DOSSIER

Glyphosate : chronique d'une molécule herbicide

ALAIN RODRIGUEZ(1), LUDOVIC BONIN(2), CHARLÈNE BURIDANT(3), FRANCK DUROUEIX(4), RÉMY DUVAL(5), LISE GAUTELLIER-VIZIOZ(6), JÉRÔME LABREUCHE(6), BENJAMIN PERRIOT(6) ET FANNY VUILLEMIN(7), D'APRÈS UN ARTICLE RÉDIGÉ POUR LA 24E CONFÉRENCE DU COLUMA SUR LA LUT - Phytoma - n°729 - décembre 2019 - page 18

En quelques décennies, le glyphosate s'est imposé comme un outil incontournable de gestion des adventices.
 1. Travail du sol superficiel : préparation avant semis, faux semis, déstockage...

1. Travail du sol superficiel : préparation avant semis, faux semis, déstockage...

 2. Chardon des champs. Photos : A. Rodriguez - Acta

2. Chardon des champs. Photos : A. Rodriguez - Acta

Avant l'arrivée des herbicides, la lutte contre la flore adventice reposait essentiellement sur le choix des successions culturales : alternance de cultures étouffantes et salissantes, introduction de plantes dites sarclées et pratique régulière du labour. Dès les années 1970, les tous premiers herbicides non sélectifs utilisés hors culture (diquat et paraquat) ont permis de réduire le nombre de passages de travail du sol et d'augmenter les surfaces cultivées en optimisant les itinéraires techniques. Le glyphosate a été commercialisé dès 1975.

Un herbicide foliaire systémique non sélectif

Élimination des vivaces

Le glyphosate (N-phosphonométhyl glycine) est un herbicide foliaire systémique non sélectif à large spectre (Acta, 2019) développé par Monsanto (brevet 1969, AMM n° 1974, domaine public en 2000). Son usage initialement orienté vers la lutte contre les espèces vivaces fut très rapidement étendu à la gestion des salissements dans l'interculture.

Dès sa mise sur le marché, il connut un grand succès grâce à ses propriétés intrinsèques. Le glyphosate pénètre exclusivement par voie foliaire ; il est sans effet sur les plantes voisines non touchées par la pulvérisation et sur les plantes émergeant après le traitement. De plus, après pénétration dans le végétal, il est rapidement véhiculé par la sève vers les zones en croissance, y compris celles des organes souterrains (rhizomes, racines...).

Une telle propriété lui confère un avantage unique pour éliminer les adventices vivaces avec une très bonne régularité d'action. La lutte contre les vivaces est devenue beaucoup plus efficace qu'avec les herbicides existants (Ambolet et al., 2007) et a réduit les populations à des seuils largement acceptables (Arvalis 2003, communication personnelle).

Gestion des intercultures

En parallèle de la gestion des vivaces, le glyphosate est devenu un outil majeur de lutte contre les repousses et les adventices difficiles en interculture. Ce nouvel usage a été renforcé et généralisé après la mise en place des jachères liée à la politique agricole commune de 1992 (Citron et al., 1995). À partir de cette période, le labour systématique a été progressivement abandonné pour réduire les charges de mécanisation et répondre à une volonté d'améliorer la qualité des sols. Cette évolution fut permise par le recours au glyphosate. Une enquête très récente du réseau Dephy Ferme (Dephy Ferme, 2018) « grandes cultures et polyculture-élevage » indique que cet herbicide est aujourd'hui presque exclusivement utilisé pour la destruction de couverts, le désherbage avant semis et la destruction des prairies temporaires.

Du succès à la controverse

Des avantages techniques et économiques

Le glyphosate a donc été très largement utilisé pendant plusieurs décennies, pour répondre à des contraintes techniques (lutte contre les adventices annuelles et vivaces, réussite des systèmes en non-labour, voire semis direct) et économiques (le glyphosate garantit la maîtrise des coûts de ces techniques en limitant les charges de mécanisation).

Vers le retrait de la molécule

Cependant, il s'est retrouvé au premier plan de l'actualité le 12 mars 2015 quand le Centre international de recherche sur le cancer (Circ - agence émanant de l'Organisation mondiale de la santé, OMS) déclare le glyphosate « cancérogène probable » pour l'homme (Decoin, 2016). Pourtant, le 12 novembre 2015, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) rend un avis favorable de maintien sur le marché et, le 15 mars 2017, l'Agence européenne des produits chimiques (Echa) déclare ne pas classer le glyphosate parmi les molécules cancérigènes. Le 24 octobre 2017, les députés européens adoptent une résolution demandant le retrait du glyphosate sous cinq ans. Le même jour, le président Emmanuel Macron demande au gouvernement d'établir un plan de sortie du glyphosate sous les trois ans.

Le 2 novembre 2017, les ministres de l'Agriculture et de l'Alimentation, de la Transition écologique et solidaire, de la Santé, et de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation saisissent l'Inra pour la rédaction d'un rapport concernant les usages et les alternatives au glyphosate dans l'agriculture française. Ce rapport sera remis le 30 novembre 2017. En avril 2018, le gouvernement décide d'engager un plan d'action global pour la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, avec un objectif de réduction de 25 % en 2020 et 50 % en 2025, et de mettre fin aux principaux usages du glyphosate en trois à cinq ans. Le 29 mai 2018, l'Assemblée nationale rejette le texte d'inscription dans la loi d'une date de sortie du glyphosate.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Les Instituts techniques agricoles ont listé l'ensemble des pratiques de substitution aux usages du glyphosate (N-(phosphonométhyl)glycine)) en cultures assolées.

Ils les ont évaluées a priori en considérant le niveau de la maturité de la technique, la faisabilité et l'efficacité à dires d'experts (voir article p. 20). Cet article rappelle le contexte d'utilisation de cette substance active et les raisons de son succès.

MOTS-CLÉS - Glyphosate, désherbage, interculture, couverts végétaux, non-labour, semis direct.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : alain.rodriguez@acta.asso.fr

LIEN UTILE : Centre de ressources glyphosate Geco : http://ressources-glyphosate.ecophytopic.fr/home-glyphosate

BIBLIOGRAPHIE : - Acta, 2019, Index acta phytosanitaire, Acta Éditions, 1 051 p.

- Ambolet B., Bernard J.-L., Décor J.-P., Fougeroux A. et Gasquez J., 2017, Les services rendus par le glyphosate en agriculture, note académique de l'Académie d'agriculture de France.

- Citron G., Rameau C., Simon C. et Orlando D., 1995, Modalités d'entretien des jachères semées, par voie chimique. 16e conférence du Columa, 6 au 8 décembre 1995, Reims.

- Decoin M., 2016, Glyphosate : ce qu'en disent le Circ, l'Efsa et l'Anses, Phytoma, 694, 10-14.

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