DOSSIER - Bonnes pratiques :les faire connaître

Adivalor vise le recyclage maximal

MARIANNE DECOIN, journaliste. - Phytoma - n°722 - mars 2019 - page 46

La filière de collecte et valorisation de déchets agricoles, dont ceux liés à la protection phytosanitaire, se développe contre vents et marées.
Plastiques agricoles triés, mis en sacs et prêts pour la collecte, coordonnée par Adivalor. Photo : Adivalor

Plastiques agricoles triés, mis en sacs et prêts pour la collecte, coordonnée par Adivalor. Photo : Adivalor

Au moment où Adivalor a été créé en 2001, la signification de son sigle semblait un peu décalée par rapport à la réalité de son activité. En 2019, elle est parfaitement adaptée.

La collecte des déchets

Récit des origines

Le sigle d'Adivalor s'explicite en « Agriculteurs, Distributeurs, Industriels (ce qui convient depuis le début) pour la VALORisation des déchets agricoles ». Mais, en 2003, il s'agissait seulement de deux types de déchets bien particuliers, à savoir :

- les PPNU, produits phyto(1) non utilisables ; à l'époque, il fallait se débarrasser des stocks « historiques » accumulés dans les exploitations depuis des années ;

- certains EVPP, emballages vides de produits phyto, mais seulement les bidons plastique de contenance inférieure ou égale à 25 litres jusqu'en 2003 inclus ; les emballages plastique plus volumineux et les emballages métalliques et papier/carton n'ont commencé à être collectés qu'à partir de fin 2003-début2004(2).

De plus, jusqu'en 2007 inclus, la valorisation des EVPP était seulement énergétique : ces plastiques étaient brûlés pour produire de l'énergie dans des incinérateurs agréés pour ce type de déchets.

La situation en 2018

Quinze ans après, le bébé a bien grandi ! Aujourd'hui, Adivalor coordonne la collecte de diverses catégories d'emballages et plastiques agricoles, totalisant 77 000 tonnes en 2018, en augmentation par rapport aux 76 000 tonnes collectées en 2017(3). Plus précisément, il s'agit :

- toujours des EVPP avec 84 % du « gisement » de ces emballages produits dans l'année (pour mémoire, la collecte de l'année civile 2003 ne concernait que les bidons plastique de 25 litres au maximum et représentait 25 % de ce gisement) ;

- des emballages de semences certifiées ;

- des emballages vides de produits d'hygiène d'élevage (EVPHEL) ;

- des films et assimilés, soit les bâches d'ensilage et d'enrubannage, les couvertures de serre et tunnels plastique et les films de paillage utilisés notamment en maraîchage ;

- des FIFU, ficelles et filets usagés (ficelles, filets paragrêle, filets des balles rondes de fourrage) ;

- des emballages d'engrais et amendements : big bags, bidons et sacs plastique.

À noter que 2019 voit le lancement de la collecte des emballages vides de produits oenologiques et d'hygiène de cave, démarrée depuis le 1er janvier, et celle des gaines souples d'irrigation programmée à partir du 1er avril. Mais nous sortons là du domaine des produits phyto. Ce n'est pas tout. Pierre de Lépinau, directeur général d'Adivalor, explique : « En parallèle, Adivalor étoffe son éventail de solutions pour la collecte de déchets classés comme dangereux. » Il s'agit :

- bien entendu des PPNU (220 tonnes en 2018 contre 195 en 2017) ;

- des résidus de certains procédés de traitement des effluents phyto(4) ;

- de certains EPI-U (équipements de protection individuelle usagés).

Trois procédés de traitement des effluents voient leurs résidus collectés. Il s'agit d'Heliosec, Osmofilm et Ecobang, qui fonctionnent tous en déshydratant les effluents. De plus, Axe Environnement, qui commercialise plusieurs procédés dont le nouveau Phytosec, nous signale : « La convention avec Adivalor pour la reprise des déchets solides issus du système Phytosec est en cours de signature. Celle-ci sera opérationnelle durant le mois de mars. »

Par ailleurs, la collecte des EPI-U que sont les combinaisons textiles normalisées pour l'application de traitements phyto, qui a démarré en 2016(5), se développe : 26 tonnes collectées en trois ans dont 10 tonnes en 2018. Le périmètre de collecte couvre donc les combinaisons textiles lavables en plus des EPI plastique tels que gants, bottes, lunettes et tabliers de protection plastique.

Saga du recyclage

Le succès des bidons

Point important, ces matières collectées sont désormais au maximum recyclées. Cela a commencé par une campagne d'encouragement et d'aide au rinçage et égouttage des EVPP type bidon plastique.

En 2008, grande première, 500 tonnes de ces bidons garantis correctement rincés avaient pu être recyclés en gaines électriques ou mandrins(6). En 2009, les tonnages étaient de 800 tonnes recyclées sur 5 300 tonnes collectées, soit 15 % de la collecte estimée à 5 300 tonnes cette année-là(7).

Progressivement, avec l'amélioration des pratiques de rinçage et d'égouttage de ces bidons, leur taux de recyclage a augmenté. Il a atteint 92 % en 2018. Beau succès, il paraît difficile de faire mieux.

Pourtant, pour Pierre de Lépinau, « des marges de progrès subsistent. » Pourquoi, comment ? « Les exigences réglementaires vont croissant. Nous devons veiller à ce que les bidons plastique soient impeccablement rincés après leur vidange. Cela nécessite une sensibilisation permanente aux bonnes pratiques de rinçage, l'équipement systématique à terme des pulvérisateurs avec des rince-bidons (cela manque pour les pulvérisateurs anciens et la majorité des appareils utilisés en vigne et arboriculture), des emballages et des formulations de produits faciles à rincer. »

Films de paillage, le casse-tête chinois

Du côté des plastiques agricoles usagés, la situation est plus compliquée. On pouvait parler de succès jusqu'en 2017 : plus de 90 % des films de paillage collectés cette année-là en France ont pu être recyclés. Mais, le 1er janvier 2018, le plan National Sword décrétée par la Chine est entré en vigueur et a ébranlé cette belle organisation : l'activité chinoise de traitement des films industriels et commerciaux européens a été stoppée.

En effet, jusqu'en 2017 inclus, c'est la Chine qui recyclait la majeure partie de ces films. Notre continent croule donc aujourd'hui sous les stocks de films plastique industriels et commerciaux usagés. Leur prix de reprise baisse fatalement, entraînant avec lui un effondrement du prix des matières recyclées. Ces plastiques étant propres, ils sont plus faciles et moins coûteux à recycler que les films de paillage pour le maraîchage. C'est ce qui a provoqué la fermeture de l'usine Sopave, en Aveyron, spécialisée dans le recyclage de ces films.

Et en Chine, que se passe-t-il ? Faut-il lier ce fait à la décision affichée par le gouvernement mandarin d'arriver à recycler 80 % de ses films plastique de paillage agricoles en 2020 ? C'est un des volets d'un plan interministériel chinois annoncé en novembre dernier. Il s'agit notamment de diminuer l'utilisation des engrais et pesticides agricoles (signalé dans l'éditorial de notre précédente édition), mieux valoriser les pailles après moisson, maîtriser la consommation d'eau d'irrigation et, donc, recycler les « plastic mulch films », en anglais sinisant dans le texte... Sachant que, selon China Daily, source quasi officielle de cette information(8), l'utilisation des engrais, des pesticides et des films de paillage n'a cessé d'augmenter en Chine jusqu'à présent, il y a de quoi saturer les usines chinoises de recyclage de plastique !

Quoi qu'il en soit, cela a un impact sur l'ensemble de la filière. « Alors que la collecte progresse chaque année - bravo aux agriculteurs et aux distributeurs collecteurs -, le recyclage, aujourd'hui, devient notre maillon faible », déplore Pierre de Lépinau.

Préparer l'avenir

Filière européenne souhaitée

Malgré cette crise, les collectes se poursuivent, même si elles aboutissent à des stockages temporaires. Adivalor et le CPA (Comité des plastiques agricoles) cherchent à préparer l'avenir.

Pour Pierre de Lépinau, il est clair que « nous devons organiser une filière européenne d'économie circulaire ». Et d'ajouter : « Cette crise, car c'est une véritable crise, offre l'opportunité d'une réaction, d'une ré-européanisation de nos moyens. Nous ne pouvons plus dépendre des volte-face de la Chine ou d'autres grands pays émergents. Peu importe qu'il s'agisse ou non d'évolutions justifiées ! »

Pour que le système soit équilibré et économiquement viable, il faut assurer aux plastiques recyclés un marché porteur en volume et en prix. Il faut donc boucler la boucle. « Il est impératif de développer rapidement l'utilisation en Europe des matières plastiques recyclées. Le recyclé entre en force dans les emballages de notre quotidien. Il faut également qu'il le fasse dans la filière agricole : housses de palette, emballages. Les industriels du plastique agricole sont à la pointe puisqu'ils se sont engagés sur un taux de 25 % d'incorporation de granules recyclés dans les produits neufs à l'horizon 2025. »

Pourrait-on aller jusqu'à utiliser des matériaux recyclés pour les emballages de produits phytopharmaceutiques eux-mêmes ? Selon Pierre de Lépinau, c'est d'autant plus possible que... « cela se fait déjà au Brésil.Sous l'égide de l'Inpev(9), c'est-à-dire l'Adivalor brésilien, une usine fabrique des bidons plastique de 20 litres en multicouches, la couche médiane étant en recyclée. Bilan : économie de 50 % de plastique neuf ! » Des idées pour demain...

Déchets à recycler : augmentation globale et arrivée de nouveaux types

Mais en attendant, comment diminuer le taux de matières à recycler ? L'agroécologie, le biocontrôle et le développement de l'agriculture biologique ne le permettent pas forcément. « Prenons les EVPP, par exemple. L'agriculture biologique utilise des produits pondéreux (cuivre, soufre), donc avec de grands volumes d'emballages, et/ou peu persistants (soufre, pyréthrines naturelles), par conséquent qui doivent être appliqués plus souvent. Tout cela génère de grands volumes d'EVPP. » Mais elle bannit les herbicides... « Pour les remplacer souvent par du paillage plastique, notamment en maraîchage. » Celui-ci n'est pas forcément du plastique à recycler, il peut être biodégradable ? Certes, et ce dernier est appelé à se développer, mais actuellement il est nettement plus cher...

De plus, « la protection intégrée, l'agriculture biologique, le biocontrôle, tout cela génère des déchets particuliers, différents des plastiques agricoles car ils contiennent d'autres matériaux, mais eux aussi à collecter et recycler ». Par exemple ? « Les pièges à phéromones pour le monitoring, les pièges type "attract and kill" et les diffuseurs de phéromones pour la confusion sexuelle, tout cela se développe en protection intégrée et biologique et doit être collecté et traité à part des EVPP classiques. »

Adivalor a accompagné une expérimentation de récupération de ruches à bourdons pollinisateurs initiée par la société Koppert - il ne s'agit pas de produits de protection des plantes, mais les enseignements de ce travail seront utiles aussi pour ce secteur.

Pierre de Lépinau insiste : « La priorité pour nous tous sera désormais de veiller à une bonne éco-conception des intrants, y compris leurs emballages, c'est-à-dire concevoir chaque produit et son emballage pour qu'ils génèrent un minimum de déchets, et que ces derniers soient 100 % recyclables. »

Que penser du biodégradable ?

« Le biodégradable, c'est-à-dire, pour l'agriculture, le compostable en conditions naturelles, est une solution à privilégier pour des produits difficiles à collecter en fin de vie : c'est le cas déjà de certains clips de palissage pour la vigne et, bien entendu, pour les films de paillage : la nouvelle génération de films répondant à la norme EN 17033 se développe, avec des résultats techniques concluants, sur de nombreuses cultures. » Cela existe aussi pour certains diffuseurs de trichogrammes et, concernant les phéromones de confusion sexuelle, à côté des diffuseurs faciles à récupérer et réutilisables (« puffers »), certaines sociétés travaillent sur des diffuseurs biodégradables. Cependant, Pierre de Lépinau alerte : « Ne pas confondre le "biodégradable", qui peut se composter, avec le "biosourcé", à base de matières végétales... mais qui n'est pas forcément biodégradable. »

Quant aux films plastique agricoles oxo-fragmentables, qui se délitent en minuscules fragments, invisibles à l'oeil nu mais parfaitement persistants, donc polluants, « en 2020 au plus tard, ils appartiendront au passé », promettait Paul Cammal, président du CPA, lors d'une conférence de presse à l'occasion du Sival, le 16 janvier dernier. Une excellente nouvelle.

Un contrat de solutions

Adivalor a donc élaboré la « fiche 35 » du contrat de solutions de la profession agricole, dont le ministre chargé de l'agriculture a signé le préambule le 25 février lors du Salon de l'agriculture 2019.

Les objectifs sont :

- de mettre en place de nouvelles solutions de collecte et de recyclage des déchets issus de l'emploi de nouveaux produits ou équipements utilisés pour réduire les utilisations, les impacts et les risques relatifs aux produits phytopharmaceutiques conventionnels (filets insect-proof, Alt'Carpo...) ;

- d'inciter à inscrire les bonnes pratiques de gestion des déchets dans toutes les démarches de qualité ou de certification environnementale, pour la production et les services, pour contribuer à la valorisation des démarches de qualité filière et territoires ;

- de viser un taux de collecte de plus de 90 % sur l'ensemble du territoire afin de limiter le risque d'abandon de déchets dans l'environnement ou le mélange avec les ordures ménagères.

L'atteinte de ce dernier objectif nécessitera une forte augmentation du taux de collecte dans les régions à fort potentiel et affichant une performance de collecte inférieure à la moyenne nationale. Il s'agit de la Provence-Alpes-Côte d'Azur et de l'Occitanie, qui sont aussi les plus consommatrices d'emballages papier/carton.

Laissons le mot de la fin à Pierre de Lépinau : « Le contrat de solutions est une formidable initiative pour avancer ensemble, de façon volontaire, dans l'intérêt des différentes filières de production de la Ferme France. La prise en compte systématique de la gestion des déchets et du recyclage nous permettra d'améliorer encore la performance de notre filière volontaire et de consolider l'exemplarité de l'agriculture française dans la gestion de ses déchets. »

(1) Phyto = phytopharmaceutique. (2) Collecte EVPP grands emballages et métal carton/papier, voir « Gérer les emballages vides et les produits phytosanitaires avec Adivalor », Phytoma n° 569, mars 2004, p. 24 à 30 et « Adivalor : le point », Phytoma n° 582, mai 2005, p. 56. (3) Chiffres de 2017. Voir : « Adivalor : l'aide à la gestion des déchets progresse », Phytoma n° 712, mars 2018, p. 40 à 43. (4) Collecte déchets traitements des effluents, voir « Adivalor, dernier maillon mais maillon fort », Phytoma n° 626-627, octobre 2009, p. 42 à 44 (à l'époque, il s'agissait seulement des saches usagées et chargées en résidu sec du procédé Osmofilm, collectées à partir du 1er octobre 2009).(5) Collecte EPI-U, voir « Adivalor lance la récolte des EPI usagés, entre autres gisements », Phytoma n° 693, avril 2016, p. 44 à 46. (6) Début de recyclage des EVPP : « Adivalor, dernier maillon mais maillon fort », Phytoma n° 626-627, octobre 2009, p. 42 à 44.(7) Suite du recyclage des EVPP : « Collecter après le traitement : panorama d'Adivalor », Phytoma n° 634, mai 2010, p. 45 à 48. (8) Article de Hou Liquiang, édition du 9 novembre.(9) Instituto Nacional de Processamento de Embalagens Vazias.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Depuis 2003, Adivalor a étoffé sa collecte aussi bien en volume qu'en gamme. Aux EVPP (emballages vides de produits phytosanitaires) s'ajoutent les emballages de semences, de fertilisants, les ficelles, les filets, les films...

Et en plus des PPNU (produits phyto non utilisables), Adivalor récupère les résidus de certains procédés de traitement des effluents phyto et certains EPI-U (équipements de protection individuelle usagés).

ENJEUX - La profession joue le jeu et les volumes collectés ne cessent d'augmenter.

C'est à la fois une réussite et un défi à surmonter, car les obstacles existent, comme l'arrêt de l'activité chinoise de traitement des films plastique européens ou encore l'arrivée de nouvelles catégories de produits à recycler : pièges, diffuseurs...

Les solutions passent par la mise en place d'une filière européenne de l'économie circulaire et la prise en compte systématique de la gestion des déchets et du recyclage, de l'amont jusqu'à l'aval.

MOTS-CLÉS - Adivalor, déchets agricoles, PPNU, EVPP, EPI-U, emballages, filets, ficelles, films, collecte, recyclage, valorisation, effluents phytosanitaires.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACTS : v.vidril@gfa.fr

p.delepinau@adivalor.fr

LIENS UTILES : www.adivalor.fr

www.contratsolutions.fr

https://inpev.org.br/index

BIBLIOGRAPHIE : voir notes (2), (3), (4), (5), (6) et (7).

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