1. Le datura se développe dans les grandes cultures comme le maïs. 2 et 3. À l'âge adulte, il se reconnaît par ses fleurs en forme de trompette.
Fig. 1 : Relation entre nombre et masse de graines de datura sur l'ensemble des trois années d'étude
4 Les fruits du datura sont en forme de bogues recouvertes d'épines épaisses.5. Graines de datura : les fruits peuvent en contenir 40 à 60. Photos : B. Chauvel
Le datura stramoine (Datura stramonium L.) est une dicotylédone de la famille des solanacées qui semble avoir été introduite sur le territoire français au XVIe siècle mais l'origine de cette introduction reste indéterminée. Les premières mentions en France dans le milieu naturel datent de 1785, dans le département du Rhône (SIFlore, 2020). Cette plante toxique est aujourd'hui présente dans presque toute la France, jusqu'en Picardie et Nord-Pas-de-Calais, avec un développement préférentiel dans le Sud, puisqu'elle apprécie les températures chaudes.
Une plante estivale nuisible
Identification
Le datura stramoine est une espèce annuelle estivale que l'on retrouve surtout dans des rotations avec une majorité de cultures estivales : grandes cultures et cultures légumières (photo 1). Cette espèce nitrophile se plaît dans des terroirs fertiles avec abondance d'eau et d'azote. Cependant, elle s'adapte à tous les types de sols, envahit les champs mais aussi les zones péri-urbaines : bords de route et terrains vagues.
Le datura stramoine (datura dans la suite du document) est facilement reconnaissable à l'âge adulte avec des fleurs blanches de grande taille en forme de trompette (photo 2 et 3) et... une odeur pestilentielle ! Les fruits sont en forme de bogues, de 4 à 5 cm, couvertes d'épines épaisses (photos 4 et 5). Au stade plantule, le datura se caractérise par de grands cotylédons lancéolés linéaires, avec des tiges et des feuilles alternes (photo 6 p. 16). Les tiges et les pétioles sont pileux. Le datura est une plante très concurrentielle pour la culture en place. Plante ramifiée, elle mesure à l'âge adulte entre 40 cm et 100 cm en moyenne mais peut atteindre 2 mètres. Elle pénalise donc fortement le rendement, en plus d'avoir un impact sur la qualité sanitaire de la récolte. À plus long terme, l'enjeu est de contrôler la population qui peut se développer de manière exponentielle ; le datura se caractérisant par un cycle court et une production élevée de graines (40 à 60 graines par fruit, photo 5, une dizaine de fruits par pied).
Une « herbe au fou » compétitive vis-à-vis des cultures
Le datura est aussi surnommé « trompette des anges », « trompette de la mort », « herbe au fou », ou encore « herbe du diable » en lien avec les propriétés des alcaloïdes produits. C'est une plante particulièrement toxique : toutes les parties du végétal(fleur, feuille, graine, sève) contiennent d'importantes teneurs en alcaloïdes tropaniques (Chollet et al., 2010). Une soixantaine d'alcaloïdes ont été isolés, les deux plus courants étant l'atropine et la scopolamine.
Cette plante pose problème à deux niveaux :
- son développement végétatif luxuriant la rend concurrentielle des cultures estivales, notamment maïs, tournesol, soja, sorgho, sarrasin et productions maraîchères ; elle est fortement compétitive par rapport à la culture en place vis-à-vis de la lumière, l'eau et les éléments nutritifs ;
- elle dégrade la qualité sanitaire des récoltes par les alcaloïdes tropaniques qu'elle contient et qui contaminent ensuite les productions, pouvant entraîner des nuisances importantes au regard de la santé publique.
Toxicité aiguë et exposition des consommateurs
L'atropine et la scopolamine sont des antagonistes de l'acétylcholine, un neurotransmetteur qui joue entre autres un rôle dans l'activité musculaire et les fonctions végétatives (respiration, battements du coeur, salivation, etc.). En cas d'ingestion de datura, on observe une augmentation du diamètre de la pupille (mydriase), mais également hallucinations, troubles cardiaques (tachycardie jusqu'à arrêt cardiaque), confusion mentale. Le datura est inscrit à la pharmacopée française puisque ces molécules sont également utilisées comme médicaments, avec des dosages adaptés, et uniquement sur prescription médicale. Des fragments de datura sont aussi consommés par les toxicomanes pour leurs propriétés hallucinogènes.
L'Autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments (Efsa) a établi une dose de référence aiguë (ARfD) de 0,016 <03BC>g/kg de poids corporel pour la somme atropine + scopolamine (Efsa, 2013). Cela correspond à la quantité qui peut être ingérée par le consommateur pendant une courte période (au cours d'un repas ou d'une journée), sans effet néfaste pour sa santé. Dans son dernier avis publié en 2018, l'Efsa mentionne que les expositions alimentaires aiguës moyennes aux alcaloïdes tropaniques peuvent être supérieures à l'ARfD chez les enfants, et que cette exposition peut atteindre le percentile 95 pour toutes les classes d'âge. Les principaux contributeurs à l'exposition aux alcaloïdes tropaniques pour le consommateur européen sont le pain (nature des céréales non précisée) et plus largement les aliments à base de céréales, le thé et les infusions à base de plantes. L'exposition élevée des consommateurs européens à ces alcaloïdes justifie la nécessité de faire évoluer la réglementation (voir encadré ci-contre) ; le respect de ces teneurs maximales réglementaires garantissant la santé du consommateur.
Une problématique à l'échelle européenne
Le système européen d'alerte rapide pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (RASFF, Rapid Alert System for Food and Feed) permet aux autorités nationales d'échanger, dans des délais très courts, des informations sur les risques sanitaires liés à des denrées alimentaires ou aliments pour animaux. Lorsqu'un État participant au réseau détecte un danger pour la santé, il renseigne les autres membres du réseau sur le produit concerné et les mesures prises pour parer au risque. Le recensement d'alertes récapitulées dans le Tableau 1 démontre que la problématique des alcaloïdes tropaniques concerne des productions issues de nombreux pays. Les productions concernées sont très diversifiées : cultures d'été telles que le maïs et le sarrasin, mais également cultures maraîchères, produits céréaliers et graines pour l'oisellerie.
Des travaux conduits sur maïs grain dès 2017
État sanitaire « sortie de champ », avant nettoyage
Dans ce contexte, Arvalis a étudié l'occurrence des graines de datura et des alcaloïdes associés dans des parcelles de maïs grain en partenariat avec les organismes de collecte et les agriculteurs. D'abord localisé dans le grand sud-ouest de la France en 2017 sur 84 parcelles, ce réseau a ensuite été étendu aux autres bassins de production français de maïs grain en 2018 (196 parcelles) et 2019 (176 parcelles). Les données issues de cette étude sont le reflet de l'état sanitaire à la récolte « sortie de champ ». Elles n'intègrent donc pas le travail de nettoyage des organismes de collecte réalisé avant commercialisation et ne sont pas le reflet de la collecte française mise sur le marché en vue d'une première transformation. Sur le territoire national, la présence de graines de datura ou d'alcaloïdes tropaniques dans les échantillons de maïs prélevés à la récolte a concerné 16 % des parcelles en 2018 et 17 % des parcelles en 2019. Ces déterminations ont été réalisées par méthode visuelle (datura) et par LC-MSMS (alcaloïdes tropaniques).
Une bonne corrélation entre graines de datura et alcaloïdes
La corrélation entre la masse de graines de datura (g/kg) et le nombre de graines de datura dans l'échantillon est excellente, avec un R² de 0,99 (Figure 1). Cette corrélation a priori évidente peut valider un moyen rapide d'évaluer la teneur en graines de datura d'un échantillon en comptant le nombre de graines présentes. Plus largement, on mesure une bonne corrélation entre chacun des alcaloïdes - atropine et scopolamine - d'une part, et la teneur en graines de datura d'autre part, avec des coefficients de corrélation supérieurs à 0,84. Les teneurs en alcaloïdes tropaniques mesurées dans les maïs grain en sortie de champ sont globalement faibles. L'enjeu pour la filière dépendra du seuil retenu dans le cadre du projet d'évolution réglementaire. À 15 µg/kg pour la somme des deux alcaloïdes, 7 % des parcelles récoltées seraient hors norme (Figure 2).
Une quantification d'alcaloïdes possible en absence de graines
Sur l'ensemble des trois années d'étude, 177 échantillons exempts de graine de datura ont fait l'objet d'analyses d'alcaloïdes tropaniques. Dans ces échantillons, 40 (23 %) contenaient des alcaloïdes tropaniques majoritairement sous formes de traces inférieures à la limite de quantification. La distribution des teneurs observées est récapitulée dans le Tableau 2. Il est possible de constater ponctuellement des teneurs élevées en alcaloïdes pouvant exceptionnellement dépasser le projet de teneurs maximales réglementaires, ce qui s'explique par la présence de fragments et/ou jus de datura.
Des contaminations qui doivent être maîtrisées
Des travaux complémentaires ont récemment établi, à partir des échantillons issus des récoltes 2017 et 2018, qu'une graine contient en moyenne 28 µg d'alcaloïdes tropaniques (Orlando, 2019). D'un point de vue toxicologique, l'ARfD pour ces alcaloïdes étant de 0,016 µg/kg pc, pour un adulte de 70 kg cela correspond à 1,12 µg d'alcaloïdes. L'ingestion d'une seule graine de datura suffit à dépasser de 25 fois l'ARfD. La maîtrise des contaminations est donc indispensable pour garantir la santé des consommateurs. Dans l'hypothèse d'une réglementation fixant une teneur maximale d'alcaloïdes tropaniques à 15 µg/kg pour le maïs grain destiné à l'alimentation humaine, cela revient à quantifier une graine de datura - qui pèse en moyenne 6,4 mg dans notre étude - dans un échantillon de 2 kg de grains de maïs. Pour le sarrasin où le seuil pourrait être à 10 µg/kg, il faudra pouvoir quantifier une graine de datura dans un échantillon de 3 kg.
En France, l'Anses a évalué, à partir des données relatives à la consommation de farine de sarrasin par les Français, le risque du dépassement de l'ARfD lié à la consommation de sarrasin contenant des alcaloïdes tropaniques. L'Agence conclut que les farines de sarrasin ne doivent pas dépasser 16 µg/kg pour la somme atropine et scopolamine si l'on veut garantir de ne pas dépasser l'ARfD de 0,016 µg/kg pc/jour par les populations considérées dans cette étude (Anses, 2019).
Gestion au champ : objectif zéro datura
Prophylaxie
Sachant que les graines de datura peuvent survivre plus de 40 ans dans le sol, surtout enfouies profondément, il est nécessaire de mettre en oeuvre tous les moyens disponibles pour éviter leur présence dans les parcelles.
En premier lieu, il est essentiel d'empêcher son introduction en conseillant l'arrachage systématique de toute plante repérée dans ou au bord des parcelles avant que l'espèce ne s'établisse. Cela ne se fait pas sans quelques précautions : gants au minimum, voire masque pour éviter la projection de jus de tige dans les yeux. Les plantes arrachées doivent être sorties de la parcelle (avant maturité des fruits). Attention au brûlage car le datura dégage une fumée toxique.
Pour ne pas contaminer de nouvelles parcelles, on récolte en premier lieu les parcelles propres pour finir avec les parcelles les plus sales ; et on veille à un nettoyage méticuleux de la moissonneuse-batteuse entre les chantiers. Cela demande au minimum de faire tourner la machine à vide avec la ventilation au maximum pour évacuer les déchets à la sortie de la parcelle. Un nettoyage des grilles est ensuite recommandé avant de récolter la parcelle suivante. Attention aussi de maintenir propres les abords de champs qui sont l'une des principales sources de diffusion.
L'efficacité des leviers agronomiques est limitée par la biologie du datura
Les rotations qui alternent cultures d'hiver et de printemps, en faisant varier les périodes de semis, sont moins touchées ou avec des densités moindres en datura. La flore dans ces rotations est souvent plus diversifiée. Après un échec de désherbage ou quand la pression en datura augmente, on évite de faire succéder les cultures estivales qui sont à risques, lorsque le contexte pédoclimatique le permet.
Mais lorsque le salissement est installé, diversifier la rotation en introduisant des cultures d'hiver n'a que peu d'impact direct sur le salissement et ne permet pas de réduire la population de datura. Les graines ont une longue durée de vie dans le sol et vont germer quand les conditions redeviendront favorables. Cependant, les cultures d'hiver vont permettre de libérer le sol pendant la phase d'interculture. Or l'interculture est un moment clé pour gérer le datura. Des déchaumages ou autre travail du sol superficiel après la récolte vont jouer le rôle de faux semis et stimuler la levée de daturas qui devront ensuite être détruits avant maturité, réduisant ainsi le stock grainier. La mise en place de réglementations de type « zones vulnérables » obligeant à la mise en place de couverts végétaux est une limite à la mise en place de ce levier. À noter également que si les chaumes sont délaissés pendant la période estivale, ils constituent une source de salissement par réalimentation du stock de semences. Ce constat est également valable pour d'autres types de flores estivales comme l'ambroisie.
En raison du faible taux annuel de décroissance (TAD) du datura, les labours réguliers ont peu d'intérêt dans sa gestion. Ils peuvent même accentuer la problématique. Le labour va disséminer les semences de datura dans tout le profil de sol travaillé, favorisant les levées échelonnées puisque le datura a la capacité de germer à une profondeur supérieure à 10 cm. En revanche, si la pression de datura devient trop importante en système de non-labour, il est peut-être pertinent de positionner un labour pour une « remise à zéro » du système. Et de poursuivre la rotation sans toucher à l'horizon profond du sol pour ne pas ramener les graines à la surface.
En culture, l'échelonnement des levées ne facilite pas le désherbage
Sur maïs, l'efficacité des herbicides homologués est satisfaisante. À ce jour, il n'y a aucun cas de résistance avérée du datura aux herbicides. Cependant, la réussite du programme de désherbage peut être remise en cause par les levées échelonnées du datura qui se poursuivent tant que la culture ne couvre pas le sol. De plus, la persistance de l'effet des programmes herbicides sur la durée du cycle du datura est insuffisante. On constate des resalissements tardifs dus à de nouvelles levées, en particulier dans les zones où la culture est moins développée (pouvoir concurrentiel de la culture faible), voire absente (dégâts d'animaux, passages d'enrouleurs...), le datura profitant de chaque percée lumineuse.
En maïs, il est conseillé de prévoir une base d'herbicides de prélevée avec un spectre large pour cibler le datura. Ainsi, en post-levée, les levées sont généralement plus groupées et sont mieux contrôlées ensuite par une intervention positionnée sur des jeunes daturas aux stades « 2-4 feuilles » associant des herbicides à actions à la fois foliaire et racinaire (sulfonylurées, tricétones) ainsi que des produits de contact lorsque le datura est plus développé (bromoxynil, pyridate). Ce programme, correspondant à des stratégies couramment pratiquées dans le Sud-Ouest, se révèle parfois insuffisant. On peut alors être amené à conseiller une troisième intervention aux stades « 8-9 feuilles » pour une meilleure gestion des levées tardives. À des stades avancés de la culture, la pulvérisation doit être réalisée en dirigeant le jet de pulvérisation sur l'interrang pour une question de sélectivité. Notons que le coût du programme devient alors prohibitif et pèse sur les charges de la culture et que cela contribue à augmenter l'IFT (indicateur de fréquence de traitement) global de la culture.
L'emploi des outils de désherbage mécanique est délicat. Les passages de bineuse ont tendance à stimuler de nouvelles levées. Il faut donc avoir un système de dents bien adapté pour scalper l'adventice sans remuer le sol en profondeur. Attention au nettoyage du rang qui est souvent insuffisant. Le nombre de passages doit être important (quatre à cinq passages), ce qui n'est pas toujours possible dans certains contextes pédoclimatiques. Le dernier passage devra être réalisé au stade limite de passage du tracteur, peu avant la fermeture du rang. En agriculture biologique, le désherbage manuel est pratiqué en complément par certains producteurs pour parvenir à un niveau de gestion satisfaisant.
Les pistes pour demain...
L'un des enjeux est la détection de l'adventice au sein des parcelles pour cibler les interventions et notamment les interventions tardives de rattrapage.
Actuellement, la société Telespazio France, entreprise spécialisée dans l'exploitation des données spatiales et de la géo-information, a mis en place un service de détection du datura et d'aide à la décision pour les agriculteurs. Des images obtenues par des drones sont analysées par des algorithmes d'intelligence artificielle puis contrôlées par des experts. L'agriculteur reçoit ensuite, via une application, une cartographie de son champ indiquant les zones de présence du datura. La détection a lieu peu avant la récolte et le contrôle ne peut donc s'effectuer que manuellement par arrachage. Ce service est actuellement utilisé par des cultures à destination de l'alimentation humaine et à forte valeur ajoutée : légumières et maïs popcorn en particulier.
Le nettoyage des grains, seul levier curatif post-récolte
Au regard des très faibles valeurs envisagées pour les teneurs maximales réglementaires et du caractère exogène à la culture de la problématique des alcaloïdes tropaniques, les interventions post-récolte constituent plus que jamais un levier clé dans la gestion du risque. Dans le cas du maïs, le nettoyage des grains avant mise sur le marché est une étape généralement efficace pour éliminer les graines de datura. Ces graines ayant des morphologies bien distinctes de celles du maïs, un nettoyeur séparateur équipé des grilles usuelles peut théoriquement être une solution efficace pour les éliminer moyennant une certaine perte de volume. Aucun essai analytique n'a été publié sur maïs grain, mais des expérimentations sont en cours (Arvalis, données non publiées). Des travaux conduits sur tournesol par Terres Inovia en 2010 indiquent qu'avec une grille de 3,5 mm, 100 % des graines de datura peuvent être éliminées en générant 1,4 % de perte de graines de la culture d'intérêt (Dauguet, 2010). L'efficacité de la mise en oeuvre du nettoyage pour éliminer les graines de datura doit par ailleurs être évaluée sur d'autres espèces avec des graines plus petites et moins différenciables telles que le sarrasin, le millet ou le sorgho.
Rappelons que bien qu'une opération de tri soigneux permette de diminuer significativement les contaminations en graines de datura, des contaminations en alcaloïdes peuvent subsister dans les lots exempts de graines du fait de la présence d'autres types de contaminants (fragments ou jus de plante).
Tolérance zéro
En système conventionnel, en raison de levées échelonnées et de solutions herbicides partiellement efficaces, le datura est difficilement gérable dans les parcelles contaminées, et remet en cause certaines filières et débouchés. En agriculture biologique, les leviers sont moins nombreux et les producteurs peuvent être contraints au désherbage manuel moyennant des difficultés de main-d'oeuvre et de coût au regard du temps passé. Il est parfois inévitable d'abandonner des cultures comme le sarrasin, culture pour laquelle se rajoutent des difficultés de tri.
Si la nécessité de tendre vers des systèmes plus économes en intrants, et notamment en produits phytosanitaires, a peut-être amené les agriculteurs vers une plus grande tolérance vis-à-vis de la présence d'adventices dans leurs parcelles, il faut aujourd'hui intégrer que la tolérance doit être de zéro pour des adventices qui présentent des risques pour la santé publique comme c'est le cas du datura ou de l'ambroisie. Il conviendra également de prendre en compte l'effet des réglementations sur l'essor de ces problématiques.
RÉSUMÉ
CONTEXTE - Le datura stramoine ne pénalise pas seulement le rendement des cultures estivales, notamment maïs, tournesol, soja, sorgho, sarrasin et productions maraîchères. Il a un impact également sur la qualité sanitaire de la récolte. C'est en effet une plante particulièrement toxique du fait des importantes teneurs en alcaloïdes tropaniques contenues dans tout le végétal (fleur, feuille, graine, sève). Une réglementation européenne en cours de discussion envisage des teneurs maximales réglementaires entre 5 et 15 µg d'alcaloïdes/kg de grains mis sur le marché.
ÉTUDE - Des mesures effectuées par Arvalis sur maïs grain à la sortie au champ (2017-2019) ont mis en évidence que pour 16 à 17 % des parcelles analysées la présence de graines de datura ou d'alcaloïdes tropaniques était détectée. S'il existe une corrélation entre la quantité de graines et celle d'alcaloïdes, il est possible de détecter et quantifier ces derniers en absence de graines de datura.
GESTION - La longévité des graines et l'échelonnement possible des levées limitent l'efficacité des leviers agronomiques, voire chimiques de contrôle du datura. Le nettoyage des grains avant mise sur le marché constitue plus que jamais un levier clé dans la gestion du risque. S'il s'avère efficace sur maïs, il reste à évaluer sur d'autres grains (sarrasin...).
MOTS-CLÉS - Datura stramoine (Datura stramonium L.), alcaloïdes tropaniques, atropine, scopolamine, dose de référence aiguë (ARfD), maïs, sarrasin.
Teneurs maximales en alcaloïdes : contexte réglementaire
Deux réglementations européennes ont actuellement cours. La première réglemente à 1 g/kg la quantité maximale de graines de datura dans les productions destinées à l'alimentation animale (directive UE 2002/32). La seconde réglementation (UE) 2016/239 concerne la nutrition humaine ; elle est entrée en vigueur en 2016 et fixe une teneur maximale de 1 µg/kg pour chacun des deux alcaloïdes tropaniques, atropine et scopolamine, dans les aliments à base de céréales pour nourrissons et enfants en bas âge contenant du millet, du sorgho, du sarrasin ou des produits qui en sont dérivés.
En date d'écriture de cet article, des discussions sont en cours pour étendre cette réglementation « nourrisson » au grain mis sur le marché et aux autres produits de transformation, ainsi que pour élargir la réglementation au maïs et ses produits dérivés pour l'ensemble des consommateurs. Sur grain, les seuils actuellement proposés pour la somme des deux alcaloïdes varient entre 5 et 15 µg/kg selon la culture, avec une possible mise en application au 1er juillet 2022.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACT : b.orlando@arvalis.fr
BIBLIOGRAPHIE : la bibliographie de cet article est disponible auprès de ses auteurs (contact ci-dessus).
REMERCIEMENTS
Les travaux présentés dans cet article ont été réalisés avec le soutien financier d'Intercéréales.