deux modalités jusqu'au stade épi 1 cm, une augmentation significative, de près de 34 %, est observée dans la modalité associant les trois substances comparativement au traitement de référence au stade 1-2 noeuds (Figure 1B).
Architecture racinaire du blé
Plusieurs variables d'architecture racinaire susceptibles d'influencer le prélèvement des éléments nutritifs (Roumet et al., 2008) ont été mesurées.
Globalement, un effet positif plutôt précoce et transitoire du traitement associant les trois substances a été observé sur l'ensemble des variables mesurées.
Ainsi, au stade 3-4 talles du blé, ce traitement augmente de plus de 70 % la longueur totale du système racinaire et de 33 % la surface totale racinaire (augmentations significatives), comparativement au traitement de référence. La longueur totale des racines est ensuite similaire dans les deux modalités pour les stades de développement plus tardifs (voir tableau).
Ces effets sont particulièrement marqués pour les racines dont le diamètre est inférieur à 2 mm, appelées racines fines. Le traitement associant trois substances :
- au stade 3-4 talles, multiplie par deux (augmentation de 104 %) la longueur de racines fines par rapport au traitement de référence, alors que la longueur de racines de diamètre supérieur à 2 mm n'est que supérieure que de 57 % à celle du traitement de référence ;
- au stade 1-2 noeuds, induit une augmentation de 70 % de la longueur de racines fines alors que la longueur des racines de diamètre supérieur à 2 mm n'est pas significativement différente de celle de la modalité de référence (Figure 2).
Physiologie de la plante
Cette association influence positivement l'assimilation photosynthétique dans les premiers stades de développement du blé. Ainsi, l'assimilation nette de gaz carbonique (CO2) est significativement plus élevée dans cette modalité comparativement à la modalité de référence, ceci aux stades 3-4 talles (41 %) comme épi 1 cm (88 %). En revanche, au stade 1-2 noeuds, l'assimilation nette de CO2 est significativement supérieure dans le traitement de référence (55 %) (Figure 3).
Concernant les teneurs en azote (N) des plantes, le traitement induit une augmentation significative (30 %) de la teneur en N des racines au stade 3-4 talles (Figure 4A). Aucune différence significative n'est mise en évidence aux stades suivants. Dans les parties aériennes, des teneurs en N globalement similaires sont observées dans les deux modalités aux stades 3-4 talles et épi 1 cm. Au stade 1-2 noeuds, une teneur en N significativement inférieure (30 %) est observée dans la modalité associant trois substances comparée à la référence (Figure 4B).
Discussion
Influence globale confirmée
En conditions contrôlées, nous avons mis en évidence que le traitement de semences Vibrance Gold influence positivement la croissance du blé (variété Moisson), tant au niveau du compartiment racinaire que du compartiment aérien. Ainsi, comparativement au traitement de référence au prothioconazole, la biomasse racinaire augmente très significativement, en particulier au tallage (+ 45 %), de même la biomasse aérienne courant montaison (+ 34 %). Ces résultats renforcent les observations de Barchietto et al. (2012) sur les variétés de blé Isengrain et Inoui.
Modifications morpho-physiologiques
Les effets du traitement sur la biomasse sèche du blé s'accompagnent de modifications morpho-physiologiques observables chez les plantes dès le début du tallage. Ces résultats font progresser dans la compréhension des mécanismes d'action du traitement, notamment au stade tallage qui correspond à l'émission du système racinaire secondaire des céréales. À ce stade de développement, nous avons mis en évidence que le traitement influence l'architecture racinaire : augmentation significative de la longueur (+ 70 %) et de la surface (+ 33 %) de racines.
L'augmentation de la longueur totale de racines est corrélée positivement à l'augmentation de la longueur de racines de diamètre inférieur à 2 mm (+ 104 %), dites racines fines - lesquelles sont les organes privilégiés pour le prélèvement des éléments nutritifs par la plante (Roumet et al., 2008).
En augmentant la surface d'échange entre le sol et le système racinaire, ce traitement pourrait donc améliorer les capacités de prélèvement de nutriments comme l'azote par la plante au cours de la phase végétative. L'augmentation significative de la teneur en azote des racines des plantes (+30 %) au stade tallage est en accord avec cette hypothèse.
Sachant que la fixation du carbone est liée au statut azoté de la plante, le pool d'azote présent dans les racines pourrait permettre d'expliquer que le traitement améliore l'assimilation nette de carbone du tallage (+41 %) jusque début montaison (+88 % stade épi 1 cm). Ceci a déjà été observé en conditions de stress hydrique chez le blé (Ajigboye et al., 2016). Même si ces effets s'estompent au stade 1-2 noeuds du blé, l'optimisation des capacités photosynthétiques et l'amélioration du prélèvement des nutriments par la plante dans ses premiers stades de développement pourraient contribuer aux gains de biomasse des parties aériennes et racinaires observés dans notre étude et aux effets biostimulants de cette association difénoconazole-fludioxonil-sédaxane.
Optimiser la fertilisation azotée ?
Ces résultats suggèrent de nouvelles questions quant à l'effet de ce traitement sur la physiologie du blé, en particulier l'efficience de prélèvement de l'azote dans les premiers stades de développement. Outre les modifications d'architecture racinaire, en particulier de la longueur de racines fines observées ici, ce traitement pourrait influencer la régulation des transporteurs d'azote racinaires. À des stades de développement plus avancés, ces effets précoces pourraient modifier la mise en réserve et la remobilisation de l'azote lors du remplissage des grains et, in fine, la teneur en protéines des grains.
De tels effets positifs pourraient permettre d'envisager d'optimiser la fertilisation azotée du blé, en réduisant par exemple le premier apport d'azote au bénéfice du dernier apport afin d'améliorer la teneur en protéines à la récolte. Ces hypothèses seront évaluées ultérieurement en utilisant des marqueurs moléculaires et des outils de traçage isotopique.
RÉSUMÉ
CONTEXTE - Vibrance Gold (Syngenta), fongicide à base de difénoconazole, fludioxonil et sédaxane pour le traitement des semences des céréales, pourrait avoir un effet positif sur la croissance racinaire du blé en début de culture. Les mécanismes d'action sont mal compris.
TRAVAIL - L'UMR Agronomie et Environnement - université de Lorraine - Inra a mené une étude en conditions contrôlées pour mieux comprendre les effets de ce traitement sur la croissance et le développement du blé en lien avec l'acquisition et l'allocation des ressources carbonées et azotées par la plante, en comparaison du traitement de référence à base de prothioconazole.
RÉSULTATS - Vibrance Gold améliore la croissance du blé. Cet effet s'accompagne de modifications morpho-physiologiques, dont une augmentation significative de la longueur des racines impliquées dans le prélèvement des éléments nutritifs corrélée à une hausse de la teneur en azote des racines, et une augmentation de la photosynthèse.
MOTS-CLÉS - Céréales, blé, traitement de semences, Vibrance Gold, sedaxane, fongicide, biostimulant.
SUMMARY VIBRANCE GOLD, A BIOSTIMULATING ACTIVITY ? A BETTER UNDERSTANDING OF HIS EFFECTS ON GROWTH AND NUTRITIONAL STATUS OF WHEAT
CONTEXT - Vibrance Gold (Syngenta) is a fungicide used as seed treatment on cereals. It may also have positive effects on the root growth at early stages of wheat development. However, mechanisms about these effects remain poorly understood.
WORK - The Laboratory Agronomie et Environnement (Univ. of Lorraine) has undertaken a study in controlled conditions in order to have a better understanding of the effects of Vibrance Gold compared to Redigo seed treatment on both the growth and the C and N metabolisms of wheat.
RESULTS - Vibrance Gold has a stimulating effect on wheat growth. It induced some morpho-physiological changes during the early growth. In particular, significant increase in the length of roots implicated in nutrient uptake roots, increase in root N content and net photosynthesis.
KEYWORDS - Cereals, wheat, seed treatment, Vibrance Gold.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACT : sophie.deschaumes@univ-lorraine.fr