ACTUS

RÉSISTANCES L'EFFICACITÉ DES PESTICIDES, UN « BIEN COMMUN » À PRÉSERVER

Phytoma - n°723 - avril 2019 - page 4

À l'occasion des JÉR 2019, une idée forte ressort : la nécessité de gérer durablement l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, pour préserver leur efficacité.

æLes Journées d'échanges sur les résistances aux produits de protection des plantes (JÉR), organisées tous les deux ans par le réseau R4P(1), permettent de mieux comprendre les mécanismes de la résistance aux produits phytopharmaceutiques (PPP), d'avoir un état des lieux par segment de marché (fongicide, insecticide, herbicide) ainsi que des pistes sur les stratégies à mettre en oeuvre pour prévenir et gérer ces résistances. Elles s'adressent à tous les professionnels agricoles. Les JÉR 2019, les 14 et 15 mars dernier à l'Inra de Versailles, ont rassemblé une centaine de participants.

æ« Les mutants sont parmi nous. » Cette formule humoristique de Christophe Délye (Inra-Dijon) a le mérite de souligner que « les produits phyto ne fabriquent pas les résistances ». Des bioagresseurs mutants résistants sont présents à des fréquences indétectables dans les parcelles avant même tout emploi d'un produit de traitement. Les substances actives exercent une pression de sélection en éliminant les bioagresseurs sensibles sans tuer les individus mutants résistants. Ces derniers se multiplient alors dans la parcelle, traitement après traitement - et d'autant plus rapidement en l'absence de stratégie de déploiement raisonné des substances actives (SA) -, jusqu'à entraîner une perte de contrôle. Les mécanismes de résistance, variés, peuvent être liés à la cible de la SA (altération de la cible, surexpression) ou non liés à la cible (limitation de la pénétration de la substance, inactivation, métabolisation, séquestration, contournement, efflux accru). La résistance peut être croisée ou multiple, être plus ou moins forte (facteur de résistance), avoir un effet pléiotrope (« coût » de la résistance)(2).

æPour limiter la sélection des résistances aux PPP, les stratégies consistent à utiliser, en fonction des bioagresseurs, des méthodes de lutte qui ne sélectionnent pas les mutants résistants : désherbage mécanique, travail du sol, rotations, lutte variétale (en veillant à prévenir également le contournement des gènes de résistance des variétés)... En cas de décision de traitement, il faut ralentir le plus possible la sélection des résistants en optimisant, dans le temps et dans l'espace, l'emploi de SA à leur dose adaptée, présentant des modes d'action différents. Il peut s'agir d'utiliser des associations de PPP, d'alterner les produits chronologiquement (stratégie d'alternance) ou géographiquement au sein du territoire (stratégie de mosaïque)(3)... Cela nécessite de bien connaître le mode d'action des PPP utilisés. Il peut être partagé par des produits appartenant à des segments de marché différents, comme le met en avant la classification unique de R4P(2). L'efficacité des applications (qualité de la pulvérisation, dose...) est aussi cruciale pour réduire le risque de sélection de résistances non liées à la cible.

æEn ce qui concerne la gestion de résistances, les stratégies sont les mêmes que pour la prévention, mais certains produits ne sont plus efficaces. Idéalement, la gestion doit être précoce, quand les résistants sont encore en faible fréquence dans les parcelles. D'où l'intérêt de disposer de tests de détection des résistances fiables et précis, mais également de se donner les moyens d'un échantillonnage adapté. Les plans de surveillance pilotés par le ministère de l'Agriculture permettent un suivi public des résistances et la mise en évidence de nouveaux cas.

æLes risques de sélection de résistance augmentent du fait de la diminution du nombre de modes d'action disponibles et, par voie de conséquence, de la « surexploitation » de ceux qui restent. L'efficacité des produits devient ainsi une ressource rare dans certaines filières, un bien commun qu'il convient de préserver collectivement. Cette approche nécessiterait toutefois l'implication active de toutes les parties prenantes : scientifiques, agriculteurs, fabricants, distributeurs, politiques, etc. Une idée à suivre en cette période de grands débats ?

(1) Réseau de réflexion et de recherches sur les résistances aux pesticides. Fondé en 2011, il est composé de neuf scientifiques de l'Inra, de l'Anses et de la DGAL et animé par Anne-Sophie Walker et Christophe Délye.(2) « Une classification unifiée des produits de protection des plantes », Phytoma n° 716, août-septembre 2018, p. 42-46.(3) « Comment prévenir et gérer la résistance aux fongicides ? » Phytoma n° 719, décembre 2018, p. 28-33.

POUR EN SAVOIR PLUS

E-mail : contact-r4p@inra.fr

Classification universelle des PPP en libre accès : www.r4p-inra.fr/fr/classification-des-ppp/ ou https://osf.io/ubhr5

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