Issue de la loi EGalim du 30 octobre 2018, l'ordonnance sur la séparation du conseil et de la vente de produits phytopharmaceutiques, publiée le 24 avril 2019, vise à garantir l'indépendance du conseil délivré aux utilisateurs professionnels (agriculteurs ou autres). Dans ce cadre, trois textes réglementaires sont en préparation(1). Un projet de décret détaille les modalités d'exercice des activités de conseils stratégiques et spécifiques, qui doivent entrer en vigueur au 1er janvier 2021, hormis les dispositions relatives à l'indépendance des activités de conseil et de vente pour les Dom-Tom, Saint-Martin et pour les micro-entreprises, reportées au 1er janvier 2025. Un projet d'arrêté précise les exploitations exemptées de conseil stratégique obligatoire.
Le second projet d'arrêté fixe les modalités de la certification pour les activités de distribution, d'application en prestation de services et de conseil à compter du 1er janvier 2021(2). Le texte définit les moyens nécessaires pour satisfaire aux obligations en matière de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) dans le cadre de la certification des distributeurs de produits phyto.
æSelon le décret, pour pouvoir renouveler leur certiphyto, les exploitants devront justifier de deux conseils stratégiques sur une période de cinq ans, espacés au minimum de deux ans et maximum trois ans. Ce conseil stratégique est défini dans l'article L. 254-6-2 du code rural et de la pêche maritime, en application de l'ordonnance du 24 avril 2019. Il est fondé sur un diagnostic préalable de l'entreprise, d'une durée de validité de six ans : spécificités pédoclimatiques, sanitaires et environnementales, organisation et situation économique de l'exploitation, moyens humains et matériels disponibles... Ce diagnostic permet d'établir un premier conseil stratégique sous la forme d'un plan d'actions composé de recommandations priorisées : réduire ou anticiper la fin des produits phytopharmaceutiques composés de substances présentant un critère d'exclusion ou dont on envisage la substitution ; répondre aux situations d'impasse et anticiper sur les risques futurs d'impasse technique ; limiter les risques d'apparition ou de développement de résistances des adventices et des bioagresseurs aux produits phytopharmaceutiques (à prendre en compte en cas d'utilisation de variété rendue tolérante aux herbicides). Le deuxième conseil stratégique dresse un bilan du déploiement du plan d'actions, identifie les difficultés et les facteurs de réussite et propose les évolutions nécessaires de ce plan. Le conseil stratégique et le diagnostic sont conservés par l'utilisateur et par la personne agréée qui les ont réalisés pendant une durée de six ans.
æPar dérogation, un seul conseil stratégique serait réalisé par période de cinq ans pour les exploitations agricoles dont les surfaces susceptibles d'être traitées sont « de moins de deux hectares en arboriculture, viticulture, horticulture ou cultures maraîchères, de moins de dix hectares pour les autres cultures ainsi que pour les autres exploitations agricoles et utilisateurs professionnels et de moins de dix kilomètres pour les infrastructures linéaires ».
La délivrance du conseil stratégique obligatoire n'est pas requise lorsque l'entreprise n'utilise que des produits de biocontrôle (article L. 253-5), des produits composés uniquement de substances de base, des produits à faible risque, et les produits nécessaires aux traitements prescrits pour lutter contre les organismes figurant sur la liste établie en application de l'article L. 251-3 (organismes de quarantaine, organismes réglementés non de quarantaine, etc.). Le projet d'arrêté précise les pratiques et démarches également exemptées de conseil obligatoire dès lors qu'elles concernent la totalité des surfaces d'exploitation : l'agriculture biologique ou la conversion vers l'agriculture biologique ; la certification environnementale de troisième niveau, qualifiée de « haute valeur environnementale » ou HVE).
æLe conseil spécifique répond quant à lui à un besoin ponctuel et est laissé au libre choix de l'agriculteur. Il comporte une recommandation d'utilisation de produits phyto. Formalisé par écrit, il « précise la substance active ou la spécialité recommandée, la cible, la ou les parcelles concernées, la superficie à traiter, la dose recommandée et les conditions d'utilisation ». Il tient compte des éléments de stratégie de protection des cultures de l'exploitation, et des précédents culturaux et traitements déjà effectués. Il est conservé par l'utilisateur et par la personne agréée qui l'a délivré pendant une durée de deux ans.
Notons que l'article R. 254-22 du code rural précise que « les distributeurs s'assurent que les clients disposent des informations appropriées concernant l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, notamment la cible, la dose recommandée et les conditions de mise en oeuvre, les risques pour la santé et l'environnement, et les consignes de sécurité permettant de gérer les risques en question ».
æSelon le projet d'arrêté fixant les modalités de la certification (distribution à des utilisateurs professionnels, distribution à des utilisateurs non professionnels, application en prestation de service, conseils stratégique et spécifique), les entreprises devront avoir choisi le périmètre pour lequel elles demandent la certification au plus tard le 15 décembre 2020, et communiqué ce choix à leur organisme certificateur.
Le cycle de certification est composé : d'une phase initiale d'une durée maximale de trois ans à compter de la délivrance de la certification, comprenant un audit de suivi intermédiaire ; de phases de renouvellement d'une durée de six ans au maximum à compter de la date du renouvellement de la certification, comprenant deux audits de suivi bisannuels. Le texte indique que les vendeurs doivent disposer d'un « référent CEPP désigné auprès de l'autorité administrative en qualité de collaborateur principal, chargé du déploiement des CEPP au sein de l'entreprise ». L'entreprise doit également disposer d'un diagnostic prenant en compte chaque action standardisée existante pour définir son potentiel de certificats et les leviers qui peuvent être déployés, ainsi qu'un plan élaboré sur la base de ce diagnostic et fixant les lignes directrices pour obtenir des CEPP. Le projet aborde les sanctions en cas de non-atteinte du quota de CEPP à obtenir.
GLOSSAIRE
AMM = autorisation de mise sur le marché
De biocontrôle L. 253-5 = figurant sur la liste des produits de biocontrôle « établie au titre des articles L. 253-5 et L. 253-7, IV du code rural (...) »
JORF = Journal officiel de la République française
JOUE = Journal officiel de l'Union européenne
MAA = ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation
Phyto = phytopharmaceutique (qualifie un produit, une substance, un pesticide, un marché...)
UAB = utilisable en agriculture biologique
POUR EN SAVOIR PLUS
- Une note d'analyse du Centre d'études et de prospective du MAA de juin 2020 présente les principaux enseignements d'une étude destinée à mieux connaître les outils et méthodes de « conseil stratégique » développés depuis une vingtaine d'années en France. https://tinyurl.com/y6xumyuf
- « Guide vente et conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques : mise en oeuvre de la séparation pour les coopératives agricole » : https://www.lacooperationagricole.coop/fr/nos-guides