Il existe quatre types de zones non traitées (ZNT) pouvant figurer dans une décision d'autorisation de mise sur le marché (AMM) d'un produit phytopharmaceutique. Elles sont destinées à protéger les personnes présentes et les résidents, le milieu aquatique, les arthropodes non-cibles et les plantes non-cibles. La ZNT correspond à un espace (largeur exprimée en mètre) entourant la zone traitée (sol, culture).
Des ZNT dans les conditions d'emploi
Pour chaque usage, les ZNT sont fixées dans les conditions d'emploi autorisées du produit. Elles se basent sur les données, fournies par le notifiant du dossier de demande d'homologation, et leur évaluation par la Direction de l'évaluation des produits réglementés de l'Anses selon les documents guide et modèles en vigueur au niveau européen et français. Les valeurs, fixées dans la décision d'AMM, tiennent compte de la réglementation française en vigueur.
Pour assurer une cohérence européenne, le règlement (CE) n° 547/2011, concernant les exigences en matière d'étiquetage des produits phytopharmaceutiques, propose des phrases types indiquant les risques particuliers pour la santé humaine ou pour l'environnement et des phrases types pour leur protection. Elles sont rédigées en vingt-deux langues.
Évaluation des risques pour l'environnement
Danger × exposition = risque
L'évaluation des risques pour l'environnement doit permettre d'identifier si l'exposition des organismes de l'environnement à un composé exogène (substance active, produit phytopharmaceutique) est susceptible d'induire des effets néfastes sur les individus, les populations, les écosystèmes. Cette évaluation s'effectue en trois étapes :
- étape 1, l'évaluation des dangers pour les organismes de l'environnement (écotoxicité) ;
- étape 2, l'évaluation des expositions des organismes de l'environnement (concentrations prévisibles dans l'environnement) ;
- étape 3, l'évaluation des risques (risque = danger × exposition). Elle se base sur une comparaison des ratios entre la toxicité et l'exposition à des valeurs seuils réglementaires (règlement (UE) n° 546/2011).
Une évaluation des risques est conduite pour les organismes présents dans les différents milieux : les organismes du sol (macro- et micro-organismes), les oiseaux et mammifères, les abeilles et autres arthropodes non-cibles, les plantes non-cibles et les organismes aquatiques.
Espèces non-cibles du milieu aquatique
En ce qui concerne l'évaluation des risques pour les espèces non-cibles aquatiques, la contamination des eaux de surface et sédiments peut se faire en particulier par dérive du produit, lors de la pulvérisation, ou par drainage ou ruissellement, après application. L'évaluation des niveaux d'exposition dans les eaux de surface et sédiments est conduite à l'aide des outils Focus. Ces outils permettent d'estimer les PECsw/sed (1)(concentrations prévisibles dans l'environnement - eaux de surface/sédiments). L'établissement d'une ZNT (pour limiter l'effet de la dérive de pulvérisation) et la mise en place de dispositifs végétalisés permanents (DVP) - bandes enherbées, haies - (pour limiter l'effet du ruissellement) sont des mesures d'atténuation du risque pour garantir la protection des organismes aquatiques vivants dans les points d'eau permanents (au sens de l'Institut géographique national(2)) proches des parcelles traitées.
La mesure d'atténuation du risque lié à la contamination via la dérive et/ou le ruissellement est énoncé par la phrase : « SPe 3 : Pour protéger les organismes aquatiques, respecter une zone non traitée de [5, 20, 50 ou 100] mètres comportant un dispositif végétalisé permanent non traité d'une largeur de [5 ou 20] mètres en bordure des points d'eau. »
Espèces non-cibles du milieu terrestre
L'exposition des arthropodes non-cibles vivant hors du champ et des plantes non-cibles poussant hors du champ s'effectue par la dérive de pulvérisation, lors de l'application du produit. Les données de dérive prises en compte (Ganzelmeier et al. 1995, Rautmann et al., 2001) sont les mêmes que celles utilisées pour le calcul des PECsw/sed. La quantité de produit déposée à différentes distances par rapport à la zone non cultivée adjacente est estimée afin d'établir la distance nécessaire pour garantir la protection des arthropodes et plantes non-cibles en bordure du champ.
La mesure d'atténuation du risque est énoncée dans une phrase de type « SPe 3 : Pour protéger [les arthropodes non-cibles/les plantes non-cibles], respecter une zone non traitée de [distance à préciser] par rapport à la zone non cultivée adjacente ».
Personnes présentes et résidents
Une nouvelle mesure de gestion relative à la protection des personnes présentes et des résidents (au sens du règlement (UE) n° 284/2013) est récemment apparue dans les décisions. Elle résulte de l'évaluation suivant les recommandations d'un document guide de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa, 2014), et de la prise en compte du décret n° 2019-1500 et de l'arrêté français du 27 décembre 2019. Les personnes présentes sont les personnes qui se trouvent fortuitement dans un espace où un produit phytopharmaceutique est ou a été appliqué, ou dans un espace adjacent, à une fin autre que celle de travailler dans l'espace traité ou avec le produit traité. Les résidents sont des personnes qui habitent, travaillent ou fréquentent une institution à proximité des espaces traités avec des produits phytopharmaceutiques, à une fin autre que celle de travailler dans l'espace traité ou avec les produits traités. La mesure de gestion intègre une distance et éventuellement un dispositif de réduction de la dérive.
Les phrases types suivantes figurent, lorsque cela est pertinent, dans les décisions :
« Pour les usages sur [culture ou usage], respecter une distance d'au moins [distance à préciser 3, 5 ou 10 mètres] entre le dernier rang traité et :
- l'espace fréquenté par les personnes présentes lors du traitement ;
- l'espace susceptible d'être fréquenté par des résidents ;
(et utiliser un matériel permettant une atténuation de la dérive d'au moins 50 %). »
« Pour les usages sur [culture ou usage], respecter une distance d'au moins [distance à préciser 3, 5 ou 10 mètres] entre la rampe de pulvérisation et :
- l'espace fréquenté par les personnes présentes lors du traitement ;
- l'espace susceptible d'être fréquenté par des résidents ;
(et utiliser un matériel permettant une atténuation de la dérive d'au moins 50 %). »
En absence de mesure de gestion relative à la protection des personnes présentes et des résidents dans la décision, les contraintes fixées par décret et arrêté s'appliquent(3).
En ce qui concerne la rampe de pulvérisation, il a été précisé dans le bulletin mensuel des AMM n° 2020 du 5 mai 2020(4) que la mesure de la distance s'effectue à partir du dernier jet actif (buse pulvérisant du produit) de la rampe : un appareil de pulvérisation circulant dans un champ, sans pulvériser de produit, n'est évidemment pas soumis à cette contrainte.
Si les ZNT apparaissent en premier lieu comme des contraintes, elles s'avèrent indispensables à une utilisation durable des produits phytopharmaceutiques. Le respect de ces mesures par les prescripteurs et les utilisateurs, ainsi qu'une communication claire par les détenteurs des produits s'imposent. Ces mesures de gestion sont destinées à assurer la protection des individus et des organismes de l'environnement.
(1) https://www.anses.fr/fr/system/files/note_information_PECsw_Rev1.pdf(2) « Points d'eau » : cours d'eau définis à l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement et éléments du réseau hydrographique figurant sur les cartes 1/25000 de l'Institut géographique national. Les points d'eau à prendre en compte pour l'application du présent arrêté sont définis par arrêté préfectoral dûment motivé dans un délai de deux mois après la publication du présent arrêté.(3) https://agriculture.gouv.fr/distances-de-securite-proximite-des-habitations-comment-sapplique-le-dispositif(4) https://www.anses.fr/fr/system/files/ANSES-Ft-BulletinAMM-Mai2020.pdf
RÉSUMÉ
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACT : jerome.laville@anses.fr
- Décret n° 2019-1500 du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d'habitation.
- Focus - « FOCUS Surface Water Scenarios in the EU Evaluation Process under 91/414/EEC » and « Generic guidance for FOCUS surface water Scenarios ».
https://esdac.jrc.ec.europa.eu/projects/surface-water
- Guidance of the assessment of exposure for Operators, Workers, Residents and Bystanders in risk assessment for plant protection products. Efsa, 2014.
- Règlement (UE) n° 547/2011 de la commission du 8 juin 2011 portant application du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant les exigences en matière d'étiquetage de produits phytopharmaceutiques.
- Règlement (UE) n° 284/2013 de la commission du 1er mars 2013 établissant les exigences en matière de données applicables aux produits phytopharmaceutiques, conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.
- Note mise en ligne sur le site internet de l'Anses le 16 juillet 2020 : https://www.anses.fr/fr/system/files/Note_relative_protection_riverains_juillet.pdf