De 1948 (à gauche) à 2012 (à droite), Phytoma a fait plusieurs fois peau neuve. Son contenu s'adapte, dans le texte et les images. Par exemple, plus question aujourd'hui de montrer des agriculteurs traitant sans protection !
Créée en 1948, la revue Phytoma a su maintenir son identité, mais a aussi fortement évolué dans sa forme et son fond. Après soixante-dix années de parution, c'est l'occasion de se remémorer d'où est partie l'édition actuelle, pour mieux imaginer son cheminement futur.
Un titre, une identité
Les constantes
Phytoma, c'est d'abord une identité immuable : une revue de vulgarisation au sens noble du terme, un pont entre les scientifiques et les praticiens, entre les résultats de la recherche et leurs applications sur le terrain.
Une autre constante est celle des domaines abordés : tous ceux qui touchent à la santé végétale des plantes cultivées, que celles-ci soient alimentaires ou ornementales, et ce, face à tous leurs bioagresseurs :
- maladies (champignons, virus, viroïdes et bactéries phytoplasmes compris) ;
- ravageurs (invertébrés tels que les insectes, acariens, nématodes, mais aussi vertébrés tels que les oiseaux, les rongeurs et autres mammifères) ;
- mauvaises herbes (plantes adventices et parasites).
La revue informe sur les bioagresseurs eux-mêmes et leurs évolutions, ainsi que sur tous les moyens de protection des plantes - que ces moyens soient déjà disponibles ou encore l'objet de recherche et développement. Tout ceci sur les plans scientifique et technique mais également réglementaire.
Des sujets au diapason des évolutions techniques et réglementaires
Bien entendu, tout au long de ces soixante-dix années, les cultures ont connu des transformations (en 1948, le maïs était absent du quart nord-ouest du pays). Les bioagresseurs ont fait de même avec l'arrivée d'espèces exotiques et l'évolution des populations des espèces présentes - résistances aux produits phyto(1), par exemple. C'est le cas aussi, bien sûr, des moyens de lutte et également de leur encadrement réglementaire.
En 1948, la chimie vivait son temps de gloire... l'année où Paul Hermann Müller, l'inventeur du DDT, a reçu le prix Nobel car cet insecticide avait sauvé nombre de vies du paludisme... la fin des tickets de rationnement hérités des années d'Occupation.
En 2018, la loi EGalim ajoute une couche réglementaire à l'encouragement au biocontrôle et aux restrictions sur les produits phyto conventionnels qualifiés de pesticides chimiques(2). Un nouveau plan gouvernemental « contre la dépendance aux pesticides » (qui en réalité ne vise que les phytos) est lancé, un plan Écophyto 2+ a été mis en consultation publique, tous les produits contenant des néonicotinoïdes et ceux à base de métam-sodium ainsi qu'une centaine d'herbicides à base de glyphosate ont été interdits.
De fait, la rubrique réglementation de Phytoma est devenue un des points forts de la revue, ceci depuis quelques années puisqu'une étude de lectorat menée en 2012 l'avait amplement souligné.
Un autre thème s'est développé, c'est celui des bonnes pratiques phytosanitaires. Il est lié à la réglementation mais aussi à l'évolution technique : matériels d'application des produits, outils de protection des applicateurs, matériels, outils et méthodes de préservation de l'environnement. Un guide sur ces questions, publié en 2003, a connu un succès tel qu'il sera suivi d'un dossier annuel.
Enfin, au fil des années, Phytoma consacre de plus en plus de place aux méthodes alternatives.
Un numéro spécial sur les « moyens biologiques de lutte » avait été publié en juillet 1993 (n° 452). Il faudra attendre mai 2002 pour voir réapparaître un tel dossier (dans le n° 549). Il sera repris quatre ans plus tard (n° 591, de mars 2006), puis deux ans après (n° 613 de mars 2008)... puis chaque année. Outre les dossiers, rares sont les numéros sans sujets de fond sur au moins une méthode alternative.
Ceci étant dit, elles avaient déjà une place auparavant. Ainsi, la page reproduite ci-dessus évoque une substance active aujourd'hui autorisée en agriculture biologique et classée comme de biocontrôle... Elle date du n° 1 de la revue !
Et puis, le saviez-vous, c'est en 1991 qu'a été publié un excellent article sur les variétés de céréales en mélange et leur intérêt contre les épidémies de rouille du blé, par exemple ? Preuve en photos pages suivantes.
Quelques étapes
1948-1968 : aider le développement de la production
Au départ, la revue est éditée, sous le patronage d'un « comité de propagande (vocabulaire d'époque) pour la protection et l'amélioration des cultures » par la Sepaic, société d'édition qui lance plusieurs titres agricoles dans l'immédiat après-guerre. La mise en page est sobre (voir ci-dessus), les articles techniques suivent la logique « un problème/une solution/preuves de son efficacité/conseils de mise en oeuvre ». Il s'agit de contribuer à faire repartir l'agriculture française, à une époque où la productivité n'est pas un gros mot.
L'association Ruralia (loi 1901), créée en 1951, prend en charge la revue. Y adhèrent des représentants des fondateurs, notamment le SPV (Service de la protection des végétaux du ministère chargé de l'agriculture), l'Inra, les fabricants de produits, les organismes de distribution (coopératives et négoces) et la profession agricole.
1969-1989 : haut en couleur !
L'édition est reprise par la société Le Carrousel Éditions. Un comité de rédaction est officiellement constitué en 1971. La maquette sera modernisée pour la première fois début 1979, la couleur apparaît sur la couverture et les pages présentant des symptômes de maladies ou l'aspect de ravageurs ou de mauvaises herbes. En 1988, le numéro des 40 ans fait le point sur l'époque.
1989 se clôture en beauté par un dossier sur « Les nouvelles voies de recherche ». On y parle entre autres de la confusion sexuelle tout juste lancée sur le terrain (eh oui, la méthode a quasiment 30 ans !) et des biotechnologies, terme englobant alors les micro-organismes, aujourd'hui développés et vantés comme outils de biocontrôle, et les OGM, pas encore cloués au pilori à l'époque (et qui, du reste, connaissent un certain succès ailleurs qu'en Europe).
1990-2008 : fusion et modernisation
Phytoma et La Défense des Végétaux, revue de la FNGPC (devenue aujourd'hui Fredon France), fusionnent en 1990. La revue s'appelle alors officiellement Phytoma-La Défense des végétaux. C'est la période de l'informatisation, l'ouverture d'un site internet, et la systématisation des dossiers sur la thématique bonnes pratiques phytosanitaires/réglementation les encadrant.
2009-2018 : diversifier les méthodes
En 2009, la concession d'édition est transférée au Groupe France Agricole, qui reprend aussi l'équipe permanente. Il est décidé d'annualiser le dossier « méthodes alternatives » : utilisation de produits phyto alternatifs bientôt qualifiés de produits phyto de biocontrôle, autres méthodes de protection telles que désherbage mécanique, paillage, filets anti-insectes, variétés tolérantes, plantes de service, lâchers d'auxiliaires ou aménagements de l'espace pour favoriser les auxiliaires « spontanés », etc. Le plan Écophyto 2018 lancé en 2008 est analysé, suivi et fera même l'objet d'un hors-série spécifique en février 2016.
En mai 2012, une nouvelle formule, celle que vous avez entre les mains, est mise au point. Un nouveau sous-titre, « La santé des végétaux », rend compte d'une volonté de vision plus globale, holistique, des problématiques de santé végétale.
Début 2014, Ruralia décide de se dissoudre et transmet la propriété du titre Phytoma à l'AFPP (renommée Végéphyl en octobre 2018).
Aujourd'hui et demain, l'aventure continue. En 2019, Phytoma va rajeunir. Une nouvelle rédactrice en chef, Valérie Vidril, prendra en charge la revue à partir du numéro de mars (n° 722). Elle a déjà la parole dans l'Encadré 2 ci-dessous !
(1) Dans tout cet article, « phyto » = phytopharmaceutique. (2) Le grand public et la presse qui lui est adressée semblent négliger l'existence et les effets des pesticides chimiques qui ne sont pas phyto, notamment les produits vétérinaires, y compris ceux pour les animaux de compagnie, ainsi que les produits biocides. Mais la loi EGalim impose pour ces derniers des restrictions à leur publicité, à leur vente aux particuliers et aux promotions les concernant, calquées sur celles touchant les produits phyto de type pesticides chimiques.
1 - Les acteurs de Phytoma
Propriété du titre : De 1951 à 2013, Ruralia. Depuis 2014, Végéphyl (anciennement AFPP). Ce sont des associations à but non lucratif (« loi 1901 ») interprofessionnelles de personnalités actives dans la protection des plantes.
Direction de publication/présidence de Ruralia/du comité de rédaction :
1953-1971, Charles Collomb. 1971-1982, François Le Nail. 1982-2002, Jean-Marie Mutschler-Clor/Hubert Bouron. 2002-2005, Jean-Marie Mutschler-Clor/Robert Mestres/Bruno de La Rocque. 2005-2008, Robert Mestres/Bruno de La Rocque. 2008-2012, Jacques My. 2013-2013, Philippe Printz. 2014, Serge Kreiter. 2015-2017, France Cassignol. 2017, Marc Delattre. Depuis décembre 2017, Alice Baudet.
Comité de rédaction : composé d'experts des secteurs public et privé et des différentes disciplines de la protection des plantes, il valorise des articles de qualité et joue le rôle de comité de lecture en veillant à leur pertinence et leur fiabilité. Les nombreux auteurs ayant participé à la revue depuis sa création sont des experts techniques ou scientifiques faisant autorité dans leur domaine.
Équipe permanente spécialisée, l'édition est déléguée au Groupe France Agricole depuis 2009. Rédaction en chef : 1948-1952, Charles Collomb. 1953-1981, Henri Siriez. 1982-1984, Patrick Glemas. 1985-1990, Véronique Lorelle. 1990-2018, Marianne Decoin.
2 - Les mots de Valérie Vidril, future rédactrice en chef de Phytoma
« Au fil de ces 70 ans, Phytoma a évolué en parallèle de la protection des plantes et du métier d'agriculteur. La compréhension toujours plus poussée du vivant souligne l'interconnexion entre les disciplines scientifiques. La nature est un système complexe, un tout qui est plus que la somme de ses parties !
Ainsi la protection d'une culture ne se limite pas à la connaissance de ses bioagresseurs, elle englobe celle du végétal, du sol, du climat, de l'écosystème dans lequel elle croît... Cette prise de conscience permet à la communauté scientifique de proposer de nouveaux leviers de protection des plantes, quand le principal était, en 1948, la solution chimique. Aujourd'hui, s'ajoutent la génétique, la prophylaxie, le biocontrôle, les outils d'aide à la décision, les techniques de pulvérisation, la protection physique, la mécanisation, les opérations culturales, les plantes de services, les infrastructures paysagères pour maximiser les services écosystémiques de régulation. Qui a dit que le métier d'agriculteur était simple ?
Tous ces leviers permettent de limiter le recours aux produits de synthèse, comme l'exigent la réglementation et la société. Souvent, leur combinaison exige une reconception en profondeur des systèmes de culture. Pour cela, le producteur doit être accompagné : c'est le rôle des conseillers des instituts techniques, chambres d'agriculture, Fredon... Côté financier, au final, c'est lui qui prend des risques de perte de productivité et rentabilité. D'où la nécessité de valoriser les produits issus de ces nouveaux modes de culture, donc de travailler aussi sur les circuits de commercialisation. La responsabilité du changement ne doit pas reposer sur le seul producteur mais sur l'ensemble de la filière, jusqu'au consommateur en aval.
En amont, Phytoma continuera d'être à l'écoute des évolutions du secteur de la protection des plantes, en termes scientifiques, techniques et réglementaires. Son souhait : se faire l'écho de toutes les avancées validées par l'expérimentation, concrétisées par les acteurs de terrain, et contribuer ainsi à la diffusion des savoirs. »
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACT : m.decoin@gfa.fr
LIEN UTILE : www.phytoma-ldv.com