DOSSIER

Efficacité des alternatives au glyphosate en cultures assolées

ALAIN RODRIGUEZ(1), LUDOVIC BONIN(2), CHARLÈNE BURIDANT(3), FRANCK DUROUEIX(4), RÉMY DUVAL(5), LISE GAUTELLIER-VIZIOZ(6), JÉRÔME LABREUCHE(6), BENJAMIN PERRIOT(6) ET FANNY VUILLEMIN(7), D'APRÈS UN ARTICLE RÉDIGÉ POUR LA 24E CONFÉRENCE DU COLUMA SUR LA LUT - Phytoma - n°729 - décembre 2019 - page 20

Les instituts techniques agricoles ont évalué les pratiques agronomiques de remplacement du glyphosate.
 Photo : F. Vuillemin - Terres Inovia

Photo : F. Vuillemin - Terres Inovia

À la suite de la saisine de l'Inra en 2017 sur les utilisations du glyphosate, les Instituts techniques agricoles ont rédigé un document de synthèse intitulé « Les Instituts techniques agricoles et le glyphosate » (Icta, 2017) dans lequel ils détaillent pour l'ensemble des productions végétales les conséquences prévisibles de la suppression de la substance active. Un état des lieux des utilisations du glyphosate dans les systèmes céréaliers a été réalisé.

Solutions agronomiques alternatives

Notation des solutions selon trois critères : maturité, facilité, efficacité

Les Tableaux 1A à 1D p. 22-23 synthétisent l'ensemble des solutions candidates classées selon quatre catégories : méthodes prophylactiques, culturales, physiques et biologiques. Chaque pratique alternative est notée selon trois critères. La première note indique le niveau de maturité technologique (TRL pour Technology Readiness Level) : A (pratique en usage, déjà commercialisée), B (pratique ayant montré son efficacité dans de nombreux cas), C (pratique validée dans des conditions expérimentales uniquement), D (pratique non aboutie mais preuves de concept existantes), E (principes théoriques établis). La deuxième note concerne la facilité de mise en oeuvre (A, facile et économiquement viable, à E, impossible à ce jour). La troisième note évalue l'efficacité « à dire d'experts » (de A très efficace à E totalement inefficace : code couleur vert à rouge dans les tableaux).

Le détail des différentes efficacités selon les cibles est porté dans la deuxième partie du tableau (par exemple, vivaces dicotylédones, interculture dicotylédones...). Prenons l'exemple du labour comme technique de remplacement du glyphosate. Sans surprise, sa note de maturité technologique est élevée (A) puisque cette technique est ancestrale, mais la note de faisabilité est variable (A-E) indiquant la difficulté de mise en oeuvre dans les « petites terres » et sols superficiels ou les systèmes sans labour. Le labour s'avère très efficace pour le retournement des prairies, la destruction des couverts végétaux et la maîtrise des graminées dans l'interculture. L'efficacité est bonne à variable sur espèces vivaces mais elle est inappropriée dans les systèmes SD (semis direct) ou dans la régulation des couverts.

Méthodes prophylactiques

Les méthodes prophylactiques sont des leviers indirects permettant d'éviter la diffusion des graines d'adventices dans le milieu agricole et donc la contamination, voire le salissement des parcelles. Elles permettent à moyen ou long terme de réduire le stock semencier ou tout au moins d'éviter son accroissement. Si leur niveau de maturité technologique est très bon, leur faisabilité et surtout leur efficacité sont relatives, puisque l'effet ne se perçoit que sur le long terme. De plus, elles ne permettent pas de détruire des adventices déjà en place.

Méthodes culturales

Autres mesures de lutte intégrée, les méthodes culturales offrent une très bonne maturité technologique, puisqu'elles sont déjà pratiquées chez la plupart des agriculteurs, et une assez bonne faisabilité (selon les types de pédoclimat). Cependant, à part la rotation pour laquelle l'efficacité est bonne à l'échelle du système, les autres leviers culturaux sont adaptés à la réduction des herbicides en culture, mais pas spécialement, ou indirectement, en interculture. Seul le décalage de la date de semis, plus réalisable et plus efficace en cultures de printemps et en céréales à paille, présente une efficacité non négligeable qui ne se perçoit pas qu'en culture mais également à l'échelle de la rotation. Citons par exemple les réductions de populations d'ambroisies permises par le décalage de la date de semis d'un soja ou d'un tournesol.

Méthodes physiques

Autant le labour, le faux-semis, le déstockage par des déchaumages répétés et le broyage ou le roulage des couverts (en combiné ou non avec le gel) ont un niveau de maturité technologique très bon et une faisabilité qui ne dépend que des conditions pédoclimatiques, autant les autres techniques comme le paillage/mulchage, la solarisation, les méthodes thermiques, le désherbage électrique et les robots, ne sont pour la plupart qu'à l'état de concept et de recherche active et ne sont pas toujours adaptées aux grandes cultures (solarisation, méthodes thermiques et paillage/mulchage). Quant à l'efficacité des méthodes physiques en grandes cultures, elle dépend beaucoup du matériel disponible et des choix de systèmes de l'agriculteur (labour et travail du sol non envisageables pour les systèmes en semis direct), mais également de la météo (gel pour détruire les couverts, fenêtres d'intervention pour le travail du sol...). Le caractère aléatoire du travail du sol ne sécurise pas complétement la réussite des techniques de substitution.

Méthodes biologiques

Les méthodes biologiques (pâturage, carabes, micro-organismes) sont soit inenvisageables en grandes cultures, soit à l'état de concept et de recherche active, avec une efficacité non encore prouvée véritablement à ce jour.

Trois usages non pourvus

Il existe trois grands types d'usage du glyphosate pour lesquels il est nécessaire de trouver des alternatives et de les évaluer :

- la destruction des adventices avant implantation de la culture, voire en prélevée, c'est-à-dire « semer sur un sol propre » ;

- la destruction des couverts végétaux, en particulier dans les systèmes sans labour ;

- la maîtrise des vivaces (ou adventices difficiles).

Semer sur un sol propre : un exercice souvent délicat

Le travail du sol, seule alternative

Dans l'interculture longue, à la sortie de l'hiver et au début du printemps, il y a des adventices développées (reverdissements de labour, repousses ou non...), parfois encore des couverts, ainsi que des levées précoces d'adventices (faux-semis ou non) qu'il faut détruire pour semer la culture de printemps sur un sol propre. Le glyphosate permet la destruction efficace de cette végétation, sans retravailler le sol. Cette destruction est incontournable sur ambroisie, en particulier pour limiter les nouvelles levées dans le soja ou le tournesol (Duroueix et Vuillemin, 2016). En culture d'hiver et de printemps, cette molécule est devenue un pivot de la gestion intégrée des graminées hivernales (ray-grass et vulpin).

En l'absence de cet herbicide total, le travail du sol est actuellement la seule alternative. La multiplication des passages mécaniques, avec ou sans retournement, est donc souvent nécessaire pour assurer un sol propre et doit répondre aux autres objectifs : structure du sol, lit de semences adapté. Si, contrairement aux systèmes en semis direct, cette solution reste envisageable, elle entraîne une augmentation des charges de mécanisation, du temps de travail, de la consommation en carburant et, de fait, de rejet des gaz à effet de serre. Elle est mise en oeuvre par de nombreux agriculteurs qui travaillent déjà sans glyphosate à l'interculture (15 % des surfaces sont traitées au glyphosate en grandes cultures [Service de la statistique et de la prospective, 2014], avec près de 30 % avant tournesol contre moins de 15 % avant blé tendre).

Labour et non-labour

Le labour sera la solution la plus efficace notamment sur couverts, adventices développées, repousses de céréales et graminées, très difficiles à contrôler par un travail du sol sans retournement à cause de leur faculté à repiquer. Il permettra en plus d'avoir une efficacité sur le stock semencier. Cependant, la présence d'adventices après labour pendant l'hiver (mauvais retournement ou verdissement de labour) peut poser problème. Il est possible de les détruire lors de la reprise de labour mais l'efficacité du passage sera fortement tributaire des conditions météo, du type et du stade des adventices.

En non-labour, le travail du sol est plus délicat notamment sur les adventices développées. Le choix de l'outil sera important, bien qu'il ne permette pas de garantir une efficacité totale. En conditions séchantes, il faut privilégier les outils permettant un déracinement des adventices, par exemple les outils à dents équipées de socs larges (Labreuche et al., 2019) et travailler tôt pour éviter que les adventices ne soient trop développées. Le travail du sol est plus difficile, voire néfaste, dans certaines conditions pédoclimatiques : les conditions plus humides en fin d'automne ou à la reprise de végétation, les sols argileux, les sols superficiels ou caillouteux, les sols hydromorphes et les sols en pente avec un risque élevé d'érosion. La nécessité de passages répétés n'est pas à exclure.

Sols argileux

En sols argileux et en interculture longue, le travail du sol avant semis, réalisé dans les conditions humides du printemps, risque d'endommager la qualité du lit de semences. Cela affecte aussi la structure du sol (compaction, semelle de travail). Par conséquent, cela peut compromettre la réussite de la culture de printemps (le tournesol et le sorgho sont particulièrement sensibles à la qualité du lit de semences). Certaines années on peut également se retrouver dans des impasses techniques. C'est pourquoi, en sols argileux, il vaut mieux envisager un travail du sol précoce ; en particulier lorsqu'un tournesol est prévu. Dès que les adventices commencent à être développées et que l'état du sol permet une intervention, il est nécessaire de saisir l'opportunité des créneaux utilisables : plus on intervient tôt (et dans des conditions correctes) sur des plantes jeunes et mieux on les détruit. Dans certains scénarios de printemps pluvieux, l'attente de conditions optimales pour la destruction mécanique des jeunes adventices difficiles à contrôler en culture peut générer des retards de date de semis qui peuvent toucher le potentiel de rendement de la culture.

Sols hydromorphes et forte pente

En sols hydromorphes ou climats humides en sortie hiver et printemps, il est difficile de réaliser des interventions de travail du sol car les conditions hydriques du sol ne permettent pas les interventions mécaniques (portance du sol), obligeant parfois à semer sur un sol non propre. Ces sols sont très sensibles au développement de croûtes de battance, qui peuvent entraîner des soucis de développement des cultures. En présence d'une croûte de battance, il est conseillé d'intervenir le plus tard possible. La houe rotative pour éliminer les jeunes levées des faux-semis et écroûter sera très utile dans ces situations. Dans les sols en forte pente, l'augmentation des interventions mécaniques se traduit par une augmentation du risque d'érosion.

Détruire les couverts : pas si simple en non labour

Sur le terrain, on constate souvent que le développement des adventices et des repousses est d'autant plus faible que le couvert produit rapidement des biomasses élevées. Une biomasse de 3 tonnes de matière sèche à l'hectare commence à avoir un effet significatif sur le salissement de la parcelle, sans pour autant être parfait. Les couverts capables de produire cette biomasse et de couvrir le sol rapidement sont souvent des crucifères. La présence de couverts modifie la gestion de l'interculture et, notamment, les périodes de travail du sol. La destruction automnale ou hivernale du couvert (et des adventices ou repousses qui peuvent pousser en dessous) pose question. En effet, en l'absence de labour, cette période humide n'est pas propice à la destruction de certaines plantes par dessèchement comme cela peut être le cas en été ou début d'automne. Le mode de destruction du couvert doit prendre en compte l'espèce de couvert (Tableau 2) ainsi que son développement : s'il est bien développé (stade, biomasse), il est paradoxalement plus facile à détruire, que ce soit par le gel, le roulage, un travail superficiel, voire un broyage. Les graminées (couvert, repousses ou adventices) au stade tallage ou début montaison ont une forte propension à repousser après un roulage, un broyage - ou même un pâturage, comme cela se pratique de plus en plus ; même un déchaumage est moyennement efficace si le temps n'est pas séchant. Dans le choix des couverts, il convient d'éviter graminées et radis fourragers difficiles à détruire sans labour et sans glyphosate.

Maîtrise des vivaces complexe

Une espèce vivace se définit par son aptitude à se régénérer à partir d'un fragment de l'individu (tiges, racines, feuilles, bulbes...). Cette capacité lui confère une extraordinaire plasticité et résilience qui lui permettent de coloniser tous les milieux sans passer nécessairement par une phase de multiplication sexuée. En grandes cultures, dans les systèmes traditionnels, les pluriannuelles et vivaces représentent qualitativement 15 % à 20 % de la flore adventice. Cette proportion peut très fortement augmenter en l'absence de travail du sol et/ou l'intégration de couverts d'interculture. Actuellement, seuls les herbicides systémiques (dont le glyphosate) permettent de contenir la pression « vivaces » y compris dans les systèmes simplifiés. Preuve en est les difficultés récurrentes de maîtrise des rumex (Rumex crispus et R. obtusifolius), chardon des champs (Cirsium arvense) ou chiendent rampant (Elytrigia repens) dans les systèmes céréaliers biologiques.

La lutte mécanique ne peut compenser à elle seule la suppression du glyphosate car les modes de multiplication sont aussi variées dans leur forme que dans leur position au niveau du sol. A l'image du chiendent pied-de-poule (Cynodon dactylon), la lutte doit se mener aussi bien en surface (stolons) qu'en profondeur (rhizomes). Les pratiques culturales listées ci-dessous favorisent fortement le développement de ces espèces : suppression ou réduction de la lutte dans l'interculture, simplification du travail du sol, rotations incluant des cultures pérennes (certaines porte-graines et fourragères) ou combinaison d'une monoculture et suppression du travail du sol.

Le labour retarde, voire perturbe le développement des espèces à rhizomes ou racines traçantes, mais il n'est pas suffisant et ne se substituera pas, la plupart du temps, à un traitement herbicide systémique (Labreuche et al., 2019). Pour les espèces à rosettes et/ou stolons, les façons superficielles après récolte seront généralement suffisantes.

Les systèmes en semis direct sous couvert

Aucune solution à ce jour

Le travail du sol devenant indispensable en l'absence du glyphosate, les systèmes en non-travail du sol strict, dits aussi en « agriculture de conservation des sols (ACS) », n'ont pas de solution pour se passer du glyphosate et se retrouvent donc dans une impasse (Reboud et al., 2017).

Il n'existe pas d'autres herbicides équivalents au glyphosate en termes de polyvalence et d'efficacité (Chauvel et al., 2012 ; Icta, 2017), à moins de combiner plusieurs molécules, avec potentiellement un impact écotoxicologique plus lourd. En effet, les alternatives chimiques sur dicotylédones (dicamba et 2-4 D par exemple) ont des profils toxicologiques et écotoxicologiques moins favorables et une persistance dans le sol qui rend l'utilisation du produit incompatible avec la plupart des cultures dicotylédones telles que les légumineuses, le colza et le tournesol (Icta, 2017).

Les agriculteurs en systèmes de conservation des sols choisissent de ne pas travailler le sol pour perturber le moins possible l'activité biologique de celui-ci, favoriser la porosité naturelle et augmenter le taux de matière organique en surface. Ces systèmes se basent aussi beaucoup sur la couverture permanente des sols, ce qui implique le maintien des résidus de culture en surface et l'implantation de couverts végétaux pendant l'interculture ou sous couverts de la culture avant la récolte pour structurer le sol (réseau racinaire) et favoriser la biodiversité aérienne et souterraine. La gestion de ces couverts, et en particulier leur destruction, peut être parfois complexe en l'absence du glyphosate.

Autres impasses

Retournement des prairies, désherbage des luzernes porte-graines

En termes de destruction des prairies, le labour est une solution pour se passer du glyphosate pour une partie des hectares concernés. Or il existe des exploitations où les agriculteurs ne souhaitent pas y avoir recours (technique culturale simplifiée, travail profond exclu...), mais surtout des contextes où il n'est pas réalisable : sols peu profonds, très caillouteux, à forte teneur en argile, en pente ou encore très hydromorphes. Il est alors très difficile de détruire correctement une prairie, les interventions mécaniques possibles ou non selon le contexte pédoclimatique doivent être plus nombreuses, pour un résultat moins certain et souvent fortement dépendant des conditions climatiques qui suivent la destruction.

En culture de porte-graine, le glyphosate est utilisé en début de repos végétatif de la luzerne installée (plus d'un an) pour lutter efficacement contre l'ensemble des adventices présentes, notamment helminthie (Picris echioides), laiterons (Sonchus sp.) et rumex (Rumex sp.). À l'heure actuelle, c'est la seule solution efficace pour gérer ces adventices souvent développées. Il est également utilisé à petite dose (110 à 125 g/ha) en trèfle violet porte-graine pour lutter contre la petite orobanche (Orobanche minor). Pour la gestion de cette plante parasite, il est aussi possible d'utiliser une spécialité herbicide à base d'imazamox et pendiméthaline mais l'efficacité de ces deux produits n'est pas totale.

Performances des alternatives au glyphosate

En interculture, la mise en place de solutions mécaniques alternatives au glyphosate augmente la dépendance du système aux conditions météorologiques avec des disparités selon le type de sol. Envisager une substitution du glyphosate en interculture revient à accepter des scénarios plus risqués. Tout échec ou impasse d'une solution alternative peut se traduire par une augmentation du recours aux herbicides en culture et une hausse de la pression des adventices. De plus, en l'absence de labour, les techniques culturales simplifiées utilisent davantage d'herbicides que les systèmes en labour (Cordeau et al., 2016 ; Quinio et al., 2017).

Une substitution du glyphosate sera aisée quand le stock grainier est le plus bas possible. Le choix des cultures de la succession culturale et l'allongement de la rotation sont des leviers incontournables (Vacher et al., 2019). Le recours au labour est une option sérieuse. Cependant, la substitution du glyphosate par le travail du sol n'est pas compatible avec les principes du semis direct ; cette situation est à ce jour une réelle impasse quant au plan de sortie du glyphosate.

La conciliation de la gestion des adventices (graminées hivernales en particulier) en interculture avec la mise en place de couverts végétaux devrait se complexifier, notamment pour respecter les critères de la directive nitrate (type de couvert, date de destruction, etc.) et en l'absence de labour. L'absence de recours au glyphosate oblige à revoir les objectifs du couvert : plus étouffant, plus gélif et donc plus facile à détruire. Le travail du sol sera probablement à revoir (date du faux semis, de l'implantation du couvert, de sa destruction) et la construction du 7e programme d'action de la directive nitrate devra intégrer ces nouvelles contraintes. La gestion des vivaces et des espèces particulières telles que l'ambroisie à feuilles d'armoise est un autre point sensible. En absence de glyphosate, on assigne au travail du sol des objectifs parfois très spécifiques (par exemple pour la gestion du chiendent ou du chardon des champs) pas toujours conciliables avec les autres éléments de la conduite (gestion des annuelles, couverts végétaux, préparation du lit de semences). Une alternative chimique reste envisageable contre les dicotylédones. Ce n'est pas le cas pour la gestion des graminées vivaces se trouvant ainsi dans une impasse.

Conséquences à envisager et perspectives

Augmentation de charges

Parmi les principales conséquences du remplacement du glyphosate par des leviers alternatifs, nous constatons une augmentation significative du temps de travail et une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, contraire aux objectifs du paquet énergie-climat (Dessienne, 2019). La nécessité de modifier une partie du parc matériel se fait souvent ressentir (par exemple investissement d'une charrue ou d'un rouleau hacheur pour les couverts). Ces différents éléments touchent négativement la marge nette. En cas de mauvais contrôle des adventices par les leviers alternatifs, la gestion des adventices à la rotation peut s'avérer plus difficile, provoquant un impact négatif sur les rendements.

Gestion de la résistance des adventices aux herbicides

Le déploiement d'une technique alternative à l'utilisation d'une même famille chimique d'herbicide reste le pivot de la gestion du risque de résistance. Le recours au glyphosate en interculture fait partie des leviers jusqu'ici conseillés (Vacher et al., 2019). Substituer le glyphosate par un passage d'outil visant à détruire les adventices présentera les mêmes bénéfices à condition que cette alternative soit tout aussi efficace et régulière. Les échecs susceptibles de se produire, par exemple en cas de conditions météorologiques défavorables à la destruction des graminées avant semis, pourraient fragiliser des situations jusqu'ici maîtrisées.

Impact sur la qualité des sols

Les techniques de conservation des sols et l'utilisation des herbicides totaux sont fortement liées. Le plan de sortie du glyphosate pourrait remettre en question les techniques de semis direct dont l'une des motivations premières est la lutte contre l'érosion hydrique (Inra, 2017). En systèmes plus conventionnels, la gestion des adventices par un ou plusieurs passages d'outils supplémentaires devrait augmenter l'exposition des sols à l'érosion hivernale (gestion des reverdissements hivernaux, contre graminées notamment) et surtout estivale. Le travail du sol contre le reverdissement des chaumes (lutte contre l'ambroisie et autres dicotylédones printanières) expose en effet les coteaux aux épisodes orageux du mois de juillet, particulièrement érosifs. La réintroduction du labour sensibilise également les sols à ce phénomène auquel s'ajoute, en forte pente, un entraînement mécanique (Rouaud, 1987). Enfin, les passages supplémentaires d'outils en conditions humides se traduisent par une compaction du sol.

Les techniques alternatives innovantes

Il existe d'autres techniques de destruction des adventices, beaucoup plus prospectives. Le désherbage thermique à la flamme ou à l'eau chaude, le jet d'eau haute pression et le désherbage électrique sont des techniques en cours d'étude dans les instituts (Labreuche et al., 2019). L'évaluation doit être multicritère : performances, effets non intentionnels (incidence sur la faune et la microfaune pour le désherbage électrique) et impacts économiques (débit de chantier, coûts) ou énergétiques. À ce jour, ces nouvelles techniques paraissent peu accessibles et se destineraient plutôt au désherbage des zones non agricoles ou des cultures spécialisées.

Dans le but d'étudier les alternatives au glyphosate et caractériser les situations dans lesquelles elles sont réalisables et satisfaisantes, le projet Écophyto 2+ du nom de « Agate GC » (Alternatives au GlyphosATE en Grandes Cultures) a vu le jour. Il réunit les instituts techniques des grandes cultures (Acta, Arvalis, Terres Inovia, ITB) et la chambre régionale d'agriculture d'Occitanie, et permettra d'avancer sur ce sujet et d'ouvrir de nouvelles perspectives.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Dans le cadre de la cellule de réflexion nationale Crit (Cellule recherche innovation transfert), les Instituts techniques agricoles ont listé et évalué a priori l'ensemble des pratiques de substitution aux usages du glyphosate (N-(phosphonométhyl)glycine)) en cultures assolées.

Cette analyse porte sur le niveau de maturité de la technique, la faisabilité et l'efficacité à dire d'experts. Ce travail permet d'orienter les programmes de recherche vers les axes prioritaires.

RÉSULTATS - Pour chaque usage, les auteurs proposent une évaluation technique, économique et environnementale des pratiques alternatives candidates. Ce travail de prospective suppose de considérer l'échelle TRL (Technology Readiness Level) des solutions. Pour certains usages, la faisabilité et l'efficacité des alternatives envisagées (travail du sol principalement) sont dépendantes des conditions pédoclimatiques. Pour trois usages, il n'existe pas encore d'alternatives : les systèmes en semis direct, le retournement des prairies et le désherbage des luzernes porte-graine.

MOTS-CLÉS - Glyphosate, pratiques alternatives, cultures assolées, semis direct, prairies, couverts végétaux, interculture.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : alain.rodriguez@acta.asso.fr

LIEN UTILE : Centre de ressources glyphosate Geco : http://ressources-glyphosate.ecophytopic.fr/home-glyphosate

BIBLIOGRAPHIE : la bibliographie de cet article (22 références) est disponible auprès de ses auteurs (contact ci-dessus).

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