Recherche

Le biocontrôle fait la part belle à la recherche moléculaire

CLAUDE ALABOUVETTE ET CHRISTELLE CORDIER, Agrene. - Phytoma - n°720 - janvier 2019 - page 10

À Perpignan, le congrès sur les produits de biocontrôle a mis en avant les dernières avancées, en particulier la compréhension des modes d'action et l'apport des nouvelles technologies.
De gauche à droite, Régis Berthelot (Arvalis et Elicitra), Laurent Augier (Pôle Agri Sud-Ouest Innovation), Xavier Py (UPVD), Claire Prigent-Combaret (CNRS) et Antoine Meyer (président d'IBMA France). Photo : M. Decoin

De gauche à droite, Régis Berthelot (Arvalis et Elicitra), Laurent Augier (Pôle Agri Sud-Ouest Innovation), Xavier Py (UPVD), Claire Prigent-Combaret (CNRS) et Antoine Meyer (président d'IBMA France). Photo : M. Decoin

Philippe Nicot, chercheur à l'Inra et président de l'OILB, lors de la session « Réglementation et protection intégrée ». Photo : M. Decoin

Philippe Nicot, chercheur à l'Inra et président de l'OILB, lors de la session « Réglementation et protection intégrée ». Photo : M. Decoin

3. Le thym, sous forme d'huile essentielle, est potentiellement actif contre certains pathogènes.      4. Des maladies et insectes du cacaoyer peuvent être maîtrisés par l'usage des substances de biocontrôle.

3. Le thym, sous forme d'huile essentielle, est potentiellement actif contre certains pathogènes. 4. Des maladies et insectes du cacaoyer peuvent être maîtrisés par l'usage des substances de biocontrôle.

 Photos : Pixabay

Photos : Pixabay

La quatrième édition du congrès « Natural Products and Biocontrol » s'est déroulée au palais des congrès de Perpignan du 25 au 28 septembre 2018. Elle a permis de faire un état des lieux en matière d'innovation dans ce domaine.

Les produits de biocontrôle

Convaincre tous les acteurs

Initié à l'origine par Cédric Bertrand au nom de l'association PO2N, le congrès « Natural Products ans Biocontrol » est actuellement soutenu par différents sponsors, dont en particulier IBMA. L'édition 2018 a inclus une session complète dédiée au RMT (réseau mixte technologique) Elicitra qui, outre les communications orales, a présenté un ouvrage intitulé Les stimulateurs de défense des plantes, panorama et solutions d'avenir, coédité avec l'Acta et distribué à tous les participants.

La séance inaugurale a donné la parole à Antoine Meyer, président d'IBMA France, qui a présenté les progrès réalisés dans la mise sur le marché de solutions de biocontrôle.

Son discours insistait sur la nécessité de convaincre les pouvoirs publics, les agriculteurs mais aussi les consommateurs de la nécessité d'accroître le recours aux solutions alternatives à la lutte chimique. L'augmentation notable des ventes de produits de biocontrôle ne doit pas masquer la part encore trop faible de ces produits dans le marché de la protection des plantes(1).

La loi et les marchés

Panorama complet

La première session, « Regulation and integrated pest management », était consacrée à la réglementation et la lutte intégrée. Philippe Nicot, chercheur à l'Inra et aussi président de l'OILB (Organisation internationale pour la lutte biologique et la production intégrée), a présenté la communication introductive.

Il a fait l'historique et dressé un panorama complet des recherches relatives au biocontrôle, soulignant les avancées mais aussi les difficultés tant technologiques que sociétales freinant l'adoption de la lutte biologique. Il a fait remarquer, à juste titre, que l'OILB avait été pionnière dans la promotion de la production intégrée... Celle-ci n'est autre que l'agroécologie actuellement développée par les instituts de recherche et prônée par les organismes officiels.

Philippe Nicot a enfin insisté sur la nécessité d'élaborer des modes d'emploi (guidelines) détaillés pour chaque produit de biocontrôle afin d'aider les agriculteurs à les mettre en oeuvre avec succès sur leurs exploitations.

Des mises sur le marché encadrées réglementairement

Une communication a ensuite présenté les évolutions des mises sur le marché des produits de biocontrôle depuis l'entrée en vigueur du règlement 1107/2009. Nous avons retenu que dix-sept substances de base, compatibles avec la définition française des produits de biocontrôle (substances naturelles, micro-organismes ou médiateurs chimiques), ont été approuvées depuis 2014 et sont utilisables sans AMM(2). D'autre part, treize substances à faibles risques, reconnues comme substances actives de biocontrôle ont été approuvées depuis 2015(3).

Pour ce qui est de la lutte intégrée, une communication a montré qu'il est possible de transférer d'un verger où elles sont très abondantes à un verger où elles sont rares deux espèces d'araignées prédatrices des oeufs et des larves de carpocapse.

Enfin, dans cette session, quatre communications ont été consacrées à des résultats d'essais visant à évaluer divers produits de biocontrôle ou d'inducteurs de résistance pour lutter contre le mildiou de la pomme de terre, le botrytis de la vigne, l'oïdium des céréales ou les maladies cryptogamiques des protéagineux.

Mécanismes de défense

Bacillus bénéfiques

La deuxième session portait sur les éliciteurs de défense des plantes et les défenses des plantes (« elicitors of plant defense and plant defenses »). Uwe Conrath, de l'université d'Achen, en Allemagne, a donné la communication introductive qui traitait de l'immunité des plantes et des mécanismes de priming.

La seconde communication intitulée « Stimulation de l'immunité des plantes par des Bacillus bénéfiques, mécanismes de la perception des surfactines » a été présentée par Marc Ongena, de l'université de Liège. Son équipe travaille depuis de nombreuses années au décryptage des signaux entre la plante et des Bacillus bénéfiques.

Les Bacillus produisent de très nombreuses substances antimicrobiennes, synthétisées soit par la voie ribosomale, soit de manière non ribosomale, et parmi ces dernières, les lipopeptides cycliques sont particulièrement intéressants. En effet, d'une part ils sont impliqués dans la compétence rhizosphérique et l'activité antagoniste directe, et d'autre part ils sont responsables de la stimulation de la résistance de la plante. Parmi ces composés, la surfactine a été identifiée comme responsable de l'induction systémique de résistance.

De manière générale, la première étape requise pour induire la résistance est la perception des éliciteurs désignés sous le terme de microbe-associated molecular patterns (MAMPs) au niveau de la membrane cellulaire. Les MAMPs produits par les agents pathogènes sont typiquement reconnus par des récepteurs spécifiques désignés sous le vocable de pattern recognition receptors (PRRs). Par contraste avec ces mécanismes bien décrits, les mécanismes impliqués dans la perception des éliciteurs secrétés par les bactéries bénéfiques sont encore obscurs.

Mécanisme de reconnaissance original

Combinant des approches faisant appel à la biochimie, à la biophysique et à la modélisation in silico, l'équipe de Marc Ongena a montré que la perception de la surfactine par la cellule de tabac ne fait pas appel à des récepteurs de reconnaissance « classiques » mais repose sur un mécanisme original, au niveau de la phase lipidique de la membrane plasmique de la cellule de la racine.

L'hypothèse est que l'insertion de la surfactine dans des nano-domaines spécifiques induit des réorganisations de la bi-couche lipidique de la membrane qui affectent la localisation et, de ce fait, activent des protéines impliquées dans les processus initiaux de la signalisation.

Ce mécanisme de reconnaissance indépendant des PRR expliquerait pourquoi les CLP agissent comme des agents priming de l'immunité des plantes, sans toucher la fitness mais avec une claire stimulation des substances antifongiques en réponse à l'infection. Cet exposé a été magnifiquement illustré de schémas aidant à la compréhension de ces mécanismes de reconnaissance originaux décrits pour la première fois.

Bactéries d'origine tellurique

Une des communications suivantes attirait l'attention sur les bactéries d'origine tellurique appartenant au groupe des Streptomyces. Alors que plusieurs souches sont exploitées pour produire des médicaments, seuls trois produits, dont deux disponibles en France, sont sur le marché des produits phytosanitaires de biocontrôle. Après avoir fait remarquer qu'il n'existe aucune espèce pathogène chez ces bactéries d'origine tellurique et qu'il demeure encore de nombreuses espèces non décrites, l'auteur présente les résultats acquis avec une souche de capable de coloniser intensément la surface et d'induire des réactions de défense chez Arabidopsis. L'analyse du transcriptome de la plante a montré l'induction des voies de l'acide salicylique, du jasmonate et de l'éthylène ouvrant des perspectives d'utilisation de cette bactérie comme agent de biocontrôle.

Fertilisation azotée

Une autre communication a montré comment la fertilisation azotée des plantes conditionne l'efficacité des éliciteurs de défense. Au champ, l'efficacité des éliciteurs présente une grande variabilité due à de nombreux paramètres agronomiques tels que la variété cultivée, le climat et les pratiques de l'agriculteur. Dans ce contexte, les auteurs ont cherché quel pouvait être l'impact de la fertilisation azotée sur l'élicitation des mécanismes de défense.

L'expérimentation a été conduite in vitro avec Arabidopsis et au terrain sur blé et vigne. Trois niveaux de fertilisation azotée (fertilisation suboptimale, optimale, ou surfertilisation) ont été appliqués. Les résultats acquis, tant au niveau moléculaire de l'expression de gènes marqueurs des réactions de défense qu'au terrain sur l'expression des maladies étudiées, confirment clairement l'importance de contrôler le niveau de fertilisation. Une meilleure efficacité des éliciteurs est observée lorsque la fertilisation azotée est optimale.

Les micro-algues aux nombreuses propriétés

Toujours au cours de cette session très riche, une communication a porté sur l'intérêt des micro-algues. Bien que la laminarine extraite d'une algue brune et élicitant les réactions de défense ait déjà démontré son intérêt pour lutter contre certaines maladies, son utilisation pourrait être limitée par des difficultés liées à l'approvisionnement en Laminaria digitata, macro-algue difficile à cultiver. C'est pourquoi les auteurs se sont intéressés aux micro-algues, faciles à cultiver et présentant une grande diversité de propriétés.

Les premiers résultats acquis avec la diatomée Phaeodactylum tricornutum ont montré qu'un extrait de culture induit des modifications de la structure des parois végétales et un dépôt de polysaccharide de défense dans les racines. Ces résultats invitent donc à poursuivre l'étude des effets potentiellement éliciteurs de cette micro-algue.

Puceron cendré

Une communication portait sur les mécanismes responsables de la résistance au puceron cendré (Dysaphis plantaginea) induite chez le pommier par l'ASM (acibenzolar-S-methyl), un analogue du salicylate. Les études ont montré que l'ASM agit principalement par antibiose et antixénose.

L'antibiose est due à une forte production d'une lectine spécifique ayant des propriétés toxiques alors que l'antixénose repose sur l'émission de sesquiterpènes répulsifs. Ces résultats fondamentaux permettront de mieux raisonner l'application d'éliciteurs dans une stratégie de lutte contre les maladies et les insectes ravageurs du pommier.

Micro- et macro-organismes

Pseudomonas insecticides

La troisième session était axée sur les micro- et macro-organismes de biocontrôle et leurs modes d'action (« Biocontrol microorganisms and macroorganisms and their mechanisms of action »).

Une première communication a été présentée par Christoph Keel, de l'université de Lausanne. Après avoir rappelé que les bactéries de la rhizosphère, en particulier les Pseudomonas des groupes protegens et chlororaphis, sont bien connues pour leurs capacités bénéfiques à contrôler des champignons pathogènes et des protistes, à stimuler la croissance des plantes et à induire les réactions de défense de la plante, l'équipe de Lausanne a montré que ces bactéries possèdent également des capacités insecticides vis-à-vis des larves de certains lépidoptères et diptères.

Après avoir été ingérées par les larves, ces Pseudomonas insecticides colonisent le tube digestif de l'insecte, franchissent la barrière intestinale, envahissent l'hémolymphe où elles prolifèrent et finissent par tuer les larves. Des travaux récents révèlent que ces Pseudomonas peuvent persister dans les différents stades de développement de l'insecte, atteindre le stade adulte et utiliser l'insecte adulte pour se disperser. Parmi les différents facteurs déterminant les propriétés insecticides de ces bactéries, il convient de citer une grosse protéine insecticide (Fit toxine) dont la production est activée lorsque la bactérie est dans l'insecte, mais elle n'est pas produite quand la bactérie est au contact des racines.

D'autres molécules extracellulaires telles que chitinase, phospholipase, lipopeptides cycliques et cyanure contribuent aux activités insecticides de ces bactéries. Des travaux sont en cours pour explorer les possibilités d'utiliser ces bactéries dans la lutte contre certains ravageurs comme la mouche du chou (Delia radicum) ou la chrysomèle du maïs (Diabrotica virgifera).

Peptides antimicrobiens en lutte biologique

La seconde communication introductive à cette session, donnée par Emilio Montesinos, de l'université de Gérone, traitait des peptides antimicrobiens (anti microbial peptides, AMPs) produits par des micro-organismes et potentiellement utilisables en lutte biologique.

Les micro-organismes produisent en effet une large gamme de peptides antimicrobiens tels que de petites bactériocines et des défensines fongiques synthétisées par la voie ribosomale ainsi que des peptaibols, des cyclopeptides et des pseudopeptides d'origine non ribosomale.

Ces métabolites secondaires sont produits par des champignons comme les Trichoderma, des bactéries telles que des Bacillus et des Pseudomonas et de manière plus générale, par la plupart des micro-organismes déjà commercialisés en tant qu'agents de biocontrôle. Il est donc possible d'envisager la production de telles molécules d'origine naturelle pour en faire la substance active de biopesticides.

Découvertes dans la rhizosphère

La communication suivante rapporte un travail conduit à l'université d'Utrecht qui établit que les communautés microbiennes dans la rhizosphère de la tomate évoluent en relation avec l'âge de la plante. Globalement, la diversité fonctionnelle augmente avec l'âge de la plante et les communautés « tardives » sont plus compétitives et plus antagonistes vis-à-vis de l'agent pathogène Ralstonia solanacearum que les communautés initiales de la rhizosphère.

Une équipe de l'université de Gérone s'est intéressée aux bactéries lactiques de la rhizosphère pour sélectionner des souches ayant des capacités antagonistes. Deux souches appartenant à l'espèce Lactobacillus plantarum ont été sélectionnées car elles présentent un large spectre d'activité antagoniste in vitro s'exprimant vis-à-vis d'Erwinia amylovora, de Pseudomonas syringae pv. actinidiae, de Xanthomonas arboricola pv. pruni et de Xanthomonas fragariae. La capacité de ces souches à protéger les plantes a été confirmée par des essais en serres et en champs.

Bactérie pour la vigne

Christophe Clément, de l'université de Reims, a ensuite résumé de manière magistrale les progrès accomplis par son équipe dans la compréhension des mécanismes qui font d'une souche endophyte de Paraburkholderia phytofirmans, un agent permettant de lutter à la fois contre des stress abiotiques et des stress biotiques affectant la vigne.

Les résultats montrent une excellente protection contre la pourriture grise, mais aussi un maintien de la physiologie de la plante soumise à un stress thermique. La photosynthèse d'une plante bactérisée soumise au froid reste comparable à celle de la plante témoin cultivée à température optimale (un prochain article de Phytoma sera consacré à ces travaux).

Bactérioses des plantes cultivées

Parmi les autres communications de cette session, nous avons relevé que ce sont toujours les Pseudomonas et les Bacillus qui sont les organismes antagonistes les plus étudiés, sur le plan fondamental comme sur le plan appliqué. Les autres organismes de biocontrôle étudiés sont Pythium oligandrum, Trichoderma spp, ainsi que des levures et des actinomycètes.

Plusieurs communications étaient consacrées à la recherche de moyen de lutte biologique contre les bactérioses des plantes cultivées. Il apparaît que les Pseudomonas et les Bacillus antagonistes sont bien moins efficaces contre les bactérioses que contre les maladies cryptogamiques. Pour lutter contre ces bactérioses, une stratégie de lutte originale consiste à perturber les signaux de communication impliqués dans l'expression de la virulence des bactéries pathogènes.

Ainsi, une souche de Rhodococcus erythropolis isolée de la rhizosphère de la pomme de terre est capable de dégrader la N-acyl-homoserine lactone qui est une molécule signal produite par de nombreuses bactéries pathogènes. La protection conférée par cette bactérie implique donc la dégradation du signal de quorum sensing.

Parmi les autres molécules naturelles étudiées, les lipopeptides retiennent l'attention. Ainsi, 161 souches de Pseudomonas parmi 754 souches éprouvées ont montré une activité antagoniste vis-à-vis de divers champignons phytopathogènes. L'activité antagoniste révélée dans le surnageant de culture a permis d'identifier de nouveaux lipopeptides potentiellement intéressants pour le biocontrôle.

Produits naturels

Extraits de plantes et huiles essentielles

La quatrième session, consacrée aux plantes et produits naturels utilisés comme produits de biocontrôle, a vu trois communications orales mais également un grand nombre d'affiches dont beaucoup évoquant les extraits de plantes et huiles essentielles.

Les trois communications orales ont concerné l'utilisation d'acides aminés pour lutter contre les adventices(4), l'effet de trois produits à base de coquilles d'huître broyées et d'extrait de neem pour lutter contre les maladies et insectes du cacaoyer en pépinière et, enfin, le mode d'action des oxylipides, molécules qui sont de potentielles substances actives de produits de biocontrôle. Notons simplement que ces extraits peuvent se montrer actifs contre certains insectes, nématodes, maladies et adventices.

Outre le neem, les plantes concernées sont principalement des plantes méditerranéennes telles que l'origan, le thym, la sarriette, mais aussi la menthe poivrée et diverses espèces d'apiacées et d'alliacées. Deux communications portaient sur l'utilisation potentielle de micro-algues et deux autres faisaient référence à l'utilisation des tanins de châtaignier.

Méthodes analytiques

La métabolomique en vedette

La cinquième et dernière session était consacrée à l'évaluation et aux méthodes d'analyse des produits de biocontrôle et à leur impact environnemental.

Dans sa communication introductive, Jean-Luc Wolfender, professeur de pharmacie à l'université de Lausanne et à l'université de Genève, a très brillamment montré comment les dernières avancées en métabolomique, et en particulier en matière d'annotation des métabolites et de réseaux moléculaires, permettent de déchiffrer les phénomènes clés de l'induction des mécanismes de défense.

Des innovations récentes pour réaliser le profilage des métabolites, alliées à des bio-essais, ont conduit à une nouvelle approche de l'étude des substances naturelles. Il est désormais possible, à partir de connaissances partielles de la structure des métabolites secondaires et d'une estimation de leurs niveaux dans les plantes ou les micro-organismes, de réaliser une étude approfondie du métabolome dans une perspective holistique. L'accumulation de données permet de dresser des cartes très précises des extraits naturels.

Une communication a ensuite décrit comment la production de métabolites secondaires des PGPR, impliqués dans le biocontrôle, est conditionnée par les exsudats racinaires de la plante. Des résultats obtenus avec le blé et des Pseudomonas prouvent l'importance de la variété de blé et suggèrent des interactions spécifiques souche bactérienne/génotype de la plante.

Mesurer les effets sur l'environnement

Deux communications ont traité de l'utilisation d'une méthode d'empreintes métaboliques pour évaluer l'effet des biopesticides sur l'environnement (Environmental Metabolic Footprinting, EMF).

Alors que l'emploi de biopesticides (produits naturels et micro-organismes) est recommandé, les méthodes d'évaluation de leur impact sur l'environnement, calquées sur celles des pesticides de synthèse, ne leur sont absolument pas adaptées.

Cette méthode EMF a été utilisée pour comparer les effets non intentionnels sur l'environnement d'un insecticide, la cypermétrine, et d'un produit à base de Bacillus thuringiensis var. israelensis pour lutter contre des moustiques. La méthode a permis de mettre en évidence les effets sur l'environnement aussi bien du produit de synthèse que du produit naturel, et de montrer qu'il n'y a pas résilience 150 jours après l'application de Bti. Il convient donc de poursuivre les études sur une période plus longue, de l'ordre de 300 jours, pour espérer observer la résilience.

Récemment, cette même approche métabolomique, faisant appel à la chromatographie liquide couplée à la spectrométrie, a été utilisée pour analyser les effets sur l'environnement d'un bio-herbicide à base d'un extrait de Myrica gale contenant de la « Myrigalone A » et d'autres molécules non identifiées. L'approche métabolomique appliquée aux sédiments révèle la présence du biopesticide mais aussi des métabolites secondaires. Ceci en fait une méthode de choix pour étudier les effets non intentionnels des biopesticides.

Enfin, une autre communication a présenté différentes méthodes utiles à l'étude des peptides non ribosomaux aux propriétés biologiques variées, et en particulier une base de données, « Norine », rassemblant plus de 1 200 annotations de peptides non ribosomaux.

Conclusion

La recherche avance vite

Au regard du congrès précédent, nous avons remarqué les avancées spectaculaires en matière de compréhension des modes d'action des molécules et des agents de biocontrôle. Ces progrès ont été réalisés grâce au recours aux méthodes moléculaires et en particulier à la protéomique et à la métabolomique couplées à d'importantes banques de données et de puissants moyens de calcul.

Peu d'avancées réelles pour la pratique

Par opposition à ces progrès de la recherche fondamentale, nous n'avons pas noté d'avancées réelles en matière de nouveaux produits de biocontrôle, ni d'application des solutions de biocontrôle dans les conditions de la pratique agricole. Il semble toujours exister un fossé entre recherche et applications.

Le projet Elicitra avait pour mission de combler ce fossé en ce qui concerne les stimulateurs de défense des plantes. Parmi les derniers chapitres de l'ouvrage publié par le réseau Elicitra et disponible aux éditions de l'Acta, l'un s'intitule Passer du labo au terrain : pas toujours simple, un autre Intégrer les SDP dans les systèmes de culture. Nous conseillons au lecteur de se procurer ce document pour s'informer des avancées et limites dans le domaine de l'utilisation des éliciteurs afin de lutter contre les maladies et ravageurs des cultures.

(1) Voir « Marché du biocontrôle : la croissance se confirme », Phytoma n° 716, août-septembre, p. 11 à 13. (2) : NDLR : à l'heure où nous mettons sous presse, trois autres substances ont rejoint la liste qui comporte donc désormais vingt noms. Voir Phytoma n° 717, octobre 2018, p. 5.(3) NDLR : elles sont quatorze à l'heure où nous écrivons ces lignes. Voir Phytoma n° 717, octobre 2018, p. 5.(4) Voir Alabouvette C. et Morris C., 2018, « Lutte biologique contre une plante parasite en Afrique », Phytoma n° 713, avril 2018, p. 52-55.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Le 4e congrès « Natural Products and Biocontrol » (à Perpignan, du 25 au 28 septembre) a permis de faire le point sur les avancées en matière de biocontrôle.

THÈMES ABORDÉS - Les cinq sessions thématiques de ce congrès portaient sur :

- la réglementation (internationale et européenne) liée à l'IPM, protection intégrée, et au biocontrôle ;

- les substances à effet éliciteur (notamment stimulateur de défense des plantes) ;

- les micro-organismes et macro-organismes utilisables comme outils de biocontrôle ;

- les produits naturels ;

- les méthodes analytiques, avec notamment les avancées récentes en métabolomique.

MOTS-CLÉS - Biocontrôle, congrès, IBMA (International Biocontrol Manufacturers Association), Po2N, IPM (integrated pest managment), réglementation, éliciteurs, Elicitra, micro-organismes, macro-organismes, produits naturels, analyses, métabolomique.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : c.ala@free.fr

LIENS UTILES : https://biocontrol2018.fr

RÉFÉRENCES DES COMMUNICATIONS DE M. CONRATH ET M. WOLFENDER :

- Schillheim et al. (2018), Plant Physiol. 176:2395-2405; Martinez-Medina et al. (2016), Trends Plant Sci.21:818-822.

- Conrath and Reimer-Michalski (2016) Sem. Immunol. 28:319-327.

- Conrath et al. (2015), Annu. Rev Phytopathol. 53:97-119.

- Schilling et al. (2015), BMC Plant Biol. 15:282.

- Jaskiewicz et al. (2011), EMBO rep. 12:50-55.

- Conrath (2011) Trends Plant Sci. 16:524-531.

- Beckers et al. (2009), Plant Cell 21:944-953.

- Beckers and Conrath(2007), Curr. Opin. Plant Biol. 10:425-431.

- Conrath et al., (2006) Molec. Plant-Microbe Interact. 19:1 062-1 071.

- Conrath et al., (2002) Trends Plant Sci. 7:210-216.

- Allard P.-M. et al., Curr. Opin. Biotechnol. 2018, 54, 57-64.

- Allard P. M. et al., Anal. Chem. 2016, 88, 3 317-3 323.

- Wolfender J.-L. et al., J Chromatogr A 2015, 1 382, 136-164.

- Olivon F. et al., ACS Chem Biol 2017, 12, 2 644-2 651.

- Chahtane H. et al. eLife 2018, 7, e37 082.

L'essentiel de l'offre

Phytoma - GFA 8, cité Paradis, 75493 Paris cedex 10 - Tél : 01 40 22 79 85