ACTUS

XYLELLA FASTIDIOSA LES STRATÉGIES DE LUTTE À COURT ET PLUS LONG TERMES

Phytoma - n°743 - avril 2020 - page 4

Dans les zones infectées par Xylella fastidiosa, les préconisations d'arrachage sont précisées. La bactérie dévoile peu à peu ses secrets et des méthodes de gestion se profilent.
La bactérie Xylella fastidiosa colonise plus de 550 plantes, dont l'olivier.  Photo : Pixabay

La bactérie Xylella fastidiosa colonise plus de 550 plantes, dont l'olivier. Photo : Pixabay

Arbre de décision résumant les préconisations de l'Anses pour la gestion des végétaux en zone infectée par Xylella fastidiosa au regard de la nouvelle réglementation.  Source : Anses

Arbre de décision résumant les préconisations de l'Anses pour la gestion des végétaux en zone infectée par Xylella fastidiosa au regard de la nouvelle réglementation. Source : Anses

La bactérie phytopathogène Xylella fastidiosa est présente dans les pays du sud de l'Europe depuis 2013 (Espagne, Italie, Portugal) et en France où elle a été détectée en 2015 (sous-espèce pauca en PACA, sous-espèce multiplex en Corse et Occitanie, où elle a été identifiée en septembre 2020). Elle colonise plus de 550 plantes et s'avère pathogène pour une large gamme : olivier, vigne, agrumes du genre Citrus, laurier-rose, arbres fruitiers d'ornement du genre Prunus (amandier, cerisier), chêne, etc. Sa propagation inquiète d'autant plus qu'il n'existe pas de moyens de lutte autre que l'arrachage des plantes. Au sein de l'Union européenne, les mesures visant à prévenir son introduction et sa dissémination sont définies par le règlement d'exécution 2020/1201. Ce règlement propose une approche de gestion des foyers plus adaptée à la diversité des situations (biologiques, épidémiologiques, pédoclimatiques) rencontrées sur le terrain que le précédent. Il assouplit les conditions dérogatoires à l'arrachage des végétaux hôtes et les conditions de replantation dans les zones infectées, ou encore la mise en circulation des végétaux spécifiés en dehors des zones délimitées. Ainsi, il revient à chaque État membre de décider d'arracher ou de maintenir certaines espèces végétales ou certains individus qui présenteraient un intérêt patrimonial particulier.

æDans ce cadre, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a publié en décembre dernier un avis relatif à « la stratégie de lutte vis-à-vis de Xylella fastidiosa » proposant plusieurs arbres de décision, à commencer par la procédure règlementaire de gestion des végétaux en zone infectée. Dans un autre arbre de décision (voir figure ci-contre), l'Anses affine les recommandations en basant son analyse de risques sur la séquence-type (ST)(1) et non pas la sous-espèce de Xylella. Ainsi, il n'y a pas de dérogation à l'arrachage pour les végétaux patrimoniaux situés en zone infectée lorsqu'ils appartiennent à une espèce hôte d'une ST et que cette ST représente un risque majeur. En revanche, en zone infectée par une ST ne représentant pas un risque majeur, il n'y a pas de nécessité de tester chacun des végétaux pour les maintenir en place. Le rapport de l'Anses comporte un tableau des espèces végétales particulièrement à risque pour les principales ST impliquées dans des épidémies à travers le monde. Concernant les ST décrites en France, ST53 (sous-espèce pauca) présente un risque majeur en région méditerranéenne, et ST6 et ST7 (sous-espèce multiplex) pourraient présenter un risque majeur à proximité d'importantes zones de culture d'amandier ou de pépinière de polygale à feuilles de myrte.

æEn parallèle de ces mesures visant à limiter sa propagation, la bactérie fait l'objet de travaux de recherches pour mieux comprendre son fonctionnement et trouver des solutions de lutte. En particulier, le projet POnTE : Xylella fastidiosa (2015-2019) présente les avancées scientifiques dans deux brochures, l'une destinée aux experts, l'autre au grand public. Dernièrement, des chercheurs du Laboratoire des interactions plantes microbes environnement d'Inrae Occitanie-Toulouse et de l'Institut de recherche en horticulture et semences d'Inrae à Angers ont étudié le métabolisme de la bactérie. En effet, comment ce pathogène, dont la croissance est qualifiée de fastidieuse car très lente, au point de compliquer son diagnostic chez les plantes et son étude en laboratoire, peut-il se disséminer autant ? Grâce à des outils de la biologie des systèmes et de modélisation, les chercheurs ont découvert que le réseau métabolique de Xylella fastidiosa est, contre toute attente, complet mais réduit à l'essentiel : les chemins redondants du métabolisme favorisant une croissance rapide et efficace ont disparu. Le réseau métabolique de la bactérie est donc peu efficace et fragile. Selon les chercheurs, cette faiblesse lui permet sans doute d'échapper aux mécanismes de détection et de défense des plantes. Étant donné la propagation de Xylella fastidiosa dans le monde, cette stratégie semble gagnante ! Les scientifiques s'attachent désormais à mieux comprendre en quoi cette croissance lente joue sur la dissémination de la bactérie dans les plantes-hôtes.

æLes pistes de lutte portent sur le contrôle des vecteurs de la bactérie, dont le principal est Philaenus spumarius (Hemiptera : Aphrophoridae). Le cercope des prés (ou philène spumeuse) est omniprésent et se nourrit de centaines d'espèces végétales. La gestion de la végétation a un impact sur les populations de vecteurs : le travail du sol effectué au moment du développement des nymphes reste le moyen le plus efficace pour supprimer les juvéniles et réduire l'émergence d'adultes. Il reste à étudier l'efficacité de nouveaux produits et d'agents de lutte biologique potentiels, comme la guêpe parasitoïde Ooctonus vulgatus. La résistance variétale (chez l'olivier notamment) et le contrôle de la bactérie dans la plante (microbiome) sont également des stratégies explorées.

(1) Une séquence type est définie par l'analyse de séquences ADN de sept gènes de X. fastidiosa obtenues par une approche MLST (multilocus sequence typing). Une ou plusieurs ST constituent chaque sous-espèce. Certaines ST (« ST à risque majeur ») sont susceptibles de causer des dommages importants sur une espèce cultivée ou ornementale d'intérêt économique présente dans une zone délimitée ou ses environs immédiats.

GLOSSAIRE

• AMM = autorisation de mise sur le marché

• De biocontrôle L. 253-5 = figurant sur la liste des produits de biocontrôle « établie au titre des articles L. 253-5 et L. 253-7, IV du code rural (...) »

• JORF = Journal officiel de la République française

• JOUE = Journal officiel de l'Union européenne

• MAA = ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation

• Phyto = phytopharmaceutique (qualifie un produit,

POUR EN SAVOIR PLUS

Avis de l'Anses : https://tinyurl.com/2yzbvra4

Publications : Gerlin L. et al., 2020. Genome-scale investigation of the metabolic determinants generating bacterial fastidious growth. mSystems, https://doi.org/10.1128/mSystems.00698-19

Mesmin X. et al., 2020. Ooctonus vulgatus (Hymenoptera, Mymaridae), a potential biocontrol agent to reduce populations of Philaenus spumarius (Hemiptera, Aphrophoridae) the main vector of Xylella fastidiosa in Europe. PeerJ, https://doi.org/10.7717/peerj.8591

Résultats du projet POnTE : Xylella fastidiosa (2015-2019) : https://tinyurl.com/ypx56dee

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