DOSSIER

La réglementation actuelle cadre la future gamme phyto

MARIANNE DECOIN, Phytoma. - Phytoma - n°721 - février 2019 - page 18

Plusieurs décisions réglementaires prises au niveau européen vont avoir un impact sur l'offre en produits phytopharmaceutiques destinés à la pomme de terre.
 En agriculture biologique, l'utilisation du cuivre est indispensable à la lutte contre le mildiou. Photo : Pixabay

En agriculture biologique, l'utilisation du cuivre est indispensable à la lutte contre le mildiou. Photo : Pixabay

> En un an, deux nouvelles substances de biocontrôle ont été approuvées, contre trois non-renouvellements de substances conventionnelles.   Photo : Pixabay

> En un an, deux nouvelles substances de biocontrôle ont été approuvées, contre trois non-renouvellements de substances conventionnelles. Photo : Pixabay

Comment la gamme des produits phyto(1) disponibles sur pomme de terre va-t-elle évoluer ? Sans prétendre tout prévoir, évoquons ici des évolutions rendues possibles, voire dûment programmées, par des textes européens d'ores et déjà publiés.

Approbations nouvelles

Micro-organismes potentiellement utilisables sur pomme de terre

Tout d'abord, deux des cinq nouvelles substances actives phyto approuvées par l'Union européenne depuis début 2018 sont potentiellement utilisables sur pomme de terre(2). Toutes deux sont des micro-organismes.

Il s'agit de :

- la souche PN1 de Pasteuria nishizawae ; cette bactérie est utilisée comme bionématicide sur soja hors d'Europe ; elle pourrait l'être sur betterave et pomme de terre ; elle a été approuvée par un règlement de septembre 2018(3) ;

- la souche PPRI 5339 de Beauveria bassiana ; ce champignon entomopathogène approuvé tout récemment par un règlement de janvier 2019(4) est autorisé comme bio-insecticide en Autriche ; il est par ailleurs connu dans le monde pour compter la teigne de la pomme de terre Phthorimaea operculella parmi ses cibles.

Cet insecte ravageur des tubercules stockés n'est pas redouté en France. En Europe, il semblerait poser problème seulement au Portugal et en Grèce. Aujourd'hui, oui... Mais demain, avec le réchauffement climatique, qui sait ? Phytoma aura-t-il à reparler de ces deux substances dans un avenir plus ou moins proche ? Tout est supposable !

Approbations renouvelées

Le cuivre, seul antimildiou UAB

Plus près de la pratique, les renouvellements d'approbations de substances actives permettent de sécuriser des autorisations actuelles et de prévoir des développements de produits. La plus récente, et la plus connue du grand public, est celle du cuivre et ses composés, publiée en décembre 2018(5) (Tableau 1). Ce minéral est la substance active de divers fongicides autorisés sur pomme de terre comme antimildiou UAB, c'est-à-dire officiellement reconnus comme utilisables en agriculture biologique - ce qui, faut-il le rappeler, n'interdit pas leur application en agriculture conventionnelle.

Il est difficile de s'en passer dans la lutte contre le mildiou de la pomme de terre en agriculture biologique car il n'existe pas d'autre produit antimildiou UAB. Certes, les agriculteurs peuvent disposer d'un autre levier, celui de la résistance variétale, qui est bien utile pour réduire le nombre de traitements antimildiou. Mais d'une part elle ne suffit pas toujours, d'autre part elle peut être contournée par des souches de Phytophthora infestans, l'agent du mildiou. Un minimum de traitement fongicide est recommandé, ne serait-ce que pour prévenir ces contournements de résistance.

Par ailleurs, le cuivre peut être utile également en agriculture conventionnelle en appui aux fongicides conventionnels, notamment pour prévenir ou gérer les phénomènes de résistance de P. infestans à ces fongicides, en particulier les unistes. Lui, c'est un multisite. Aucun mildiou n'a jamais su lui résister.

Doses et durée réduites

À l'heure où nous mettons sous presse, cette réapprobation n'a pas abouti à l'autorisation de nouveaux produits cupriques sur pomme de terre, contrairement à d'autres cultures (p. 6 et 7 de ce numéro). Mais, au moins, les produits actuellement utilisés ne sont plus menacés d'interdiction.

Cependant, attention : la dose maximale de cuivre métal applicable à l'hectare a diminué. Elle n'est plus que de 4 kg/ha/an en moyenne pendant sept ans, soit 28 kg/ha au total sur sept campagnes, de 2019 à 2025 inclus. Auparavant, la limite était de 6 kg/ha/an moyennés sur trois ans. D'autre part, il faut noter que cette réapprobation ne sera valable que sept ans, précisément jusqu'au 31 décembre 2025.

Deux autres renouvellements

Deux autres renouvellements d'approbation concernent des substances utilisées sur pomme de terre (Tableau 1).

L'une d'elles est encore un antimildiou, c'est la zoxamide. Elle a été réapprouvée pour quinze ans, soit jusqu'au 30 juin 2033. En France, elle n'est disponible qu'associée à d'autres substances. Sur pomme de terre, il s'agit soit de cymoxanil, soit de mancozèbe. À noter que le cymoxanil est approuvé jusqu'au 31 août 2021 et le mancozèbe jusqu'au 31 janvier 2020.

L'autre substance est destinée au défanage. Nommée carfentrazone-éthyl, elle est proposée en solo dans deux produits. La durée de sa réapprobation est là aussi de quinze ans, soit jusqu'au 31 juillet 2033.

Cette réapprobation est bienvenue car le nombre de modes d'action différents disponibles pour le défanage de la pomme de terre est restreint : il n'y en a plus que deux ! Le premier est donc représenté par la carfentrazone-éthyl, et l'autre par l'acide pélargonique qui est à la base d'un des rares herbicides-dessicants-défanants de biocontrôle du marché.

Non-renouvellements

Défanage : exit le diquat

En effet, l'Union européenne a aussi, en 2018, refusé de renouveler l'approbation d'une autre substance autorisée pour le défanage de la pomme de terre. Il s'agit du diquat. La décision de non-renouvellement a été publiée en octobre (Tableau 2).

À l'heure où nous mettons sous presse, les produits contenant du diquat sont encore sur le marché français, le site E-Phy en fait foi. Mais leurs AMM (autorisations de mise sur le marché) devront être retirées au plus tard le 4 mai prochain. Tout délai de grâce pour l'utilisation ne pourra pas dépasser le 4 février 2020. Autrement dit, les produits devraient être encore utilisables pour défaner les pommes de terre de la campagne 2019, mais après, c'est terminé !

Or, par ailleurs, le glufosinate-ammonium, autre substance qui fut utilisée en défanage de la pomme de terre, a lui aussi été retiré du marché français. Une décision de l'Anses prise en 2017 avait programmé son interdiction. Aujourd'hui elle est effective : les AMM ont été retirées en janvier 2018 et l'utilisation, encore possible en 2018, est interdite depuis le 24 octobre dernier.

Cette décision franco-française n'a fait qu'anticiper l'interdiction dans toute l'Union européenne : aujourd'hui, le glufosinate n'est plus approuvé, ce qui interdit les produits contenant cette substance.

Fénamidone et pymétrozine en sursis

Le non-renouvellement de la fénamidone (Tableau 2) est un événement de moindre importance : d'une part, les deux fongicides antimildiou autorisés en France n'y sont plus commercialisés, selon nos sources, d'autre part il reste de nombreux autres fongicides autorisés contre la maladie.

Le non-renouvellement de la pymétrozine, publié en octobre dernier (Tableau 2), est plus lourd de conséquences. Il affecte la protection contre les pucerons, et donc la prévention des viroses qu'ils transmettent. Les AMM des insecticides contenant la substance sont encore valables au moment où nous écrivons ces lignes, mais elles devront être retirées d'ici le 30 avril 2019. L'utilisation ne pourra pas être possible après le 30 janvier 2020. L'Anses n'a pas le droit de reporter ces échéances, mais rien ne lui interdit de les devancer.

Et les « néonics » ?

De plus, il faut souligner que les insecticides à base de néonicotinoïdes sont interdits d'emploi en France depuis septembre dernier. Or certains étaient autorisés sur pommes de terre.

(1) Dans cet article, phyto = phytopharmaceutique. (2) Les trois autres ont pour noms fenpicoxamide (fongicide céréales, approuvé en septembre 2018), Metschnikowia fructicola souche NRRL Y-27328 (biofongicide vin, fraise, pêche, approuvé en décembre 2018) et Beauveria bassiana souche IMI389521 (bio-insecticide grain en post-récolte).(3) Approbation de la souche PN1 de P. nishizawae comme substance phyto à faible risque : règlement n° 2018/1278 du 21 septembre 2018, au JOUE, Journal officiel de l'Union européenne, du 24 septembre. (4) Approbation de la souche PPRI 5339 de B. bassiana comme substance phyto : règlement n° 2019/147 du 30 janvier 2019, au JOUE du 31. (5) Règlement n° 2018/1981 du 13 décembre 2018, au JOUE du 14 décembre.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Des décisions réglementaires prises aujourd'hui dessinent le paysage de la gamme phyto de demain. C'est le cas pour la pomme de terre.

APPROBATIONS - Ainsi, parmi les approbations de substances actives phytopharmaceutiques survenues depuis un an, celles de la souche PN1 de Pasteuria nishizawae et de la souche PPRI 5339 de Beauveria bassiana ouvrent la porte à des produits de biocontrôle utilisables sur pomme de terre.

RENOUVELLEMENTS - Trois des renouvellements d'approbation obtenus depuis un an intéressent les cultures de pomme de terre. Ils confortent les autorisations des produits qui les contiennent. Ce sont ceux du cuivre, de la zoxamide et de la carfentrazone éthyl

RETRAITS - En revanche, des refus de renouvellements d'approbation de plusieurs substances vont faire retirer du marché les produits contenant ces substances. Ils touchent le diquat (de toute façon interdit par décision franco-française), ainsi que la pymétrozine et la fénamidone. Les interdictions des néonicotinoïdes aussi concernent la pomme de terre.

MOTS-CLÉS - Pomme de terre, réglementation, substances actives phyto (phytopharmaceutiques), approbations, biocontrôle, Pasteuria nishizawae, Beauveria bassiana, renouvellements, cuivre, zoxamide, carfentrazone-éthyl, retraits, diquat, fénamidone, pymétrozine, néonicotinoïdes.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIENS UTILES : site E-Phy : https://ephy.anses.fr/

Journal officiel européen : https://eur-lex.europa.eu/oj/direct-access.html?locale=fr

UE Pesticide Data Base, base de données des autorités européennes sur les pesticides phytopharmaceutiques : http://ec.europa.eu/food/plant/pesticides/eu-pesticides-database/public/?event=activesubstance.selection&language=EN

BPDB (Bio-Pesticide DataBase) base de données des bio-pesticides) de l'université du Hertfordshire : https://sitem.herts.ac.uk/aeru/bpdb/index.htm

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