La technique de l'insecte stérile (TIS) permet la gestion d'une population d'insectes en s'appuyant sur une baisse progressive de leur reproduction : cette diminution est obtenue par l'accouplement de femelles sauvages avec des mâles élevés en grand nombre et stérilisés avant d'être lâchés. Elle repose donc sur un élevage continu et en grande quantité de l'espèce-cible, la stérilisation par rayonnements ionisants des individus produits et la mise en place d'un système de lâchers, souvent hebdomadaires. En France, la TIS pourrait s'avérer efficace sur différents ravageurs, en particulier des mouches nuisibles en métropole et dans les Territoires d'outre-mer.
Une méthode qui s'est développée hors Europe
Une technique mise en oeuvre dès 1950
La première utilisation de la TIS date des années 1950. La lucilie bouchère, une mouche néfaste au bétail, a ainsi été régulée dans une partie de l'Amérique du Nord en quelques années. La TIS a depuis été développée sur des mouches, coléoptères et papillons responsables de dégâts agricoles, mais aussi contre des insectes vecteurs de pathogènes (mouches tsé-tsé, moustiques). Sous l'impulsion de leurs gouvernements, de nombreux pays des Amériques, d'Asie, d'Afrique et Océanie intègrent la TIS à leur stratégie de gestion d'insectes d'importance agricole, dans des programmes à grande échelle (régionale, nationale, voire transfrontalière). En Europe, le seul programme opérationnel de grande échelle concerne la mouche méditerranéenne, Ceratitis capitata, pour la protection des cultures d'agrumes dans la région de Valence en Espagne.
Une lutte biologique et spécifique
Cette technique est assimilée à un contrôle biologique des populations cibles. Parmi ses atouts majeurs, des conséquences modestes sur l'environnement sont généralement avancées. Ainsi la technique est dite spécifique : seules les femelles de l'insecte cible sont rendues infertiles par des accouplements avec les mâles stériles. De plus, un programme peut être arrêté à tout moment, les insectes lâchés ne subsistant dans l'environnement que le temps de leur vie d'adulte. La technique affiche néanmoins une grande efficacité à long terme puisque les résistances (comportementales) à la TIS sont rares.
Diminuer plutôt qu'éradiquer
La TIS est majoritairement utilisée pour diminuer des populations sauvages et non les éradiquer. Les populations visées sont ainsi maintenues sous leur seuil de nuisibilité dans des zones choisies. Pour certaines espèces invasives ou dans des contextes spécifiques, l'objectif peut être l'élimination de la population locale (éradication). Outre les enjeux éthiques de telles éradications, elles impliquent la mise en place de moyens suffisants pour prévenir toute réintroduction. D'autres stratégies utilisent la TIS pour prévenir l'installation d'un insecte dont on craint l'introduction depuis des régions voisines ou lors d'échanges commerciaux.
Quelques conditions de réussite
Prérequis biologiques et techniques
A priori, l'utilisation de la TIS peut sembler intéressante et universelle pour la protection des cultures, mais elle n'est pas adaptée à tous les insectes ravageurs de culture. La faisabilité biologique dépend de plusieurs paramètres, en particulier le mode de reproduction sexuée (le principe de fonctionnement de la TIS n'étant pas adapté à des insectes à parthénogenèse, tels que les pucerons). Les insectes à forte sédentarité, à longue durée de cycle de vie, à diapause obligatoire, ou dont la reproduction se fait sur une période de l'année très éphémère ou dans des sites peu accessibles (exemple : sous l'écorce du végétal) sont incompatibles avec cette technique. Il en est de même des espèces dont les insectes stériles eux-mêmes pourraient être nuisibles (exemple : cafards, sauterelles, cicadelles). La capacité d'accouplements multiples par les femelles est parfois considérée comme un désavantage pour la mise en oeuvre de la TIS ; cependant, les mâles stériles étant relâchés dans des ratios très supérieurs aux mâles sauvages, ils ont plus d'opportunités d'être à l'origine de ces accouplements et, ainsi, de transférer leur sperme stérile. Le prérequis est toutefois que ce sperme stérile ne soit pas contre-sélectionné par la femelle.
Il faut également prendre en compte le fait que le coût et la durée de mise au point de la TIS sur un nouvel insecte sont souvent élevés, puisque différentes étapes techniques doivent être validées : possibilité d'élever en masse, stériliser et distribuer suffisamment d'insectes pour atteindre un ratio de lâcher « inondatif » sur le terrain.
Enfin, l'intérêt économique pour un couple ravageur/culture joue aussi dans la balance coût/bénéfice (usage orphelin, enjeux économiques des cultures concernées, territoires concernés...).
Surveillance et élevage de masse
Puisque cette technique repose sur les lâchers d'insectes stériles pour atteindre les populations sauvages, son efficacité repose sur la capacité de ces mâles stériles à se déplacer, localiser les femelles sauvages et réussir à s'accoupler avec celles-ci. Afin de garantir qu'un maximum d'accouplements soient dus à ces mâles, il est souvent nécessaire de lâcher 10 à 300 fois plus de mâles stériles qu'il y a de mâles sauvages. Un réseau fin de surveillance et la bonne connaissance des populations sauvages sont donc des conditions nécessaires à la mise en place de la stratégie de lâcher et au suivi d'efficacité.
Les élevages dédiés à des programmes opérationnels de TIS produisent jusqu'à 2000 millions de mâles stériles par semaine (ferme d'élevage de mouche méditerranéenne à El Pino, Guatemala, qui approvisionne différents pays) ; de tels nombres sont nécessaires au regard des grandes étendues à protéger. L'investissement pour une production locale d'insectes stériles doit porter sur l'existence d'une structure d'élevage pour un approvisionnement proportionnel aux besoins saisonniers, l'accès à un appareil de stérilisation, un service de distribution des insectes stériles et le suivi des populations (insectes lâchés et sauvages). La logistique, les équipements et leur mise au point sont donc conséquents. Leur développement, comme leur financement, sont parfois assurés par les États, parfois par les producteurs et, souvent, par les deux. En France, une réflexion est nécessaire pour chaque insecte ciblé afin d'identifier les participations de chacun, c'est un des enjeux du Collectif TIS (voir p. 34).
Importance du choix de la zone de lâchers
Il faut prendre en considération les mouvements des insectes dans le paysage. Si la bonne dispersion des insectes stériles peut favoriser la réussite des lâchers, celle des insectes sauvages peut, elle, en diluer l'efficacité. En effet, l'immigration de femelles sauvages déjà inséminées en provenance de la périphérie du site de lâchers, a tendance à réduire l'efficacité des mâles stériles. C'est pourquoi les programmes TIS doivent être déployés dans des zones isolées géographiquement (îles, vallées, bassins versants, vergers entourés de pâturage, etc.) ou artificiellement (filets pour certains insectes ou mise en place d'une zone tampon avec par exemple du piégeage de masse).
La TIS est dans la majorité des cas déployée à une échelle paysagère et non parcellaire, sauf dans le cas d'insectes à très faible dispersion et/ou dans le cas de parcelles suffisamment isolées. Cela implique la coordination et la coopération entre différentes parties prenantes locales, en particulier les producteurs du territoire ciblé. Toutefois, il faut noter qu'une expérience en milieu confiné à l'échelle de la parcelle est à l'étude, notamment pour la gestion de la mouche Drosophila suzukii (photo 1), responsable de dégâts dans les cultures sous des tunnels, ou en complément de la protection de vergers de cerisiers par des filets.
Combiner avec d'autres pratiques
La TIS ne fonctionne pas seule. Elle doit être couplée à d'autres modes de gestion des populations, complémentaires et compatibles. La TIS est donc un élément de protection intégrée des cultures et elle s'intègre également dans une démarche agroécologique. La pertinence et l'efficacité de la TIS sont maximales là où d'autres solutions, comme l'utilisation de certains insecticides chimiques, sont peu efficaces.
Un raisonnement sur un pas de temps long
La TIS nécessite un déploiement sur le long terme. Dans le cadre de programmes régionaux soutenus dans le temps, son efficacité n'est pas immédiate mais s'observe au fil des générations des insectes. En revanche, la TIS n'est pas adaptée à la gestion ponctuelle de pullulations et de pics d'infestation imprévisibles. L'utilisation de cet outil doit ainsi être réfléchie sur le long terme, pour assurer efficacité et rentabilité.
Évaluation de la TIS
Pas d'OGM
La stérilisation des insectes ne nécessite pas de transgenèse. La stérilisation des insectes via l'exposition à un rayonnement ionisant abîme les molécules d'ADN des cellules reproductrices. Les spermatozoïdes des mâles stérilisés sont dysfonctionnels, ce qui empêche le développement correct ultérieur des oeufs qu'ils ont fertilisés et provoque l'avortement des embryons. Pour maximiser la qualité des insectes lâchés, il est préférable de placer l'étape de stérilisation le plus tard possible dans le développement de l'insecte. En pratique, on stérilise généralement les adultes ou les pupes (qui correspondent au stade nymphal) peu de temps avant l'émergence de l'adulte.
Pas d'insectes radioactifs
Les insectes stérilisés ne sont pas radioactifs. Durant la stérilisation, les insectes sont exposés à une source de rayonnement ionisant. La solution la plus utilisée aujourd'hui repose sur les rayons-X, les mêmes que ceux utilisés pour les radiographies, mais à de plus fortes doses. Les effets de l'ionisation cessent à la fin de l'opération ; aucun élément radioactif n'est fixé sur les insectes, ni libéré dans l'environnement.
Évaluer les effets non intentionnels
Des échanges menés dans le cadre du Collectif TIS (voir plus bas), il ressort l'importance d'évaluer finement les possibles conséquences de la TIS sur la nature et les espèces présentes dans les agrosystèmes. En effet, bien que la TIS soit utilisée depuis longtemps, très peu d'études ont porté sur ses effets non intentionnels. Cela s'explique en partie par l'a priori positif lié au caractère spécifique de la technique : si seule l'espèce cible est directement touchée et que la TIS s'accompagne d'une réduction d'usage de pesticides, on peut s'attendre à ce que les effets sur les écosystèmes soient réduits. Un groupe de travail multidisciplinaire sur les effets non intentionnels de la TIS, comme des autres méthodes de biocontrôle, émerge et devrait apporter des réponses dans les années à venir.
Insectes d'intérêt en France pour la TIS
Sont présents en France métropolitaine un certain nombre d'insectes considérés comme nuisibles et pour lesquels la TIS a démontré son efficacité dans d'autres pays. Il s'agit notamment de la mouche méditerranéenne des fruits (Ceratitis capitata ; un projet a été initié en Corse par le CTIFL, voir Encadré 1), de la mouche de l'oignon (Delia radicum), de la mouche de l'olive (Bactrocera oleae), de la mouche du melon (Zeugodacus cucurbitae) et du carpocapse (Cydia pomonella). D'autres espèces menacent aujourd'hui de s'installer, comme par exemple la mouche orientale des fruits (Bactrocera dorsalis) et le faux carpocapse (Thaumatotibia leucotreta).
Dans les territoires tropicaux d'outre-mer, l'utilisation de la TIS est testée contre l'espèce de moustique tigre porteuse d'arbovirus comme la dengue ou le chikungunya (projet porté par l'IRD). Des essais pilotes sont en cours à La Réunion et en Guadeloupe. La TIS est en cours d'évaluation contre la mouche orientale des fruits B. dorsalis à La Réunion par le Cirad (voir Encadré 2, photo 2). Cette technique est fonctionnelle pour de nombreuses espèces tropicales de mouches des fruits et quelques espèces de charançons, comme l'illustrent des expériences réussies en Amérique latine, Asie et Australie.
Le développement de la TIS est également en cours pour d'autres insectes d'intérêt agricole comme la drosophile à ailes tachetées (Drosophila suzukii, à l'étude par Inrae et CTIFL, voir Encadré 3) et la punaise diabolique (Halyomorpha halys). Pour D. suzukii, des essais terrain sont prévus en 2022. Parmi les autres espèces faisant l'objet de recherches visant à évaluer la faisabilité de la TIS, on peut citer la chenille légionnaire d'automne (Spodoptera frugiperda), le charançon rouge du palmier (Rhynchophorus ferrugineus), la teigne de la caroube (Ectomyelois ceratoniae), la tordeuse orientale du pêcher (Cydia molesta) et la mouche du chou (Delia radicum).
Collectif TIS et perspectives
Un collectif d'échanges
Le Collectif TIS est un groupe de réflexion ouvert et à la participation libre, hébergé par le Consortium Biocontrôle et le réseau Vectopole Sud. Il a été mis en place en 2018 à l'initiative d'Inrae, du CTIFL, de l'IRD et du Cirad, en lien avec les professionnels souhaitant bénéficier de cette technique de lutte biologique ; il compte à ce jour plus de 300 inscrits. Le Collectif TIS réunit différentes parties prenantes(1) dont l'objectif est d'évaluer la pertinence et les modalités d'un possible déploiement de la TIS en France. Pour cela, il coordonne des échanges sur le sujet et traite des questions transversales qui concernent l'agriculture comme la santé publique (les moustiques) à travers des groupes de travail thématiques.
Les rencontres et sessions d'échanges organisées par le Collectif TIS permettent le dialogue entre interlocuteurs qui se côtoient parfois rarement, afin de partager des expériences, des ressentis du terrain, des préoccupations et des motivations. Riches en enseignement, ces rencontres aboutissent à la co-construction efficace de futurs programmes de recherche et opérationnels, y compris visant la production d'insectes stériles à large échelle.
À travers les groupes de travail, les membres du Collectif TIS examinent les freins et leviers potentiels concernant les aspects réglementaires, logistiques, économiques, organisationnels, environnementaux et sociétaux. Le Collectif TIS s'attache aussi à identifier, via les diverses interactions avec ses membres, les points sensibles et interrogations relatifs à la TIS.
En France, les discussions menées au sein du Collectif TIS semblent indiquer que la démarche d'intégration de la TIS pourrait s'inclure dans une dynamique de changement de système de gestion des bioagresseurs : changement d'échelle de réflexion, organisation collective, intégration d'outils de biocontrôle, approche de protection agroécologique des cultures.
Futurs axes de recherches
Les travaux de recherche sur la TIS portent à la fois sur les développements techniques ou organisationnels spécifiques à chaque espèce, et sur des questions générales comme l'étude des effets non intentionnels, citée plus haut. Voici une liste non exhaustive des questions en cours et à venir :
l'amélioration de la qualité des insectes stériles lâchés est un levier pour augmenter l'efficacité de la TIS et diminuer son coût. Cette amélioration peut reposer sur divers paramètres comme les caractéristiques génétiques des insectes, leurs conditions de stérilisation, stockage et transport. Certains proposent l'usage de micro-organismes probiotiques, tels que les bactéries et les levures qui ont des effets importants sur le développement, la vigueur et l'attractivité des mâles adultes. Les résultats sur plusieurs espèces sont prometteurs mais il reste à évaluer la rentabilité de ces solutions ;
les micro-organismes associés aux adultes peuvent également être utilisés pour nuire aux populations sauvages. La TIS « boostée » repose sur l'association des mâles stériles avec des micro-organismes pathogènes (champignons, virus) et parfois des molécules chimiques. Cette stratégie permettrait d'augmenter l'efficacité de la TIS et de porter précisément les agents pathogènes jusqu'aux insectes sauvages ciblés, minimisant ainsi les quantités introduites dans l'environnement. Sur le plan réglementaire, le statut de ces insectes vecteurs de biocides n'est pas encore défini ;
Le sexage des insectes permet de ne lâcher que des mâles et est souvent avancé comme une étape importante de la TIS. C'est pourtant une tâche optionnelle qui permet de gagner en rentabilité et efficacité mais n'est pas obligatoire sauf lorsque les femelles (même stériles) peuvent être à l'origine de dégâts ou vectrices de pathogènes. L'obtention de solutions de sexage génétique, mécanique ou autre, est donc un enjeu d'optimisation pour différents insectes, dont D. suzukii.
Des méthodes de stérilisation alternatives à l'ionisation ont été mises au point pour divers insectes. Certaines reposent sur la transgenèse et ne sont pas abordées ici du fait, notamment, qu'elles font l'objet d'un cadre réglementaire à part. Une solution originale qui a fait ses preuves sur moustique et qui est développée sur D. suzukii par des équipes françaises (CNRS, université de Lyon) utilise des bactéries. Ainsi, la technique de l'insecte incompatible utilise des incompatibilités de reproduction entre mâles porteurs d'une certaine bactérie du type Wolbachia et les femelles sauvages. Cette technique, dont le statut réglementaire est aujourd'hui en discussion, serait à associer à l'ionisation. En effet, leur combinaison aurait pour avantage de réduire les doses de rayons X utilisés, qui peuvent handicaper la vigueur des insectes stérilisés, ce qui augmenterait l'efficacité des mâles lâchés.
Une solution à court ou moyen terme ?
Les projets actuels portent sur des insectes pour lesquels la technique est à des niveaux de maturité variable. Parmi les plus avancés, la TIS sur la mouche méditerranéenne et le carpocapse ont fait leurs preuves dans d'autres pays et des essais de validation terrain sont en cours en métropole comme dans les DOM-TOM. Certains essais pilotes à moyenne échelle s'appuient sur l'import d'insectes stériles produits à l'étranger ; leur réussite pourra encourager le développement de fermes d'élevage dédiées sur les territoires français. La réflexion est déjà initiée, avec les différentes parties prenantes, quant aux modalités de déploiement adaptées aux contextes d'utilisation (insectes, cultures, territoires). Un déploiement à grande échelle en France nécessitera également la consolidation du cadre réglementaire concernant les insectes stériles, considérés comme macro-organismes utiles aux végétaux.
L'avenir de la TIS dans les systèmes de production français semble prometteur du fait du fort intérêt exprimé par différents acteurs de la chaîne de valeur, et de son inclusion dans la stratégie nationale sur le biocontrôle récemment publiée par le ministère en charge de l'agriculture, dans le cadre de la loi EGalim.
(1) Acteurs de la recherche (sciences biotechniques et sciences sociales), industrie du biocontrôle, conseil technique, producteurs, associations de défense de l'environnement et de riverains, ministères et collectivités territoriales.
RÉSUMÉ
CONTEXTE - Mise en oeuvre depuis plus de cinquante ans dans le monde, la technique de l'insecte stérile (TIS) est à la base de programmes réussis de protection des cultures en Amérique latine, Asie et Australie. Cette technique est fonctionnelle pour de nombreuses espèces de mouches des fruits et quelques espèces de lépidoptères et charançons. En Europe, la méthode reste encore peu développée.
PERSPECTIVES - En France métropolitaine, la TIS pourrait être employée avec efficacité contre divers ravageurs installés, dont de nombreuses mouches (mouche méditerranéenne des fruits Ceratitis capitata qui fait l'objet d'un projet en Corse, mouche de l'oignon Delia radicum, mouche de l'olive Bactrocera oleae, mouche du melon Zeugodacus cucurbitae), ou menaçant de s'installer comme la mouche orientale des fruits Bactrocera dorsalis.
La méthode est en cours d'évaluation sur B. dorsalis à La Réunion. La TIS fait également l'objet d'un projet de recherche et développement sur Drosophila suzukii en métropole. Son utilisation est à l'étude sur quelques ravageurs-clés par le CTIFL, Inrae et le Cirad.
MOTS-CLÉS - Technique de l'insecte stérile (TIS), élevage de masse, rayonnement ionisant, Ceratitis capitata, Drosophila suzukii, Bactrocera dorsalis, La Réunion, Corse.
1 - Projet CeraTIS Corse : gestion de Ceratitis capitata sur agrumes
Un projet d'intégration de la TIS dans la gestion de la mouche méditerranéenne des fruits dans les vergers corses a commencé en février 2020 (CTIFL, Areflec, Inrae, UCA, Cirad ; financement Écophyto leviers territoriaux). Un essai pilote comparant l'intégration de lâchers hebdomadaires de mouches stériles (produites en Espagne) à une gestion conventionnelle, sera mené sur une zone de 800 ha. L'utilisation de la TIS pour la gestion de Ceratitis capitata est la plus courante actuellement dans le monde ; en Espagne, elle permet un contrôle efficace des populations depuis les années 1990. Le contexte agricole de la Corse est très différent des grandes étendues de vergers d'agrumes de la région de Valence en Espagne (150 000 ha). En effet, il s'agit plutôt d'un contexte de mosaïques de parcelles de moins de 10 ha de cultures d'agrumes, fruits d'été, et autres cultures non-hôtes de la cératite, proches de petites zones urbaines ou de hameaux. Cette diversité de cultures offre également à la cératite des fruits-hôtes presque toute l'année. La démarche d'intégration de la TIS dans ce contexte doit donc être réfléchie sur mesure et en concertation avec les acteurs locaux.
Les objectifs du projet CeraTIS Corse sont ainsi de déterminer les facteurs et leviers techniques (performance des mâles stériles au cours de saison, stratégies de lâchers, outils de prophylaxie associés, logistique), écologiques (comprendre les dynamiques de population en jeu en fonction du paysage et de la phénologie des cultures) et socio-économiques (perception, identification des acteurs et rôle potentiel, évaluation technico-économique). Le projet permettra de proposer des scénarios organisationnels pour un déploiement durable de cette technique à l'échelle du territoire.
2 - Projet Gemdotis : gestion de Bactrocera dorsalis à La Réunion
La mouche orientale des fruits, Bactrocera dorsalis, redoutable ravageur invasif des cultures horticoles au niveau mondial, a été détectée en 2017 à La Réunion. Elle a aussitôt causé des dégâts considérables dans les vergers de manguiers, ce qui a entraîné une augmentation de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques, outre ceux déjà utilisés contre d'autres ravageurs.
Le projet Gemdotis a été construit pour répondre à cette problématique, en unissant les compétences de chercheurs en lien avec les agents du développement et les producteurs de mangues. Démarré en 2020 pour trois ans, Gemdotis se situe dans un cadre de protection agroécologique des cultures (Paec).
L'objectif du projet est d'étudier la combinaison de pratiques agroécologiques (dont la technique de l'insecte stérile), selon une approche multi-échelle dans une zone de production de mangues. Il repose sur quatre pôles :
a) acquisition de connaissances bioécologiques sur B. dorsalis à La Réunion, incluant la comparaison d'individus sauvages et stérilisés de la même population ;
b) expérimentation de pratiques agroécologiques (prophylaxie, couvertures, plantes pièges, piégeage, recherche de nouveaux attractifs pour le piégeage des populations sauvages...) destinées à réduire les populations de mouches ;
c) étude de la faisabilité de la TIS couplée à l'utilisation d'outils de modélisation et de simulation ;
d) étude en milieu producteur de l'acceptabilité de l'approche multi-échelle et évaluation de son coût.
3 - Projet SuperSterile : des mâles « super-sexy » de Drosophila suzukii
La mouche à ailes tachetées, Drosophila suzukii, est arrivée en Europe il y a une dizaine d'années et s'est, depuis, installée partout en Europe. Si elle ne pose des problèmes que sur quelques cultures, principalement des fruits rouges, ses larves se développent dans de très nombreuses espèces de plantes sauvages. Il est donc peu probable que D. suzukii puisse être contrôlée par la TIS sur de grandes étendues. En revanche, des cultures sous serre, comme la fraise, ou entourées de filets, comme cela se développe pour les cerisiers (voir article p. 21), pourraient bénéficier de cette technique. Plusieurs équipes en France comme dans le monde travaillent à la mise au point des éléments clefs de la TIS sur D. suzukii : conditions d'élevage en grand nombre, stérilisation, stockage.
Le projet de recherche SuperSterile (Inrae 2017-2020) a visé non seulement à avancer sur ces aspects essentiels, mais surtout à sélectionner les drosophiles d'élevage afin de gagner en efficacité sur le terrain. Pour cela, il faut que les mâles d'élevage, qui sont stérilisés puis relâchés, aient les faveurs des femelles sauvages, c'est-à-dire qu'ils soient « super-sexy ». Dans de nombreux programmes de TIS, il semble en effet que les mâles produits perdent en attractivité du fait de la domestication. Les insectes en captivité évoluent (au sens darwinien du terme) et s'adaptent aux conditions d'élevage qui sont souvent très différentes de celles de la nature. Les chercheurs Inrae du Centre de biologie des populations (CBGP) ont donc mis au point une méthode d'élevage originale visant à maintenir les comportements sexuels et les parades amoureuses des mâles sauvages et à booster leur attractivité. Les tests réalisés à l'automne 2020 révèlent que cette amélioration génétique est suffisamment efficace pour compenser les pertes d'attractivité des males dus à leur stérilisation. La suite pour la TIS sur D. suzukii devrait s'écrire avec le CTIFL sous réserve de nouveaux financements, des essais en serre seront entrepris dès 2021. Il sera alors possible de mesurer l'efficacité de la protection et les coûts de cette solution.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACTS : clelia.oliva@ctifl.fr
helene.delatte@cirad.fr
jean-philippe.deguine@cirad.fr
simon.fellous@inrae.fr
LIENS UTILES : https://tinyurl.com/ybqgu3fj
Sur ÉcophytoPIC : https://tinyurl.com/y748e29c
BIBLIOGRAPHIE : - Chapitre 5 : Principes, mise en oeuvre et perspectives de la technique de l'insecte stérile, issu de www.quae.com/produit/1605/9782759230778/biocontrole
- Réédition mise à jour du livre TIS de la FAO/IAEA : www.taylorfrancis.com/books/sterile-insect-technique-dyck-hendrichs-robinson/e/10.1201/9781003035572