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Mais quand donc les abeilles vont-elles dans le maïs ?

JEAN-BAPTISTE THIBORD*, GILLES MARQUES*, MATHILDE DIONISI* ET VINCENT BRETAGNOLLE** - Phytoma - n°681 - février 2015 - page 39

Une étude de la présence d'abeilles dans le maïs et le maïs doux au stade floraison a été réalisée en 2013 et 2014. En voici les résultats.
Le rucher et la parcelle de maïs doux du dispositif suivi en 2014 dans les Pyrénées-Atlantiques. Photo : Arvalis-Institut du végétal

Le rucher et la parcelle de maïs doux du dispositif suivi en 2014 dans les Pyrénées-Atlantiques. Photo : Arvalis-Institut du végétal

Ces ruches proches d'une parcelle de maïs doux en fleur font partie du dispositif suivi en 2014 dans les Hautes-Pyrénées. Arvalis-Institut du végétal

Ces ruches proches d'une parcelle de maïs doux en fleur font partie du dispositif suivi en 2014 dans les Hautes-Pyrénées. Arvalis-Institut du végétal

 Arvalis-Institut du végétal

Arvalis-Institut du végétal

Les abeilles domestiques ont été comptées dans les parcelles de maïs et maïs doux en fleur, après vérification de leur activité à la ruche même. Photo : Arvalis-Institut du végétal

Les abeilles domestiques ont été comptées dans les parcelles de maïs et maïs doux en fleur, après vérification de leur activité à la ruche même. Photo : Arvalis-Institut du végétal

Tableau 1 : Répartition géographique des abeilles au sein des 14 parcelles de maïs

Tableau 1 : Répartition géographique des abeilles au sein des 14 parcelles de maïs

Pour protéger les abeilles, les traitements phytosanitaires sont autorisés sur des cultures en cours de floraison seulement en absence d'abeille dans les parcelles. Est-ce possible dans la journée ? Existe-t-il des circonstances faisant que les abeilles sont plus ou moins présentes, voire absentes de certaines cultures en fleurs ? Si oui, lesquelles ? Réponses pour le maïs et le maïs doux.

Pour situer ce travail

Les abeilles fréquentent les maïs, mais nul ne savait quand et comment

Le rapport du CGAAER « Plan de développement durable de l'apiculture » (F. Gerster, 2012) a proposé d'ouvrir une réflexion sur une éventuelle modification de la réglementation concernant l'application de produits insecticides et acaricides en période de floraison (Arrêté du 28 novembre 2003).

Des prélèvements dans des trappes à pollen démontrent que les abeilles peuvent collecter du pollen de maïs(1)(2). Il est donc avéré que, bien que le maïs les attire peu (par manque de nectar), elles peuvent aller y butiner. Mais quand et comment ?

Il n'existe pas ou peu de données sur la présence des abeilles dans des parcelles de maïs. Il est donc utile d'évaluer la présence d'abeilles dans ces parcelles en période de floraison pour essayer de caractériser ces fréquentations d'abeilles.

Des suivis effectués en 2013 et 2014

Des travaux de recherche ont ainsi été mis en oeuvre en 2013 et en 2014 afin de réaliser un suivi de parcelles de maïs et de maïs doux au stade floraison avec dénombrement des abeilles observées dans ces parcelles.

L'objectif est de caractériser l'intensité de la fréquentation de ces cultures par les abeilles en fonction des conditions climatiques et de facteurs environnementaux (disponibilité du pollen de maïs et présence d'autres espèces en fleur dans l'environnement).

Deux années d'étude

Quatorze parcelles dans dix sites différents

Cette étude a été réalisée dans dix sites différents, chaque site étant composé de parcelles de maïs ou de maïs doux au stade floraison situées à proximité de ruches. Les observations ont été réalisées dans quatorze parcelles différentes de maïs ou maïs doux. Sur chaque parcelle, les prospections ont été réalisées plusieurs fois par jour et répétées plusieurs jours au cours des années 2013 et 2014.

Trois sites suivis en août 2013

En 2013, trois sites ont été retenus pour réaliser les observations, dont un dans le Gers et deux dans les Pyrénées-Atlantiques. Leur principal critère de sélection était la proximité entre un rucher et une parcelle de maïs doux au stade floraison.

Afin d'éviter au maximum un effet de dilution des abeilles dans l'environnement, il a été choisi de réaliser le suivi au cours de la seconde quinzaine d'août, période durant laquelle la disponibilité en pollen dans l'environnement est a priori faible. De plus, en année normale, les seules parcelles agricoles au stade floraison à cette période de l'année sont celles de maïs doux (semées plus tardivement dans certains secteurs géographiques), ce qui augmente encore le risque de concentrer les abeilles sur ces parcelles. Les parcelles de maïs présentes dans l'environnement et ayant pu fleurir tardivement dans certains sites (vu les conditions particulières du printemps 2013) ont également fait l'objet d'observations.

Les dispositifs retenus pour réaliser les observations en 2013 correspondaient à des situations existantes (non créées pour l'étude) mais aux caractéristiques a priori favorables à la présence d'abeilles dans les parcelles de maïs doux.

En 2014, sept dispositifs dans deux zones

Les sites faisant l'objet de suivis en 2014 étaient des sites expérimentaux dans lesquels des ruches ont été installées à proximité d'une ou plusieurs parcelles de maïs ou de maïs doux. Les études ont été conduites dans deux secteurs géographiques distincts :

- dans la zone atelier Plaine & Val de Sèvres (Deux-Sèvres) ; cinq dispositifs comportant chacun un rucher (installé dans le cadre du dispositif Ecobee, piloté par le CEBC, l'Inra du Magneraud, l'Inra d'Avignon et l'UMT Prade) proche d'une ou plusieurs parcelles de maïs grain en période de floraison ;

- dans le sud-ouest (Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées) ; deux dispositifs comportant chacun un rucher installé pour l'expérimentation et situé à proximité immédiate de parcelles de maïs doux. Les ruches ont été installées juste avant le début de la floraison de ce maïs.

Variables mesurées

Chaque site - ou dispositif expérimental composé de parcelle(s) de maïs ou maïs doux en floraison et d'un rucher - a fait l'objet de deux à cinq journées de suivi. Au cours d'une journée de suivi, un site faisait l'objet de plusieurs prospections. Chaque prospection consistait à réaliser les mesures suivantes :

- conditions météorologiques (température, hygrométrie, rayonnement, vitesse du vent) ;

- notation des stades des cultures ;

- comptage des abeilles observées dans les parcelles en parcourant les interrangs entre les rangs 1 et 2, 5 et 6, 10 et 11, 20 et 21 puis tous les 20, 40 ou 60 rangs (selon la taille de la parcelle) jusqu'à la bordure opposée. Chaque abeille présente sur les rangs ou dans l'interrang prospecté, qu'elle soit en vol ou posée, est dénombrée et son positionnement localisé à l'aide d'un GPS. Le référencement GPS permet de connaître l'heure précise d'observation de chaque abeille ;

- lorsqu'une autre culture en fleur était identifiée à proximité du rucher, la densité d'abeilles y a été évaluée grâce à des dénombrements d'abeilles dans la parcelle. Ces autres cultures étaient du tournesol semence (deux sites en 2013), du tournesol (deux sites en 2014) et de la luzerne (un site en 2014). Les mesures de densité d'abeilles étaient réalisées sur quatre placettes de 20 mètres linéaires sur un rang ou un mètre de large (protocole adapté selon la culture) ;

- en 2014, les ruches étaient équipées de trappes à pollen (analyses en cours).

Réalisation de 116 prospections

Les mesures des données climatiques et les observations dans les parcelles duraient environ deux heures. Les prospections ont été réalisées à différentes plages horaires de la journée afin d'acquérir des données depuis le début de journée (à partir de 8h30) jusqu'à la fin de la journée (jusqu'à 20h30). Aucune observation n'a été réalisée les jours où un traitement phytosanitaire était appliqué sur les parcelles de maïs doux (maïs grain non concerné car non traité à cette période).

Avant chaque prospection dans les parcelles, une première observation était réalisée devant les ruches afin de s'assurer que les abeilles présentaient bien une activité.

Pour chaque dispositif, de nombreuses informations ont été recueillies (nombre de ruches, distance entre la ou les parcelles suivies et le rucher, description de l'environnement, etc.).

Chaque dispositif a été suivi deux à cinq jours (selon les lieux) à raison de deux, trois ou quatre prospections par jour.

Au total, les suivis ont été réalisés dans dix dispositifs, soit quatorze parcelles prospectées situées à proximité de dix ruchers différents. Les 116 prospections réalisées en trente-deux jours représentent une distance parcourue de plus de 550 kilomètres à pied.

Résultats obtenus

Présence très variable, des paramètres à analyser

Les densités d'abeilles observées dans les parcelles de maïs grain ou de maïs doux oscillent entre moins d'un individu observé par hectare dans 40 % des situations et un maximum de 164 abeilles par hectare dans la situation la plus élevée. Ce premier résultat montre que la présence d'abeilles dans le maïs et le maïs doux n'est pas systématique, et ceci malgré des conditions a priori favorables à leur présence (ruches à proximité des parcelles en période de floraison).

De fortes variations de densité d'abeilles sont observées en fonction du lieu, de la date et de la période de prospection dans la journée.

Il est donc nécessaire de caractériser plus finement la présence ou l'absence d'abeille en fonction des principaux facteurs : attractivité des adventices présentes dans la parcelle, attractivité des cultures environnantes, conditions climatiques, plage horaire de réalisation de la prospection.

Adventices en fleur dans les champs de maïs : certaines dicotylédones y attirent les abeilles

Certaines fleurs d'adventices présentes au sein d'une parcelle de maïs peuvent être visitées par des abeilles. C'est pourquoi les adventices ont fait l'objet d'une attention particulière lors des prospections.

Aucune abeille n'a été observée sur les fleurs d'adventices graminées pourtant largement présentes dans certaines parcelles. En revanche, trois parcelles présentaient des zones avec une présence d'adventices dicotylédones en fleur en quantité significative. Les espèces floristiques ont alors été identifiées.

Ces observations, bien que basées sur une faible taille d'échantillon, suggèrent que des abeilles peuvent être présentes dans une parcelle si certaines adventices attractives (le chardon, par exemple, mais pas la renouée liseron) sont au stade floraison. Dans ces situations, la densité d'abeilles observée sur adventices est alors influencée par d'autres facteurs que ceux inféodés à la culture.

La présence de certaines adventices dicotylédones en fleur - dont la liste mériterait d'être établie - est un facteur suffisant pour expliquer la présence d'abeilles dans la parcelle, quelle que soit la culture.

Les densités d'abeilles sur maïs ou maïs doux semblent ne pas dépendre de celles fréquentant les cultures environnantes

Une culture autre que le maïs située à proximité des ruchers et étant au stade floraison au moment des périodes de suivis était présente dans quatre dispositifs. Des comptages d'abeilles ont été réalisés dans ces quatre situations en présence des cultures suivantes : tournesol semence, tournesol et luzerne.

Les densités de population mesurées lors des prospections sur les deux cultures (maïs ou maïs doux et l'autre culture en fleur) ont été comparées. Aucune corrélation - ni positive, ni négative - n'a pu être mise en évidence entre la densité d'abeilles observée sur maïs ou maïs doux et la densité d'abeilles observée sur la culture environnante (tournesol ou luzerne) pour une même prospection (même site, même tranche horaire), même si là encore, les tailles d'échantillon sont modestes.

Beaucoup moins d'abeilles dans les maïs que dans le tournesol ou la luzerne

En revanche, cette comparaison permet de mettre en évidence la très grande différence de densité d'abeilles selon les cultures. En moyenne, à un instant donné, la densité d'abeilles observée en parcelles de tournesol est 1 500 à 2 000 fois supérieure à la densité d'abeilles observée dans les parcelles de maïs ou de maïs doux. Sur la parcelle de luzerne suivie, les abeilles étaient absentes lors d'un comptage (et absentes aussi du maïs) ; lors du second, dix-neuf abeilles étaient dénombrées dans le maïs pour 1 250 dans la luzerne, soit un rapport de 1 à 66.

Ces mesures doivent être considérées comme des valeurs instantanées, sans prise en compte du temps de présence des individus dans la parcelle pour l'activité de butinage (la durée de présence d'une abeille sera sans doute influencée par la culture et selon si la collecte concerne le pollen ou le nectar).

Influence des conditions météorologiques

Toutes les observations ont été réalisées dans des conditions a priori favorables à l'activité des abeilles : température supérieure à 15 °C, vent inférieur à 15 km/h, absence de pluie. À chaque prospection, les conditions météorologiques de la parcelle sont décrites via la mesure des principaux critères : température et humidité de l'air, vitesse du vent, rayonnement.

Malgré le grand nombre de références acquises dans des conditions variées, il n'est pas possible de mettre en évidence le ou les facteurs météorologiques susceptibles d'influencer directement et significativement la densité d'abeilles dans le maïs ou le maïs doux.

Évolution de la densité d'abeilles en fonction de l'heure de la journée

Sur l'ensemble des données acquises durant les deux années, 77 % des abeilles ont été observées avant 14 heures (Figure 1).

L'analyse des données montre que la majorité des abeilles sont observées avant 14 heures quasiment tous les jours. Seuls trois jours (sur trente-deux) présentent un profil légèrement différent avec une plus forte proportion d'abeilles observée en début d'après-midi.

Ces trois jours se caractérisent soit par une pluie dans la matinée, soit par des conditions météorologiques exceptionnelles (humidité de l'air élevée et température basse avec une moyenne journalière inférieure au cinquième centile sur les trente dernières années). En exceptant ces trois jours de prospection aux conditions climatiques particulières, et du reste non propices aux traitements de la culture, la proportion d'abeilles observées avant 14 heures s'élève alors à 90 % (Figure 2).

Explications possibles de ces horaires

Les connaissances acquises concernant la physiologie du maïs ont permis de décrire précisément la dynamique de libération du pollen de maïs(3). Dans des conditions normales de température de l'air et d'humidité de l'air, la quantité maximale de pollen de maïs est libérée environ 5 heures après le lever du soleil (Figure 3). Ces conditions proches de la normale ont été rencontrées dans la grande majorité des jours de suivis.

Le pic d'émission de pollen ayant pu avoir lieu entre 12 heures et 13 heures, il est parfaitement logique d'observer les abeilles dans le maïs et le maïs doux majoritairement autour de cette plage horaire. C'est la période de la journée où les anthères sont plus faciles à prospecter pour les abeilles et avant que le pollen ne soit libéré dans l'environnement. Une fois le pollen de maïs (plante anémophile) libéré par les anthères, il devient plus difficile pour les abeilles de collecter le pollen.

En revanche, lorsque l'humidité de l'air est élevée (>65 %) et la température faible (<20 °C), la libération du pollen dans l'environnement est limitée, ce qui peut rendre les conditions propices à la collecte de pollen par les abeilles.

Ces conditions météorologiques exceptionnelles ont été rencontrées les 20 et 21 août 2014 (températures moyennes journalières d'environ 18 °C). Ces jours-là, les plus fortes densités d'abeilles ont été observées en début ou milieu d'après-midi. Cela confirme que les conditions météorologiques influencent la dynamique de libération du pollen et peuvent donc avoir une incidence sur la présence des abeilles dans le maïs.

Ces conditions météorologiques sont cependant exceptionnelles. De plus, elles peuvent être facilement caractérisées grâce à la mesure de la température et de l'humidité de l'air.

Répartition géographique des abeilles au sein de la parcelle

Les abeilles ont été très majoritairement observées dans les bordures des parcelles, notamment celle située du côté du rucher. En moyenne, la densité des abeilles dans la zone de prospection comprise dans les onze rangs de bordures de la parcelle varie entre plus du triple (pour les deux rangs de bordure) et plus du double (pour les rangs 10 à 11) de la densité dans la zone centrale de la parcelle (Tableau 1).

À noter que lorsqu'une zone de la parcelle présente un stade végétatif différent par rapport au reste de la parcelle, la répartition des abeilles peut alors être influencée. Ainsi, lors d'une prospection réalisée en fin de période de floraison de la culture, des densités d'abeilles plus importantes ont été observées dans une zone centrale d'une parcelle de maïs doux où les plantes présentaient un important retard dans le stade de développement (zone humide).

En règle générale, si la culture présente un stade homogène dans la parcelle (ce qui est recommandé pour obtenir un bon niveau de rendement), la densité d'abeilles est en moyenne trois fois plus élevée dans les premiers rangs de bordure que ceux situés en zone centrale de la parcelle.

Observation des autres pollinisateurs

La réglementation actuellement en vigueur concernant l'application des insecticides et acaricides en période de floraison (arrêté du 28 novembre 2003) mentionne également les autres pollinisateurs et la période de production d'exsudats, dont principalement le miellat pour la culture de maïs. Concernant les autres pollinisateurs, les abeilles sauvages et bourdons observés lors des prospections des parcelles de maïs et de maïs doux ont été recensés. Les informations collectées sont données à titre indicatif, aucune identification n'ayant été réalisée par un entomologiste.

Au total, seule une dizaine d'abeilles sauvages ont été observées au cours de l'ensemble des prospections, excepté les abeilles solitaires observées en plus grand nombre dans la zone de la parcelle avec présence de chardons.

Les bourdons ont été très rarement observés. Seul un site présente un nombre plus élevé de bourdons, particulièrement au cours d'une prospection. À noter que près de 80 % de ces bourdons ont été observés en bordure de parcelle.

Le miellat de puceron

Concernant la période de production de miellat, un des objectifs de l'étude était d'analyser l'influence de la présence de miellat sur la fréquentation des abeilles dans la parcelle. Les plantes porteuses de pullulation de pucerons ont donc été recherchées lors des prospections. Cependant, les conditions rencontrées au cours des observations n'ont pas été favorables à la pullulation de pucerons sur maïs et maïs doux. Le nombre de plantes porteuses de miellat est resté très limité.

Aucune présence d'abeille n'a été constatée sur les quelques plantes de maïs ou de maïs doux présentant une quantité significative de pucerons.

Principaux enseignements de cette étude

Des abeilles présentes dans les maïs

Cette étude a été réalisée dans dix sites différents, chaque site comprenant une parcelle de maïs ou de maïs doux au stade floraison située à proximité de ruches (entre 5 m et 1 750 m selon les sites). Les observations ont été réalisées dans quatorze parcelles différentes au cours de 116 prospections réparties en trente-deux jours en 2013 et 2014. Au cours des périodes de suivis, les conditions météorologiques ont été variées mais toujours favorables à l'activité des abeilles.

Bien que restreint à deux années et « seulement » quatorze parcelles, quelques enseignements préliminaires peuvent être tirés de ces observations.

Dans ces conditions a priori optimales du point de vue de la fréquentation par les abeilles, des abeilles ont été effectivement observées dans les parcelles de maïs et de maïs doux.

Une fréquentation moindre que dans d'autres cultures en fleur

Cependant, elles sont nettement moins nombreuses qu'ailleurs :

- les densités d'abeilles mesurées dans les parcelles de maïs et de maïs doux sont largement inférieures à celles mesurées sur d'autres cultures en fleur comme le tournesol et la luzerne ; aucun élément ne permet de distinguer le maïs du maïs doux ;

- malgré la proximité entre les ruches et les parcelles de maïs et de maïs doux au stade floraison et les conditions météorologiques favorables à l'activité des abeilles, la présence d'abeilles dans les maïs ou maïs doux n'est pas systématique ; la densité d'abeilles est nulle ou inférieure à un individu par hectare dans 40 % des prospections.

Observées surtout avant 14 heures, en bordure et en présence de certaines adventices dicotylédones en fleur dans la parcelle

De plus, la densité d'abeilles observée dans le maïs et le maïs doux varie visiblement selon les facteurs suivants :

- l'heure de la journée ; près de 90 % des abeilles sont observées avant 14 heures sauf en cas de conditions météorologiques exceptionnelles (pluies et/ou températures froides par rapport aux normales de saison) ;

- la localisation dans la parcelle ; les abeilles restent localisées en grande majorité dans les rangs de bordure ; les densités d'abeilles observées au centre de la parcelle sont en moyenne trois fois plus faibles que celles observées dans les rangs de bordures.

Les conditions météorologiques ne semblent pas influencer directement la densité d'abeilles dans la parcelle. En revanche, elles influencent la dynamique de libération du pollen de maïs qui peut avoir des conséquences sur la densité d'abeilles observée dans la parcelle.

La présence de certaines adventices dicotylédones en fleur - par exemple le chardon - peut influencer très fortement la densité d'abeilles présentes dans la parcelle, indépendamment des autres facteurs. Mais cela ne concerne pas toutes les dicotylédones. Il serait justifié d'établir une liste des adventices réellement attractives pour les abeilles.

(1) Odoux J.-F. et al. - Territorial biodiversity and consequences on physico-chemical characteristics of pollen collected by honey bee colonies. (2) Danner N., Hartel S. and Steffan-Dewenter I. - Maize pollen foraging by honey bees in relation to crop area and landscape context. Basic and Applied Ecology (2014). (3) Marceaux A. et al. - Modelling diurnal and seasonal patterns of maize pollen emission in relation to meteorological factors, Agricultural and Forest Meteorology (2011).

Fig. 1 : Les horaires des abeilles, toutes parcelles confondues

Données acquises durant les 31 jours de prospection en 2013 et 2014 sur quatorze parcelles. Le nombre d'abeilles est ramené à la surface prospectée (839 abeilles, surface prospectée équivalente à 66 ha). 77 % des abeilles ont été rencontrées dans les maïs et maïs doux avant 14 heures.

Fig. 2 : Les horaires des abeilles en conditions normales

Données acquises durant les 28 jours sans pluie le matin et durant lesquels les températures moyennes étaient supérieures au 5e centile (668 abeilles comptées).

Dans ces conditions, 90 % des abeilles ont été rencontrées dans les maïs et maïs doux avant 14 heures.

Fig. 3 : Pollen de maïs : une émission quotidienne

L'heure zéro est celle du lever du soleil. Cette figure montre que le pic d'émission de pollen se situe environ 5 heures après.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Il est connu que les abeilles domestiques peuvent à l'occasion butiner les maïs lors de leur floraison (présence de pollen de maïs dans les ruches), mais les conditions de leur fréquentation étaient ignorées.

Or connaître celles-ci pourrait permettre d'ajuster les conditions de traitements phytosanitaires afin de ménager ces abeilles.

ÉTUDE - Un suivi a été réalisé lors de la floraison des maïs et maïs doux (ce dernier pouvant être traité à cette période). Sur quatorze parcelles de dix sites (trois en 2013, sept en 2014), toutes proches de ruchers, des comptages d'abeilles ont été réalisés avec localisation GPS. Différents paramètres ont été notés et analysés.

RÉSULTATS - Il en ressort que la présence d'abeilles dans les maïs est possible, mais elle n'est pas systématique et reste dans tous les cas limitée. Certains paramètres ont été identifiés pour expliquer la variabilité des résultats. Dans le temps, l'heure est un paramètre important, 77 % des abeilles étant vues avant 14 heures, et même 90 % les jours sans pluie et à température moyenne supérieure à 18 °C. Dans l'espace, les abeilles se cantonnent majoritairement dans les rangs de bordure. Certaines dicotylédones en fleur (ex. : le chardon) les attirent dans la parcelle plus que la culture elle-même.

MOTS-CLÉS - Abeilles, maïs, maïs doux, pollen, floraison, présence,comptage, horaire, adventices dicotylédones, chardon.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS : *J.-B. THIBORD, G. MARQUES, M. DIONISI, Arvalis-Institut du végétal. **V. BRETAGNOLLE, Centre d'études biologiques de Chizé, UMR 7372 - CNRS & université de La Rochelle.

CONTACT : jb.thibord@arvalisinstitutduvegetal.fr

VERSION INTÉGRALE : La version intégrale de cet article, avec le détail des protocoles et plusieurs figures non montrées ici, est disponible auprès de son premier auteur (« contact » ci-dessus).

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