Biocontrôle

Le biocontrôle pour la culture du blé : du retard, des avancées

PROPOS RECUEILLIS PAR EMMANUELLE ROUSSEAU, Végépolys Valley. - Phytoma - n°741 - février 2021 - page 41

Des acteurs de la recherche publique et privée, associés au sein d'un consortium, travaillent à soutenir le développement du biocontrôle, notamment à combler le retard pris en grandes cultures. Entretien avec Claude Maumené.
1. Claude Maumené, ingénieur Arvalis.

1. Claude Maumené, ingénieur Arvalis.

2. Site expérimental. Photos : 1. C. Maumené 2. Arvalis

2. Site expérimental. Photos : 1. C. Maumené 2. Arvalis

Fig. 1 : Effet de trois doses de phosphonates sur le développement de la septoriose du blé (essai Vegenov 2020)      Moyenne des pourcentages de surface foliaire présentant des symptômes de septoriose sur les quatre répétitions. Modalités : témoin négatif traité à l'eau, témoin positif traité avec un fongicide conventionnel (Cinch), trois doses de phosphonates de potassium (20 ml/l, N/2 ; 8 ml/l, N/5 ; et 0,08 ml/l, N/50). Les lettres correspondent aux groupes homogènes obtenus à la suite de l'analyse statistique Newman-Keuls au risque alpha de 5 %.

Fig. 1 : Effet de trois doses de phosphonates sur le développement de la septoriose du blé (essai Vegenov 2020) Moyenne des pourcentages de surface foliaire présentant des symptômes de septoriose sur les quatre répétitions. Modalités : témoin négatif traité à l'eau, témoin positif traité avec un fongicide conventionnel (Cinch), trois doses de phosphonates de potassium (20 ml/l, N/2 ; 8 ml/l, N/5 ; et 0,08 ml/l, N/50). Les lettres correspondent aux groupes homogènes obtenus à la suite de l'analyse statistique Newman-Keuls au risque alpha de 5 %.

Fig. 2 : Efficacité de protection de trois doses de phosphonates contre la septoriose du blé (essai Vegenov 2020)      Efficacité calculée par rapport au témoin eau correspondant (J-1), à partir des valeurs présentées dans la Figure 1.

Fig. 2 : Efficacité de protection de trois doses de phosphonates contre la septoriose du blé (essai Vegenov 2020) Efficacité calculée par rapport au témoin eau correspondant (J-1), à partir des valeurs présentées dans la Figure 1.

Fig. 3 : Prélèvement des échantillons foliaires de blé sur cartes FTA, essai Arvalis, Boigneville, mai 2019       Douze feuilles sont prélevées puis insérées dans un sachet. Les feuilles sont broyées dans un tampon d'extraction pendant 30 secondes. Le jus obtenu est collecté dans le compartiment du sachet Bioreba à l'aide d'une pipette jointe au kit. L'extrait est ensuite déposé sur la carte FTA qui est ensuite envoyée au Centre R&D de Végépolys Valley.

Fig. 3 : Prélèvement des échantillons foliaires de blé sur cartes FTA, essai Arvalis, Boigneville, mai 2019 Douze feuilles sont prélevées puis insérées dans un sachet. Les feuilles sont broyées dans un tampon d'extraction pendant 30 secondes. Le jus obtenu est collecté dans le compartiment du sachet Bioreba à l'aide d'une pipette jointe au kit. L'extrait est ensuite déposé sur la carte FTA qui est ensuite envoyée au Centre R&D de Végépolys Valley.

 Photo : Végépolys Valley

Photo : Végépolys Valley

 Photo : Végépolys Valley

Photo : Végépolys Valley

Fig. 4 : Carte de densité de l'expression des gènes marqueurs de défenses de type PR (Pathogenesis-Related protein) et péroxydase (POX) obtenue à partir d'échantillons de blé prélevés au champ      Modalités : A = soufre. B + C = soufre + phosphonates. TNT = témoin non traité.

Fig. 4 : Carte de densité de l'expression des gènes marqueurs de défenses de type PR (Pathogenesis-Related protein) et péroxydase (POX) obtenue à partir d'échantillons de blé prélevés au champ Modalités : A = soufre. B + C = soufre + phosphonates. TNT = témoin non traité.

Les quarante-huit membres privés et publics du consortium Biocontrôle, initié en 2016, ont pour ambition de soutenir la création d'une activité industrielle sur le biocontrôle en France et favoriser son usage. Ils mènent des études pour répondre aux enjeux sociétaux, aux contraintes réglementaires et offrir des solutions aux agriculteurs. Les maladies des grandes cultures font partie des thématiques traitées. Claude Maumené, ingénieur Arvalis, coordinateur du réseau d'expérimentation grandes cultures (projet XP-BC) au sein du consortium, en précise les contours.

Les solutions de biocontrôle sur le marché pour les grandes cultures sont encore peu nombreuses. Pourquoi ce retard par rapport à d'autres cultures ?

Claude Maumené : Les grandes cultures sont un peu le parent pauvre du biocontrôle. Peu de solutions existent et le peu qui existe est souvent peu utilisé ; l'efficacité n'est pas toujours là or le résultat doit être suffisant pour ne pas mettre en péril la récolte. Les produits conventionnels apportaient jusque-là satisfaction ; les usages étaient bien pourvus. Le biocontrôle s'est d'abord développé pour les cultures à haute valeur ajoutée, comme les fruits et légumes, notamment ceux en milieu fermé (sous serre). L'utilisation des produits de biocontrôle en milieu ouvert est plus complexe à maîtriser. Il suffit de penser aux lâchers d'auxiliaires.

Quelles sont les solutions utilisables sur céréales à pailles ? Et leurs limites ?

C. M. : Contre les maladies, une solution consiste à traiter les semences, avec des solutions à base de micro-organismes de type Cerall (Pseudomonas chlororaphis MA 342). Elle est efficace mais son développement reste modeste. La conservation à température ambiante du produit est en effet limitée à une semaine et suppose une mise en terre rapide après application.

Un produit à base d'algues proposé dans les années 2000 par la société Goëmar (Iodus, aujourd'hui Vacciplant GC), très novateur à l'époque, proposait un nouveau mode d'action par stimulation des défenses naturelles des plantes. L'efficacité s'est avérée effective mais irrégulière, et insuffisante pour assurer son développement à très grande échelle.

Depuis deux ans, le soufre, substance naturelle d'origine minérale, utilisable en agriculture biologique(1) connaît un nouveau développement sur céréales, mais surtout sur blé tendre. Il était utilisé assez largement dans les années 1980, pour lutter contre l'oïdium. Ce problème important étant devenu mineur (en raison de l'évolution des résistances variétales et des pratiques agronomiques, en particulier grâce à une meilleure gestion de l'azote), il est maintenant proposé pour lutter contre la septoriose, bioagresseur majeur sur blé.

Dans un avenir proche, les phosphonates de potassium connus et utilisés depuis longtemps sur vigne pourraient recevoir une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour lutter contre la septoriose sur blé (et le mildiou de la pomme de terre). Enfin, les phosphates ferriques, eux aussi considérés comme d'origine naturelle, sont utilisés pour lutter contre les limaces sur un grand nombre de cultures dont les céréales.

Quelles ont été les premières expérimentations sur blé ?

C. M. : Le soufre était connu pour lutter contre l'oïdium mais aucune recherche récente n'avait été clairement menée pour préciser son action sur d'autres maladies. Les attentes fortes pour une agriculture plus économe en intrants et la pression de la règlementation sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques de synthèse ont nécessité de trouver des solutions alternatives, dont les produits de biocontrôle. Pour le blé, la priorité s'est portée sur la lutte contre les problèmes majeurs que sont la septoriose et la fusariose. C'est ainsi qu'est né en 2015 un réseau R2E (Réseau d'excellence expérimentale) entre Arvalis, Terres Inovia, la Fnams, des coopératives et négoces, tous disposant d'un agrément BPE (bonnes pratiques d'expérimentation) dans le but d'étudier plus efficacement des innovations. Les partenaires ont donc mis en commun des protocoles et méthodes pour mettre en place des essais et compiler les données. Les résultats concluants sur septoriose (mais insuffisants sur fusariose) ont contribué à documenter une demande de dérogation auprès du ministère de l'Agriculture et plusieurs demandes d'extension d'AMM auprès de l'Anses, pour un usage du soufre sur cette cible. La dérogation, puis les différentes extensions d'AMM obtenues ont permis en quelques années une bonne diffusion et utilisation du soufre sur près de 300 000 ha, grâce au concours des distributeurs.

Leur contribution a été décisive, sur le volet expérimentation, mais également parce que convaincus de la valeur de cette solution, ils l'ont rapidement conseillée.

Quels enseignements avez-vous tirés de cette expérience ?

C. M. : Il est important de coconstruire avec tous les acteurs pour générer la confiance indispensable pour faire évoluer les pratiques. Les distributeurs sont parmi les meilleurs ambassadeurs pour la diffusion d'innovation. L'autre grand enseignement est qu'il ne faut pas négliger d'explorer de nouveaux usages pour des substances déjà connues. Les extensions d'usage peuvent être plus rapidement obtenues et permettre des changements plus rapides, en attendant que la recherche propose des solutions entièrement nouvelles.

En 2016, est né le consortium Biocontrôle. Quels projets ont été mis en place pour le blé ?

C. M. : Au sein de ce consortium est né le projet XP-BC, réseau d'expérimentation dédié au biocontrôle décliné en trois volets : maladies sur grandes cultures, mildious toutes cultures(2) et ravageurs piqueurs et suceurs. Les acteurs ont convenu de tester de nouveaux produits et d'améliorer leurs méthodologies pour les adapter aux produits de biocontrôle. Concernant les grandes cultures, nous nous sommes concentrés sur la fusariose et la septoriose du blé, et le sclérotinia du colza. Le consortium a lancé chaque année un appel à propositions à ses membres pour tester des produits candidats en cours de développement ou déjà autorisés sur d'autres usages. Les phosphonates (Encadré 1) de potassium sont déjà autorisés sur la vigne, également en maraîchage, mais leur efficacité sur les grandes cultures a été peu testée. C'est ainsi que le phosphonate de potassium a été testé dans le cadre du réseau XP-BC en partenariat avec l'entreprise De Sangosse.

Les résultats des expérimentations ont été concluants et démontrent même l'intérêt de combiner phosphonates et soufre (Encadré 2). Cette solution entièremement de biocontrôle a été testée sur le traitement précoce du blé, sans prise de risque. Combinée à une variété résistance génétique à la rouille jaune, elle offre la même garantie qu'un produit conventionnel polyvalent.

Quel est l'intérêt de réaliser ces expérimentations dans le cadre du consortium ?

C. M. : Il est satisfaisant, tant pour la recherche privée que publique, de pouvoir échanger des idées et des données en toute transparence et confidentialité. En additionnant les compétences de laboratoire et de terrain, il est plus facile de comprendre les raisons d'efficacité ou d'échec, les modes d'action, l'intérêt et les limites des solutions testées. Nous avons décloisonné les recherches. Ce consortium a permis d'organiser une mutualisation bénéfique, d'accélérer la compréhension et d'améliorer les méthodologies d'évaluation des produits de biocontrôle.

Pour exemple, le mode d'action des phosphonates est assez original. Ces derniers ont une activité directe de contact sur la germination des spores des champignons, mais aussi une action indirecte préventive, en stimulant les défenses naturelles des plantes. Selon les pathogènes et pathosystèmes, les effets directs et indirects vont être plus ou moins marqués. Dans le cas de la septoriose, cet équilibre était encore mal connu. Disposer de cette information peut influencer le mode d'emploi de ces solutions. Si nous avons affaire majoritairement à un stimulateur de défense des plantes, l'interaction avec le fond génétique sur lequel il est appliqué pourrait être alors importante. Il sera donc intéressant d'étudier ces interactions, c'est-à-dire d'observer si les variétés expriment des réponses différentes à cette stimulation pour éventuellement sélectionner les meilleures combinaisons. Le rôle du laboratoire pour établir le mode d'action en conditions contrôlées est donc essentiel pour préciser ce mode d'action (Encadré 3). Des techniques comme le recours à des cartes FTA(3) permettent de transporter des échantillons du champ au laboratoire pour ensuite vérifier la réalité des activations des défenses au champ (Encadré 4).

Quelles sont les perspectives ?

C. M. : À court terme, ces travaux devraient permettre d'accompagner le déploiement de solutions comme les phosphonates sur le terrain, dès qu'ils seront autorisés, et de parler d'une seule voix des innovations de biocontrôle. Mais il faudra patienter encore avant que ces solutions ne prennent le pas sur les produits conventionnels. Même si de nombreux programmes privés et publics se développent en parallèle de ceux cités précédemment, la recherche ne se fait pas sur du court terme. On peut faire confiance à la capacité globale de la recherche à innover. Les firmes, comme les universités, poursuivent leurs travaux en adaptant leurs méthodes de screening et en travaillant sur des produits totalement nouveaux. Une startup américaine vient par exemple d'obtenir l'autorisation pour un bio-insecticide à spectre spécifique, pour lutter contre les acariens, thrips, les aleurodes notamment, à base de venin d'araignée. Les innovations sont attendues sur le terrain, même si elles sont plus complexes à mettre en oeuvre, pourvu qu'elles restent efficaces et accessibles sur le plan économique.

(1) tinyurl.com/49ky2ur3(2) Voir Phytoma n° 739 p. 33.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Les partenaires du consortium Biocontrôle ont pour objectif de faire progresser le biocontrôle en France. La filière grandes cultures, en particulier, dispose de peu de solutions en la matière.

TÉMOIGNAGE - Claude Maumené, ingénieur Arvalis chargé de mission biocontrôle, est aussi coordinateur du réseau d'expérimentation grandes cultures (projet XP-BC) au sein du consortium. Il explique pourquoi la filière a pris du retard, quelles sont les solutions disponibles et les perspectives. Des résultats d'essais sont présentés en exemple.

AVANCÉES - Les principaux résultats portent actuellement sur l'efficacité du soufre et des phosphonates pour lutter contre les maladies du blé. Si le premier est autorisé, les seconds sont en cours de demande d'homologation.

Les expérimentations au sein du consortium évaluent les différentes solutions en conditions contrôlées et au champ, tant sur l'aspect fongicide direct que sur les potentiels effets de stimulation des défenses des plantes.

MOTS-CLÉS - Biocontrôle, blé, grandes cultures, expérimentation, septoriose, phosphonates, soufre, fongicide, SDP.

1 - Phosphate, phosphonate ou phosphite

Les phosphates sont un composant principal des engrais à base de phosphore, par exemple le phosphate d'ammonium, le phosphate bicalcique, le phosphate de potassium. Ils n'ont pas de propriétés fongicides, mais sont d'excellents fertilisants.

Les phosphonates et phosphites sont deux sels dérivés de l'acide phosphonique et de l'acide phosphoreux. Ces deux formes coexistent et sont en équilibre. La forme la plus stable et la plus abondante est la forme phosphonate. Par abus de langage, on parle de phosphite, mais il conviendrait davantage de parler de phosphonate. Les phosphonates comme les phosphites ne sont pas des engrais. En revanche, ils ont des propriétés antimicrobiennes et de stimulation des défenses des plantes. Il existe des phosphonates de potassium, de sodium, ou même d'aluminium... Ils sont tous issus d'une synthèse chimique. Mais seuls les sels de sodium et de potassium sont considérés comme existant à l'état naturel et figurent à ce jour sur la liste biocontrôle.

2 - Les phosphonates à l'essai, efficaces en T1, en complément

Arvalis, dans le cadre du réseau d'excellence expérimentale (R2E) et dans le cadre de ses propres essais, a évalué l'efficacité des phosphonates de potassium et de sodium pour lutter contre la septoriose, en particulier celle de la formulation DSPF016 (755 g/l), de même composition que le produit LBG 01F34, actuellement autorisé pour lutter contre le mildiou de la vigne.

Les essais conduits avec le produit seul appliqué de manière répétée ont permis de conclure à une réelle efficacité sur septoriose, certes insuffisante pour permettre son utilisation seul, mais suffisante pour être valorisée en mélange avec un autre fongicide conventionnel (à base de metconazole par exemple) ou un autre fongicide de biocontrôle. S'agissant du biocontrôle, le mélange avec du soufre a donné les meilleurs résultats et amélioré sensiblement l'efficacité de celui-ci, au point d'en faire une solution suffisante pour lutter contre la septoriose au moment du traitement (T1) en début de montaison. Les essais comparant différents programmes de protection ont depuis largement démontré la robustesse de cette solution sur septoriose. En revanche, elle ne permet pas de contrôler la rouille jaune, même en début d'épidémie. Cette solution sera donc à réserver à des variétés résistantes à la rouille jaune (elles sont nombreuses) ou à des situations où les risques sont minimes. Elle devra toutefois attendre d'être autorisée sur céréales pour pouvoir être déployée. Une autorisation pour les phosphonates de potassium est espérée courant 2021 pour une possible mise en oeuvre au printemps 2022.

La solution phosphonates + soufre présente en outre l'avantage de ne pas être comptabilisée dans l'indicateur de fréquence de traitement (IFT), de générer des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) pour les structures qui la distribuent (pour le soufre dans l'immédiat), de limiter le recours à des fongicides affectés par le développement de résistances. À ce titre, des travaux sont en cours pour évaluer sa contribution potentielle à la gestion des risques de résistance de la septoriose aux fongicides conventionnels. En revanche, sa mise en oeuvre conduit à manipuler des volumes de produits significatifs, les phosphonates étant utilisés à 2 l/ha et le soufre à 3 ou 3,5 l/ha. Quant au prix, il n'est pas encore connu mais le coût d'un tel mélange devra rester compatible avec le type de dépense engagée à ce stade.

Les phosphonates ont été aussi testés en substitution partielle du traitement T2 de fin montaison, généralement au stade dernière feuille. Cette pratique n'a pas encore fait complètement ses preuves, elle est encore à l'étude dans les essais.

3 - Des évaluations en conditions contrôlées indispensables

 Photo : Végépolys Valley

Photo : Végépolys Valley

Vegenov, centre de ressources technologiques spécialisé dans le végétal, a une expertise dans l'évaluation et la caractérisation de solutions de biocontrôle en conditions contrôlées, focalisée majoritairement sur le maraichage et les grandes cultures. Au sein du laboratoire de protection et nutrition des plantes, Vegenov, membre du réseau XP-BC, a apporté sa méthodologie d'évaluation du développement de la septoriose sur blé en conditions contrôlées. Ce dispositif permet de mesurer l'efficacité de produits de biocontrôle contre cette maladie, en positionnant précisément l'application du produit par rapport à l'inoculation (photo). Les plants de blé sont traités sur l'ensemble du feuillage. L'inoculation s'effectue sur les premières feuilles développées.

Un essai réalisé en 2020 a consisté à évaluer trois doses de phosphonates de potassium à deux positionnements, préventif et curatif, afin d'amener des éléments de compréhension sur le mode d'action du produit, potentiellement différent en fonction de la dose appliquée. En effet, la littérature suggère une action biocide directe du produit à forte dose et un effet stimulateur des défenses des plantes (SDP) à faible dose. Les trois doses ont été sélectionnées à la suite d'un test préalable réalisé in vitro au centre R&D de Végépolys Valley pour leur action biocide directe sur les spores du champignon : action biocide potentiellement forte (20 ml/l, N/2), modérée (8 ml/l, N/5) et très faiblement biocide (0,08 ml/l, N/50). Chaque dose de produit a été appliquée avant (J-1) ou après (J+3) l'inoculation. La pénétration du pathogène a lieu dans les premiers jours après inoculation ; les symptômes mettent deux-trois semaines à apparaître, et sont bien développés après trois-quatre semaines.

Dans cet essai, une forte à très forte efficacité de protection a été observée sur l'ensemble des modalités, de 60 % à 93 % (Figure 1 ci-dessous et Figure 2 page suivante). Même s'il est difficile de transposer directement les doses utilisées entre les différents systèmes expérimentaux in vitro et in planta, le fait que même des doses supposées très faiblement biocides induisent une bonne efficacité de protection suggère qu'il peut y avoir un effet SDP. Les résultats d'efficacité avec les deux positionnements sont comparables. Il semble qu'il y ait une activité du produit et/ou un effet de stimulation des défenses limitant la propagation du pathogène dans les tissus, même après sa pénétration. Il serait intéressant d'évaluer un positionnement encore plus tardif, une fois la pénétration du pathogène totalement établie et avant l'apparition des symptômes.

4 - Les phosphonates permettent-ils de stimuler les défenses du blé au champ ?

Dans le cadre du consortium biocontrôle et en partenariat avec De Sangosse, Arvalis et le centre R&D de Végépolys Valley ont étudié l'effet stimulateur de défenses des phosphonates sur blé. Dans une expérimentation réalisée en 2019, l'effet stimulateur de différents traitements à base de soufre avec ou sans phosphonates a été évalué et comparé à leur efficacité de protection au champ. Pour cela, la technologie qPFD brevetée par Inrae (brevet WO2011/161388), qui permet de quantifier l'expression d'un set déterminé de gènes de défense, a été couplée avec celle des cartes FTA, qui permettent de récolter au champ des extraits d'acides nucléiques issus de feuilles pour pouvoir les transporter au laboratoire.

Dans cet essai, trois modalités ont été comparées : non traité, traité au soufre et traité au soufre + phosphonates (tableau). Chaque traitement a été appliqué quatre fois, tous les dix jours à partir du stade BBCH 31. Des prélèvements foliaires ont été réalisés au champ sur carte FTA, 24 heures après le dernier traitement, en collectant douze feuilles issues de six plantes différentes, à raison de deux feuilles par plante (Figure 3 ci-contre). Après réception des cartes, l'expression des gènes de défense a été mesurée par PCR quantitative à partir des échantillons d'ARN extraits de ces cartes. Le niveau d'expression obtenu est comparé à celui du témoin non traité. Les résultats de la Figure 4, ci-dessus, indiquent un niveau d'induction des défenses léger pour la modalité soufre et mettent en évidence une induction élevée des défenses pour la modalité soufre + phosphonates.

Dans cette même expérimentation conduite à Boigneville sous irrigation, les efficacités de protection de ces modalités (soufre et soufre + phosphonates) ont été comparées. Les observations ont été réalisées à deux dates sur les feuilles F4, F3, F2, respectivement 4e, 3e et 2e feuilles sous l'épi. En moyenne, l'efficacité de ces modalités après quatre applications a été estimée à 80 %, que ce soit pour le soufre seul, comme pour le soufre + phosphonates. Il est vraisemblable, compte tenu du niveau d'activité élevé du soufre dans cet essai, que la contribution de DSPF016, en mélange ne soit pas perceptible sur le plan de l'efficacité. En revanche, les phosphonates semblent avoir un effet favorable sur le rendement. Le mélange soufre + phosphonates par rapport au soufre seul permet des gains de rendement respectivement de 16 et 12 q/ha (différence non significative sur le plan statistique).

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : c.maumene@arvalis.fr

LIEN UTILE : www.arvalisinstitutduvegetal.fr

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