Bulletin de santé du végétal (BSV), surveillance des organismes émergents et réglementés, contrôles à l'import-export, passeport phytosanitaire européen : les dispositifs de surveillance des végétaux sont nombreux sur le territoire français et, notamment, en Île-de-France.
Pour faire le point sur les dispositifs de surveillance des plantes et prospecter sur les potentiels nouveaux outils, la Fredon Île-de-France, la chambre d'agriculture de la Région Île-de-France et la Direction régionale interdépartementale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Driaaf) ont organisé une journée dédiée à ce sujet le mardi 26 novembre 2019 au ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation.
Réseaux d'épidémiosurveillance
Premier point abordé lors de cette journée : les réseaux d'épidémiosurveillance. Anne Papin, de la chambre d'agriculture de la Région Île-de-France, a rappelé le protocole qui aboutit à la rédaction des BSV, outil d'aide à la décision pour les agriculteurs, qui permet de mieux raisonner les interventions pour préserver la santé des plantes. En 2019, à la suite de la réduction budgétaire de 23 % des financements alloués au plan Écophyto, le BSV Jevi a disparu en Île-de-France. Décision contestée lors des questions/réponses avec le public. « On a bien conscience qu'il y a un trou dans la raquette », a répondu Isabelle Huguet, directrice de Fredon Île-de-France. La Fredon cherche d'ailleurs des fonds pour remettre en place ce BSV, dans un autre cadre qu'Écophyto.
Effets non intentionnels et organismes nuisibles
Autre dispositif de surveillance : le suivi des effets non intentionnels des pratiques agricoles. Ce réseau, né à la suite du Grenelle de l'environnement (2007), s'est constitué en 2012. Il concerne principalement les grandes cultures, le maraîchage et la vigne. Quatre protocoles sont mis en place sur chaque parcelle de suivi afin d'évaluer la flore, les coléoptères, les oiseaux et les vers de terre. Les résultats obtenus sur la flore ont été publiés(1).
Pour éviter l'introduction et la dissémination d'organismes émergents et réglementés, des inspections régulières et des plans de surveillances sont mis en place. En cas de détection d'un foyer, une procédure très détaillée est suivie pour limiter la dissémination. Bilan de cette surveillance : entre deux et trois organismes réglementés sont détectés chaque année en Île-de-France. La région est particulièrement sujette aux introductions de divers ravageurs, maladies ou espèces exotiques envahissantes. En cause, les nombreux aéroports et le marché international de Rungis.
Nouveau règlement européen
Le nouveau règlement européen sur la santé des végétaux(2), entré en vigueur le 14 décembre 2019, a soulevé de nombreuses questions, notamment en ce qui concerne le nouveau passeport phytosanitaire européen. Ce dernier inquiète beaucoup les horticulteurs et pépiniéristes, chez qui il va introduire de nombreux changements(3). « Nous sommes conscients que c'est une petite révolution pour la filière ornementale », a reconnu Anne Chan-Hon-Tong, de la Direction générale de l'alimentation (DGAL).
Connaître et comprendre pour mieux anticiper
Bertrand Huguet, de la SRAL IDF (Service régional de l'alimentation), a fait le point sur les menaces phytosanitaires à surveiller. Parmi elles : la punaise diabolique Halyomorpha halys, Xylella fastidiosa, les capricornes asiatiques (Anoplophora glabripennis et A. chinensis), la flavescence dorée, la sésamie du maïs Sesamia nonagrioides, la pyriculariose, les nouveaux virus de la tomate (ToBFRV et ToLCNVD), le scarabée japonais Popillia japonica, ou encore la teigne guatémaltèque de la pomme de terre Tecia solanivora et le faux carpocapse Thaumatotibia leucotreta. Les deux problématiques principales sont, selon lui, le changement climatique, qui pourrait favoriser le développement de nouveaux organismes, et les nouvelles routes de la soie, qui favoriseront la dissémination des ravageurs venant d'Asie. Pour adapter au mieux la surveillance des organismes nuisibles, la recherche est indispensable. Concernant Xylella fastidiosa par exemple, les recherches menées à l'Inra par Jean-Claude Streito pourront permettre de focaliser la surveillance sur les insectes porteurs de la bactérie, plutôt que de tenter de surveiller l'infection des végétaux, très difficile à détecter. Mais pour une surveillance efficace, il faut identifier les insectes porteurs et bien connaître leur biologie, ce que s'efforcent à faire le chercheur et son équipe.
Outils de surveillance et de diagnostic
Pour Delphine Bouttet, ingénieur chez Arvalis, le numérique est un allié incontournable pour l'identification, l'évaluation du risque et le partage de l'information. De nombreuses applications mobiles sont dédiées à l'identification, mais cela nécessite des bases de données et des bases d'apprentissage performantes. Bien souvent, les start-up à l'origine de ces applications n'ont pas les moyens de créer ou d'alimenter ces bases de données et sont aidées par des organismes tiers comme Arvalis. Concernant l'aide à l'évaluation du risque, elle se limite essentiellement à des systèmes de caméra pour l'instant. De nouveaux capteurs devraient se développer dans le futur (comme les biocapteurs par exemple). En parallèle, de nombreux réseaux d'observateurs agriculteurs sont en cours de développement. Ils pourraient être complémentaires aux BSV. Enfin, un autre outil de surveillance biologique du territoire s'avère prometteur : les sciences citoyennes, notamment via des applications comme Vigi-tiques ou Agiir
(1) Voir « Effets des pratiques agricoles sur la flore des bords des champs », Phytoma n° 725, p. 43-47.(2) Voir « L'Union européenne vers une réglementation plus protectrice », Phytoma n° 723, p. 11-14.(3) Voir la foire aux questions du Lien horticole « Nouveau règlement européen "Santé des végétaux" ». http://bit.ly/2RCP51G ; https://tinyurl.com/wtzsk2l