Surveillance

Clés pour gérer les résistances des maladies de la vigne

MARIANNE DECOIN, Phytoma. - Phytoma - n°721 - février 2019 - page 38

En quoi l'édition 2019 de la note commune sur les résistances des maladies de la vigne diffère-t-elle de celle publiée l'an passé ? Analyse.
Le mildiou, en réalité son agent P. viticola, a vu évoluer en 2018 ses résistances à certains fongicides. De ce fait, les conseils de gestion sont modifiés.  Photo : L. Wangermez

Le mildiou, en réalité son agent P. viticola, a vu évoluer en 2018 ses résistances à certains fongicides. De ce fait, les conseils de gestion sont modifiés. Photo : L. Wangermez

Le conseil phytosanitaire séparé de la vente des produits phytopharmaceutiques existe déjà ! Notamment au travers des « notes communes » publiées par des groupes d'experts indépendants des structures vendeuses des produits. Voyons ce qu'il en est pour la vigne en 2019.

Orientation générale

Prophylaxie et gestion des produits : des principes constants

La « Note technique commune résistances 2019 - maladies de la vigne : mildiou, oïdium, pourriture grise, black-rot », en accès libre sur plusieurs sites (Végéphyl, ÉcophytoPIC, R4P...), rappelle, comme tous les ans, des principes de protection intégrée.

Cela commence par la prophylaxie : limiter la vigueur des plantes si nécessaire, éviter la formation de mouillières dans les parcelles, éliminer les rejets, raisonner les rognages, aérer les grappes (en réglant éventuellement le matériel pour limiter les blessures), maîtriser les vers de la grappe.

Cela continue par les principes généraux de « gestion de la résistance ». Il s'agit de la gestion des applications de fongicides face aux phénomènes de résistance. La note conseille de limiter les traitements et de pratiquer l'alternance entre modes d'action. Les rédacteurs signalent les limites de l'association pour la gestion des résistances et la difficulté d'orchestrer la stratégie de mosaïque.

Cette édition 2019 présente une nouveauté : elle donne, pour chaque famille de produits citée, les codes correspondants dans la classification du Frac(1) et dans celle du R4P(2).

Mildiou

QiI et QioI : les résistances progressent

À l'issue de la campagne 2018, il est clair que Plasmopara viticola, l'agent du mildiou, a vu progresser ses résistances à divers modes d'action fongicides. C'est le cas des QiI que sont l'amisulbrom et la cyazofamide, et dans une moindre mesure du QioI (auparavant écrit QoI-D ou QoSI) qu'est l'amétoctradine. Certes, la présence de résistances était déjà connue :

- pour les QiI, une résistance spécifique a été soupçonnée après la campagne 2015 (voir la note 2016) et avérée à l'issue de la campagne 2016 (voir note 2017) mais jusqu'ici sans baisse d'efficacité notée ;

- le QioI est lui aussi en butte à une résistance spécifique, différente de celle aux QiI mais elle aussi soupçonnée après la campagne 2015 et avérée après celle de 2016 ;

- une résistance non spécifique par respiration alternative affecte depuis 2010 les produits agissant sur la respiration cellulaire, c'est le cas des QiI et QioI ;

Mais aucune baisse d'efficacité n'était rapportée jusqu'en 2017 inclus (voir note 2018).

Aujourd'hui c'est différent. D'abord, les deux types de résistance ont encore progressé. Cela s'est produit :

- dans le Grand Ouest et le Nord-Est pour les QiI ;

- surtout dans le Sud-Ouest et dans une moindre mesure en Champagne pour le QioI (présence globalement plus faible que celle de la résistance aux QiI).

Surtout, selon la note, il existe une « baisse d'efficacité rapportée en essai » pour la résistance non spécifique, et une « baisse d'efficacité suspectée » pour la résistance spécifique à ces trois substances actives.

Les conseils évoluent pour les QiI et le QioI, mais aussi les QoI-P

La note 2019 conseille, pour la campagne qui vient, de ne pas dépasser une application de produits à base de QiI, tout comme de QioI. L'an dernier, le nombre maximal était deux par mode d'action...

S'y ajoute un conseil inédit : dans les vignobles concernés, ne pas appliquer le QiI ou QioI choisi en solo mais l'associer à un autre mode d'action efficace.

Dernier point, les QoI-P (azoxystrobine et pyraclostrobine), déjà notés comme insuffisants l'an dernier, sont désormais « non recommandés sur mildiou ».

Autres évolutions

Il existe d'autres nouveautés antimildiou dans la note 2019. D'abord, il est arrivé un nouveau mode d'action, abrégé en OSBPI, avec l'oxathiapiproline. Une résistance spécifique à cette substance existe dans le monde mais n'a pas été trouvée en France. Les conseils pour prévenir son arrivée sont de ne pas dépasser deux applications par an, et de n'appliquer le produit qu'associé à un autre.

Une autre évolution concerne la résistance au fluopicolide, seul représentant des acylpicolides. C'est une résistance spécifique au mécanisme encore inconnu. Elle progresse dans le Sud-Ouest et en Bourgogne-Franche-Comté mais la fréquence reste faible, sans baisse d'efficacité rapportée. Les recommandations sont les mêmes que l'an dernier : se limiter à une application par an et éviter de l'utiliser face à un fort risque mildiou.

La dernière évolution touche la zoxamide, pour laquelle il n'y a pas de résistance détectée en France mais qui est désormais signalée comme « unisite à risque de résistance spécifique ». En 2019, il est préconisé « de préférence trois applications au maximum ».

Oïdium

QoI-P, SDHI, amidoxines, recommandations

Les évolutions concernant l'oïdium sont moins importantes. À noter cependant :

- même si la résistance aux QoI-P est stabilisée, elle reste élevée et ce mode d'action est désormais « non recommandé sur oïdium »... comme sur mildiou ;

- concernant les SDHI, si l'on utilise le boscalide sur oïdium, il faudra s'en passer sur botrytis ;

- du côté des amidoxines, la recommandation est « de préférence une seule application » de leur seul représentant le cyflufénamide (pas de conseils particuliers l'an dernier).

Botrytis

Maladie aux abonnés absents

Quant au botrytis, la pression de maladie a été si faible qu'il n'a même pas été possible de réaliser des prélèvements pour évaluer l'évolution des résistances ! De ce fait, la prescription reste de ne pas dépasser une application par saison de chaque mode d'action (pas de boscalide s'il a déjà été appliqué contre l'oïdium).

Quatre nouveaux dont trois de biocontrôle

La seule nouveauté vient de l'autorisation de quatre antibotrytis dont trois de biocontrôle. Deux déclinent chacun une souche différente de la bactérie Bacillus amyloliquefaciens. Il s'agit des souches MBI600 et D747. Les produits commerciaux sont reconnus UAB (utilisables en agriculture biologique) et listés « biocontrôle L. 253-5 ».

Le troisième associe l'eugénol, le géraniol et le thymol. Lui aussi est listé biocontrôle L. 253-5 mais pas encore UAB (sa reconnaissance a été demandée).

Enfin, le dernier produit est à base d'isofétamide, substance nouvelle mais mode d'action connu : c'est un SDHI comme le boscalide déjà autorisé contre le botrytis.

Black-rot : une première

Prise en compte a priori

La dernière nouveauté de la note 2019 est la création d'un chapitre sur le black-rot.

Cette maladie estimée jusqu'ici secondaire semble un brin émergente ces derniers temps dans divers vignobles. Elle était gérée en même temps que le mildiou ou l'oïdium, mais commence à occasionner des traitements spécifiques, c'est-à-dire dont elle est la cible principale, voire unique. Il n'existe encore aucun monitoring de ses résistances éventuelles. Alors, pourquoi en parler ?

Le but est de « proposer des règles d'emploi des substances actives utilisables sur black-rot en tenant compte des résistances sur mildiou et oïdium ».

Préconisations d'application

Les conseils de la note sont donc :

- pour les QoI-P (azoxystrobine, krésoxim-méthyl, pyraclostrobine et trifloxystrobine), application spécifique possible, association avec un anti-oïdium possible si risque oïdium ; association avec un anti-mildiou de contact si risque mildiou ;

- concernant les IDM, alias IBS du groupe I (difénoconazole, fenbuconazole, myclobutanil, penconazole, tébuconazole et tétraconazole), application spécifique black-rot possible en période de moindre sensibilité de la vigne à l'oïdium (après fermeture de la grappe) ;

- pour les multisites, applications spécifiques possibles lorsque l'applicateur juge bon de le faire...

Tout ceci en respectant les délais d'emploi avant récolte, mais c'est une autre histoire !

(1) Frac : Fungicide Resistance Action Committee. Détails p. 17.(2) R4P : Réseau de réflexion et de recherches sur les résistances aux pesticides.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - La « Note technique commune résistances 2019 - maladies de la vigne » fait le bilan de l'évolution des résistances de ces maladies aux fongicides en 2018 et des préconisations.

ÉTAT DES LIEUX - Le fait le plus marquant est l'évolution des résistances de Plasmopara viticola, agent du mildiou, aux QiI et dans une moindre mesure aux QioI, avec pour la première fois des baisses d'efficacité suspectées. Par conséquent, le nombre maximal d'applications de ces produits conseillé diminue. Un nouveau mode d'action antimildiou (OSBPI) est présenté. Les préconisations sur l'oïdium évoluent vers de nouvelles restrictions. Celles sur le botrytis changent peu vu la quasi-absence de la maladie, la seule nouveauté étant l'arrivée de quatre produits dont trois de biocontrôle. La note contient, c'est inédit, des conseils contre le black-rot.

MOTS-CLÉS - Vigne, maladies, mildiou, oïdium, botrytis, black-rot, fongicides, résistances, monitoring, préconisation.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIENS UTILES : www.frac.info

www.r4p-inra.fr/fr/home

www.afpp.net/apps/accesbase/bindocload.asp?d=8178&t=0&identobj=HeebxSoJ&uid=57305290&sid=57305290&idk=1

http://viticulture.ecophytopic.fr/sites/default/files/actualites_doc/NC2019_mildiou_o%C3%AFdium_botrytis_blackrot_vigne_0.pdf

L'essentiel de l'offre

Phytoma - GFA 8, cité Paradis, 75493 Paris cedex 10 - Tél : 01 40 22 79 85