DOSSIER - Bioagresseurs et santé

Lutte contre la processionnaire du pin : évolution des pratiques

ANNE-SOPHIE BRINQUIN*, LUCILE MULLER*, MAXIME GUÉRIN** ET CAROLINE GUTLEBEN***Inrae - Unité expérimentale entomologie et forêt méditerranéenne (UEFM) - Avignon. **Plante&Cité - Angers. - Phytoma - n°735 - juin 2020 - page 39

Face à la progression de la chenille urticante Thaumetopoea pityocampa, comment les gestionnaires d'espaces verts ont-ils modifié leurs techniques de lutte ? Quatre campagnes d'enquêtes ont été menées entre 2009 et 2019.
La processionnaire du pin est très présente dans les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Occitanie. Photo : J.-C. Martin

La processionnaire du pin est très présente dans les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Occitanie. Photo : J.-C. Martin

Fig. 1 : Proportion des communes observant la processionnaire du pin sur leur territoire par rapport au nombre total de communes ayant répondu aux enquêtes de 2009, 2012 et 2015, par départementSeuls les départements dans lesquels plus de dix communes au total ont répondu ont été pris en compte, afin d'avoir des données suffisantes pour émettre des conclusions quant à la densité de présence de la processionnaire du pin sur ces territoires. Le nombre insuffisant de réponses pour chacun des 95 départements lors de la campagne de 2019 explique l'absence de carte pour cette année. Les lignes rouges symbolisent les lignes de front de l'aire de répartition du ravageur sur le territoire national, d'après les données de l'URZF (Inrae d'Orléans).

Fig. 1 : Proportion des communes observant la processionnaire du pin sur leur territoire par rapport au nombre total de communes ayant répondu aux enquêtes de 2009, 2012 et 2015, par départementSeuls les départements dans lesquels plus de dix communes au total ont répondu ont été pris en compte, afin d'avoir des données suffisantes pour émettre des conclusions quant à la densité de présence de la processionnaire du pin sur ces territoires. Le nombre insuffisant de réponses pour chacun des 95 départements lors de la campagne de 2019 explique l'absence de carte pour cette année. Les lignes rouges symbolisent les lignes de front de l'aire de répartition du ravageur sur le territoire national, d'après les données de l'URZF (Inrae d'Orléans).

Fig. 2 : Corrélation entre la présence ou l'absence de la processionnaire du pin et la localisation géographique sur le territoire métropolitainLa couleur des cases correspond au résidu du test du 03C7² réalisé : les cases en rouge sont sous-représentées, les cases en bleu sur-représentées, et les cases blanches sont statistiquement proches de l'hypothèse d'indépendance.

Fig. 2 : Corrélation entre la présence ou l'absence de la processionnaire du pin et la localisation géographique sur le territoire métropolitainLa couleur des cases correspond au résidu du test du 03C7² réalisé : les cases en rouge sont sous-représentées, les cases en bleu sur-représentées, et les cases blanches sont statistiquement proches de l'hypothèse d'indépendance.

Fig. 3 : Appréciation du degré de risques causés par la processionnaire du pin sur la santé des arbres et sur la santé des hommes et/ou des animauxNombre de répondants : 2009, 608 (A) et 555 (B). 2012, 377 (A) et 357 (B). 2015, 509 (A) et 482 (B). 2019, 153 (A) et 151 (B).

Fig. 3 : Appréciation du degré de risques causés par la processionnaire du pin sur la santé des arbres et sur la santé des hommes et/ou des animauxNombre de répondants : 2009, 608 (A) et 555 (B). 2012, 377 (A) et 357 (B). 2015, 509 (A) et 482 (B). 2019, 153 (A) et 151 (B).

Fig. 4 : Proportion des communes menant des actions de gestion des populations de processionnaire du pin sur leur territoireNombre de répondants : 2009, 692 ; 2012, 401 ; 2015, 542 ; 2019, 157.

Fig. 4 : Proportion des communes menant des actions de gestion des populations de processionnaire du pin sur leur territoireNombre de répondants : 2009, 692 ; 2012, 401 ; 2015, 542 ; 2019, 157.

Fig. 5 : Évolution de l'utilisation des méthodes de gestion par les communes dans la lutte contre la processionnaire du pin sur leur territoireNombre de répondants : 2009, 227 ; 2012, 237 ; 2015, 262 ; 2019, 86.

Fig. 5 : Évolution de l'utilisation des méthodes de gestion par les communes dans la lutte contre la processionnaire du pin sur leur territoireNombre de répondants : 2009, 227 ; 2012, 237 ; 2015, 262 ; 2019, 86.

Fig. 6 : Appréciation des méthodes de lutte employées par les communes contre la processionnaire du pin Enquête 2019, 112 répondants.

Fig. 6 : Appréciation des méthodes de lutte employées par les communes contre la processionnaire du pin Enquête 2019, 112 répondants.

Fig. 7 : Évolution du nombre de types de traitement utilisés par les communes dans la lutte combinée contre la processionnaire du pinNombre de répondants : 2009, 94 ; 2012, 141 ; 2015, 166 ; 2019, 68.

Fig. 7 : Évolution du nombre de types de traitement utilisés par les communes dans la lutte combinée contre la processionnaire du pinNombre de répondants : 2009, 94 ; 2012, 141 ; 2015, 166 ; 2019, 68.

La processionnaire du pin Thaumetopoea pityocampa (Denis & Schiffermüller) pose de véritables problèmes d'ordre sanitaire sur les peuplements végétaux et sur les populations humaines et animales. Les chenilles se nourrissent des aiguilles de pins et de cèdres, provoquant un ralentissement de la croissance des arbres et une fragilisation face aux autres ravageurs et maladies (Demolin, 1969). De plus, les chenilles libèrent, lors des derniers stades larvaires, des poils urticants très allergènes pour les hommes et les animaux, pouvant provoquer de violentes réactions qui se traduisent par des atteintes cutanées, oculaires ou respiratoires (Werno et Lamy, 1990).

Participation aux enquêtes

Quatre campagnes entre 2009 et 2019

Les gestionnaires d'espaces verts sont directement confrontés à la problématique de la processionnaire du pin. La progression constante de son aire de répartition, du fait du changement climatique, vers des régions où elle n'était pas encore installée, entraîne l'implication de nouvelles communes. Des techniques de lutte innovantes, alternatives à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques, ont été développées et mises au point ces dernières années : piégeage phéromonal, piégeage des chenilles, lutte biologique (pose de nichoirs à mésange, lâchers de parasitoïdes oophages...) (Martin et al., 2012).

Quatre campagnes d'enquêtes, réalisées en 2009, 2012, 2015 et 2019 par l'UEFM (Inrae d'Avignon) et Plante & Cité, centre technique spécialisé dans les espaces verts et le paysage, et destinées aux communes françaises (Brinquin et al., 2013), ont permis de réaliser un état des lieux des pratiques de lutte privilégiées par les collectivités territoriales contre ce ravageur et de suivre l'évolution de ces pratiques durant ces dix dernières années(1). Les résultats obtenus ont également permis de suivre l'évolution de la répartition de la processionnaire du pin sur le territoire métropolitain et d'évaluer les besoins formulés par les gestionnaires en termes de lutte.

Une bonne représentation de l'aire de répartition

Au total, 2 754 communes ont participé à ces campagnes d'enquêtes : 2 360 n'ont répondu qu'à une seule enquête, 334 à deux enquêtes, 55 à trois enquêtes et cinq ont répondu aux quatre enquêtes. L'ensemble des 95 départements de France métropolitaine a été représenté par au moins une commune durant ces campagnes.

L'année 2009 a bénéficié d'un fort taux de participation avec 1 468 réponses obtenues. La participation a été moindre les années suivantes avec 652 réponses obtenues en 2012, 900 réponses en 2015 et seulement 193 réponses obtenues en 2019. Au total, 3 213 réponses ont été collectées sur les quatre campagnes d'enquêtes.

Le panel des communes ayant répondu aux enquêtes a évolué au cours des années, les communes concernées par la problématique étant largement majoritaires en 2019. En 2009, près de la moitié des communes observaient la processionnaire du pin sur leur territoire (47,1 %). Toutefois, lors des campagnes suivantes, la proportion des communes touchées par la problématique parmi celles ayant répondu a augmenté (66,6 % en 2012 et 63,4 % en 2015). Dans l'enquête de 2019, 81,9 % des communes participantes observaient la processionnaire du pin sur leur territoire.

Des observations en lien avec la répartition de la chenille

Les lignes de front de l'aire de répartition du ravageur ont évolué en dix ans, avec une avancée vers le nord de l'aire de répartition (Figure 1). D'une manière générale, les observations de processionnaires du pin se font bien au sein de l'aire de répartition du ravageur. Toutefois, quelques spots se situent hors de l'aire, notamment dans les régions Grand-Est, Hauts-de-France et Normandie. Ces spots sont des sites isolés où l'introduction de la processionnaire du pin semble être due à l'importation de pins associés à de la terre contenant des chrysalides.

La présence de la processionnaire du pin sur le territoire est liée au climat (Battisti et al., 2005 ; Robinet et al., 2007 ; Roques, 2015 ; Rosenzweig et al., 2007) (Figure 2). Elle est prédominante en climat méditerranéen (régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Occitanie), son aire d'origine, et peu présente en climat continental. La processionnaire du pin se trouve également bien installée sous des climats océanique et océanique dégradé (Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire et Centre-Val de Loire), et en climat continental dégradé et de montagne à faible altitude (Auvergne-Rhône-Alpes). Le développement de ce nuisible connaît de fortes variations en fonction des climats, le vol des papillons étant plus précoce par exemple en climat continental et plus tardif en climat méditerranéen, et inversement, les départs en procession étant plus précoces en climat méditerranéen et plus tardifs en climat continental. Ce nuisible a besoin de conditions climatiques lui permettant de réaliser son cycle de développement chaque année, conditions qui ne sont pas encore optimales en régions Normandie, Hauts-de-France et Grand-Est, pour lui permettre de s'installer durablement.

Une baisse de l'observation de nouveaux foyers

D'une manière générale, les populations de processionnaires du pin semblent, pour les communes concernées, s'être stabilisées depuis dix ans. En effet, depuis 2009 où la plus grande proportion des communes (42,1 %) estimait la présence de la processionnaire du pin de un à cinq ans sur leur territoire, ce pourcentage d'observation s'est, au fil des années, stabilisé à 20 % sur les autres campagnes. Inversement, la proportion des populations de processionnaires du pin installées depuis plus de vingt ans a augmenté ces dix dernières années, passant de 12,6 % en 2009 à 26,5 % en 2019. Enfin, l'observation de nouveaux foyers tend à diminuer. En effet, le pourcentage de communes ayant observé la présence de la processionnaire du pin depuis moins d'un an est passé de 6,4 % en 2009 à 2 % seulement en 2012, 2015 et 2019.

Ainsi, les foyers de processionnaires du pin tendent à se stabiliser dans le temps, avec une augmentation de la présence de foyers datant de plus de vingt ans et une diminution d'observations de nouveaux foyers dans les communes concernées.

Prise en compte des risques pour les arbres et la population

En dix ans, l'appréciation du degré de risques causés par la processionnaire du pin a fortement évolué, que ces risques concernent la santé des arbres ou bien la santé des habitants de la commune (Figure 3). Concernant la santé des arbres infestés, le risque était évalué en 2009 en grande partie comme faible (47,5 %) par les communes. À partir de 2012, la tendance s'inverse, avec une prise de conscience croissante des risques sanitaires induits par la processionnaire du pin sur les pins et cèdres. Ainsi, en 2012, le degré de risque est considéré pour la majorité des communes participantes comme moyen (38,5 %), avec une nette progression du degré de risque élevé (17 %). Cette tendance se poursuit en 2015, puis s'accentue en 2019 avec une progression du degré de risque très élevé (11,8 %).

De la même manière, concernant les risques sanitaires causés par la processionnaire du pin sur les habitants et les animaux de la commune, les degrés de risque moyen, élevé et très élevé progressent au fil des enquêtes. En 2009, les risques sanitaires étaient en grande majorité perçus comme nuls (25,2 %) et faibles (42 %). Cette tendance s'est inversée avec une prise de conscience des risques depuis 2012, qui s'accentue en 2019 avec une majorité de communes évaluant le risque comme très élevé (41,1 %).

Ces résultats témoignent d'une augmentation importante de la perception du risque sanitaire par les communes concernées, liée certainement au travail de sensibilisation réalisé sur les enjeux sanitaires durant ces dix dernières années.

Il est important de noter que nous observons des différences d'appréciation du risque entre les communes situées sur la zone tampon des lignes de front et les autres communes du panel, que ce soit pour la santé des arbres (Chisq.test, p-value = 0,006427), ou pour la santé des habitants (p-value = 0,01116). Ainsi, pour la grande majorité des communes situées en zone de front, l'évaluation du risque sur la santé des arbres est nulle, alors que le risque sur les habitants est perçu comme très élevé.

Évolution des stratégies de gestion

De plus en plus d'actions de lutte

Les communes touchées par la processionnaire du pin ont, en dix ans, fait évoluer leur stratégie de gestion de ce ravageur (Figure 4). Ainsi, en 2009 seules 35,3 % des communes concernées mettaient en place une méthode de gestion alors qu'en 2019, la majorité des communes concernées (71,3 %) entreprennent des actions. Il est à noter qu'à partir de 2012, plus de 50 % des communes concernées ont mis en place au moins une méthode de gestion.

Les communes qui ne luttent pas considèrent ne pas avoir assez de connaissances sur les techniques de lutte, et déplorent le peu de moyens humains et financiers leur permettant de s'investir dans cette lutte. Il est donc important de continuer de développer des formations et d'aider ces communes en les conseillant dans le choix des techniques de lutte les mieux adaptées à leurs besoins.

Les communes entreprennent des actions de gestion principalement pour protéger leurs habitants des risques sanitaires occasionnés par les chenilles processionnaires du pin (plus du tiers des répondants), mais également pour protéger les pins et cèdres infestés (entre un quart et un tiers des répondants). Les plaintes reçues sont également un bon déclencheur d'actions pour les communes (15 à 22 %), devant la gêne visuelle ou l'obligation réglementaire. Ces résultats se confirment statistiquement, montrant une dépendance entre la mise en place d'actions de lutte et le degré de risque sanitaire évalué sur les arbres (Chisq.test, p-value = 0,04228) et sur la population (p-value moins que 2,2.10-16). Cette tendance est plus marquée concernant la santé de la population par rapport à celle des arbres. La grande majorité des communes a donc pleinement conscience des risques sanitaires causés par la processionnaire du pin et de l'importance de mettre en place des méthodes de gestion afin de limiter ces risques.

Une diminution de la lutte chimique

En 10 ans, les communes ont très largement fait évoluer leurs pratiques, s'orientant progressivement vers des techniques de lutte intégrée respectueuses de l'environnement (Figure 5). Cette évolution s'explique en grande partie par un changement de politique, encouragé par le plan Écophyto, contraint par la loi Labbé. Par ailleurs, la recherche et le développement de nouvelles méthodes de lutte, ainsi que leur perfectionnement en termes d'efficacité, ont permis de vulgariser peu à peu les techniques de biocontrôle. En 2009, la lutte chimique était encore utilisée par 11,5 % des communes interrogées. Son emploi n'a cessé de diminuer depuis pour atteindre un taux d'utilisation quasi nul en 2019 (0,4 %). Cette baisse s'explique notamment par les évolutions réglementaires interdisant l'utilisation de produits phytosanitaires de synthèse dans les jardins et espaces verts publics depuis le 1er janvier 2017. Ces produits sont considérés comme efficaces mais présentant un danger pour l'applicateur et posant des problèmes écologiques du fait de l'absence de sélectivité des substances actives et de leur haute persistance dans l'environnement (Figure 6).

L'échenillage encore privilégié

Bien qu'elle suive la même tendance de baisse d'utilisation depuis dix ans (baisse d'utilisation de 23,2 %), la lutte mécanique (échenillage) reste la technique privilégiée par les communes pour contrôler les populations de processionnaires du pin. Cette méthode de gestion possède plus d'avantages que d'inconvénients selon les communes utilisatrices qui la considèrent comme peu coûteuse, écologique et efficace (Figure 6).

Une lutte microbiologique devenue contraignante

L'utilisation de la lutte microbiologique est restée stable entre 2009 et 2012 (15,4 %). Puis, après une légère diminution de 1,8 % en 2015, l'emploi de la bactérie Bacillus thuringiensis kurstaki (Btk) a drastiquement chuté en 2019 pour atteindre un taux de 5,8 %. Ces dernières années, le classement toxicologique et donc le délai de rentrée de certaines spécialités à base de Bt a évolué. Il y a quelques années, le délai de rentrée d'une partie des spécialités était de 24 h, rendant leur utilisation en Jevi difficile. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas (délai de réentrée de 6 h), mais certains gestionnaires qui ne l'utilisaient alors pas ont continué de s'en dispenser. Ainsi, cette technique est devenue difficile à mettre en place du fait de ces restrictions. Toutefois, elle reste considérée par les communes à la fois comme efficace et écologique, étant appliquée durant les mois de septembre à novembre, période où le traitement risque moins de toucher d'autres espèces non-cibles.

Le piégeage des papillons mâles : un usage stable

L'installation de pièges à phéromone sur le territoire communal est restée assez stable en dix ans, avec une moyenne de 14,3 % de communes utilisatrices sur les quatre campagnes d'enquêtes. Cette technique consiste à attirer les papillons mâles dans un piège via une phéromone de synthèse spécifique, réduisant ainsi les accouplements et le nombre de pontes. Elle demande beaucoup de logistique et de moyens humains et financiers pour sa mise en place. Ainsi, chaque année, les agents de mairie doivent installer ces pièges sur les sites infestés, dont le nombre fluctue en fonction du niveau d'infestation. Considérée comme efficace et écologique, cette technique de lutte présente un coût et des difficultés de mise en place qui sont un frein tangible à sa démocratisation.

Essor de trois méthodes de contrôle

Trois méthodes de gestion ont connu un réel essor dans leur utilisation sur les dix années d'études. Ainsi, l'utilisation du piégeage des chenilles s'est fortement accrue depuis 2009, avec une augmentation de 17,9 % de communes utilisatrices en dix ans. En 2019, elle devient la deuxième technique de lutte privilégiée par les communes après la lutte mécanique (21,5 %) (Figure 5). Le faible pourcentage d'utilisation en 2009 s'explique par le fait que cette technique était en cours de développement et de mise au point (brevet 2009), et n'était pas encore réellement connue des communes. Considérée comme efficace, écologique et facile d'utilisation (Figure 6), cette technique a, ensuite, très vite été adoptée par les municipalités.

De la même manière, la lutte biologique était encore peu connue en 2009 et s'est très vite développée sur les dix dernières années, passant de 2,6 % de communes utilisatrices en 2009 à 18,6 % en 2019. La lutte biologique englobe différentes méthodes de gestion. Elle comprend ainsi l'installation de nichoirs à mésanges et de chauves-souris (prédateurs naturels de la processionnaire du pin), favorisant ainsi leur implantation sur les sites infestés.

La gestion paysagère et sylvicole, par l'utilisation de méthodes de gestion curatives et préventives (abattage des arbres touchés, remplacement des variétés sensibles, par exemple le pin noir, par d'autres peu ou pas sensibles...) est une méthode de gestion de plus en plus utilisée par les communes. Considérée comme efficace, son utilisation est passée de 6,8 % en 2009 à 14,6 % en 2019.

La confusion sexuelle : pour les grands espaces

Enfin, la confusion sexuelle est une méthode de lutte récente dans la gestion de la processionnaire du pin. Cette méthode vise à saturer l'air en phéromone sexuelle afin de perturber le comportement des papillons mâles et ainsi entraver la reproduction. Son utilisation ne représente que 2,1 % des communes en 2019. Actuellement, cette technique est autorisée de manière dérogatoire, uniquement pour des enjeux de santé publique (AMM de 120 jours pour une utilisation biocide). La confusion sexuelle est encore peu connue, trop coûteuse et considérée comme inefficace par les municipalités utilisatrices. La méthode gagne en efficacité sur de grandes surfaces (> 4 hectares), à des taux d'infestation peu élevés. Or, les superficies des zones à traiter par les communes sont souvent morcelées en plusieurs microsites (bosquets, ronds-points, arbres d'alignement...) limités en nombre d'hectares, et l'utilisation de la confusion sexuelle n'est ainsi pas adaptée.

La lutte combinée de plus en plus plébiscitée

En 2009, les communes touchées par la processionnaire du pin utilisaient en majorité une unique méthode de gestion (58,6 %). Cette tendance s'est ensuite inversée au fil des ans, la lutte combinée devenant peu à peu la norme, et le taux de communes concernées atteignant 79,1 %. Chacune des techniques de lutte citées précédemment vise des stades précis dans le cycle de développement de la processionnaire du pin. En combinant plusieurs techniques au cours d'une même année, les communes gagnent en efficacité dans la gestion des populations de ce ravageur. La grande majorité des communes utilisaient seulement deux, voire trois types de méthodes en 2009. En 2012 et 2015, la tendance est à l'augmentation progressive du nombre de méthodes utilisées. En 2019, cette diversification s'accentue, avec la moitié des communes employant plus de quatre types de méthodes (Figure 7).

Évolution des besoins des communes

Malgré le travail et les efforts fournis par les communes dans la lutte contre la processionnaire du pin, celles-ci ont exprimé plusieurs besoins au cours des quatre campagnes d'enquêtes, en vue d'améliorer l'efficacité de cette lutte. Au fil des ans et des solutions apportées pour aider les communes, ces besoins ont évolué.

Ainsi, en 2009, les besoins des municipalités s'orientaient en priorité vers le développement de formations, d'aide et de conseils (43,2 %). Les outils d'aide à la décision (application Agiir) permettant aux communes de choisir les méthodes les plus adaptées à leurs situations n'existaient pas encore, et se sont développés à la suite de cette première enquête. Ces besoins sont donc moins prégnants les années suivantes. Les communes demandaient également en 2009 des aides financières ainsi que la prise en charge partielle ou totale des dépenses par d'autres instances (33,2 %). Ces besoins financiers connaissent une légère augmentation en 2015 (+7,1 %), puis une forte chute pour atteindre un taux de 25 % en 2019. En 2012, un quart des communes exprimaient le besoin d'améliorer les techniques de lutte existantes, en termes d'efficacité. Malgré les progrès de la recherche, plus d'un tiers des communes expriment encore ce besoin en 2019. Enfin, le besoin d'organiser la lutte hors du territoire communal afin d'optimiser son efficacité sur un plus vaste territoire augmente de manière quasi constante entre 2009 et 2019, (+12,3 %).

RÉSUMÉ

CONTEXTE - La processionnaire du pin Thaumetopoea pityocampa progresse sur le territoire. Les gestionnaires d'espaces verts doivent gérer les populations de ce ravageur pour protéger les arbres de leur commune mais aussi la santé des populations confrontées aux poils urticants de la chenille.

ÉTUDE - L'Inrae UEFM d'Avignon et Plante & Cité ont réalisé quatre campagnes d'enquêtes, en 2009, 2012, 2015 et 2019 afin de suivre l'évolution du ravageur et des pratiques de gestion, et d'évaluer les besoins en termes de lutte.

RÉSULTATS - Non seulement la proportion des communes concernées par la problématique a augmenté en dix ans, mais leur perception du risque sanitaire, a aussi changé.

L'utilisation des techniques de biocontrôle a nettement progressé en dix ans. La lutte biologique et le piégeage des chenilles s'imposent depuis 2012 comme des pratiques incontournables, facilement compatibles avec d'autres moyens de lutte. Bien que considérées comme moins efficaces que les traitements phytopharmaceutiques de synthèse, ces techniques alternatives sont plébiscitées par les communes.

Malgré ces évolutions, les communes expriment des besoins importants. Le besoin d'améliorer l'efficacité des méthodes de lutte employées et/ou de développer de nouvelles techniques à la fois efficaces et respectueuses de l'environnement perdure. De même, les communes expriment la nécessité de développer une homogénéisation de la lutte concertée entre communes voisines infestées.

MOTS-CLÉS - Processionnaire du pin Thaumetopoea pityocampa, enquête, stratégies de lutte, campagne d'enquêtes.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : anne-sophie.brinquin@inrae.fr

BIBLIOGRAPHIE : la bibliographie de cet article est disponible auprès de ses auteurs (contact ci-dessus).

REMERCIEMENTS

Les auteurs remercient les communes qui ont participé à ces enquêtes et qui, par leurs réponses, ont permis de réaliser cet état des lieux. Cette étude a été soutenue par l'Onema, puis par l'OFB, dans le cadre du plan Écophyto avec le pilotage du ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie.

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