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Travail du sol et couverts quels effets sur les adventices ?

PASCALE METAIS*, FANNY VUILLEMIN** ET STÉPHANE CORDEAU*** *Arvalis-Institut du végétal. **Terres Inovia. ***Agroécologie/Inra/Dij - Phytoma - n°720 - janvier 2019 - page 35

La pratique des couverts se développe. Son influence sur les adventices et les interactions avec le travail (ou le non-travail) du sol ont été étudiées.
Différents couverts. Phacélie/féverole : 1. bien couvrant ; 2. peu couvrant.       3 à 6. Essai CIMS Inra Dijon : 3. témoin sol nu avec adventices ;      4. phacélie/sorgho fourrager ;      5. vesce commune/millet des oiseaux ;       6. millet/vesce/trèfle d'Alexandrie/féverole/crotalaire/moutarde brune/navette/nyger. Photos : S. Cordeau - Inra 2018

Différents couverts. Phacélie/féverole : 1. bien couvrant ; 2. peu couvrant. 3 à 6. Essai CIMS Inra Dijon : 3. témoin sol nu avec adventices ; 4. phacélie/sorgho fourrager ; 5. vesce commune/millet des oiseaux ; 6. millet/vesce/trèfle d'Alexandrie/féverole/crotalaire/moutarde brune/navette/nyger. Photos : S. Cordeau - Inra 2018

Fig. 1 : Effet des couverts sur les adventices et repousses       A. Densité à l'interculture de repousses (céréales ou pois) et d'adventices.       B. Densité d'adventices en culture de pois selon la culture intermédiaire. (Essai espèce, Boigneville, Essonne).

Fig. 1 : Effet des couverts sur les adventices et repousses A. Densité à l'interculture de repousses (céréales ou pois) et d'adventices. B. Densité d'adventices en culture de pois selon la culture intermédiaire. (Essai espèce, Boigneville, Essonne).

Fig. 2 : Biomasse du couvert opposée à celle des adventices      Taux de couverture du sol par les adventices en décembre, en l'absence de traitement herbicide antidicotylédones, en fonction de la biomasse fraîche (matière fraîche, MF) de colza + couvert associé en entrée hiver.

Fig. 2 : Biomasse du couvert opposée à celle des adventices Taux de couverture du sol par les adventices en décembre, en l'absence de traitement herbicide antidicotylédones, en fonction de la biomasse fraîche (matière fraîche, MF) de colza + couvert associé en entrée hiver.

Fig. 3 : Effet de la date et de la dose de semis du couvert       Relations entre la date et densité de semis et la biomasse du couvert, en fonction du site (NY, MD) et de la date de destruction du couvert. D'après Mirsky et al., 2017 (Stéphane Cordeau 2018).

Fig. 3 : Effet de la date et de la dose de semis du couvert Relations entre la date et densité de semis et la biomasse du couvert, en fonction du site (NY, MD) et de la date de destruction du couvert. D'après Mirsky et al., 2017 (Stéphane Cordeau 2018).

Fig. 4 : Interaction entre travail du sol et couvert      Densité d'adventices en interculture (séneçon principalement) en fonction de la modalité de travail du sol et de couverture du sol à l'interculture (moyenne 2012 à 2014, essai « environnement » de Boigneville).

Fig. 4 : Interaction entre travail du sol et couvert Densité d'adventices en interculture (séneçon principalement) en fonction de la modalité de travail du sol et de couverture du sol à l'interculture (moyenne 2012 à 2014, essai « environnement » de Boigneville).

Fig. 5 : Effet d'un couvert associé au colza avec ou sans travail du sol       Nombre (moyenne et écart type) d'adventices selon les couverts associés et les modalités de travail du sol, en l'absence de traitements herbicides :  Fev = feverolle. W = travail du sol. Fenu = fenugrec. Lent = lentille. GFL = gesse fenugrec lentille. VpVc = vesce pourpre + vesce commune. VVT = vesce pourpre + vesce commune + trèfle d'Alexandrie. A : géraniums mesurés en octobre 2012 (Berry AC 2013).  B : gaillets mesurés en septembre 2010 (Berry LS 2011). Quitte à ne pas labourer, mieux vaut ne pas bouleverser le sol.

Fig. 5 : Effet d'un couvert associé au colza avec ou sans travail du sol Nombre (moyenne et écart type) d'adventices selon les couverts associés et les modalités de travail du sol, en l'absence de traitements herbicides : Fev = feverolle. W = travail du sol. Fenu = fenugrec. Lent = lentille. GFL = gesse fenugrec lentille. VpVc = vesce pourpre + vesce commune. VVT = vesce pourpre + vesce commune + trèfle d'Alexandrie. A : géraniums mesurés en octobre 2012 (Berry AC 2013). B : gaillets mesurés en septembre 2010 (Berry LS 2011). Quitte à ne pas labourer, mieux vaut ne pas bouleverser le sol.

Dans l'optique de réduire l'usage des herbicides tout en mettant en oeuvre une gestion des adventices suffisamment efficace, la régulation biologique par les couverts apparaît comme une solution agroécologique avantageuse.

Pourquoi cette étude ?

Les couverts, une pratique qui gagne du terrain

Les plantes de couvert sont de plus en plus présentes dans les systèmes de culture, sous différentes formes : cultures intermédiaires multiservices (pièges à nitrates, engrais vert, etc.), couverts associés aux cultures (ex. : plantes compagnes du colza notamment), voire couverts permanents ou semi-permanents dans certains cas.

Ces couverts sont agencés dans des rotations plus ou moins diversifiées et dans des systèmes ayant un recours au travail du sol plus ou moins important : labour, techniques culturales simplifiées, semis-direct.

Quelles interactions couverts/travail du sol ?

L'évolution des stratégies de travail du sol et de couverture des sols sont en interaction et influent sur la gestion de la flore adventice, sans qu'il soit toujours aisé de démêler leurs effets, d'autant plus dans des contextes de production variés.

Dans le cadre du projet ANR CoSAC, cette étude vise à analyser et à quantifier les effets des couverts, couplés à différents niveaux de travail du sol, sur la flore adventice.

L'objectif est de mettre en évidence les avantages et inconvénients de ces pratiques et préciser les conditions permettant d'en faire des leviers mobilisables pour la gestion agroécologique des adventices. Pour ce faire, plusieurs types d'essais ont été utilisés : des essais ou réseaux d'essais factoriels annuels, des essais factoriels de longue durée et des essais systèmes.

Effet des couverts sur les adventices

Effets positifs et négatifs possibles

L'introduction de couverts dans les systèmes de culture peut avoir plusieurs effets positifs sur la gestion de l'enherbement :

- cela peut modifier les conditions physico-chimiques du milieu pour limiter les germinations d'adventices, constituer une barrière physique (ex. : mulch) à l'émergence des adventices ;

- cela peut augmenter la compétition pour les ressources hydriques, minérales et lumineuses réduisant leur croissance et développement.

La mise en place des couverts peut néanmoins limiter le recours aux faux semis en interculture, souvent utilisés pour déstocker des graines adventices. De plus, s'il est mal détruit ou s'il graine, le couvert peut devenir une adventice dans la culture suivante. Notre synthèse de résultats d'essais met en évidence que la capacité d'un couvert à limiter la densité de repousses de culture ou d'adventices est très variable selon les sites et les années. Toutefois, quelques grandes tendances en ressortent.

Des effets visibles dans le couvert, moins dans la culture suivante

Il apparaît que l'effet du couvert est surtout visible pendant la durée de présence du couvert, mais peu ou pas dans les cultures suivantes. Testée sur deux essais de longue durée (<2265> 10 ans), la présence de couvert, en comparaison d'un sol nu, diminue de manière significative la densité de repousses de culture (céréales ou protéagineux, selon les années et les essais) en interculture (Figure 1A).

La densité adventice est également plus faible en présence de couvert qu'en sol nu, uniquement démontré (différence significative) si le couvert est une moutarde blanche fertilisée (Figure 1A).

Cependant, aucune différence de densité adventice entre la situation couvert ou sol nu n'a été observée dans la culture suivante (Figure 1B).

Un réseau d'essais sur colza a permis d'évaluer l'impact de l'implantation de couverts associés au colza sur les adventices. Dans ces essais, on observe que le taux de couverture du sol par les adventices en décembre est plus faible dans les modalités colza associés par rapport aux colzas seuls. Aucune différence significative de densité d'adventices dans la culture suivant un couvert ou un sol nu n'a été mise en évidence sur l'essai PIC-Adventices (Inra Dijon). Cet essai compare des systèmes de culture à faible niveau d'usage d'herbicide, chacun dédoublé avec ou sans culture intermédiaire avant culture de printemps ou d'été (treize situations entre 2007 et 2017).

Enfin, un essai conduit par l'université de Cornell (Ithaca, État de New York, États-Unis) a comparé l'effet de plusieurs systèmes de culture qui suivent un gradient d'intégration de couvert sur la flore adventice. Pour cela, les différents systèmes ont été conduits en parallèle pendant dix ans, puis une culture d'avoine a été implantée sur tout l'essai, suivie par un sorgho. On observe dans cet essai que le stock semencier présent au bout de dix ans de différenciation des systèmes est très significativement différent selon les systèmes. Des différences de flores levées en fonction des systèmes, bien que moins prononcées, sont visibles dans l'avoine. Cependant, cet effet s'estompe rapidement et n'est plus visible dans le sorgho, pas moins d'un an après.

Des effets dépendant de la biomasse de couvert produite

Dans les différents essais étudiés, les différences de densité ou biomasse adventice entre les modalités d'espèces de couvert testées sont rarement significatives. Par contre, des corrélations négatives sont observées entre la densité d'adventices ou leur taux de couverture et la biomasse de couvert.

Dans l'interculture, plus une culture intermédiaire se développe rapidement et fortement, plus il y aura un effet suppresseur sur les repousses et adventices. Dans les colzas associés, c'est la biomasse totale de couvert et de colza en entrée hiver qui est le plus important pour maximiser la régulation des adventices. Dans les essais, l'effet du couvert associé sur le développement des adventices est marqué à partir d'une biomasse fraîche totale (colza + couvert) de 1,5 kg/m² en entrée hiver (Figure 2).

Afin de produire un maximum de biomasse de couvert, l'agriculteur peut jouer sur plusieurs facteurs : la date de semis, la densité de semis et la date de destruction. Semer le plus tôt possible après moisson est crucial pour l'installation dans beaucoup de systèmes et de contextes pédoclimatiques. Opter pour un semis-direct opportuniste, même dans un système avec travail du sol, permet de semer dans l'humidité résiduelle post-récolte et rapidement. Une étude menée en collaboration avec l'université de Cornell (Ithaca, New York, États-Unis) et l'USDA (Beltsville, Maryland, États-Unis) sur la vesce velue, a montré que les semis les plus précoces permettent d'obtenir une plus forte biomasse.

Il est néanmoins possible de compenser des dates de semis tardives en augmentant la densité de semis pour obtenir un niveau de biomasse équivalent (Figure 3). Ce genre d'abaque en couvert monospécifique et plurispécifique serait nécessaire en France, dans des contextes climatiques différents.

Des effets variables selon l'intensité de travail du sol

Plusieurs essais de longue durée à Boigneville montrent une interaction entre l'effet des cultures intermédiaires et celui du travail du sol sur la densité des adventices : les différences entre sol nu et couvert augmentent lorsque l'intensité du travail du sol diminue (Figure 4).

En effet, le labour gomme les faibles différences d'infestation entre sol nu et couvert. C'est particulièrement visible dans l'essai « environnement » de Boigneville, où le séneçon commun mal géré à l'interculture dans les couverts est ensuite très présent en culture en semis direct alors qu'il est nettement moins développé après labour ou sol nu.

Les couverts sont donc un pilier de la gestion des adventices dans les systèmes en semis direct, il faut veiller à ne pas laisser les adventices à cycle très court grainer dans les couverts.

Effet du travail du sol sur les adventices

Plus influent que les couverts

Les adventices semblent beaucoup plus fortement touchées par le travail du sol que par les couverts. Un essai travail du sol, en place à Boigneville depuis 1971, compare trois intensités de travail du sol (labour, travail superficiel, semis direct) dans trois successions culturales distinctes (monoculture de blé, rotation maïs-blé, rotation betterave-blé-colza-orge de printemps). Dans cet essai, la modalité labour est systématiquement moins infestée en adventices que les autres modalités.

En monoculture de blé, le ray-grass s'est développé de façon exponentielle dans le travail superficiel et, dans une moindre mesure, en semis direct, conduisant à la destruction de la culture en place en 2010, avant grenaison du ray-grass. Mais, depuis, la mise en place d'une nouvelle succession culturale et l'adaptation du programme de désherbage ont permis de revenir à une situation de faible infestation sans modification du régime de travail du sol. Dans les autres rotations, les niveaux d'infestation sont mieux contenus, mais significativement plus élevés en semis direct qu'en labour. Les différences sont d'autant plus prononcées que la flore dominante est constituée de graminées (ray-grass dans la monoculture de blé, panics et sétaires dans la rotation maïs-blé).

En situation sans labour, plusieurs essais annuels ont montré que les densités d'adventices en culture sont moins nombreuses lorsque le semis se fait sans bouleversement du sol. Par exemple, les colzas seuls (sans plantes compagnes) implantés en semis direct à faible vitesse (5 à 6 km/h) présentent moins d'adventices que ceux semés après travail du sol (Figure 5). D'autres essais sur le blé montrent également une plus faible densité de levées de ray-grass après un semis au semoir de semis direct qu'avec un semoir combiné à un outil de travail du sol.

La période à laquelle est effectué le travail du sol a également un impact sur la communauté adventice présente. Un essai, mené en collaboration avec l'université de Cornell, a consisté à travailler le sol tous les quinze jours au cours d'une année culturale et observer les levées d'adventices provoquées par chaque travail du sol, sur quatre sites représentant un gradient climatique.

Cette étude montre que la date de travail du sol influence à la fois le nombre d'espèces et l'abondance totale de la flore adventice. Elle a aussi mis en évidence qu'il existe de manière constante trois périodes (c'est-à-dire trois ensembles de dates de travail du sol) qui conduisent aux mêmes communautés adventices. Ces trois périodes sont le travail du sol précoce au printemps (fin avril, mai), le travail du sol d'été (fin mai, juin et juillet) et le travail du sol de fin d'été ou début d'automne (août, septembre, octobre). Néanmoins un décalage de quelques semaines de la date de travail du sol peut entraîner une modification importante des densités adventices.

Conclusion

D'après la synthèse des résultats d'une grande diversité d'essais analysés dans cette étude incluse dans le projet ANR CoSAC, les couverts, qu'il s'agisse de ceux d'interculture ou de couverts associés au colza, ont une influence sur la flore adventice susceptible d'être présente en même temps qu'eux : ils peuvent contribuer à limiter ses levées et son développement. En revanche, aucun effet n'a pu être mesuré dans les cultures suivantes : c'est une flore différente effectuant son cycle à une autre période de l'année que celle où les couverts étaient en place et, souvent, la préparation du sol au semis ou le désherbage a « remis la flore à zéro ».

L'effet du type de travail du sol sur la flore est plus marqué mais dépend également de sa date de réalisation. Les essais de Boigneville confirment que le labour est un élément important pour gérer la flore adventice, surtout graminée.

Cette synthèse montre aussi que, en situations de non-labour, le semis direct sans flux de terre limite les levées davantage que le travail superficiel. Les interactions entre travail du sol et couverts (associés ou d'interculture) sont fréquentes et complexifient l'identification des effets singuliers. Néanmoins l'effet des couverts est plus visible en semis-direct, faisant des couverts un pilier fort de la régulation biologique dans ces systèmes.

D'autres éléments viennent influencer le développement des adventices (climat, type de sol, culture en place, historique de la parcelle, etc.). Ceci impose de raisonner les stratégies de gestion des adventices à l'échelle du système de culture, en gardant la flexibilité et l'opportunisme nécessaires pour continuer de surprendre les adventices.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - En grandes cultures, réduire l'usage des herbicides sans perte inacceptable de rendement implique de maîtriser la flore adventice en faisant jouer diverses méthodes. Parmi elles, les couverts végétaux (à l'interculture ou durant la culture) et le mode de gestion du sol peuvent avoir une influence et interagir.

ÉTUDE - Dans le cadre du projet ANR CoSAC, les résultats d'essais préexistants (essais systèmes factoriels annuels, factoriels de longue durée) ont été réanalysés pour évaluer les effets des facteurs « couverts » et « travail du sol ».

RÉSULTATS - La présence et le type de couvert jouent un rôle sur les adventices et repousses durant la période de présence du couvert. Leur influence dans la culture suivante est minime, sauf dans le cas du semis direct. Le labour est efficace sur graminées. En non-labour, le semis direct sans bouleversement du sol limite mieux les levées d'adventices que le travail du sol superficiel.

MOTS-CLÉS - Adventices, couverts végétaux, travail du sol, labour, TCS (techniques culturales simplifiées), semis direct, projet ANR CoSAC.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACTS : p.metais@arvalis.fr

f.vuillemin@terresinovia.fr

stephane.cordeau@inra.fr

LIEN UTILE : www.projet-cosac.fr

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