DOSSIER

Comment prévenir et gérer la résistance aux fongicides ?

ANNE-SOPHIE WALKER*, D'APRÈS SA COMMUNICATION À LA 12E CIMA DE VÉGÉPHYL, À TOURS, LES 11 ET 12 DÉCEMBRE 2018 *UMR1290 Biooger - Inra - AgroParisTech, Université Paris-Saclay. - Phytoma - n°719 - décembre 2018 - page 28

La résistance de certaines maladies aux fongicides exige une utilisation raisonnée des traitements, avec la mise en oeuvre de stratégies adaptées.
 Symptômes d'oïdium du blé. Erysiphe graminis f. sp. tritici s'est adapté à de nombreux modes d'action antifongiques. Photo : A.-S. Walker

Symptômes d'oïdium du blé. Erysiphe graminis f. sp. tritici s'est adapté à de nombreux modes d'action antifongiques. Photo : A.-S. Walker

Fig. 1 : Émergence, progression et fixation       Évolution de la résistance dans les populations de champignons phytopathogènes soumises à pression de sélection fongicide.

Fig. 1 : Émergence, progression et fixation Évolution de la résistance dans les populations de champignons phytopathogènes soumises à pression de sélection fongicide.

Fig. 2 : Trois leviers pour gérer les résistances      Les principales stratégies antirésistance consistent à déployer différents fongicides, soit séparément dans le temps et/ou l'espace (alternance, mosaïque), soit ensemble (mélange).

Fig. 2 : Trois leviers pour gérer les résistances Les principales stratégies antirésistance consistent à déployer différents fongicides, soit séparément dans le temps et/ou l'espace (alternance, mosaïque), soit ensemble (mélange).

Fig. 3 : Stratégie de mélange - Mécanisme, particularités et limites       Les flèches verticales représentent les applications en mélange de deux fongicides (rouge, bleu ou noir) présentant des modes d'action différents. Les triangles présentent les périodes d'exposition de la population fongique à ces fongicides. Au moment du traitement, une génération n est constituée d'un certain nombre d'individus (axe vertical des polyèdres) qui décroît au fur et à mesure de l'efficacité des fongicides. À la génération suivante n + 1, la taille de la population augmente à nouveau jusqu'à l'application suivante. Les points représentent les individus constituant les populations. Leurs couleurs représentent leur statut par rapport à la résistance. Les fréquences relatives des différentes couleurs représentent la fluctuation théorique de la structure des populations au cours du temps. L'évolution des résistances est ici représentée de manière accélérée, pour des raisons pédagogiques.

Fig. 3 : Stratégie de mélange - Mécanisme, particularités et limites Les flèches verticales représentent les applications en mélange de deux fongicides (rouge, bleu ou noir) présentant des modes d'action différents. Les triangles présentent les périodes d'exposition de la population fongique à ces fongicides. Au moment du traitement, une génération n est constituée d'un certain nombre d'individus (axe vertical des polyèdres) qui décroît au fur et à mesure de l'efficacité des fongicides. À la génération suivante n + 1, la taille de la population augmente à nouveau jusqu'à l'application suivante. Les points représentent les individus constituant les populations. Leurs couleurs représentent leur statut par rapport à la résistance. Les fréquences relatives des différentes couleurs représentent la fluctuation théorique de la structure des populations au cours du temps. L'évolution des résistances est ici représentée de manière accélérée, pour des raisons pédagogiques.

Fig. 4 : Stratégie d'alternance - Mécanisme, particularités et limites       Les flèches verticales représentent les applications alternées de deux fongicides (rouge, bleu ou noir) présentant des modes d'action différents. Les triangles présentent les périodes d'exposition de la population fongique à ces fongicides. La rémanence des fongicides multisites (en noir) est en général plus courte que celle des unisites. Au moment du traitement, une génération n est constituée d'un certain nombre d'individus (axe vertical des polyèdres) qui décroît au fur et à mesure de l'efficacité des fongicides. À la génération suivante n + 1, la taille de la population augmente à nouveau jusqu'à l'application suivante. Les points représentent les individus constituant les populations. Leurs couleurs représentent leur statut par rapport à la résistance. Les fréquences relatives des différentes couleurs représentent la fluctuation théorique de la structure des populations au cours du temps. L'évolution des résistances est ici représentée de manière accélérée, pour des raisons pédagogiques.

Fig. 4 : Stratégie d'alternance - Mécanisme, particularités et limites Les flèches verticales représentent les applications alternées de deux fongicides (rouge, bleu ou noir) présentant des modes d'action différents. Les triangles présentent les périodes d'exposition de la population fongique à ces fongicides. La rémanence des fongicides multisites (en noir) est en général plus courte que celle des unisites. Au moment du traitement, une génération n est constituée d'un certain nombre d'individus (axe vertical des polyèdres) qui décroît au fur et à mesure de l'efficacité des fongicides. À la génération suivante n + 1, la taille de la population augmente à nouveau jusqu'à l'application suivante. Les points représentent les individus constituant les populations. Leurs couleurs représentent leur statut par rapport à la résistance. Les fréquences relatives des différentes couleurs représentent la fluctuation théorique de la structure des populations au cours du temps. L'évolution des résistances est ici représentée de manière accélérée, pour des raisons pédagogiques.

Fig. 5 : Stratégie de mosaïque - Mécanisme, particularités et limites       Les flèches verticales représentent les applications en mosaïque de deux fongicides (rouge, bleu ou noir) présentant des modes d'action différents, sur des parcelles différentes d'un territoire théorique. L'efficacité des traitements sur une parcelle se réduit au cours du temps, selon la rémanence des substances actives : l'exposition est en général nulle ou faible avant le traitement suivant, ce qui permet à la population de se multiplier et aux différents génotypes de migrer entre les parcelles (flèches), ce qui modifie la structure des populations en début de génération suivante. Les points représentent les individus constituant les populations. Leurs couleurs représentent leur statut par rapport à la résistance. Les fréquences relatives des différentes couleurs représentent la fluctuation théorique de la structure des populations au cours du temps et dans l'espace. L'évolution des résistances est ici représentée de manière accélérée, pour des raisons pédagogiques.

Fig. 5 : Stratégie de mosaïque - Mécanisme, particularités et limites Les flèches verticales représentent les applications en mosaïque de deux fongicides (rouge, bleu ou noir) présentant des modes d'action différents, sur des parcelles différentes d'un territoire théorique. L'efficacité des traitements sur une parcelle se réduit au cours du temps, selon la rémanence des substances actives : l'exposition est en général nulle ou faible avant le traitement suivant, ce qui permet à la population de se multiplier et aux différents génotypes de migrer entre les parcelles (flèches), ce qui modifie la structure des populations en début de génération suivante. Les points représentent les individus constituant les populations. Leurs couleurs représentent leur statut par rapport à la résistance. Les fréquences relatives des différentes couleurs représentent la fluctuation théorique de la structure des populations au cours du temps et dans l'espace. L'évolution des résistances est ici représentée de manière accélérée, pour des raisons pédagogiques.

Fig. 6 : Stratégie de modulation de la dose - Mécanisme, particularités et limites       Les flèches verticales représentent les applications du fongicide, à des doses pleines ou réduites. Les triangles présentent les périodes d'exposition de la population fongique à ces fongicides. Les doses réduites exposent la population fongique à une sélection réduite. Au moment du traitement, une génération n est constituée d'un certain nombre d'individus (axe vertical des polyèdres) qui décroît au fur et à mesure de l'efficacité des fongicides. À la génération suivante n + 1, la taille de la population augmente à nouveau jusqu'à l'application suivante. Les points représentent les individus constituant les populations. Leurs couleurs représentent leur statut par rapport à la résistance ; le dégradé de rouge représente en particulier des génotypes présentant des niveaux de résistance faible à fort vis-à-vis du fongicide de sélection. Les fréquences relatives des différentes couleurs représentent la fluctuation théorique de la structure des populations au cours du temps. L'évolution des résistances est ici représentée de manière accélérée, pour des raisons pédagogiques.

Fig. 6 : Stratégie de modulation de la dose - Mécanisme, particularités et limites Les flèches verticales représentent les applications du fongicide, à des doses pleines ou réduites. Les triangles présentent les périodes d'exposition de la population fongique à ces fongicides. Les doses réduites exposent la population fongique à une sélection réduite. Au moment du traitement, une génération n est constituée d'un certain nombre d'individus (axe vertical des polyèdres) qui décroît au fur et à mesure de l'efficacité des fongicides. À la génération suivante n + 1, la taille de la population augmente à nouveau jusqu'à l'application suivante. Les points représentent les individus constituant les populations. Leurs couleurs représentent leur statut par rapport à la résistance ; le dégradé de rouge représente en particulier des génotypes présentant des niveaux de résistance faible à fort vis-à-vis du fongicide de sélection. Les fréquences relatives des différentes couleurs représentent la fluctuation théorique de la structure des populations au cours du temps. L'évolution des résistances est ici représentée de manière accélérée, pour des raisons pédagogiques.

La résistance aux fongicides est la capacité intrinsèque et héritable de certains génotypes de pathogènes à survivre à des concentrations de fongicides qui tuent ou inhibent le développement de génotypes sensibles de la même espèce.

Un effet de la sélection darwinienne

Des mutations préexistantes

La capacité de résistance est déterminée par une ou plusieurs mutations naturelles présentes dans le génome des génotypes résistants (R4P, 2016). L'adaptation du champignon aux fongicides touche à la fois les molécules d'origine naturelle et d'origine synthétique. Cependant, chaque substance active est associée à un risque de résistance spécifique dépendant entre autres de son mode d'action. Les molécules unisites (visant une seule cible biochimique au sein de la cellule fongique) sont en général à risque de résistance plus important que les multisites (visant plusieurs cibles biochimiques), plus rarement touchées par la résistance.

En présence de fongicide, l'augmentation en fréquence des génotypes les plus avantageux (les individus résistants) dans les populations résulte de la sélection darwinienne.

Une sélection continue en deux étapes

Lors de la mise sur le marché d'une substance active, la fréquence des individus résistants est en général très faible et indétectable par les outils de surveillance usuels. Lorsque la fréquence des individus résistants augmente sous l'effet de la pression de sélection résultant de l'utilisation du fongicide, les individus résistants deviennent détectables, d'autant plus précocement que les outils de détection sont performants et que l'échantillonnage testé est adapté. À partir d'un seuil de fréquence propre à chaque cas de résistance, l'efficacité du fongicide sera altérée, totalement ou partiellement : c'est la résistance en pratique (Figure 1).

Dans ce cas, l'intérêt de la substance active est fortement compromis, sauf si la résistance s'accompagne d'un coût (ou perte de fitness, représentant la capacité d'un génotype à survivre en compétition avec les autres et à laisser des descendants), qui favorise la diminution naturelle de la résistance (résistance non persistante), lorsque le fongicide n'est plus utilisé.

Dans un contexte où le nombre de modes d'action fongicides utilisables pour contrôler les maladies fongiques diminue, du fait de la réglementation, de la demande sociétale et de la généralisation de certaines résistances, un enjeu important de la protection des plantes est donc de prévenir la sélection des souches résistantes en adoptant les stratégies de traitement les plus adaptées.

L'optimisation de ces stratégies repose sur la connaissance de plusieurs facteurs, dont les mécanismes et la génétique de la résistance et la dynamique d'évolution des populations. Une connaissance des mécanismes sous-tendant chaque stratégie s'avère utile pour les déployer durablement. Cet article présente une synthèse des différentes hypothèses relatives aux stratégies antirésistance.

Priorité à l'alternatif

Méthodes prophylactiques, techniques culturales...

L'objectif d'un traitement fongicide est de réduire la quantité de symptômes présente sur la culture, c'est-à-dire diminuer la taille des populations de pathogènes. Cet objectif démographique peut-être obtenu par d'autres méthodes que la lutte chimique, ce qui permet de facto de ne pas exercer de sélection par les fongicides et d'interrompre l'augmentation en fréquence de la résistance décrite plus haut (Figure 1).

Les autres méthodes de lutte contrôlent de manière équivalente les individus sensibles et résistants et permettent indirectement la gestion des résistances aux fongicides. Il peut s'agir de méthodes prophylactiques ou de techniques culturales permettant d'épuiser l'inoculum fongique (ex. : labour, rotation, gestion des réservoirs de plantes-hôtes, notamment adventices, élimination des organes contaminés, gestion du climat), éviter le stade sensible de la plante (ex. : décalage des dates de semis), maîtriser la sensibilité de la plante au pathogène (ex. : gestion de la vigueur, maîtrise de la fertilisation, stimulation des défenses naturelles) ou limiter les contaminations interplantes (ex. : gestion de la densité de semis ou plantation).

La lutte variétale sélectionne ses propres résistances

La lutte variétale est également un levier primordial pour la gestion des maladies et, avec le développement rapide des biotechnologies, la recherche a récemment permis la découverte de nombreux gènes de résistance totale ou partielle, voire leur caractérisation moléculaire (voir article p. 34 à 37). Ces gènes de résistance peuvent être déployés au sein du même cultivar (pyramidage) ou de cultivars différents, utilisables alors en alternance et/ou mosaïque.

De même que les fongicides exercent une pression de sélection sur les populations de pathogènes, les gènes de résistance peuvent être contournés, et des stratégies optimisant leur utilisation deviennent indispensables.

Dès lors, il devient important d'intégrer les différentes méthodes de lutte, permettant ainsi de maximiser l'hétérogénéité de la sélection subie par les populations fongiques, afin d'accroître globalement la durabilité des différentes méthodes de lutte (REX Consortium, 2016).

Stratégies d'utilisation de la lutte chimique

Liste des stratégies possibles

La gestion de la résistance peut s'entreprendre de multiples manières. Il s'agit en pratique d'optimiser le déploiement dans l'espace et dans le temps des matières actives homologuées présentant des modes d'action différents sans présenter entre elles de résistance croisée positive (Figure 2)(REX Consortium, 2013).

La première stratégie est la séquence. Elle consiste à utiliser une matière active jusqu'à ce que l'évolution de la résistance la rende inefficace, justifiant alors l'utilisation d'une seconde matière active et ainsi de suite. Cette stratégie, peu durable en pratique, ne sera pas abordée ici.

La seconde stratégie est l'alternance : rotation dans le temps des matières actives, la périodicité pouvant varier au sein d'une saison culturale, d'une année, voire de plusieurs années.

La troisième stratégie, souvent dénommée mosaïque, correspond à l'utilisation de plusieurs matières actives au même moment, mais dans des endroits différents : un champ (ou un verger) est traité avec un fongicide, tandis qu'un autre, à la même période et dans la même région, est traité avec un autre fongicide, l'ensemble aboutissant à une mosaïque spatiale, avec une maille géographique plus ou moins fine.

La stratégie de mélange est l'utilisation des matières actives en même temps et au même endroit (pas de déploiement spatial ou temporel).

La modulation de la dose, pratique très répandue, permet de limiter les quantités de pesticides apportées sur un territoire, mais peut avoir des conséquences sur la gestion de la résistance. En pratique, les doses des partenaires associés dans un mélange sont en général réduites (pour raisons toxicologiques, économiques, et parce que les partenaires peuvent avoir des activités synergiques), par rapport aux doses des fongicides apportés seuls.

Enfin, la limitation d'usage revêt souvent un caractère réglementaire, imposé dès l'homologation. Elle autorise un nombre maximal d'applications du fongicide, et permet de manière pragmatique de limiter la sélection exercée par un fongicide, tout en limitant ses effets non intentionnels sur la santé humaine et l'environnement.

L'objectif d'une recommandation durable de fongicides est de définir la tactique (stratégie, combinaison de stratégies et/ou de méthodes de lutte) la mieux adaptée à un pathogène donné.

Stratégie de mélange

Le principe de la stratégie de mélange est de tuer le même génotype de deux manières différentes, en utilisant deux modes d'action ne présentant pas de résistance croisée positive (Hobbelen et al., 2011 ; van den Bosch et al., 2014). Ainsi, un mutant résistant à un fongicide sera contrôlé par l'autre. Les deux modes d'action sont déployés sur la même génération (sélection intragénérationnelle). Cette stratégie repose sur la faible probabilité d'acquisition de résistance à plusieurs modes d'action (résistance multiple). De manière générale, en cas de mélange de deux matières actives à risque moyen ou fort, les meilleurs résultats (absence ou faible fréquence de doubles résistants) s'observent si elles sont introduites simultanément (Figure 3A).

Ce type d'association est inadapté si la résistance en pratique à l'un des partenaires est déjà diagnostiquée, car des souches présentant la double résistance peuvent être sélectionnées plus rapidement (Figure 3B). Ce cas a été récemment observé après l'introduction d'associations SDHI/QoI-P.

Il est primordial, pour limiter le risque de résistance, que les doses de chacune des matières actives garantissent non seulement leur efficacité cumulée mais également leurs efficacités individuelles. Parmi les mélanges de fongicides à risque moyen ou fort, certains se singularisent par l'existence d'une résistance croisée négative entre leurs deux composants (ex. : carbendazime + diéthofencarbe) mais leur utilisation peut également conduire à la sélection de mutants doublement résistants. Enfin, les associations d'un unisite (à risque moyen ou fort) et d'un multisite (à risque faible) (Figure 3C) sont susceptibles, à condition d'être appliquées préventivement et d'utiliser un multisite dont la rémanence est suffisante, de limiter l'émergence et la sélection des souches résistantes au fongicide unisite. Elles doivent par ailleurs assurer une efficacité satisfaisante en cas de résistance généralisée envers l'unisite, ce qui pose la question de leur maintien si l'efficacité résiduelle de l'unisite est insuffisante. De telles associations sont souvent utilisées contre divers agents phytopathogènes, dont les mildious de la pomme de terre et de la vigne. Attention, les mélanges de molécules partageant le même mode d'action ne constituent pas une stratégie pour prévenir la résistance ! Ils peuvent être utiles pour accroître l'efficacité ou le spectre d'activité (ex. : face à un complexe de maladies) de l'application.

Stratégie d'alternance

Le principe de l'alternance est de tuer différemment (c'est-à-dire avec des modes d'action différents sans résistance croisée positive) une génération et sa descendance (sélection intergénérationnelle). Les différents modes d'action se succèdent dans le temps sur le même territoire (Figure 4A et 4B). Si une matière active ne tue pas un individu, alors sa descendance, portant le même allèle de résistance, sera tuée par l'autre mode d'action (Hobbelen et al., 2013).

L'alternance est à envisager dans le cadre de programmes de traitements car elle favorise l'expression du coût de la résistance entre générations du pathogène, s'il existe, contribuant à diminuer la fréquence de la résistance. L'alternance est d'autant plus efficace qu'il y a concomitance entre changement de mode d'action et changement de génération. Cette pratique est courante sur cultures pérennes (ex. : oïdium et pourriture grise de la vigne, tavelure du pommier, maladie des taches noires du bananier). L'alternance pluriannuelle est possible si le nombre de classes de fongicides est important et celui des traitements limité (ex. : pourriture grise de la vigne).

Si plusieurs applications d'une même classe de fongicides sont autorisées, un usage séquentiel est parfois préférable pour les molécules unisites à forte rémanence, c'est-à-dire dont l'activité peut affecter la génération n + 1. Enfin, dans le cas d'une résistance croisée partielle au sein d'une classe de fongicides (ex. : IDM, SDHI), une alternance entre matières actives permet parfois de valoriser les activités spécifiques de chaque molécule sur les divers génotypes résistants, en respectant la limitation du nombre de traitements de l'ensemble de la classe.

L'alternance avec un fongicide multisite permet de contrôler tous les génotypes, lorsqu'une résistance à un unisite est déjà développée, mais son efficacité peut être limitée par sa faible rémanence (Figure 4C).

Stratégie de mosaïque

La stratégie de mosaïque est peu mise en oeuvre pour la gestion des résistances aux fongicides. Le principe de cette stratégie consiste à éliminer différemment (avec des modes d'action différents, ne présentant pas de résistance croisée positive) une génération résistante et sa descendance, ayant migré sur un autre territoire traité différemment (sélection intergénérationnelle).

En pratique, elle utilise plusieurs matières actives au même moment mais dans des parcelles différentes, permettant ainsi d'exercer des pressions de sélection variées entre les générations migrantes (Figures 5A et 5B). Comme dans le cas de l'alternance, cette stratégie permet de valoriser les coûts éventuels associés à la résistance, en permettant une moindre survie des individus résistants entre les générations.

Cette stratégie, qui permet de gérer la résistance des insectes aux insecticides, notamment pour prévenir la résistance au Bt des cultures OGM, pourrait être utilisée chez les champignons phytopathogènes à capacité migratoire. Elle reste cependant à optimiser, notamment pour la maille de la mosaïque qui doit être adaptée aux capacités et périodes de migration de l'espèce ciblée. En particulier, la mosaïque rotationnelle (Figure 5C) permet d'alterner les matières actives à la fois dans l'espace et le temps, ce qui augmente l'hétérogénéité de la sélection.

Stratégie de modulation de la dose

La modulation de la dose représente la possibilité de faire varier l'intensité de la pression de sélection à un fongicide et donc d'exercer des pressions de sélection contrastées (van den Bosch et al., 2011).

La majorité des cas de résistance aux fongicides sont causés par des mutations altérant le gène codant pour leur cible biochimique (résistance liée à la cible, générant en général des dynamiques qualitatives de l'évolution des résistances). À une dose forte, seuls les individus les plus résistants survivent et se multiplient entre eux, ce qui induit des pertes d'efficacité souvent brutales (ex. : résistance aux QoI chez divers pathogènes). Pour ce type de résistance, une diminution de la dose peut être favorable car elle permet la survie d'une fraction de la population sensible, ralentissant la progression de la résistance... mais elle diminue aussi le contrôle de la population (Figures 6A et 6B).

Dans certains cas (notamment, résistance de pathogènes aux IDM), la résistance présente une dynamique quantitative : différents génotypes, de niveaux de résistance en général croissants, se succèdent dans les populations, du fait notamment de la combinaison de plusieurs allèles et/ou mécanismes de résistance. Cette dynamique est en théorie permise par les doses réduites qui favorisent les états intermédiaires en permettant la survie d'individus peu résistants pouvant se reproduire entre eux et combiner leurs allèles (Figures 6C et 6D).

Conclusion

L'efficacité relative des différentes stratégies antirésistance fait l'objet d'un débat scientifique continu et toujours d'actualité, exploré via des approches empiriques ou de modélisation. La difficulté à conclure résulte du fait que certaines études se contredisent, probablement parce que les traits biologiques associés aux modèles fongiques influencent fortement la durabilité des stratégies. Celles-ci doivent donc être raisonnées au cas par cas. Il convient également de dissocier la gestion de l'efficacité et la gestion des résistances, impliquant des échelles de temps différentes et souvent basées sur des pratiques contradictoires.

REMERCIEMENTS L'auteur remercie les membres des réseaux REX et R4P pour les discussions ayant abouti à la synthèse présentée ici.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - La résistance aux fongicides résulte de l'adaptation des populations fongiques aux pressions de sélection exercées par les traitements. L'augmentation en fréquence des individus résistants peut conduire dans certaines conditions à une perte d'efficacité totale ou partielle des spécialités.

STRATÉGIE - Ceci implique d'utiliser les substances actives fongicides selon des stratégies antirésistance adaptées au cas par cas à la situation de résistance. Les stratégies antirésistance consistent à maximiser l'hétérogénéité de la sélection reçue par les populations, c'est-à-dire à déployer les matières actives de manière optimale dans l'espace et dans le temps, à une dose adéquate, afin d'en accroître la durabilité. Les mécanismes, caractéristiques et limites des stratégies de mélange, alternance, mosaïque et limitation de la dose sont présentés ici.

MOTS-CLÉS - Maladie, fongicides, résistance, stratégies, mélange, alternance, mosaïque, limitation de la dose.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : anne-sophie.walker@inra.fr

LIEN UTILE : www.vegephyl.fr

BIBLIOGRAPHIE : la bibliographie de cet article (sept références) est disponible dans la communication dont il est extrait (dans les annales de la 12e Cima, lien ci-dessus) ainsi que directement auprès de son auteur (contact ci-dessus).

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