ACTUS

ENVIRONNEMENT UN PLAN ET UN PROJET D'ARRÊTÉ POUR LES POLLINISATEURS

Phytoma - n°746 - août 2021 - page 4

Les ministères de la Transition écologique et de l'Agriculture ont mis en consultation publique, du 28 juin au 20 juillet, le plan national en faveur des insectes pollinisateurs ainsi que le projet d'arrêté relatif aux conditions d'utilisation des pesticides en vue de protéger les abeilles et autres pollinisateurs.
La survie et le développement des pollinisateurs sauvages et des colonies d'abeilles mellifères dépendent de la disponibilité et de la diversité en habitats et ressources alimentaires, de l'impact des ennemis naturels (prédateurs, parasites, pathogènes), de la pollution environnementale (dont les pesticides), du changement climatique... Photo : V. Vidril

La survie et le développement des pollinisateurs sauvages et des colonies d'abeilles mellifères dépendent de la disponibilité et de la diversité en habitats et ressources alimentaires, de l'impact des ennemis naturels (prédateurs, parasites, pathogènes), de la pollution environnementale (dont les pesticides), du changement climatique... Photo : V. Vidril

Le plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation (70 pages), mis fin juin à la consultation du public, s'appliquera sur la période 2021-2026. Après une présentation des enjeux liés à la sauvegarde des insectes domestiques et sauvages, il s'organise autour de six axes :

• axe 1. Améliorer les connaissances scientifiques ; une des actions vise notamment à « objectiver le déclin des insectes pollinisateurs sauvages » ;

• axe 2. Accompagner les agriculteurs/apiculteurs/forestiers, y compris économiquement (en mobilisant les dispositions de la PAC, en promouvant la prise en compte des pollinisateurs dans les signes et les démarches de qualité...) ;

• axe 3. Accompagner les autres secteurs d'activités (aménagements urbains, infrastructures linéaires, sites industriels, sites à grande emprise foncière, aires protégées) ;

• axe 4. Préserver le bon état de santé des abeilles ;

• axe 5. Renforcer la réglementation pour la protection des pollinisateurs lors de l'autorisation et l'utilisation des produits phytopharmaceutiques ;

• axe 6. Partager les pratiques agricoles favorables aux pollinisateurs ; un comité de référencement de ces pratiques sera créé pour donner des avis sur les pratiques présentées.

Dans l'axe 1, un objectif est « d'éviter ou de minimiser les impacts des pesticides », notamment en intégrant un focus pollinisateurs (y compris sauvages) dans l'ESCo « Expertise scientifique collective : impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques », en étudiant les interactions entre polluants et pollinisateurs, ou encore les effets des systèmes de production agricole sans pesticides.

æLe plan prévoit d'encadrer l'usage des produits phytosanitaires sur la base des avis de l'Anses du 23 novembre 2018(1) et du 28 octobre 2019. Ainsi, en parallèle du plan, un projet d'arrêté a été mis en consultation. Il doit abroger l'arrêté ministériel du 28 novembre 2003 qui interdit l'utilisation, en période de floraison et de production d'exsudat, des insecticides et acaricides à usage agricole en vue de protéger les pollinisateurs, et fixe des conditions dérogatoires d'emploi (utilisation pendant ces périodes uniquement en l'absence d'abeille).

Le nouveau texte concerne l'ensemble des produits, y compris fongicides et herbicides (soit 300 produits à action herbicide et fongicide actuellement autorisés). Si l'évaluation réalisée par l'Anses conclut à une absence de risque pour les abeilles (exposition négligeable ou absence d'effet inacceptable, aigu ou chronique, absence d'effet sur la survie et le développement des colonies), le produit peut être utilisé sur la culture attractive(2) correspondante lorsqu'elle est en floraison et sur les zones de butinages(3) ; dans le cas contraire, l'utilisation est interdite (sauf en cas de mesures de gestion concernant des organismes réglementés). Lorsque l'application est autorisée en floraison et zones de butinage, elle doit être réalisée dans les 2 heures qui précèdent le coucher du soleil et dans les 3 heures qui suivent le coucher du soleil, afin d'éviter la présence d'abeilles.

Lorsqu'un couvert végétal présent sous une culture pérenne constitue une zone de butinage, celui-ci doit être rendu non attractif pour les pollinisateurs préalablement à tout traitement insecticide ou acaricide.

æL'arrêté prévoit des dérogations permettant de traiter en dehors de la plage horaire, en cas d'impasse technique, en particulier pour les traitements contre les bioagresseurs à cycle exclusivement diurne et les traitements fongicides curatifs lorsque leur efficacité est conditionnée par sa réalisation dans un délai contraint incompatible avec la plage horaire. Ces situations doivent être tracées et justifiées par les agriculteurs. Par ailleurs, selon le projet d'arrêté, cette période pourrait être adaptée ou supprimée, notamment en vue de permettre des traitements le matin, « sous réserve de la mise en place de mesures apportant des garanties équivalentes en matière d'exposition des abeilles et autres pollinisateurs ». Ces mesures seront précisées en annexe après avis de l'Anses.

Des mesures transitoires et un calendrier de mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions sont prévues. « Si le dépôt du renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché d'un produit autre que les insecticides et acaricides intervient dans un délai inférieur à 30 mois après l'entrée en vigueur du présent arrêté, ce produit peut être utilisé sur les cultures attractives en floraison et sur les zones de butinage [...] jusqu'à ce que l'Anses ait statué sur l'évaluation des risques, sous réserve que les éléments complémentaires aient été déposés dans un délai de 30 mois après l'entrée en vigueur du présent arrêté. » Ce délai passe à 48 mois, lorsque le dépôt intervient plus de 30 mois après l'entrée en vigueur de l'arrêté. Pour les cultures mineures, les essais et évaluations des risques pour les pollinisateurs requis sont demandés au moment du renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché.

æUne autre action de l'axe 5 porte sur l'évaluation des risques pour les pollinisateurs conduite au niveau national et européen lors de l'approbation des substances et de l'autorisation des produits phytopharmaceutiques. À ce jour, seule la toxicité aigüe pour les abeilles domestiques est prise en compte dans les décisions d'AMM. Le document guide publié en 2013 par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) suggère de prendre aussi en compte la toxicité chronique et les effets sublétaux pour les adultes et les larves d'abeilles domestiques, d'abeilles sauvages et de bourdons. N'ayant jamais été approuvé au niveau européen, il n'est pas mis en oeuvre. L'Efsa a été mandatée pour réviser ce document-guide, attendu pour 2022. Les travaux sont en cours ; quatre approches possibles ont été identifiées pour définir les objectifs de protection spécifiques des pollinisateurs. L'approche majoritairement soutenue consiste à définir l'objectif de protection via une limitation de la variation de la mortalité des colonies par rapport à celle de la mortalité naturelle des abeilles, définie par modélisation. Le 28 juin, les différents états membres de l'Union européenne se sont accordés sur une perte maximale de 10 % de la taille des colonies d'abeilles mellifères due à l'exposition aux pesticides (25 % aujourd'hui, 7 % dans les recommandation de l'Efsa 2013). Le plan vise à obtenir une révision du document-guide européen maintenant un niveau de protection des abeilles équivalant à celui assuré par le document-guide de 2013 et son application rapide.

(1) Voir « Pollinisateurs : traiter et préserver : l'équation impossible ? », Phytoma n° 722, p. 4.(2) « Une culture attractive est une culture qui, par sa nature, présente un attrait pour les abeilles ou d'autres insectes pollinisateurs. Ne sont notamment pas considérées comme attractives au sens du présent arrêté les cultures qui figurent sur la liste publiée au Bulletin officiel du ministère chargé de l'agriculture. » (projet d'arrêté).(3) « À l'exclusion des cultures en production, une zone de butinage est un espace agricole ou non agricole occupé par un groupement végétal cultivé ou spontané, qui présente un intérêt manifeste pour les abeilles ou d'autres insectes pollinisateurs du fait de la présence de fleurs ou d'exsudats. Au sens du présent arrêté, les utilisations de produits sur les zones de butinage sont celles visant à traiter spécifiquement ces zones, indépendamment de l'utilisation sur les cultures en production. » (projet d'arrêté).

POUR EN SAVOIR PLUS

Plan pollinisateur : https://tinyurl.com/b7aaubck

- Projet d'arrêté : www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projet-d-arrete-relatif-a-la-protection-des-a2415.html

- Arrêté du 28 novembre 2003 : https://tinyurl.com/k6pk4wev

- Avis de l'Anses 2018 et 2019 : www.anses.fr/fr/system/files/PHYTO2018SA0147.pdf

www.anses.fr/fr/system/files/PHYTO2019SA0097.pdf

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